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  • D'un casse-tête

    Casse tete

     

     

     

     

     

        Comme il est dur de changer les gens! On a les solutions, pour que la vie soit meilleure et même pour que le plus grand nombre soit plus heureux, mais on est forcé de garder pour soi ce que l'on sait; on est condamné au mutisme, ou peu s'en faut, et chaque jour on voit se répéter les mêmes erreurs, les mêmes pièges et donc les mêmes larmes, les même cris, les mêmes désastres!

        C'est que l'orgueil, ou l'amour-propre, empêche l'écoute, la docilité, le changement, le progrès; chacun tenant à se montrer le plus fier, le plus fort, comme ayant le mieux réussi! Chacun aurait l'impression de s'humilier, s'il venait à demander conseil, s'il se présentait diminué, désemparé... et on en veut à ceux qui nous ont vus ainsi!

        Il n'est pas question non plus d'imposer les remèdes, de menacer, de terroriser, même si c'est la raison qui nous guide, même si le but que l'on veut atteindre est le plus louable qui soit! Que serait un sage qui s'inquiéterait? qui réclamerait comme n'importe quel quidam, comme n'importe quel égoïste primaire, son droit de parole, sa juste place dans la société, les égards qui lui sont dus?

         Ce serait un sage illogique, absurde, inconséquent, qui prônerait la modestie, la patience, avec morgue et colère! Il ne serait pas une bonne enseigne pour sa pensée, une bonne publicité pour son savoir! Il vaut mieux que le sage attire justement par sa différence, sa force mystérieuse, sa beauté même! Il doit être un questionnement pour les gens, une sorte d'extraterrestre! On doit se demander comment il fait, quel est son secret?

        On doit avoir envie de le regarder, de le croiser, de susciter son attention! On doit vouloir s'en faire remarquer, car on doit penser que son œil compte, que son avis est important! Que serait un sage qui ne serait pas l'image même du bonheur qu'il est censé posséder? Il serait comme un psychiatre ou un nutritionniste qui fument! à peine plus qu'un charlatan!

        Mais même si le sage provoque l'intérêt, il ne peut brusquer et il intervient beaucoup moins qu'il n'est témoin! Pour qu'un individu accepte de changer, il faut qu'il soit placé devant une impossibilité, une impasse, et peut-être même faut-il qu'il soit "anéanti", que ses défenses soient brisées, que son orgueil ait disparu!

        Tant que les conditions de vie sont les mêmes et surtout si celles-ci sont confortables, l'homme ne voit aucune raison d'évoluer, de "s'ouvrir" à la nouveauté (ceci ne concerne pas les gadgets) et encore moins de se laisser conduire! L'histoire est riche d'exemples qui illustrent bien ce quasi principe!

        Revenons aux événements les plus extraordinaires et les plus dramatiques qui ont touché l'Europe et sans doute l'humanité! A peine la deuxième guerre mondiale est terminée, que le peuple anglais limoge son guide, son défenseur, son meneur, Winston Churchill! Il ne reste pas un jour de plus en place!

        On lui avait remis les clés de la maison, quand l'ombre d'Hitler la couvrait en entier, mais sitôt le soleil revenu, l'orgueil de chacun reprend ses droits, crie de nouveau famine! Dehors le leader, on n'a plus besoin de lui! N'avaient été les bombes, l'autorité d'un seul aurait été insupportable!

        Ce fut différent en France, où l'écrasement, le malheur fut plus complet, fut radical; où on ne fut pas moins menacé que d'"extinction"! La France de Vichy, c'est la nuit, c'est la trahison qui s'ajoute à la défaite; la honte à la terreur! On ne peut pas tomber plus bas! Il n'y a aucun honneur auquel se raccrocher, aucune compensation à la reddition! Cela n'a été qu'un renoncement, un glissement de vieillard!

        Aussi, du fond de son cachot, la France désespérée salue-t-elle la lumière du général de Gaulle, comme celle du sauveur! Elle ne veut que lui! Elle ne veut être conduite que par lui! Car l'épreuve l'a anéantie! Son orgueil n'existe plus! Elle veut simplement "boire", respirer, et le général est son eau, son air! Elle sera docile, elle lui obéira!

        Et le général construira sa politique grâce aux referendums, au soutien, à l'amour, au respect de la population, pour celui qui l'a libérée, qui a mis fin à son cauchemar! Cela durera des années! Tous les chefs de parti, qui rêvent du pouvoir, devront se plier à cet hommage, à cette façon de faire; devront reconnaître l'autorité, la suprématie du général, jusqu'à ce qu'il "tire trop sur la corde"!

        En 1969, lors d'un referendum sur les régions, il dira:" Françaises, Français, dans ce qu'il va advenir de la France, jamais la décision de chacune et de chacun de vous n'aura pesé aussi lourd!" Comment le général peut-il faire croire que dans une réforme administrative, il y va comme à la libération du pays? La situation a bien changé; depuis longtemps déjà le quotidien est redevenu rassurant, l'effroi est bien derrière!

        Les paroles du général jettent même un voile sur sa conduite passée, puisque la gravité d'hier semble confondue avec la tranquillité d'aujourd'hui! Et la sanction tombe: le referendum est hostile au général, de sorte qu'il démissionne! Le prophète s'en va de lui-même, après s'être inexplicablement discrédité! Mais cette histoire d'amour était sans doute trop forte, pour que le général accepte un refroidissement, et c'est une rupture, sèche!

        Cependant, les catastrophes naturelles produisent un terrain également favorable à la diminution des égoïsmes... Faut-il entasser des sacs, pour empêcher l'eau d'envahir la ville? Et voilà tous ses habitants mobilisés, soudés, retrouvant le sens du mot solidarité; et même plaisantant, présentant tous les signes du bonheur, malgré le danger! C'est que celui-ci focalise l'attention, enlève le poids des tourments quotidiens, clarifie pleinement la voie à suivre, ce qui en définitive apaise et responsabilise!

        Bien sûr, il y a toujours des esprits contraires, des brebis radicalement galeuses, qui voient au contraire dans le moment une occasion supplémentaire d'accroître leur profit, leur pouvoir; mais, dans l'ensemble, les circonstances exceptionnelles, si elles ne nous détruisent pas, nous rendent meilleurs, selon la formule presque consacrée aujourd'hui. 

        Mais cela veut dire que tant que l'environnement ne change pas, nous ne sentons nul besoin de grandir, et pourquoi alors se contrarier? C'est donc à un tumulte journalier, à une ménagerie bruyante et féroce, qu'assiste le sage, en se demandant quel pourrait être son rôle, s'il sert vraiment à quelque chose et ses questions peuvent finir par l'étioler, comme une fleur qui ne peut pousser faute d'espace!

        Prenons par exemple un problème qui préoccupe en ce moment l'actualité, celui du gouffre produit par les aides sociales! Il est normal que Macron, qui veut rétablir la puissance de la France et son équilibre, soit horrifié par ce budget aussi bigarré que colossal! Il est normal encore qu'il s'interroge sur la valeur, la nécessité de ses aides, car elles sont sans pareilles dans le monde vraisemblablement, et nous savons combien ailleurs il faut lutter pour vivre et que même le sens de l'existence ne peut se passer de cette lutte!

        Notez cependant un signe inquiétant chez Macron, c'est qu'il peine à formuler exactement ses phrases, ce qui traduit son impatience et son manque de sang-froid, tant il est vrai que s'énonce bien ce qui se pense bien et précisément! L'inexpérience et même l'immaturité de Macron seront certainement pour nous, comme pour lui, la source de bien de déconvenues et de chagrins!

        Mais de l'autre côté, face à lui, il y a bien entendu les ardents défenseurs de ces mêmes aides sociales, et qui crient aussitôt au président des riches, comme si on les égorgeait au coin d'un bois! Ceux-là, on les comprend aussi, mais nous savons tous que "ça" ne peut pas continuer comme ça; que nous sommes trop privilégiés, que nous vivons au-dessus de nos moyens, etc.!

        Il faut donc des réformes, mais le problème est autrement plus complexe qu'il n'y paraît, comme le sait le sage. De même qu'on ne pourra pas résoudre le réchauffement climatique, uniquement en diminuant les gaz à effet de serre, de même on ne peut traiter la pauvreté uniquement sur le plan économique... Il faut voir d'une manière bien plus profonde et considérez par exemple ceci...

        Beaucoup de bénéficiaires du RSA sont des exclus; ils ont été écrasés par l'égoïsme ambiant, en fait des plus forts! Ce qu'ils demandent d'abord, c'est un peu de sécurité, afin de panser leurs plaies! Mais cela veut dire qu'on ne pourra éradiquer la pauvreté, si on ne travaille pas à une justice plus générale, ce qui implique un changement dans les comportements, qui ne pourra lui-même se faire sans donner les raisons qui font que l'égoïsme constitue une impasse, en étant incapable de nous rendre heureux! Ouf!

        Imaginez le sage expliquant cela, en plein débat sur la question! Il ne serait même pas entendu, tant les passions sont fortes! On se demanderait quel doux dingue il est! Et on passerait rapidement aux choses sérieuses, à l'affrontement musclé, et on n'apporterait rien de solide pour l'avenir!

       Le sage doit donc en prendre son parti; il sera toujours en butte à l'incompréhension... et même à la haine! En effet, le bonheur et la paix du sage, qui apparaissent comme sa réussite, suscitent bien des jalousies et donc de la colère et du mépris! Ce sont les ingrédients du même poison!

        Les plus voraces d'entre nous ne cherchent pas à comprendre, mais à détruire! Ils suspectent aussitôt le sage de mille travers, de mille fourberies, car pour eux une telle santé, un tel éclat ne peut que venir d'une tromperie... C'est comme une injure à leur propre intégrité! Et comme ils sont prompts à faire valoir leurs qualités, leurs efforts, leur valeur! Ils pourraient même faire trembler Fouquier-Tinville, tellement ils sont persuadés d'être justes!

        Il ne viendrait même pas à l'idée de ces mêmes violents que c'est justement leur avidité, la férocité de leurs appétits, qui les condamne et en fait des âmes en peine! La sagesse est accessible à tous, il suffit de vouloir la comprendre et l'acquérir! Mais même cela donne la nausée et provoque le dégoût de cette France irascible et tout le temps inquiète!

        Là encore le sage est poussé vers le calme de la nature, où sûrement Dieu se repose! Le sage reprend ses esprits au contact de la beauté des fleurs et des animaux... et il pourrait céder à la mélancolie des solitudes, si lui-même n'était pas au fond un homme comme les autres, que le printemps influence et fait fleurir!

        Car le sage a dû gagner en force, à la suite de l'hiver! Si ce n'est pas le cas, il était et est sur la mauvaise voie! Pour son plus grand plaisir, il doit être maintenant capable de dire à certains leur fait! La clarté de son jugement, la finesse et l'étendue de sa compréhension doivent éclater au grand jour! Car c'est celui qui est proche de la vérité qui est le maître! Car le monde n'est pas abandonné au chaos et aux mensonges! 

        Le tumulte des villes ne règne pas sous les nuages; tout au plus peut-il avoir cette illusion! Le sage est la lumière du monde, car lui-même a cherché la lumière! Sa force, sa paix témoignent de la bonne direction de ses pas... et peu importent les rages et les grincements de dents, de tous ceux qui le jalousent et ne veulent pas l'imiter!

        Le sage doit à présent être capable d'essuyer la contradiction, la mauvaise foi, le reproche et la haine! La fleur de la sagesse a gagné en maturité et en solidité, sinon elle ne poussait pas dans le bon sens! Ce qui l'effrayait hier doit maintenant lui faire hausser les épaules; ne pas lui donner de sueur froides, ou l'envie de fuir!

        C'est le sage qui sait, c'est lui qui possède le monde, car celui-ci est aussi gouverné par la sagesse! Le sage, de par sa perfection, en est le garant! Ce n'est pas le violent, celui qui crie, qui est amer, ou même sournois, qui commande! même s'il en donne l'impression!

        Le sage n'en finira pas d'être toujours plus tranquille, et plus heureux! Les conditions de la vie lui feront toujours de moins en moins peur... Il se dégagera de lui comme un parfum d'éternité, et pour celui qui sait regarder, un espoir sans bornes!

        Le sage pourra réduire le tyran à la taille d'un petit pois, et lui montrer que sa vie, que les honneurs qu'il croyait posséder, ne sont rien! que la puissance dont il se targuait a disparu! Le sage fait voir que le vent emporte le méchant (ou la méchante bien entendu!), qu'il suffit d'un souffle pour le chasser!

        Le sage est utile à la société sans qu'elle s'en doute et donc le reconnaisse... Il organise, il solidifie, il répare, il construit sans le dire, sans le revendiquer... Il travaille aussi à la justice, mais sans haine et sans s'énerver... Il est comme un trésor au-dessous des vagues; il est comme un baume dans le flot des blessures!   

