La Révolte des Doms émeraude

  • Le 03/05/2025
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R79

 

 

              "Nous sommes les chevaliers du Ni!"

                                  Sacré Graal

 

                                                  1

                     (Suite de L’attaque des Doms)

      Lapsie et Ratamor essaie de changer de tactique ! Ils ont convoqué la Machine, pour une formation ! Celle-ci s’est d’abord sentie outrée qu’on puisse lui donner des leçons et la considérer comme ignorante ! C’était oublier toute sa lignée ! En effet, d’où vient la Machine ? Son père n’était pas n’importe qui ! Il régnait sur l’Abakazie ! Il disait à sa fille : « Tu vois l’orage à l’horizon ? Eh bien, multiplie par dix la distance qui nous en sépare et tu auras une faible idée de mon royaume ! »

L’une des distractions préférées du père était de couper la tête de ses esclaves ! « Il faut qu’ils comprennent que nous sommes supérieurs ! expliquait-il. Et rien ne vaut la terreur pour ça ! Nous écrasons le faible, pour qu’il sache qui est le fort ! Nous avons été choisis par Dieu, pour l’ordre, pour défendre les valeurs divines, contre l’ordure de la plèbe et du vulgaire ! C’est l’héritage de la chevalerie, de la noblesse ! C’est notre héritage ! A nous le fief et le rôle de veiller à l’honneur du pays ! C’est la mission qui nous a été confiée et malheur aux révoltés, aux insurgés, aux fauteurs de trouble ! Car nous abattrons tous ceux qui nous font obstacle et qui salissent le nom du Seigneur ! 

_ Gloire au roi ! Gloire à l’Abakazie ! criait alors la foule. »

La Machine a été élevée dans cette idée qu’elle est elle-même une élue, promise à une haute destinée, que sa place est celle du pouvoir et que les autres ne sont qu’une masse grouillante d’esclaves et d’admirateurs ! Mille princes ont demandé la main de la Machine, selon elle, et ils ont tous échoué ! Tautonus a été choisi, car il était simple et travailleur ! La Machine a entretenu son rang et la voilà de nouveau à l’école ? Pour qui la prend-on ?

Mais Lapsie et Ratamor ont su faire preuve de diplomatie… « Une femme aussi éminente que vous est une chance pour la science ! ont-ils dit à la Machine. Ce que vous pouvez nous apprendre est unique !

_ Mais c’est vous qui avez l’air de me donner une leçon !

_ Apparences ! Fumées ! Méthodologie ! Quand vous répondrez à nos questions, nous noterons tout, nous n’en perdrons pas une miette ! Pensez à tous ceux qui récolteront bientôt le fruit de votre expérience, tel un élixir de vie !

_ Hi ! Hi ! Vous exagérez ! Je n’ai fait que mon devoir ! Au fond, je ne suis qu’une faible femme !

_ Quelle modestie ! Tout à fait dans l’esprit du Seigneur ! Mais je ne vous cache pas non plus que Dominator lui-même…

_ Quoi Dominator ? Il me connaît ?

_ Mais bien sûr ! Il n’est pas sans connaître votre père, votre fameuse lignée ! Dès qu’on lui a parlé de vous, pour notre expérience, il nous a répondu : « Vous ne pouviez faire meilleur choix ! C’est une famille dont les hautes qualités ne peuvent être mises en doute ! »

_ Hi ! Hi ! Qu’attendons-nous pour commencer ?

_ Eh bien, madame, nous allons débuter par quelque chose de simple…, car vos futurs auditeurs auront besoin d’un échauffement ! Ils ne peuvent pas toute suite avoir votre excellence !

_ Ça va de soi !

_ Vous voyez ce tableau… Nous y avons dessiné un cercle et un carré…, pour montrer combien ces deux figures s’opposent ! L’une, le carré est la Domination, appelée D ! L’autre est l’Amour, appelé A ! Tout va bien ?

_ Oui, mais je vous avoue que je ne vois pas très bien où vous voulez en venir !