  • Sur Rimbaud

    Rimbaud

     

     

     

     

     

        "Reprenons les chemins d'ici, chargés de mon vice...", disait Arthur Rimbaud et oui, reprenons cette chronique, mais pour parler justement du poète légendaire!

        On a bien entendu beaucoup dit sur le personnage, car il est fascinant (quoique l'oubli accomplisse son œuvre...) et surtout on trouve à son sujet beaucoup de bêtises! Certains, pour expliquer son insuccès, l'ont qualifié de génie impatient, car la société est juste et nous brûlons tous de reconnaître le vrai talent!

        Nous ne sommes pas guidés par notre égoïsme, comme je l'ai déjà maintes fois démontré, et si Rimbaud, ma foi, avait bien voulu attendre, se contenir un tant soit peu; s'il s'était montré raisonnable, comme tout citoyen qui se présente aux portes de la vie et qui prend le nom d'homme, eh bien, nul doute que serait venue la reconnaissance, les honneurs, la célébrité! La justice n'est qu'une question de temps; elle n'a pas à lutter contre l'avidité générale, et bref, dormez braves gens, tout va bien! Le mal est une invention des fanatiques et "quand on veut, on peut"!

        Certains sont tellement hypocrites, qu'ils bâillent assis sur le faible!

        D'autres, plus sévères, plus responsables aussi, accusent, montrent du doigt et traitent Rimbaud de déserteur! Ils se placent ainsi d'emblée dans une position supérieure au poète! Mais à quel devoir aurait manqué celui-ci? Mais, monsieur est parti en Afrique, alors qu'il y avait la société de demain à construire ici! Monsieur a préféré mettre son intelligence au service de je ne sais quel négoce! Il a renié son génie pour l'aventure!

        Egoïste, va! Le confort de nos pays ne favorise-t-il pas les affres de la conscience? La recherche de notre identité, une fois notre ventre rempli, ne requiert-elle pas tous les talents? Oh! Rimbaud, n'aurais-tu pas voulu siéger au parlement européen, en compagnie de MAM ou de Rachida Dati?

        Et Houellebecq, et d'Ormesson, et France culture?

        Ceux qui traitent Rimbaud de déserteur auraient été les premiers à le mépriser et à vouloir le détruire, s'il avait rejoint leur rang! "Ses ailes trop grandes" auraient fait éclater leur médiocrité! Comment peut-on être aussi aveugle sur soi et sur le monde? Mais "quand le loup n'y est pas", on passe pour courageux, pour avertis!

        Toutefois, ceux encore qui croient que Rimbaud a été plus heureux en Afrique qu'en France; ceux-là ont bien découvert la terre sèche et la pauvreté noire; mais ils ne s'y sont pas "jetés" entièrement: leur passeport est resté propre et leur bourse bien cachée!

        Vouloir réussir dans le commerce, où les lois sont celles du plus fort, et a fortiori pour une nature d'abord sensible, se révèle forcément un chemin de croix: il faut être né pour ça! Il faut être plus dur que les autres, sans pitié: la réussite est à ce prix!

        C'est bien simple: la dernière photo de Rimbaud pourrait être celle de Seznec à Cayenne!

        Mais là encore on a des voyageurs et des admirateurs du poète, comme de grandes oies blanches, et dont l'affectation n'est pas loin de celle des milieux littéraires des capitales!

        Rimbaud blessé souffre bientôt le martyr... Sur le paquebot qui le ramène en France, sa gangrène est comme en croisière... A Marseille, on lui coupe la jambe et il meurt en s'écriant: "Pourquoi vivons-nous?" Qui voudrait d'une telle fin?

        Allez, on va rafraîchir tout ça! On va en profiter pour en extirper quelque chose d'intéressant, d'utile! On va se servir de notre expérience anonyme, car la perversion ou la cécité ne viennent-elles pas avec la satisfaction?

        Cela commence par "un caprice" de la nature, un "casse-tête" pour la science! Dans un "trou" de province, Charleville-Mézières et dans une famille "rurale" naît un étrange garçon, rêveur, secret et d'une imagination débordante!

        C'est l'enfance, l'adolescence, l'éveil des forces et des sens, comme les jeunes animaux se découvrent, et le poète apprend à connaître son bizarre instrument: c'est assez rigide à cause des mots, de la grammaire, mais par contre, oh là, l'idée fuse! La vison est infinie! Elle est ici sur la fleur et attention! elle est maintenant sur Mars! dans un cratère! Ou bien elle accompagne les morts, qui marchent péniblement! Ou bien elle sourit à la baleine!

        Elle a la vitesse de la lumière! Elle est même peut-être plus rapide qu'elle! Toutes les fêtes sont possibles! Le poète s'émerveille de son don: "Oh là là! Que d'amours splendides j'ai rêvées!" C'est une danse de l'esprit! Un enchantement! Une valse!

        L'énergie semble inépuisable! La verdeur de la vie foisonne! On fait tourner le vers autour de son doigt: on est comme un forgeron des mots! On frappe l'incandescence! On la trempe et on la jette en pâture, comme un diamant qui roule! Allez, dégustez! Je suis le plus fort! Tu veux quoi, mon bonhomme? Des topazes, des rubis, des émeraudes? Tiens, prends!

        Ivresse!

        Le printemps, c'est la fête de la lumière! C'est le bourgeon qui éclate en fleur! Et puis...

        Et puis, brusquement, tout est gris! Il y a des bruits de cachots! des murmures! Il y a le vent contraire, qui n'en finit pas! On peine à marcher! On ne comprend pas! Pourquoi soudain toute cette misère? cette pesanteur? Hier, on volait! Aujourd'hui, on a froid, on boit sa soupe, en silence, sous l'œil goguenard de quelques uns!

        Que s'est-il passé? Voyons voir: "Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin...", mais maintenant? Quelle marche ai-je loupé? J'ai pourtant donné le meilleur de moi-même! Comprends pas!

        Qu'est-ce que je suis fatigué? J'ai l'impression d'avoir mille ans! "Moi qui me suis dit mage ou ange, me voilà avec un devoir à chercher!" C'était si bon là-haut! C'était si fort!

        En fait, chacun est appelé à mûrir et à découvrir les autres... Le monde ne tourne pas autour de nous! Il est là, ici, là-bas... Il est constitué des aspirations de tous; il est le fruit de tous les égoïsmes et de toutes les sagesses! Il est impossible de le transformer tel qu'on le voudrait... C'est plutôt à nous de nous adapter!

        Et d'abord, qu'est-ce qui nous blesse, nous use, nous détruit? C'est bien sûr nos névroses, nos failles, nos peurs , nos traumatismes! Qui viennent d'où? Mais de toute la chaîne de l'évolution humaine! Chaque homme est conduit à se développer et s'il refuse de s'améliorer, parce qu'il préfère jouir de ses appétits, nier ses peurs, il est pour les autres "à charge"! Il est une source de blessures, de désordre, de chaos, de peines!

        Nos tourments nous épuisent et nous font penser ou écrire des bêtises...: "Par l'esprit, on va à Dieu! Déchirante infortune!" s'écrie Rimb, qui n'avait pas son pareil pour la formule!

        Mais pour qui prend-il Dieu? Pour un usurier, un sadique, un esclavagiste? Celui qui se pacifie voit très bien qu'il n'y a pas d'opposition entre la chair et l'esprit! On peut renoncer au sexe, ou tout du moins s'en méfier, mais parce qu'on comprend qu'il peut conduire à l'égoïsme, à la domination! Mais alors, cela n'a rien de "déchirant"! C'est voulu, compris, senti comme un progrès! Il n'y a là rien de forcé!

        Rimb refuse la morale, l'effort "chrétien", "Patience et science, le supplice est sûr!" dit-il. Mais la sagesse n'est pas une souffrance! C'est une harmonie! C'est une joie, une paix, ce que désirait justement Rimbaud, être heureux!

        La vie est faite pour nous, pour qu'on "s'y sente bien". Les animaux s'y épanouiraient et pas nous? Cela n'a pas de sens!

        Et la sagesse n'est pas le seul fruit de la religion! Tout le monde peut y avoir accès, à condition de le vouloir, et cela ne demande que de l'observation et un peu de jugeote! Les lois sont simples! Si nous voulons satisfaire notre égoïsme, c'est-à-dire dominer ou nous montrer supérieurs, nous ne pouvons pas ne pas devenir un tyran et ne pas faire le mal! (car chacun bien entendu veut être le chef!)

        Mais comment alors être en paix ou heureux, si on veut calmer les vagues, les aplatir, les diriger, les contrôler?

        Comment ne pas être gagné par la haine et le mépris, quand on veut dominer le monde?

        L'orgueil souffrant, l'amour-propre blessé, calculateur; la parade, ce sont les gangrènes de nos sociétés!

        Rimbaud est sans doute impatient, mais partir en Afrique n'est pas, comme il croit, un chemin vers l'arc-en-ciel; ce n'est pas le refus du dur labeur quotidien; mais c'est encore un coup de cravache, d'éperon qu'il se donne! Il continue à se faire mal!

        Il veut montrer qu'il peut être un bon commerçant, que ses employeurs pourront être fiers de lui! Oui da, le poète sait aussi travailler avec ses mains! Vous allez voir! Passez-moi la faux et vous verrez que j'arriverai avant vous au bout du champ! Le paysan regarde le phénomène... et le prend en pitié!

        Il s'agit de se connaître, de s'accepter tel qu'on est! On est une personnalité, pas mille! On est fait pour certaines choses, pas pour d'autres!

        D'accord, au début, on est dans le brouillard... et on peut même se tuer sur le parcours, tellement on est malheureux! Et j'ai dit que chaque homme qui refuse d'évoluer ajoute au chaos!

        Mais la vie n'est pas faite pour souffrir, elle ne nous est pas hostile par essence! Bien au contraire! La nature est généreuse au-delà même de tout ce que nous pouvons imaginer!

        Je le répète, la beauté est infinie! Et cela devrait être pour nous plein d'enseignements!

        C'est pas le malheur que fuit Rimbaud, c'est le bonheur!

        Son rêve ne devient plus que celui des hommes vides: gagner de l'argent!

        Pourquoi agit-il ainsi? Mais parce qu'il se blesse encore!

        Il y a ceux qui se persuadent que le bonheur est dans leur tyrannie, et s'ils s'ennuient ou sont déçus, ils veulent encore plus de tyrannie! Ils se disent qu'il faut encore en "mettre une couche"!

        _ Le char ne passe pas, mon commandant!

        _ Essayez encore! Appuyez sur l'accélérateur!

        _ On dirait qu'on est passé sur quelque chose!

        _ Oui, des faibles! Ils ont failli nous engluer! A force de fayots sans doute! Ah! ah!

        _ Vous êtes génial, mon commandant!

        Et puis il y a ceux qui, comme Rimbaud, essayent, cherchent, mais qui sont détruits en route!

        L'apaisement a manqué à l'auteur du Bateau ivre... et sa vie et sa mort ont été bien amères! Mais il n'y a pas de fatalité, le malheur n'est pas irrémédiable! Le rêveur génial pouvait continuer à rêver... Il eût suffi que sa gamelle ne fût pas vide! Il n'était nullement nécessaire d'un succès littéraire ou autre...

        De même que la beauté, la découverte de la vie est infinie! La sagesse est certainement la plus formidable aventure qui soit! Les surprises y sont incroyables! Aussi consternantes que grandioses! Cela dépend si elles concernent le gâchis humain, la paresse du plus grand nombre, ou bien si elles portent sur la profondeur, l'exactitude et même la simplicité des lois, de la logique qui nous régissent!

        Et il n'y a là nul enfermement, mais un plaisir qui nous convient parfaitement, une reconnaissance joyeuse et lumineuse!

        La tristesse, l'impasse, c'est la haine, le mépris, la jalousie! C'est la glace, tandis que l'homme paisible n'envie personne, mais s'enchante!

  • Sur le Général

    De gaulle

     

     

     

     

     

        Je ne me rappelle pas m'être dit un jour: "Voilà un homme!", en découvrant la personnalité d'un tel, mais c'est pourtant ce qui m'est arrivé à propos du général de Gaulle, et même je me suis écrié plusieurs fois: "Quel homme!"

        Evidemment, pour comprendre le général, la matière première ce sont ses Mémoires et surtout ses Mémoires de guerre. Celles-ci pourraient d'ailleurs être intitulées: "De Gaulle chez les fous!", puisqu'il va devoir combattre tout le monde, afin de faire triompher non seulement la France, mais même la raison!