_ Eh bien, c’est assez simple… Question : peut-on aimer l’autre sans le respecter ?

_ Euh, je suppose que non…

_ C’est tout à fait exact et c’est pourquoi nous opposons Domination et Amour ! On ne peut pas vouloir les autres inférieurs et les respecter !

_ Mais en quoi, ça me concerne, moi ?

_ Eh bien, nous nous demandons si vous respectez suffisamment Paschic ?

_ J’en étais sûre ! Vous me donnez une leçon ! Vous êtes en train de me dire comment je dois être ! Comment osez-vous ?

_ Mais… mais il s’agit de vivre ensemble ! de comprendre ce qu’est l’amour !

_ A moi maintenant de vous éclairer ! Savez-vous ce que c’est qu’ ça ?

_ Houps !

_ C’est un MPH 90, 200 coups à la seconde, pour sulfater les rats comme vous !

_ Vous n’allez quand même pas…

_ J’ vais m’ gêner ! »

La classe numérique vole en éclats ! Les murs sont troués, le tableau tombe, les cahiers sont plumés ! Bien qu’immatériels, Lapsie et Ratamor se jettent sur le sol ! « Comment ? A moi, la reine d’Abakazie, on manque de respect ! » entendent-ils encore.

                                                                                                                  2

      Le Dom émeraude 367 B met dans un sac quelques affaires, car il a décidé de s’enfuir de la maison familiale ! Ce n’est encore qu’un enfant, mais déjà il est malheureux et se dit que quelque chose cloche ! Il ne se sent pas chez lui ici ! Il a l’impression d’être différent, alors que les autres sont soudés ! Il subit encore mille avanies et des punitions, qu’il juge excessives, injustifiées, ce qui cause son chagrin !

Et puis, il y a eu ce changement…, à peine perceptible au début… Mais ses yeux sont devenus verts ! Sa famille ne s’en est même pas aperçu ! Depuis quand ? 367 B était dans un bois, ça, il s’en souvient… Il y en a encore quelques uns autour de Domopolis ! Ils ne sont pas très grands, entre deux lotissements ou deux routes, et pourtant cela a suffi ! 367 B regardait une feuillage et il a été frappé par un éclair... émeraude ! A partir de là, il n’a plus été le même !

Que s’est-il passé exactement ? Ce que les Doms appellent la Chose a-t-elle d’une manière quelconque « empoisonné » 367 B ? Continue-t-elle à le manipuler ? Celui qui est devenu un Dom émeraude l’ignore ! Tout ce qu’il comprend, c’est que son existence est maintenant insupportable, dans sa propre maison ! Alors, il faut partir, c’est une question de survie !

Bien sûr que 367 B a essayé de discuter, de s’expliquer ! Mais à quoi bon ? Il a été remis sèchement à sa place ! On l’a même raillé ! On s’est moqué de son égoïsme et de son inexpérience ! On lui a dit et répété que c’était lui le problème ! Que faire face au nombre ? Mais même si celui-ci a raison, 367 B a décidé de s’enfuir : il souffre trop ! D’ailleurs, il n’a pas les mots pour combattre les adultes et l’émotion vient le submerger trop vite !

Voilà, son petit sac est plein et il faut à présent quitter la ville ! Ce n’est pas une mince affaire, car depuis que la Chose menace Domopolis, la surveillance a été renforcée ! Des patrouilles veillent à ce que personne ne franchisse le mur d’enceinte sans autorisation ! 367 B veut profiter de la nuit et il se glisse telle une ombre, dans les rues silencieuses ! Il ne croise que quelques rats, qui le regardent avec méfiance !

Enfin c’est le mur, là où il comporte une brèche, selon des camarades d’école ! C’est au bout d’un terrain vague, sous la nuit étoilée ! Effectivement, une mince fissure laisse rentrer l’air extérieur à la ville et un enfant peut l’emprunter ! 367 B se retrouve hors de Domopolis, dont il voit les lumières en se retournant ! Il a réussi et à lui l’inconnu ! Il en frémit, mais rester n’était plus possible !