        Il va s'opposer bien entendu aux Allemands (ce ne sera malheureusement pas une évidence pour tout le monde...), mais aussi à Vichy, aux Anglais, aux Américains et il lui faudra en plus subir des défections, voire des trahisons, dans son propre "camp" et bref, il deviendra un véritable champion, pour lutter contre toutes les susceptibilités, ce qui demande des ménagements et donc une patience quasi extraterrestre!

        Nous verrons que de Gaulle n'a pas un caractère indomptable et dominateur, mais qu'il est exigeant et obstiné, parce qu'il veut atteindre un but et que celui-ci dépasse les intérêts particuliers, pour mieux servir la France! Cependant, les plus égoïstes, à travers leur hypocrisie, lui reprocheront toujours des ambitions de dictateur; et c'est au fond "l'hospice qui se moque de la charité!"

        Certes, les Mémoires sont la vision d'un seul homme, mais les faits racontés sont si clairs, si logiques qu'ils ne peuvent être éloignés de la vérité, et, en tout cas, ils ne souffrent pas, comme souvent, de ces égotismes d'auteurs qui lassent et qui embrouillent!

        On pourrait encore considérer les Mémoires avec l'œil du psychanalyste, car le général s'identifie étrangement à la France et quand il parle d'elle, il semble aussi parler de lui et vice-versa. Dans son esprit, la France est une mère et aussi sans doute une femme, mais les résultats sont là et les chimères, les troubles, dont la psychanalyse est si friande, n'ont plus leur place!

        Mais commençons cette formidable aventure, qui vaut largement celle d'Ulysse!

        En 1939, le général n'est encore que colonel, mais il est un militaire "moderne"! Pour lui, les guerres ne s'effectueront plus un front s'opposant à un autre, comme en 14, mais par l'action rapide d'une force mécanique, et notamment par les chars, soutenus par l'aviation. C'est que la révolution industrielle a définitivement changé le monde, nous sommes à l'ère de la machine, tandis que l'armée française est encore fière de posséder une cavalerie!

        Le général rassemble ses idées dans un livre, qui est très peu lu, et pourtant celui-ci décrit involontairement la future tactique d'Hitler, pour envahir la France..., mais si on écoutait les prophètes, ils n'auraient sans doute pas lieu d'être!

        Toutefois, ce livre, qui constitue donc un infime événement, serait à l'origine de l'aversion que vouera le maréchal Pétain, à l'encontre de de Gaulle, puisque le "vainqueur" de Verdun aurait voulu en écrire l'entière préface et que de Gaulle lui aurait demandé son parrainage! C'est un malentendu entre les deux hommes et une blessure d'orgueil pour Pétain, qui comme toutes les blessures d'orgueil s'empoisonne, au point de devenir irrémédiable, sans qu'on sache trop bien pourquoi!

        Mais la vision novatrice de de Gaulle a attiré l'attention de Paul Reynaud, le chef du gouvernement, qui était l'homme fort du pays, puisqu'à l'époque le Président de la République ne pouvait que "regarder passer les trains"!

        Voilà donc le général au ministère de la Guerre, comme conseiller, et tel le veut l'usage dès qu'on réussit, en proie aux quolibets et au mépris de généraux de la "vieille garde", qui jugent leur système le meilleur du monde, sans qu'il y ait besoin de changements, ni d'améliorations; ce que viendra confirmer Hitler quelques mois plus tard!

        En effet, le "loup" allemand perce dans les Ardennes, après avoir entraîné le gros des chasseurs sur la Belgique... C'est le fameux "verrou" de Sedan qui saute, sous la pression de quelques division de Panzers, et c'est par là que va couler le navire appelé France!

        Cependant, de Gaulle défend bien son secteur (on a quand même tiré quelques coups de feu!) et à cette occasion il est promu au grade de général (ce qu'on regrettera par la suite!) Mais Paul Reynaud a besoin de lui et le fait appeler, parce que la lucidité, la clairvoyance de de Gaulle est malheureusement en train d'être démontrée, de la manière la plus écrasante qui soit!

        D'ailleurs, le gouvernement est à la dérive: on jette des documents par les fenêtres, pour les brûler et on s'en va, on rejoint tous ceux qui fuient sur les routes! Imaginez de Gaulle, Paul Reynaud et les ministres au milieu de cette cohue, de cette détresse, dont ils ne peuvent pas ne pas se sentir en partie responsables!

        Les vicissitudes du gouvernement durant la débâcle laissent loin derrière celles d'une pièce d'au Théâtre ce soir! On se retrouve dans des châteaux, en rase campagne, sans téléphone, et on se demande où sont les Allemands! Ils progressent sûrement et on déménage jusqu'à Bordeaux, car la "tête" doit rester libre!

        Au bord de la Gironde, deux "partis" se créent! Il y a celui de Reynaud et de de Gaulle, qui veulent continuer la lutte, en installant le gouvernement en Afrique du Nord, qui est encore territoire français à l'époque. En cela, on imiterait les "souverainetés" belge et hollandaise, qui ont trouvé refuge en Angleterre et il n'est pas rare que ce soit les plus petits qui montrent l'exemple!

        Mais le parti opposé, surtout représenté par le généralissime (le commandant en chef) Weygand, et dans lequel vient s'immiscer Pétain, ce parti-là veut à tout prix l'armistice! Si la situation est tendue, car des hommes continuent à se faire tuer, de ce côté on est également persuadé que l'Angleterre succombera comme la France!

        Décrire les débats, les tractations, demanderait tout un livre, et il y en a un qui le fait très précisément, bien qu'il soit légèrement indigeste (mais pour un Français, sur la question, on dévorerait même un fer à cheval!), c'est le livre de William L. Shirer, La chute de la troisième République!

        Shirer était un journaliste américain, correspondant à Berlin, amoureux de la France, et dont le livre phare et extraordinaire est "Le troisième Reich, des origines à la chute". D'ailleurs, Shirer raconte un événement qui concerne de Gaulle et que le général passe sous silence dans ses Mémoires...

        Assez vite, le général comprend que l'armistice va l'emporter et il décide de partir avec l'avion des représentants anglais, qui sont venus se rendre compte des décisions françaises... Mais le général a tellement peur que Weygand donne l'ordre de l'arrêter, qu'il demande d'abord aux Anglais de commencer à décoller sans lui...; puis subitement il court vers l'avion, dans lequel on hisse non sans mal sa "grande carcasse"! C'est par du James Bond à la française que s'envole cette incroyable destinée!

        A Londres, Churchill, qui a connu de Gaulle auprès de Raynaud, lui permet d'utiliser la BBC: c'est le fameux appel du 18 juin! En France, aujourd'hui, on en semble fier, mais à l'époque qui a entendu cet appel dans la confusion? Peu importe! Puisque la France est désormais gouverné illégitimement, le général sera la France! par respect, par amour pour elle!

        Cela veut dire que chaque interlocuteur du général n'aura pas affaire seulement à de Gaulle, mais à la France! et ce qu'elle représente! entre autres la première puissance mondiale au lendemain de 14! Ce n'est que sur cette base que le général pourra rendre à la France, à la fin de la guerre, tout son rang, son rôle et son indépendance! Traiter autrement avec les alliés et le prestige, la grandeur de la France seront entamées!

        Le général sera inexorable, à la plus grande stupéfaction des alliés, mais aussi en provoquant leur irritation, leur colère et même leur haine! Exaspéré, un jour Churchill criera au général: " Pour moi, vous ne représentez pas la France, je ne vous reconnais pas ce droit, vous n'êtes rien!" Mais le général va apparaître encore plus flegmatique que le plus flegmatique des Anglais... C'est au point que ceux-ci se révèlent bien émotifs!

        D'ailleurs, le général décrit les crises anglaises: "Il y a d'abord, dit-il, des conseils, puis des menaces, puis une rupture, jusqu'à ce que le dialogue se renoue... Il suffit d'attendre!" Le général est l'homme courageux qui tient la barre, qui se maintient ferme, quels que soient les coups de boutoirs des événements! Sa figure de proue, c'est la France!

        Mais pourquoi les Anglais finissent-ils toujours par revenir au général? C'est qu'il explique son attitude par des lettres, des télégrammes et ses explications sont d'une telle justesse qu'on ne peut pas ne pas être convaincu! On se rend devant une telle dignité, une telle profondeur de jugement, une telle lucidité, une telle sagesse aussi!

        Mais voilà le colosse américain! avec dans son crâne Théodore Roosevelt! qui n'aime pas de Gaulle! C'est que si Superman sauve le monde, c'est à sa manière, comme il dit, et surtout pas en compagnie d'aventuriers, de têtes brûlées!

        Si l'Amérique se déplace, alors devant tout devient américain! même l'Angleterre qui n'est bientôt plus qu'un immense camp GI! Et puis tout le monde connaît au cinéma la pratique des remake, qui montre l'incapacité américaine à reconnaître, à comprendre la différence!

        Roosevelt essaie d'abord de traiter avec Vichy, c'est-à-dire avec ceux qui ont condamné à mort le général, et c'est donc faire preuve à son égard du plus grand mépris! Mais comme le "plancher est vraiment pourri" par là, on va opposer à de Gaulle, le général Giraud, qui vient de s'évader d'une prison allemande. Pourquoi? Mais parce que Giraud est malléable! Il aura ainsi droit à tout l'armement qu'il "voudra"!

        C'est une nouvelle injure pour de Gaulle; c'est la fourmi industrieuse écrasée par le pied du géant! Mais, au nom de la France, de Gaulle devra composer avec Giraud, jusqu'à ce que celui-ci admette de lui-même son incapacité à gouverner!

        Le commandant, avec soulagement, se retrouve de nouveau seul sur la "passerelle"! Et après Bir Hakeim et ses nombreux exploits lors de la reconquête de l'Italie, la nouvelle armée française, celle de la France combattante, celle créée par de Gaulle, devient indispensable aux alliés!

        Il ne reste plus au général qu'à pousser pour que ce soit des Français qui libèrent Paris (division Leclerc), comme si c'était des Français qui libéraient eux-mêmes leur pays! Et il ne reste plus au général qu'à pousser pour que des Français, malgré la mauvaise volonté des alliés, qui au fond ne voudraient pas voir la France à la table de la victoire, participent également au combat sur le sol allemand; et c'est de Lattre qui prend Stuttgart!

        Le général a réussi à renverser presque totalement l'effet catastrophique de Vichy! Au sortir de la guerre, la France est de nouveau reconnue comme une puissance mondiale! Pour des millions de gens, non seulement en France, mais partout dans le monde, de Gaulle est devenu le symbole de l'espoir, de la liberté et même de la justice, car les alliés font trop souvent sentir leur autoritarisme!

        Sans le général, nous serions bien plus marqués par cet épisode honteux de notre histoire! Nous serions aussi entièrement dépendants des Etats-Unis, en ce qui concerne notre défense, car nous n'aurions pas de force nucléaire! Et notamment nous n'aurions jamais pu faire valoir notre droit de veto à l'ONU, lors de l'"affaire" des armes de destruction massive!

        Sans le général, nous aurions peut-être toujours la constitution de la troisième et quatrième Républiques, celle qui produisait une politique déséquilibrée et qui nous a conduits à la débâcle et à la menace du coup d'état militaire de 1958!

        Sans le général, il n'y aurait probablement pas d'Europe, puisque c'est le couple de Gaulle Adenauer qui en a posé les fondations!

        Sans le général, l'indépendance de l'Algérie se serait soldée par un bain de sang!

        On pourrait allonger la liste et continuer à surprendre, mais la place nous manque... En mai 68, une page se tourne et le général mourra deux ans plus tard. C'est le privilège de la jeunesse qu'elle ne pense qu'à elle-même! C'est une condition de son développement! Mais celui qui ouvre les yeux, tôt ou tard, retrouvera sur sa route les morts, tous ceux qui dans des circonstances dramatiques ont donné leur vie, pour que nous puissions vivre librement, et même nous galvauder!

        Cependant, rien que pour le plaisir: "Général Koenig, sachez, vous et vos hommes, que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil!" Message de de Gaulle au lendemain de Bir Hakeim!

  • De la conscience

    De la conscience

     

     

     

     

     

     

        On peut être conduit à envier les animaux, car apparemment ils ne subissent pas nos tourments et il est vrai que la première moitié de la vie peut avoir l'air d'un tunnel sans issue; les désespoirs se succédant comme des vagues; les angoisses produisant l'effet d'un choc électrique; les chagrins nous submergeant!

        Beaucoup pourtant semblent privilégiés et donnent l'impression d'être plus équilibrés ou plus épanouis. L'écrivain Thomas Mann, dont la naïveté est étonnante, fait l'éloge de ces soi-disant bien-portants, notamment dans son Tonio Kröger. Il y admire les individus à l'aise en société, nullement éteints par une quelconque névrose, et qui "savent" profiter des plaisirs de l'existence. Ainsi, il décrit des danseurs, fiers d'être beaux, qui se meuvent avec grâce, qui sont triomphants; tandis que lui-même se voit tel un malade, un inadapté, parfait représentant de la classe "embarrassée" par l'esprit, des "araignées", des dolents, des lourds, des maladroits! Chez Mann, la sensibilité est vue comme une faiblesse (essentiellement parce qu'elle fait souffrir)!

        Mais nous allons montrer que les "dieux" de Tonio Kröger sont justement les pires qui soient, principalement parce qu'ils deviennent avec le temps les plus durs et les moins sociables! Mais "Ils sont du monde!", pour parler brièvement et reprendre une formule de l'Evangile, et c'est pourquoi ils s'y retrouvent et que leur santé, leur succès ont tout l'air d'un idéal!

        Toutefois, n'anticipons pas, pour que les choses restent bien claires, et en tout cas, ceux qui souffrent et qui ne comprennent même pas pourquoi, ceux "qui ne sont pas du monde" et qui sont las de leurs blessures, ceux-là ont souvent l'occasion de sentir la conscience plutôt comme une charge que comme une chance, et ils peuvent reprendre à leur compte les propos du poète, Son Altesse Arthur Rimbaud, dans Une saison en enfer: " J'enviais la félicité des bêtes; les chenilles, qui représentent l'innocence des limbes, les taupes, le sommeil de la virginité!"

        Mais nos vies sont-elles si différentes de celles des animaux? Pour répondre à cette question, il faut bien entendu observer ces derniers, mais déjà cela pour la plupart constituerait une première! En effet, quand on est "chevillé" à ses intérêts, il est très difficile de "s'arrêter", de prendre le temps de regarder autour de soi, et de se montrer curieux à l'égard de ce qui est plus petit et qui peut-être jugé très facilement comme secondaire!

        Mais que font les animaux pendant la journée, puisqu'on ne les voit ni sur les plateaux de télévision, ni à pôle emploi, ni dans les "fusées" de la route? Eh bien, d'abord, bien sûr, ils se nourrissent, puis ils se reproduisent... Notez que le sexe, tel que nous le connaissons, est une invention de l'homme! Les animaux ne séparent pas le plaisir sexuel d'avec la reproduction et c'est pourquoi ils ne s'accouplent qu'à des périodes très déterminées; ce qui n'est pas notre cas et c'est sans doute lié au fait que nous utilisons le sexe pour soulager notre angoisse...

        Mais surtout, surtout les animaux ne cessent de faire respecter leur territoire et autrement dit, ils réaffirment tout le temps leur domination, la force et l'importance de leur individualité! Evidemment, ceci est nécessaire, car sans territoire, il n'y a pas de nourriture, ni donc de reproduction (il faut aussi prendre en compte la sélection naturelle...); mais cela donne lieu à des comportements âpres, difficilement compréhensibles et qui ont quelque chose d'usant, de désespérant pour nous, les humains.

        On peut s'en convaincre en suivant notamment les "mœurs" des oiseaux des villes. Quand les toits environnants sont "couronnés" par des goélands, on peut assister chaque jour au même manège: ça crie pour mettre en garde, pour dire: "Eh là! ce secteur est à moi! Allez ouste!" et cela donne un vrai tintamarre, une agitation quasi incessante, d'autant qu'elle s'accompagne de manœuvres apparemment sournoises, puisqu'il s'agit de se placer sur une antenne, un peu plus haut qu'un autre qui y est déjà, pour bien lui faire sentir toute son infériorité!

        Bref, ce sont des querelles sans fin, alors que la place paraît elle aussi illimitée et l'homme ne peut pas par moments ne pas être choqué par tant de "bêtises" et de hargne!

        D'autres oiseaux plus solitaires nous surprennent encore par leur "nervosité"... Au crépuscule, quand nous ne rêvons plus que d'être tranquilles, le merle vient brusquement sur un arbre voisin lancer son cri, qui ressemble à des coups de ciseaux! Lui aussi veut une ultime fois faire comprendre sa domination et c'est ce qu'enregistrent plus ou moins consciemment nos cerveaux déjà assoupis!

        A la même heure, si notre volet, en grinçant, imite un tant soit peu le sifflement rauque et si particulier de la pie, vous la voyez surgir soudain d'un toit voisin, les sens aux aguets, prête à en découdre avec n'importe quel concurrent! "Alors, soldat, toujours sur le qui-vive?

        _ Toujours, mon général!

        _ Bien, bien. Le Marines s'adapte! Le Marines improvise!" (Voir le Maître de guerre...)

        On l'aura compris, la vie des animaux est pleine de tensions, de dangers et on peut même constituer pour eux des havres de paix... Quand je peins notamment, des moineaux viennent s'assembler sur un taillis tout proche, car ma concentration est telle qu'elle produit autour un sentiment de sécurité. Nous avons notre rôle pour améliorer le monde!

        Mais notre question était: "Nos vies sont-elles si différentes de celles des animaux?" et maintenant que nous connaissons celles-ci, comparons-les avec les nôtres! Que faisons-nous toute la journée? Nous travaillons! Et nous en sommes si fiers et tellement heureux que nous brûlerions volontiers tous ceux qui paraissent ne rien faire et profiter de la société!

        Pour ma part, à chaque fois que j'ai dû recourir à un emploi "alimentaire", comme on dit, je me suis ennuyé à mourir, car on pouvait faire en une heure, ce qui normalement était prévu pour huit (j'exagère, mais c'est bien l'esprit)! Je crois que la majorité des salariés n'a absolument aucune idée de ce qu'on peut donner à la tâche, quand on y est conduit par la passion! L'écriture ou la peinture m'ont depuis longtemps rendu complètement étranger à la notion des horaires et même à celle des vacances! C'est tout mon être que j'y engage!

        En tout cas, je comprends que beaucoup ne puissent supporter la moindre réforme en ce qui concerne leur emploi, car il n'est pas possible d'accepter un déplaisir supplémentaire à ce qu'on considère déjà comme une totale corvée; alors que celui qui travaille avec passion, lui, sera prêt à tous les sacrifices, du moment qu'il continue!

        Mais dès qu'on parle du travail, il faut traverser un océan d'hypocrisie, avant d'aborder un quelconque îlot de vérité, et c'est pourtant le but que je veux atteindre, par petits coups de rames, dans cette chronique!

        Mais nous travaillons d'abord pour gagner de quoi vivre! Bien, mais même à ce stade, ce n'est pas du tout simple..., car il y a ceux qui ne vont manger que du "discount" (surtout par indifférence) et il y a ceux qui vont sortir d'un magasin bio avec un caddie à deux ou trois cents euros! Et il en est ainsi pour tout ce qui s'achète: logements, habits, voitures, etc.

        Nous travaillons donc aussi et essentiellement (n'ayons pas peur des mots) pour notre plaisir! Mais quel est-il ce plaisir? En montrant notre belle table, notre bel intérieur, notre beau véhicule..., nous montrons notre belle réussite et notre importance! Notre fonction, notre degré de pouvoir, la valeur de notre situation servent au même dessin: à nous donner une place dans la hiérarchie sociale, ce qui fait voir notre supériorité!

        Tiens! Ne retrouve-t-on pas là le goéland qui se perche plus haut que son voisin et qui le défie? Ne cherchons-nous pas nous aussi, les humains, à imposer chaque jour notre individualité, sinon à la défendre? Ne voulons-nous pas nous aussi, les humains, dominer chaque jour?

        Certes, l'humanité n'est pas née d'hier, nous avons accumulé les expériences; nous avons su tirer quelques leçons des événements; nous nous sommes organisés, nous avons des lois, des cosmogonies et des religions; et par exemple nous ne tuons plus les handicapés, nous ne brûlons plus les hystériques, et nous tolérons mieux les homosexuels! Nous avons aussi la sécurité sociale, nous portons volontiers assistance aux personnes en détresse et nous réfléchirons toujours à deux fois, avant de recommencer à nous jeter des bombes, car à quoi bon détruire la planète si personne n'en profite?

        Nous avons aussi une vaste histoire de l'art, qui témoigne de notre génie, de notre sens du beau; même si les martyrs dans ce domaine sont légions! Nous sommes aussi capables d'imaginer les débuts de l'Univers, de compter les étoiles, d'aller sur la Lune; mais, il faut bien le reconnaître, nous vivons principalement comme des animaux; nous ne faisons vraiment rien de sérieux de plus qu'eux! Chaque jour, nous aussi, nous faisons valoir notre égoïsme; nous réclamons notre part; nous disons: " Tout ça, c'est à moi, pas touche! "ou "C'est moi le meilleur, capito?"

        Nous sommes comme les oiseaux du ciel et comme tant d'autres bêtes, et nous nous étonnons d'être malheureux! Nous nous étonnons d'être malades, aigris, perdus, agressifs, violents! Nous nous étonnons de ne pas trouver de solutions! Mais comment pourrait-il en être autrement, puisque nous ne sommes pas destinés à vivre comme les animaux! En effet, notre conscience, celle que la nature nous a donnée! cette conscience-là nous en empêche!

        Dès lors que nous pouvons comprendre que nous allons mourir (et cette prise de conscience est irrémédiable!), nous sommes forcément conduits à nous interroger sur le sens de la vie! C'est donc vers "l'esprit" que nous devons aller; c'est la seule issue! C'est la seule porte ouverte! Lui seul peut nous aider à calmer nos inquiétudes, car évidemment la conscience nous fait inévitablement éprouver le doute, la peur; cela va de pair avec nos questions! C'est toute la difficulté du choix! Mais celui-ci est aussi une richesse, car quel homme voudrait, à l'instar des animaux, répéter chaque jour les mêmes comportements, sans espoir de changements?

        Pourtant, la majorité, sans doute aveugle, recherche inlassablement à exercer sa domination, avec cette "franche" illusion: celle de vaincre ses inquiétudes, ses angoisses, en triomphant sur les autres, en se sentant supérieur à eux; c'est-à-dire en étant plus animal que l'animal lui-même; alors que c'est justement parce que nous sommes humains, que nous sommes en quête, dans l'interrogation!

        La victoire de l'égoïsme pour être heureux est une hérésie, une impasse, une cause de souffrances pour tous! Les "dieux" de Thomas Mann, "ceux qui sont du monde", ceux qui paraissent les plus adaptés, le mieux réussir, mais ce sont ceux qui sont le plus proche de la bête, puisque la société continue dans son ensemble le règne animal! Mais tôt ou tard, ces "créatures", talonnées par le souffle, le vertige et même le gouffre que produit la conscience, ces parangons du quotidien ont recours à la tyrannie, au despotisme et à la cruauté, car il leur faut toujours plus de pouvoir, de reconnaissance, pour ne plus ressentir leurs craintes; et c'est pourquoi j'ai dit que ce sont les pires "dieux" qui soient! (On peut d'ailleurs en avoir un remarquable exemple, avec les vedettes de la télévision, qui nous offrent le spectacle affreux d'un panier de crabes!)

        N'en déplaise à Thomas Mann, c'est bien la sensibilité de Tonio Kröger qui est sa chance! C'est elle qui permet d'avoir accès à la sagesse! C'est elle qui permet de comprendre toute la complexité, la diversité de la vie! C'est encore elle qui permet d'aimer les fleurs et la beauté ineffable de toute la nature! C'est elle qui nous fait humains et résolument humains!

        C'est elle qui nous soulage de nos troubles, par la réflexion, la patience, la persévérance, le don! C'est elle qui nous détache de plus en plus de l'animal, que nous pouvons nous-mêmes aider!

        Elle est une source de peines, c'est entendu! Mais c'est parce que la plupart la rejettent ou l'ignorent, et c'est pourquoi nous nous détruisons, nous nous empoisonnons et nous nous condamnons!

        Nous ne pourrons pas continuer indéfiniment comme ça! Nous devons changer en profondeur, nous tourner vers l'esprit, la sagesse; voir l'inanité de tout comportement animal qui nous captive!

        Certes, un pays doit être fort pour survivre, et cela exige une armée et une économie fortes elles aussi; mais je terminerai sur un air de Molière, en disant: "Il faut travailler pour vivre et non pour mourir!"

       

  • De la résistance

    De la resistance

     

     

     

     

     

        Plus j'observe notre façon de vivre et plus je suis étonné et même effaré! Le retour des "beaux jours" produit aussi celui de nos forces et naturellement cela se traduit d'abord par une effervescence de nos égoïsmes! Notre personnalité recommence à rêver et pour réaliser ses projets, elle ne voit aucun inconvénient à s'imposer et à devenir plus dure; ce qui la fait commettre mille incivilités et augmente d'autant l'agressivité de notre environnement!

        Le sentiment de sécurité qu'apporte notre soleil ne parvient même pas à balancer cela et c'est pourquoi nous continuons à entendre des sirènes d'ambulances, plus ou moins lugubres, qui signalent des drames dus à l'angoisse ou à la férocité! Mais dès que la chaleur se fait sentir, la plupart se comportent comme des insectes ivres en pleine lumière! Ils se mettent tellement en valeur qu'ils ont l'air d'être les caricatures de leurs personnages; comme si l'hiver n'avait jamais existé, comme si eux-mêmes venaient de naître à l'instant, comme si l'anxiété ne les avait jamais approchés!

        Je crois les Ephémères ou les Demoiselles de nos ruisseaux, qui ne vivent que quelques semaines pour s'accoupler et se nourrir, et qui semblent ne connaître que la volupté, plus réfléchies!

        Mais nous préférons notre illusion à tout le reste, même si nous souffrons, même si certains sont détruits en chemin! Nous pourrions nous interroger sur le bien-fondé de notre comportement... Nous pourrions nous demander qui voulons-nous impressionner, épater, si ce n'est un autre qui a le même désir et qui est donc un concurrent, ce qui rend notre excitation vaine!

        Nous pourrions encore regarder plus loin, considérer notre isolement dans l'espace et notre mort inéluctable, et nous serions alors plus prudents, plus enclins à la méditation... Mais le bébé qui est en nous ne veut pas en perdre une miette, une goutte! Et nous recommençons les mêmes erreurs: nous piétinons, nous blessons, nous faisons des victimes sans les voir, car rien ne doit gêner notre "Festival de Cannes"!

        Cela est d'autant plus vrai que, comme nous le savons, nos inquiétudes nous suivent partout et n'ont au fond que faire de notre ivresse! Elles sont comme la tortue pour le lièvre de la fable! Nous pouvons nous agiter, nous montrer brillants, être sûrs de notre réussite, elles nous attendent tôt ou tard comme une marâtre à la maison!

        Elles ont l'action sourde des eaux souterraines, qui font qu'un jour subitement un abîme apparaît! Nous ne voulons pas de la tristesse? Fort bien! Mais la fuir par la parade ou le triomphe ne l'a jamais anéantie! Le résultat est évident: notre égoïsme est altéré, aussi bien pour satisfaire l'instinct que pour ne pas sentir ce qui nous trouble! Et personne ne demeure sur son "propre tapis rouge" sans maudire, jalouser, mépriser ou écraser!

        Pourtant, ce sont toutes nos attitudes qui constituent notre quotidien, notre milieu et c'est lui, dans l'état où il est, qui est à l'origine de la plupart de nos maladies! L'hypertension, l'obésité, la dépression, le diabète, des cancers naissent de notre rapport au monde, à mesure que ce dernier se révèle hostile ou incompréhensible et comme il nous malmène! Rien que la sarabande incessante du trafic ne peut pas ne pas nous assommer!

        Mais que dire des nouveaux moyens assurant la propreté des villes? Que le souffleur des feuilles ou que la faucheuse électrique entrent en action et voilà tout un quartier sinistré! Qui a déjà pu "en placer une" à proximité de ces engins au bruit infernal?

        Il ne faudrait surtout pas croire que ces innovations ne sont dues qu'à la seule nécessité! Si elles peuvent apparaître comme plus efficaces ou plus pratiques, elles correspondent encore à un mirage: ceux qui les mettent en œuvre s'imaginent que la modernité est synonyme de perpétuelle ébullition, qu'elle doit forcément s'accompagner d'un tas de "gadgets", et ils sont poussés en cela par leur propre impatience, leur incapacité à rester calmes!

        Il ne viendrait même pas à l'idée de ces chantres de l'avenir, à ces soi-disant acteurs du futur, que le véritable progrès pourrait être celui de la sagesse et non de la technologie! Mais les jouets sont beaucoup plus attrayants que les efforts de l'esprit! Et nous assistons donc à des scènes quasi comiques, puisque ces moyens de par leur origine ont une valeur douteuse! Figurez-vous deux souffleurs de feuilles opérant sur un petite place, tels deux extraterrestres d'une planète en guerre, et rabattant leur faible proie pour qu'elle tombe dans la "gueule béante" de la balayeuse! En fait, le fin du fin, en termes de modernité, c'est de ne plus toucher la feuille! Ainsi, on croit dominer entièrement la nature, qui, elle, doit rire à chaudes larmes, devant une telle démonstration de force, puisqu'il lui suffit d'augmenter d'un degré, pour que nous appelions au secours!

        Il fut un temps où un seul balayeur effectuait la tâche précédente; il apprenait un geste et une respiration. Bien souvent, il était plus posé que son entourage et un facteur de paix pour qui voulait l'aborder! De même, on coupait l'herbe à la faucille ou à la faux et on veillait à mesurer son effort pour aller jusqu'au bout. C'était quasiment un art et ceux qui l'acquéraient étaient également des éléments pacificateurs pour les autres! Quel bien pourrait nous faire le cerveau abruti ou amputé de celui qui tient une faucheuse électrique? Ne faudrait-il pas d'abord lui parler par signes, pour lui laisser le temps de revenir parmi nous?

        D'autre part, il n'y a pas plus opposé à l'écologie que cet appareil: il arrache la verdure comme un indien un scalp et il laisse la terre dans le même état qu'un crâne ensanglanté! Certes, c'est pratique: on n'y revient plus de l'année, mais les plantes et les insectes n'y trouvent certainement pas leur compte! Si on sait regarder, on retrouve ces derniers par milliers sur les routes de l'exode! avec les mâles agressifs, les femelles débraillées et les petits pleurant! Mais nous sommes les maîtres, n'est-ce pas? Nous sommes des gens sérieux, qui vernissons notre cercueil!

        Cependant, la médecine pour nous guérir de nos maladies a bien sûr des traitements, mais ceux-ci, s'ils peuvent agir au cas par cas, restent incapables de tarir la source de nos maux! La science, en effet, est loin de comprendre en profondeur la situation... Elle ne semble lever le nez que quand une affection s'installe au point de présenter les caractères d'une épidémie! Ainsi crie-ton parfois contre la pollution de l'air ou contre la trop forte teneur en sel des plats préparés!

        Mais, la plupart du temps, ce sont quasiment tous nos comportements qui provoquent nos maladies et on ne pourra espérer vraiment évoluer que si notre désir de dominer est bien compris! Prenons par exemple le problème de l'obésité... et bien entendu l'une des raisons qui expliquent ce nouveau "fléau", c'est le sédentarisme! Mais pourquoi les gens ne sortent-ils pas de chez eux, si ce n'est qu'ils considèrent chacune de leur sortie comme une épreuve? Et maintenant énumérons certaines incivilités "liées" au printemps et qui ne nous incitent pas à mettre le nez dehors!

        Il y a la voiture qui pourrait être celle d'un cirque! Tout le monde la connaît, elle n'est qu'une gigantesque enceinte! Tout le temps qu'elle passe, il n'existe que l'univers musical et terrorisant de son conducteur! La vie reprend après, mais les esprits restent traumatisés!

        Dans le même genre, il y a le "scoot" qui est tellement bruyant qu'il nous donne l'impression d'être sur la chaise électrique! Brave jeunesse!

        Il y a le klaxon "rayon de la mort"!

        Il y a le véhicule "iceberg", qui ne voit personne au passage piétons!

        Il y a la "diligence folle": une berline emporte une remorque, qui "rue et rêve" de tuer un cycliste!

        Il y a les "individus de pierre"! Sur un sentier, en pleine cambrousse, un sportif nous croise sans saluer, absorbé par son cauchemar! Ou bien au couchant, venu pourtant immortaliser la beauté, un photographe "autiste" ne regarde même pas un confrère!

        Il y a les sacs poubelles qui s'amoncellent et qui témoignent qu'on a compris le b.a.ba!

        Il y a sur le trottoir les anciennes choses de ceux qui ne veulent que déballer et jouir et qui croient les autres à leur service!

        Il y a le client qui s'arrête sur le seuil du magasin, comme si votre présence à l'intérieur était une anomalie, ou qui vous interrompt, pour demander ce qu'il veut, ainsi que vous auriez été pur éther!

        Il y a la cliente qui manœuvre pour prendre votre tour...

        Il y a ceux qui "font la fête" et qui ont donc tous les droits, même celui de vous empêcher de dormir! Et il y a les voisins lâches, qui tout autant dérangés que vous ne feront rien pour que ça cesse, de sorte que c'est vous qui devrez appeler la police et prendre le rôle du rabat-joie! Mais c'est Vichy qui continue autour!

        La liste serait sans doute interminable et se dresse plus terrible selon la grandeur de la ville, mais comment notre monde pourrait-il être accueillant? Grâce au carnaval et à ses beuveries? Notre égoïsme et lui seul crée un univers dur et qui nous empoisonne! La nature est à bien des égards sans pitié, un animal blessé notamment continuera de souffrir..., mais justement nous les hommes, nous avons la possibilité de faire naître un milieu différent! Nous pouvons connaître et contrôler nos instincts!

        Mais le vernis de la civilisation est si mince! Chaque jour, la plupart dévorent les autres comme des moissonneuses-batteuses, pour les laisser tomber en botte derrière eux! Meurtris, inquiets, nous remplissons les salles d'attente ou nous saturons les "Urgences"! Pour éviter cela et accomplir quelque chose de vraiment utile, je vous propose un "acte de résistance": il ne s'agit pas moins que "d'arrêter le temps"!

        Comme s'y prend-on? Rien de plus simple, à condition d'avoir bien conscience que l'agitation générale est illégitime! C'est le règne de notre immaturité! Certes, il nous faut travailler pour vivre, mais à quel prix? Ceux qui croient leur course inévitable sont des hypocrites! Certes encore, il nous faut être fiers de notre journée, sentir que les choses avancent, mais nullement au détriment des autres, en se félicitant de les avoir vaincus!

        Chaque matin, alors que la société commence à bruire autour, on peut se raffermir dans sa résistance! On peut se rappeler à nouveau combien la violence, la frénésie qui montent, sont produites essentiellement par l'amour-propre et les inquiétudes qui lui sont attachées! C'est le "châtiment", la "condamnation" de ceux qui ne veulent que dominer, qui sont absolument sourds à la vérité ou à la sagesse!

        Bien entendu, les plus faibles sont quasiment entraînés malgré eux par ce tourbillon, mais on s'opposera totalement à ce dernier! Des exercices d'assouplissement simples peuvent y aider... On rejette toute pensée en se concentrant uniquement sur le geste à effectuer... et ainsi on se libère, on se détend.

        On est maintenant ferme contre l'oppression! On a retrouvé toute son intégrité, toute sa place dans notre aventure cosmique! Notre identité touche de nouveau à l'infini, elle a toute son extension, sa réalité!

        Et le temps semble être arrêté effectivement, alors qu'à l'extérieur redouble désormais le vacarme du monde!

        Mais on est inattaquable et ceci est nécessaire, car certains ne manqueront certainement pas de nous haïr, à cause de notre tranquillité! Au lieu d'essayer de nous comprendre et de nous imiter, ils préféreront nous mépriser et nous pulvériser! Ceux-là sont les pires, mais ils ne font que montrer combien ils sont perdus!

        Ces réactions sont néanmoins destinées à nous culpabiliser, puisque nous semblons ne pas prendre part au "devoir national"! Mais très vite, vous allez vous rendre compte que votre paix vous rend exceptionnellement capable de faire le bien! Vous seul pourrez rassurer les plus tristes et même amener un sourire chez les plus hargneux, en vous montrant encore plus cyniques qu'eux, mais sur le ton de la plaisanterie!

        Dès lors, vous saurez que vous avez raison et vous deviendrez une bouée pour certains et une énigme pour d'autres! Votre bonne santé devrait encore s'afficher sur votre visage et parler pour vous!

        Le sagesse est un chemin fleuri dans les ténèbres! C'est un chemin de résistance, qui repousse le marteau de la domination et le poison de l'hypocrisie! Grâce à lui, il est possible à chacun de demeurer serein, malgré les gémissements et les claquements de dents!

  • De crier la bouche pleine

    De crier

     

     

     

     

     

     

        Le 8 mai, nous fêtons la fin de la seconde guerre mondiale, dans laquelle la France n'a pas brillé! Par peur, elle a d'abord baissé son pantalon jusqu'aux chevilles (le gouvernement anglais aussi): inertie face à l'occupation de la Rhénanie et à l'Anschluss, abandon de la Tchécoslovaquie et soutien frileux à la Pologne!

        Avoir peur est bien compréhensible, mais l'une des grandes leçons de 40, c'est qu'il ne sert à rien de reculer devant les voyous... Au contraire, ils prennent de l'assurance et tôt ou tard il faudra les affronter! Les pays ne réagissent pas mieux que les individus quand ils sont menacés et c'est toujours le courage qui est en question...

        Pendant des années, avant la guerre, la classe politique s'est déchaînée: c'était à qui parlerait le mieux d'honneur, de justice, d'égalité, etc., mais le véritable ennemi se présentant, la République s'est "dégonflée", comme un soufflet au fromage! Il n'est plus resté au fond du plat que le désir de se protéger, derrière un vieillard, avec hypocrisie pour ne pas avoir trop honte!

        Les moutons se sont pressés autour du berger, par peur du loup! Aujourd'hui, la France peut être fier du général de Gaulle, qui symbolise la résistance, mais l'appel du 18 juin a été lancé dans la plus parfaite indifférence! Les Français qui ont rejoint le général (ou la dissidence) peuvent se compter sur les doigts d'une main; de Gaulle lui-même sera condamné à mort par Vichy!

        A Londres, il était quasiment tout seul et il a dû bien en souffrir! Pendant ce temps-là, la Marine française se sabordait à Toulon et produisait un incroyable gâchis, parce qu'elle se sentait le devoir d'obéir au gouvernement, même si celui-ci était lâche et reluquait de plus en plus l'idéal nazi! La discipline ne saurait expliquer complètement un tel aveuglement!

        Mais les hommes se trompent volontiers sur eux-mêmes! Pétain disait qu'il ne voulait pas abandonner les Français, qu'il jouait pour eux le rôle de paratonnerre auprès des Allemands! Il avait déjà oublié comment l'avait séduit de pouvoir être enfin en pleine lumière, lui qui avait vécu dans l'ombre de Joffre! En traitant avec les Allemands, il devenait l'homme le plus important du pays!

        Et les marins ont eu peur de la révolte, parce qu'elle est toujours plus dérangeante! Ils ont préféré regagner leurs pénates, sous le couvert de l'obéissance! Eux aussi ont rejoint la bergerie! Ils y mettaient leur honneur, comme si avoir du caractère avait été le pire des crimes! Car c'est bien le caractère, le courage et donc le choix qui font la valeur de nos vies; même si les commémorations du 8 mai auront, comme d'habitude, tendance à faire croire, que nous avons tous été à la "hauteur", des résistants!

        Notre conduite pendant la guerre devrait nous être pleine d'enseignements, mais au fond il n'en est rien! Nous sommes toujours aussi aveugles et hypocrites, et les "général de Gaulle" sont toujours aussi seuls et ignorés! Et ce sont toujours les mêmes qui crient et qui occupent le devant de la scène, les mêmes qui disparaîtront quand le loup remontrera ses dents! Il n'y a pratiquement aucune évolution et c'est ce que je m'en vais prouver!

        Mais d'abord ceci: en France, nous avons tout! Il y en a bien qui ont faim et qui n'ont pas de toit, mais ils sont justement l'exception qui confirme la règle! Nous avons tout! Et si nous avons la sensation qu'il nous manque quelque chose, ce n'est certainement pas du nécessaire!

        Pour ma part, j'ai toujours vécu avec moins de mille euros par mois et même avec le temps j'ai constaté que j'en avais toujours trop! J'achète des choses qui certes me font plaisir, mais qui ne me sont pas indispensables! Je vis dans le luxe, pour ainsi dire, et c'est aussi le cas de presque tout le monde! Mais comment suis-je arrivé à me contenter de si peu, ce qui me permet d'être lucide?

        Toutes nos inquiétudes et nos agacements viennent de notre amour-propre et ceux qui manifestent le font parce qu'ils se sentent "grugés", dévalorisés; non parce qu'on leur "enlève le pain de la bouche"! C'est notre volonté de puissance, notre désir de dominer qui crée chez nous le besoin et donc aussi l'insatisfaction! Voilà pourquoi nous sommes mécontents, nous nous sentons frustrés!

        Celui qui est en paix avec lui-même, qui ne veut plus dépasser les autres, celui-là ne comprend plus pourquoi on en voudrait toujours davantage et il en bien assez! Au-delà du nécessaire, c'est la parade qui commence... et là évidemment, il n'y a pas de limites: pour épater, rien n'est trop beau!

        Si l'emploi est directement menacé, s'il y a vraiment un risque de se retrouver sans moyens de subsistance, alors oui il faut se défendre et combattre! Mais combien de fois cela est-il le cas? Il y a des syndicats qui appellent à manifester, parce qu'il faut qu'ils montrent qu'ils sont encore présents... ou parce qu'ils ressentent une sorte de malaise... Leurs raisons sont indéfinissables, quand on discute avec eux... et pour cause! Est-il en effet possible de satisfaire son égoïsme? Nous avons vu qu'il ne guérissait pas nos inquiétudes, et donc la réponse est claire!

        Mais au lieu de regarder en soi, de se demander au plus profond qu'est-ce que l'on veut, qu'est ce qui nous rendrait heureux; ce qui demande du temps, de la patience et de la retenue; il est évidemment plus facile de croire qu'un tiers est responsable de nos maux; ce qui est sans fin, puisque la racine du mal est aussi en nous! Mais même quand l'ennemi est bien là et bien redoutable et bien réel, on ne se mobilise pas forcément... Au contraire, notre révolte, qui ne venait que d'un confort irritable à cause de notre avidité, se change soudain en terreur et en compromis! Le courage et la satiété, c'est comme l'électricité avec l'eau!

        Nous préférons donc nous rappeler mai 68 plutôt que l'armistice de 40, car évoquer le "printemps de la liberté", c'est encore nous "caresser dans le sens du poil", c'est encore un moyen de nous "choyer", de nous voir sous un jour qui nous convient, puisqu'il redonne de l'importance à nos plaisirs: pauvres victimes que nous sommes de tous les interdits! L'Eglise et la morale ne nous ont-ils pas assez accablés? Tout était possible! Nous allions pouvoir courir nus dans les champs! Mais, snif, le monde réel a de nouveau mis sur nous sa main de fer... et nos rêves de nouveau s'en sont allés... Quelle complaisance absurde et de "gosses de riches"!

        J'ai lu ici et là: "Mai 68, c'est là que tout a commencé..." Ah bon? L'histoire de l'homme, qui n'est que la conquête de sa liberté, ce qui correspond au développement de sa conscience, a commencé en mai 68? La révolution française ou le Front populaire, (pour ne citer qu'eux et la liste est vertigineuse!), n'étaient-ils pas des coups de boutoirs? On est confondu par tant de bêtises, mais peut-être que pour beaucoup le monde n'existait pas avant la société de consommation! En tout cas, cela montre qu'on n'a aucune vision large, ni profonde, de ce que nous sommes, du sens que nous suivons!

        N'est-il pas préférable de penser que nous apprenons plus de nous-mêmes dans nos échecs que dans nos succès? Lindbergh, qui est un personnage controversé, notamment parce qu'il était polygame, méprisait en secret la France et l'Angleterre, au point de créer aux Etats-Unis le mouvement isolationniste: America first. Mais pour bien comprendre le pilote vainqueur de l'Atlantique, il faut se reporter à l'éducation de ses fils... Il leur apprend volontiers à nager, mais en surveillant de très près leur psychologie... Le cadet, encore maladroit, plonge sans avertissement d'un petit phare, pour rejoindre la côte, et Lindbergh le laisse faire, car, dit-il, son fils a pris une décision, il s'est "engagé" et il doit donc assumer jusqu'au bout son choix, sans compter sur l'assistance de son père (quoique celui-ci se tienne tout même prêt à intervenir...)!

        Cette façon de penser explique les sentiments de Lindbergh à notre endroit: nous nous "lançons" dans la guerre en quarante, alors que nous ne sommes pas en mesure, au fond, de la gagner (comme en 14!); alors que tôt ou tard nous appellerons au secours les Etats-Unis (ce que fera le gouvernement français, avant de signer l'armistice!) et que pire nous nous montrerons, en cas de victoire, aussi impitoyables que nous l'avons été au Traité de Versailles! La sympathie de Lindbergh va plutôt aux Allemands, car au moins ils sont "logiques" avec eux-mêmes; ils sont indépendants et forts!

        Les principes stricts de Lindbergh font non seulement sa droiture, mais aussi ses limites... Il ne voit pas que même faibles la France et l'Angleterre luttent pour la liberté et la démocratie, tout comme Roosevelt, avec lequel le pilote sera en conflit... Mais si j'évoque son avis, c'est pour montrer combien la lutte est présente dans notre quotidien et comment elle peut être viscérale, importante, loin des égoïsmes de surface, qui n'en ont jamais assez!

        En 40, il nous manquait un véritable chef, capable de prendre fermement des décisions! Il y avait le général de Gaulle, mais au moment des faits, il est sans pouvoir, et il doit s'exiler! Les autres, ceux qui auraient pu et dû nous sauver, vont se "partager le gâteau" (même si bien entendu nul n'est tout noir, ni tout blanc!)

        Aujourd'hui, nous avons un véritable leader, c'est Macron. Oh! bien sûr, il va se tromper et il a parfois des propos si vifs qu'il provoque des haines terribles et qu'il dit des choses qui ne sont pas justes! Mais il est jeune et il a un idéal et il devrait essayer de l'atteindre sans faillir! (Puissé-je ne pas regretter ces paroles...)

        Cependant, il a en face de lui cette France quasi éternelle et qui n'est capable que d'un seul exploit: celui de crier la bouche pleine (ce qui est tout de même déconseillé aux enfants...)! Cette France-là est usante, ingrate et elle demandera à Macron une patience à toute épreuve!

        Pour ma part et aussi loin que remontent mes souvenirs, j'ai toujours été devant un monde que je ne comprenais pas, dont j'ignorais les règles, et il n'y a pas d'explications à cela. Certes, j'ai mon orgueil et mon égoïsme, mais je n'ai jamais voulu supplanter qui que ce soit et on a pris ma douceur pour de la faiblesse! On m'a piétiné durement et même avec une sorte de hargne, de sorte que je fus fragilisé et prêt à me détruire, ce que je fis jusqu'à mes quarante ans et j'en subis encore les conséquences! 

        Il m'a fallu attendre la cinquantaine pour que les choses se décantent pleinement, au point que j'ai à présent une idée claire sur le comportement des gens, ce qui me permet de m'apaiser en prenant conscience de ma valeur. Aujourd'hui, je ne cesse de voir comme ma pensée est étendue et juste et même originale et je ne doute pas qu'un jour elle finisse par se faire connaître et être diffusée; car elle est simple et vraie, comme son auteur! En tout cas, il est pour moi certain qu'elle pourrait en aider beaucoup...

        Pourtant, mon isolement est tel que régulièrement je me demande si je ne suis pas carrément dérangé ou si je ne devrais pas plutôt planter des choux! Mais le plus souvent ma question est celle-ci: comment est-ce possible qu'il y ait si peu de gens pour se secouer et aller vers le bien?

        La situation de la France en quarante nous renseigne à ce sujet... Comment toute une nation peut-elle accepter la défaite? Comment peut-elle toute entière se ranger derrière l'armistice, qui la fait collaborer avec son ennemi? Sur qui compte-t-elle pour se sauver et être libérée, pour reprendre une question de Lindbergh? Et comment expliquer que de Gaulle soit, dans sa solitude, si lucide et si déterminé (comme si les autres étaient fous en somme!)?

        Quand je considère cette période, je me dis que moi aussi je suis en dissidence, que moi aussi je suis un résistant! A côté, il me semble que Vichy continue, mais sur une autre musique!

        En mai 68, la jeunesse a envie de tourner la page; elle ne veut plus du "vieux général", et c'est naturel: notre évolution continue! Mais le "loup" est toujours là et il faut savoir le regarder en face! La violence, qui n'est rien d'autre que le triomphe de l'égoïsme, la suprématie de la bête, pointe son nez tous les jours!

        Cependant, terminons tout de même par une bonne nouvelle: dans un communiqué, la Marine française affirme avoir tranché! Après plus d'un demi-siècle de réflexions, elle convient que le véritable ennemi, lors de la deuxième guerre mondiale, était bien l'Allemagne et non l'Angleterre!

        Voilà une nouvelle qui ravira les fans de la Marine et les autres, tant il est vrai qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire! Et nul doute que les marins n'hésiteront plus désormais à jouer au foot (jeu anglais!), puisqu'ils savent dans quel but tirer! Hip! Hip! Hourra!

       

  • Des "Trous noirs"

    Des trous noirs

     

     

     

     

     

     

        La meute a donné la tribu et la tribu la société! Cela semble un raccourci, mais la logique est toujours la même! Quelle est-elle? La meute permet aux individus de mieux chasser et donc d'avoir plus de chances de survivre; à condition qu'ils se soumettent à une hiérarchie, qui assure leur cohésion! C'est le plus fort qui va commander la meute et son autorité sera indiscutable, tant qu'il vaincra ses opposants!

        Chez les hommes, la situation est éminemment plus complexe... Nos sociétés sont si grandes et si organisées, qu'on peut perdre de vue l'origine et le but de notre comportement! Il n'en demeure pas moins que nous cherchons tous d'instinct à dominer et ceci est aussi valable pour les femmes, car même la logique de la meute est produite par une individualisation, due à la complexification des organismes et de la matière! Ce retour vers la nuit étoilée sera important pour ce qui suit...

        Mais l'individu dans la rue n' a le plus souvent que conscience de sa satisfaction personnelle et soit il se sent supérieur à celui qu'il rencontre et il a du plaisir; soit il voit le contraire et il s'en irrite! Bien entendu, aujourd'hui, ce n'est plus la seule force physique qui est en jeu; quoiqu'elle continue de compter...; mais tous les signes extérieurs de richesse et du pouvoir ont une influence! Et "tous les coups sont permis", si je puis dire, du moment qu'ils ne sont pas interdits par la loi!

        Cependant, nous ne sommes pas des animaux; notre conscience nous empêche de connaître leur "félicité"; nous sommes appelés vers un autre destin, dans lequel notre esprit aura toute sa place! Mais nous allons voir que certains et certaines semblent "avoir à cœur" de freiner notre évolution: ce sont les personnalités "trous noirs", dont nous allons montrer le comportement néfaste et nous verrons que leur qualificatif n'est pas seulement poétique!

        Cependant, la civilisation a inventé la république et celui qui peut s'y sentir comme le chef suprême, le Président, ne peut pas pourtant disposer d'un pouvoir absolu! On a cherché à éviter cela, en donnant aux principaux organes de la nation des responsabilités différentes. C'est le partage du pouvoir, qui doit être bien "dosé"! Par exemple, la Troisième république, de 1875 à 1940, est mal équilibrée... Le Président n'y est pas fort, puisqu'il n'est pas élu au suffrage universel, et il a seulement un rôle "d'arbitre". L'Assemblée, par contre, règne en maître et nomme les gouvernements, ce qui fait qu'ils se succèdent à un rythme incroyable et que le pays est pratiquement ingouvernable. Il est dans les bonnes conditions pour que la dictature de Hitler s'en empare!

        Toutefois, ce sont bien les politiciens qui peuvent avoir le plus le sentiment que le pouvoir, le commandement est "à portée de mains"; la logique "de la meute" est pour eux une réalité!

        Aujourd'hui encore, d'autres, de nouveaux venus, sont susceptibles d'éprouver cette impression, et en tout cas ils la revendiquent même! Ce sont de grands groupes financiers et il est vrai que quand on achète la dette d'un pays, on peut penser qu'on en est quasiment le maître... Mais l'argent, même si l'économie est telle une "tectonique des plaques", ne sera jamais qu'un instrument sans la politique! Et chaque tentative, pour gouverner un état comme une entreprise, s'est révélée jusqu'ici odieuse et inadéquate!

        Mais l'homme de la rue, lui, ne perçoit plus la logique primordiale du groupe... Il peut certes contribuer au choix de celui qu'il croit le plus fort et le plus capable par son bulletin de vote, mais c'est une opération si feutrée, si éloignée de la confrontation physique, qu'il est impossible que la nature la plus profonde de chacun y soit réveillée! C'est d'ailleurs présenté comme un devoir de citoyens, hautement moral, mais alors que devient notre instinct et donc notre désir de dominer?

        Ma foi, la société nous offre tout un tas de choses pour nous affirmer: voitures, maisons, parures et j'en passe! C'est bien entendu notre argent qui nous situe et qui fait évaluer notre réussite ou notre échec! Notre apparence, notre univers révèlent notre force, notre degré de pouvoir, qui lui-même dépend de notre fonction, de notre métier, et il est inutile dire que plus le poste que nous occupons est important et plus nous sommes satisfaits et rassurés!

        Mais est-ce bien la réalité?

        Hitler, qui s'y "connaissait" en pouvoir, voyait le monde comme les animaux! Il disait que celui-ci appartenait au plus fort et que le plus faible devait disparaître! Et effectivement, à un moment donné, l'homme à la moustache tenait toute l'Europe et même quasiment toute la planète dans sa main de fer! Il aurait dû donc être aussi à l'aise qu'un fauve, quand l'estomac repu celui-ci commence sa sieste! Au contraire, l'état nerveux du dictateur allemand n'a pas cessé de se dégrader (il dormait jusqu'à midi et ne se maintenait que grâce à de petites pilules...), de sorte qu'il a provoqué sa propre destruction et celle de son pays.

        Le pouvoir ne rendrait-il pas heureux? Ne serait-il qu'une fuite en avant? Nous le saurons après cette courte page de publicités...

        "Tu as entre douze et seize ans, et tu n'as encore jamais tué personne? Vite appelle le 3615 code Terro et dis: "Je n'ai jamais tué personne!" Tu recevras peut-être la nouvelle magnifique panoplie du parfait terroriste! Tout y est! Du grand couteau à la ceinture d'explosifs, certifiée Ecocert, en passant par la cagoule, avec trois couleurs aux choix! N'attends plus, 3615 code Terro, ça va faire boum!

        Avant mon mari était comme ça... Je voulais le changer... Puis j'ai entendu parler de Clinical... Ils ont vraiment été à mon écoute, ils m'ont facilité les choses comme jamais je n'aurais osé l'espérer... Et puis un jour ils sont venus chercher Georges et l'ont remplacé par Jacques... Et depuis c'est le soleil dans la maison, je chante du matin au soir! Merci, Clinical!

        Des problèmes avec la poussière? Non? Vraiment? Avec le nouvel aspirateur Actra, vous ne verrez jamais plus la poussière! Oui! Vous avez bien entendu! Jamais plus! Grâce à son nouveau moteur à rétroturbines, l'aspirateur Actra se saisit de la poussière avant qu'elle ne se dépose et la fait disparaître définitivement! Vous ne la verrez jamais plus! La vie est simple, avec Actra!"

        Hum! retrouvons notre propos... Le cas de Hitler est plein d'enseignements, car il est sans bornes... L'expérience y est vécue jusqu'à son stade ultime et elle permet de dégager une loi... La conscience conduit l'homme à s'affranchir en partie de son instinct et le fait entrer dans l'inconnu! Il est donc en proie à des inquiétudes, que les animaux ignorent, en répétant chaque jour les mêmes comportements! Ces inquiétudes minent l'homme, qui est d'abord tenté d'y répondre, par la domination: l'apaisement vient avec la victoire, la défaite des autres ou leur soumission; le succès garantit notre valeur!

        Mais Hitler obéit à une sorte de frénésie; il multiplie les ennemis et les conflits (comme l'EI aujourd'hui!), au détriment de toute stratégie, même la plus élémentaire, ce qui signifie que sa lucidité, sa raison fond comme "neige au soleil" et ici apparaît la loi! La domination est incapable de nous guérir de nos inquiétudes et ne peut que nous conduire à la tyrannie! Hitler est en fait poursuivi par son angoisse!

        Mais cette loi, nous pouvons la vérifier chaque jour, dans notre quotidien, car nous avons bien d'étranges façons! Pour ma part, je suis toujours surpris quand je croise un homme qui semble posséder tous les signes de la réussite... On sent qu'il a de l'argent et qu'il est habitué à commander et pourtant il guette mon impression! Qu'a-t-il besoin de mon avis? Ne peut-il pas tout seul être satisfait de lui, savoir ce qu'il vaut?

        Ah! Mais il doit être partout le centre d'intérêt, sinon il est perdu; l'angoisse, qui le taraude déjà, le rejoint et provoque même sa haine, son dépit! Pourquoi? Ce n'est pas moi qui le blesse par mon indifférence; c'est lui qui se blesse tout seul, en me sollicitant! S'il savait être indépendant, il ne courrait aucun risque de déception! Il est curieux de voir que les gens qui ont apparemment le plus de responsabilités dans la société sont sans réel équilibre, car dès qu'ils ne dominent plus, ils sont comme des enfants dans la nuit!

        Mais il y a pire, car l'exemple précédent montre une certaine fragilité... Or, il y a aussi les individus qui font marcher le monde devant eux à la baguette! Les autres doivent s'écarter et même disparaître, quand ils arrivent! Leur cerveau paraît absolument hermétique, comme s'ils étaient des robots! A part leurs besoins, ils ne connaissent rien! Ils sont pourtant à cran..., car eux aussi avancent comme des bulldozers, pour ne pas voir la vie telle qu'elle est! Ils pourraient se relâcher, s'asseoir, sourire, ouvrir un œil, se montrer curieux... Mais non, un décret de l'orgueil le leur interdit! Et ils continuent de ruminer et de presser, capitaines de leur cauchemar!

        Mais ce n'est pas le plus agressif! Certains et certaines, qui vous sont absolument inconnus, tiennent expressément à vous montrer quel dégoût et quelle haine vous leur inspirez! Comment? Vous existez et vous ne vous occupez pas d'eux? Vous n'êtes pas leurs esclaves? Qu'est-ce que c'est que cette histoire? Vous ne savez pas qu'ils sont le roi ou la reine? Mais d'où sortez-vous? Et vous osez respirer? C'est un comble!

        Leur visage menaçant et grimaçant ne dit qu'une seule chose: " Ou bien tu te soumets, ou bien tu seras détruit!" Cela ne vous rappelle-t-il rien? N'est-ce pas là l'ultimatum coutumier de Hitler? "Ou bien vous devenez une province allemande, ou bien vous serez rayés de la carte!" C'est la même voie sans issue!

        Pareillement, le dictateur harcelait son monde et parfois lui aussi cherchait à savoir quelle impression il produisait, notamment auprès des Anglais! Tout ce qui fait son caractère se retrouve chez les personnages que je viens de décrire et qui sont loin de faire l'exception! Cela tend même à être le contraire!

        Mais voici pourquoi maintenant je les appelle des "Trous noirs"...

        Représentez-vous ceci: la complexification progressive de la matière, qui forme l'histoire de l'Univers, a entraîné la complexification des organismes et donc leur individualisation. Celle-ci, poussée par la sélection naturelle et le besoin de dominer, s'est développée à un stade ultime qui est celui de la conscience; comme un bouton se dresse en haut d'un tige, avant de s'ouvrir en fleur!

        La conscience, comme l'Univers, continue de grandir; mais de même que le trou noir arrête la progression du dernier, les personnalités "Trous noirs" stoppent celle de la première! Le trou noir de l'espace engloutit et détruit toute matière, même la lumière (d'où son nom), et les personnalités "Trous noirs", en nous posant leur ultimatum (soit c'est eux, soit rien), empêchent la conscience de s'étendre et de prendre toute sa dimension (que personne ne connaît et qui reste à découvrir!).

        On peut dire que l'esprit subit, avec les personnalités "Trous noirs", le même sort que la lumière dans les trous noirs!

        Bien sûr, je me rends compte à quel point ma vision peut paraître détestablement anthropocentrique aux yeux d'un scientifique, mais, outre que je ne suis qu'un "pauvre pêcheur de Chypre", je ne fais que traduire une expérience; je n'invente rien, je m'efforce juste de donner de la cohérence, un sens, à toutes les données que je recueille!

        Mais que nous ne puissions vivre comme des animaux, qu'il nous faille aller vers l'esprit ou la sagesse et que les individus qui s'acharnent à vivre le contraire nous fassent mal, cela est une certitude!

        Mais reprenons l'exemple de Hitler... Il comprend que s'il prend le pouvoir par la force, celui-ci ne sera jamais vraiment légitime... Il entreprend donc de l'obtenir démocratiquement. D'abord son parti nazi se développe et compte à un moment donné près de six millions d'électeurs... C'est un phénomène habituel quand la situation est mauvaise (le traité de Versailles et la crise de 29 font souffrir le pays...) Les parties extrêmes séduisent les égoïsmes, en désignant des coupables!

        Mais c'est bientôt l'armée qui "tombe sous le charme", car Hitler lui fait miroiter une place que la nouvelle république semble avoir amputée... Puis, ce sont les ministres qui traitent avec le futur Führer, non seulement pour avoir la majorité au Reichstag, mais aussi pour faire chuter les rivaux. Ainsi, Hitler finit par être nommé chancelier, avant de devenir le dictateur que l'on connaît, après la mort de Hindenburg.

        Un seul Trou noir, par sa virulence, en met des milliers d'autres en action, pour en former un colossal, qui va menacer l'humanité d'être engloutie dans la nuit de la barbarie! C'est un scénario qui a été imaginé à une époque par certains physiciens au sujet de l'univers... C'est le Big Crunch! L'univers cesse son expansion et la gravitation le fait s'effondrer sur lui-même, en créant probablement un gigantesque trou noir!

        Depuis, nous savons que l'univers, loin de ralentir son développement, comme il a été logique de le penser, l'accélère au contraire! Vers quelle destinée? Nul ne le sait! Mais on peut penser que la conscience suivra aussi le mouvement..., qu'elle ne sera pas détruite par tous ses petits Trous noirs, et qu'elle ne cessera d'enchanter tous ceux qui la favorisent! 

  • De la politique

    De la politique

     

     

     

     

        Comme chaque année au printemps, la société est "secouée" par divers mouvements sociaux. Les universités notamment connaissent leurs traditionnels blocages et a priori c'est la sève qui remonte et qui pousse à agir, surtout chez les jeunes! Mais nous allons voir que, quelles soient les revendications des uns et des autres, chaque groupe obéit à la même logique, qui contient le même risque, ce qui fait que ces actions n'apportent jamais une solution durable, ni même vraiment bénéfique!

        Mais pour avoir une vision souple et constructive des choses, il faut revenir aux origines, aux "âges farouches"! L'homme, rappelons-le, n'est pas par nature parmi les prédateurs les plus dangereux et seul il n'aurait pu et ne peut survivre! Les premières tribus devaient donc avoir un fonctionnement très proche de celui de la meute! Au sommet, il y avait l'individu le plus fort, qui commandait les autres et on lui obéissait d'autant plus aveuglément qu'on était faible! C'est une loi qui a permis la vie en commun et il n'est donc pas étonnant qu'en chacun se retrouve l'instinct de dominer!

        D'ailleurs, nos sociétés modernes, nos républiques gardent cette armature primordiale! Chaque pays a son président (son chef!), un gouvernement et une population qui est libre autant que ses devoirs le lui permettent! Naguère, en cas d'agression, c'était la mobilisation générale! Les hommes rejoignaient l'armée pour défendre le territoire! Aujourd'hui, la mondialisation est telle qu'un conflit étendu paraît impossible, mais il n'en demeure pas moins que le règne animal continue de nous influencer!  

        Bien entendu, il y eut et il y a encore des révolutions, mais leur effet est trompeur! Dans le cas de la monarchie, par exemple, les nobles font croire que le pouvoir ne peut se transmettre que par la descendance et ils privent ainsi les dominés de toutes possibilités de devenir dominants! C'est contraire à la nature et c'est une injustice aux yeux de ceux qui voient leur développement personnel étouffé! La faim ou la misère mettent le feu aux poudres! Mais c'est encore l'arrivée de nouveaux dominants! Et c'est pourquoi organiser froidement une révolution est une illusion, et même une aberration!

        D'autre part, chaque changement brutal de régime est suivi par une dictature: le pays est repris par une main de fer! La peur du désordre ou de l'anarchie a été telle qu'on permet cela! Tous les rêves de liberté semblent morts! Mais la nation a besoin de retrouver sa hiérarchie originelle, il en va de sa survie! Ce n'est que peu à peu et souvent très difficilement que les progrès, provoqués par le bouleversement, s'installent, font leur chemin! Après 1789, en France, les républiques alternent avec les empires et restent menacées par la monarchie quasiment jusqu'en 1940!

        Mais la république et a fortiori la démocratie sont les régimes qui nous conviennent le mieux. Puisque nous voulons dominer, cela implique que nous puissions nous développer et nous exprimer. La liberté nous est donc indispensable! Et tout régime qui tend à la supprimer est condamné à disparaître tôt ou tard, car il est impossible de vaincre la nature! Ainsi l'Allemagne nazie s'écroule, puisqu'elle n'est plus guidée que par la folie d'un seul! Ainsi l'URSS se désagrège, rouillée par la corruption, qui est inévitable quand on ne peut grandir selon ses vœux! Ainsi encore l'Etat islamique finira par rejoindre les oubliettes..., mais ce qui est à même de nous scandaliser, de nous désespérer, ce sont que ces "détours, ces expériences" de notre évolution puissent coûter des millions de morts!

        La démocratie ne fait que continuer l'individualisation de la vie, mais, on s'en doute, elle est également ce qui est le plus difficile à gouverner! Tous les intérêts s'y retrouvent et donc tous les mécontentements! La France a la réputation d'être un pays irréformable ou toujours en grève, mais c'est plutôt le signe de sa bonne santé démocratique! Nulle part comme en France, même dans les pays qui lui ressemblent, tels les USA, l'Angleterre ou l'Allemagne, il ne souffle un pareil esprit de liberté! C'est sans doute une force, mais c'est aussi une faiblesse...

        En 1914, la jeune république est encore assez aimée, pour que l'union contre l'agresseur se réalise et que le territoire soit défendu! Les dominants se sentent toujours forts et sont prêts à effectuer leur devoir... et les dominés sont pleins d'espérance, ce qui les rend disciplinés! Mais à peine plus de vingt ans plus tard, en 1940, les égoïsmes sont exacerbés! Les dominants (la droite en somme) se voient comme des victimes dépouillées au coin d'un bois... et les dominés (la gauche) trouvent qu'"on est loin du compte"! Aucun des deux "camps" ne veut se sacrifier pour l'autre et les Allemands pénètrent dans le pays comme dans du beurre, avec la catastrophe que l'on connaît!

        Cette débâcle, cet échec est resté gravé dans nos esprits et nous en portons le poids, mais nullement les Français d'origine étrangère! Ils n'ont pas nos peurs ou nos névroses et ils nous apportent un sang neuf, de sorte que notamment nous avons pu gagner le Mondial de 98! L'émigration n'est donc pas seulement une menace d'envahissement, mais c'est aussi une richesse! Il reste qu'il nous faut vaincre la répulsion instinctive que produit toute différence et pour l'instant, ce sont essentiellement deux cultures, celle de l'histoire occidentale et celle inspirée par la religion musulmane, qui se regardent comme deux chiens de faïence!

        Une osmose a pourtant été produite par l'assassinat de la rédaction de Charlie hebdo! Cet attentat a suscité une réaction beaucoup plus vive que ceux qui lui ont succédé, bien qu'ils fussent beaucoup plus meurtriers... C'est que le message des terroristes n'était pas le même! Que des gens nous haïssent et veuillent nous détruire ne nous choquent pas... Par contre, qu'on nous dise comment penser, alors oui, cela nous hérisse et nous fait hurler! Grâce à la démocratie, nous avons appris que la liberté est absolument nécessaire pour nous épanouir! Et nous sentons maintenant combien il serait intolérable d'être esclaves et que ce serait le plus funeste gâchis!

        Mais, comme je l'ai dit au début, vouloir dominer comporte un risque! S'imposer, quelle que soit la bannière que l'on tient, c'est toujours aussi satisfaire son égoïsme; c'est prendre conscience de sa valeur aux dépens des autres! C'est se donner un équilibre, une raison de vivre qui repose sur l'obéissance ou l'admiration que l'on obtient autour de soi! Et cela ne peut que conduire à la tyrannie, car pour lutter contre l'angoisse et de nouveau sentir sa jouissance, il faut encore dominer et vaincre! Il faut incessamment soit un public, soit des victimes! Et dans ces conditions, il est impossible d'être un ouvrier de paix! Tôt ou tard, tous ceux qui nous sont contraires doivent plier ou subir notre haine; alors qu'on s'était fait le champion de la justice et de l'équité sociale!

        Certes, il faut se défendre et croire en ses idées, mais si on regarde les mouvements d'opposition, leurs réactions, si on écoute leurs propos, on ne peut qu'être frappé par leur virulence, leur hargne! Qu'est-ce qui peut expliquer cette agressivité, cette intolérance? L'urgence de la situation? La gravité du combat? Mais il n'y a tout de même pas le feu au lac et il est tout à fait exceptionnel d'être plus intéressé par les autres que par soi-même... Non, ce qui produit autant de violence, autant de haine, c'est bien entendu les sentiments de frustrations, ce sont les blessures de l'amour-propre; c'est l'égoïsme souffrant qui pense qu'il n'a pas "sa part"!

        Chez les jeunes, les revendications sont forcément confuses... A cet âge, on est un mélange de passions et de craintes... Ce qu'on veut au fond, on ne le sait pas, quoiqu'on puisse affirmer le contraire! Mais il faut beaucoup de temps pour que "l'être à vif" s'apaise et fasse preuve de discernement! D'ailleurs, bien souvent, il suffit d'un peu d'écoute et de respect, pour que le dialogue s'engage et que le calme revienne! Il n'est pas difficile de rendre dociles ceux qui manquent d'affection, car ils sont généralement de bonne volonté! Leur colère vient de ce qu'ils ont été trop négligés!

        Mais la plupart des adultes ne se contentent plus de caresses... Leur cœur est sec, leur égoïsme est une machine bien huilée! S'il est des mécontentements provoqués par le désespoir, en politique, l'opposition est un métier, c'est une attitude journalière et on peut se demander dans ce cas jusqu'à quel point la critique n'est-elle pas un prétexte? Elle n'est plus alors constructrice, mais elle ne sert qu'à déchirer, qu'à détruire, pour qu'on supplante l'autre, qu'on gagne le pouvoir! Le bien du pays est oublié, car seul le triomphe compte!

        La leçon de 40 n'a pas porté ses fruits! De nos jours encore, on peut repérer les phrases assassines, sournoises et pleines d'hypocrisie! Un tel va se servir des pauvres, pour accuser le président d'être celui des riches! Un autre parlera de la paix menacée, comme on craignait d'irriter Hitler! Derrière ces voix, c'est l'orgueil qui gronde! C'est l'immaturité qui éclate et le risque, c'est la dissension, la paralysie, la république fragilisée! Et une critique haineuse ne résout rien, elle ne fait que rejeter!

        Pour grandir, il est nécessaire de reconnaître ses plaisirs, son goût du pouvoir! C'est un éveil! Dans le cas contraire, on trompe soi-même et les autres, et on continue la vie des animaux: on est prêt à n'importe quoi pour assurer sa place! Pour éviter cela, pour faire un pas de plus vers la conscience et notre destinée d'être humain, voilà le programme que je vous propose...

        Un: faire comprendre que nous voulons tous instinctivement dominer! C'est ce que nous appelons naïvement réussir!

        Deux: expliquer pourquoi dominer ne peut que conduire à la tyrannie! Je pense avoir déjà été clair sur ce point...

        Trois: cherchons à notre équilibre et donc à notre bonheur une autre raison que celle de dominer! C'est la découverte des lois de la sagesse... et du monde de la beauté!

        Hum! On pourrait m'objecter: "C'est bien joli tout ça! C'est très philosophique! Mais ce qui intéresse d'abord les gens, c'est manger, c'est que l'économie fonctionne! Voyez, c'est des petites choses pratiques comme ça, qui sont importantes! Hein?"

        Mais mon programme n'est rien moins qu'idéal; il a au contraire une influence radicale sur notre quotidien! Par exemple, moins vous voudrez dominer et moins nombreux seront vos besoins et plus vous serez serein! La plupart des inquiétudes des autres ne vous affecteront plus, et c'est bien cela que l'on veut, non? Etre en paix!

        Mais aussi simple et logique que paraît mon programme, je doute qu'il connaisse beaucoup de succès! Ce qui séduit, ce qui entraîne, emporte; mobilise, pousse à l'action, mais c'est d'abord la facilité! C'est ce qui réjouit l'égoïsme et ne le contraint nullement! C'est désigner une cible et se persuader que tant qu'elle sera debout, elle fera obstacle à notre bonheur!

        Pour l'extrême droite, la cible, c'est l'Europe ou les étrangers! Pour l'extrême gauche, ce sont les capitalistes et les profiteurs! On croira tout plutôt que de travailler sur soi!

        Mais, maintenant, pour nous détendre, voici quelques actualités...

       Le premier, Annabelle Foin montre qu'elle a deux boutons: l'un sur la cuisse gauche et l'autre, plus gênant, sur le front!

        Le deux, Picron fait un discours au salon de la robotique. "Le robot est l'avenir, mais il faut être deux pour le construire!", déclare Picron.

        Le trois, Koramchar revient sur le suicide de sa grand-mère: "Elle ne me méritait pas!" explique-t-il.

        Le quatre, Placardo inquiète le mercato.

        Le cinq, quatre raisons de se méfier de la maladie de Cole: elle donne froid en hiver, quand on ouvre la fenêtre; elle fait bâiller si on sent de la fatigue; elle donne faim à midi et elle rend curieux lors d'une explosion!

        Le six, André Moute critique sévèrement ONBP!

        Le sept, Sophie Boucan annonce qu'elle n'a jamais eu de règles! (Dans son cartable, s'entend!)

        Le huit, un ours blanc à Ouessant!

        Le neuf, les Aztèques auraient construit leurs pyramides aux mauvais endroits!

        Le dix, l'EI écoute le vent!

        Le onze, Annabelle Foin traite Sophie Boucan de pouf sans talent!

        Le douze, Placardo est en fuite!

        Le treize, paludisme en Savoie! Etc.