367 B est sur un plateau rocheux, sans végétation… C’est assez hostile et très silencieux… Où aller ? Le plan s’arrêtait avec la sortie de la ville ! Maintenant… Mais quelque chose bouge là-bas…, très rapidement même ! C’est un robot araignée ! Son acier est parfaitement clair sous la lune et il fait de gigantesques bonds ! 367 B en avait entendu parler, mais il avait cru à des histoires, pour faire peur ! La peur ? 367 B est réellement terrifié ! L’araignée en un saut est devant lui, avec des yeux rouges, des rayons lasers qui encadrent la frêle silhouette de l’enfant ! Puis elle crache sa toile et 367 B ne peut plus se débattre ! Il est prisonnier et ramassé par le robot !

Un peu plus tard, il est dans un bureau face à un Dom massif ! La pièce est éblouissante et l’ambiance oppressante ! Inutile de dire que l’aventure est terminée ! 367 B regarde inquiet le Dom massif, qui lui dit : « Je ne sais pas si tu t’en rends compte, mais c’est très grave pour ton avenir !

_ Je…

_ La ferme ! Tu ne fais plus partie des nôtres à présent ! Tu as trahi !

_ Je… je n’étais pas heureux !

_ Pas heureux ? Tu crois que la vie, c’est fait pour être heureux ? Moi, j’ai un job et c’est assez dur comme ça ! Mais toi, tu t’en fous ! Et il faut qu’on s’occupe de toi à toute heure !

_ Excusez-moi !

_ Mais tes excuses ne suffiront pas ! On t’enlève toutes tes cartes et tes avantages ! Sur ton dossier, tu auras des points de cotisations en moins ! Tu es devenu un paria dans le système, une brebis galeuse ! T’avais tout, t’avais juste à faire comme les autres ! Mais non, monsieur a trouvé que c’était encore trop lui demander !

_ Pas du tout ! Je…

_ Je quoi ? Tu veux pas bosser ? Tu bosseras pas ! Mais à toi le déclassement, car tu seras marqué ! Mais dis donc, t’as les yeux tout verts !

_ Non, non !

_ Oh ! Mais si ! Alors, tu es un Doms émeraude ! Tu sais ce qui t’attend ? Le camp n° 5, tu connais ? Là-bas, on s’occupe des débiles dans ton genre !

_ Laissez-moi retourner dans ma famille !

_ Trop tard ! Et puis, tu veux mon avis ? Les tiens vont sûrement être heureux d’être débarrassés de toi ! »

                                                                                                                    3

      Au camp n° 5, Paschic reste le cobaye des expériences de Lapsie et de Ratamor, mais, quand on n’a pas besoin de lui, il est libre d’aller prendre l’air et le voilà croisant un jeune balayeur ! Celui-ci doit nettoyer une large dalle de béton, en plein soleil ! « Bonjour, c’est pas trop pénible ? demande Paschic.

_ Comment ça ? répond le jeune balayeur.

_ Ben, vous êtes là sous le soleil qui tape bien ! Et puis, vous soulevez de la poussière de béton, qui vous rentre dans le nez, non ?

_ Non, ça va… et puis, on s’habitue, monsieur !

_ Tu t’habitues ? Je me permets de te tutoyer, car tu es bien plus jeune que moi… Mais, justement, tu parles d’habitude et tu commences à peine ta vie ! Tu es un Dom émeraude, pas vrai ?

_ Oui, monsieur ! C’est pour ça que je suis ici… et que je balaie, car j’ vaux pas beaucoup mieux, m’sieur !

_ Ah bon ? Tu vaux pas grand-chose ?

_ Non, m’sieur ! comme tous les Doms émeraude d’ailleurs ! On est des inutiles et des parasites ! On est des menteurs et des paresseux ! des gens pas fréquentables ! quasiment nauséabonds, m’ sieur !

_ Ils t’ont bien bousillé, pas vrai ?

_ Je comprends pas, m’sieur !

_ Les Doms ! Ils t’ont fait croire que c’était toi, le mauvais…, parce que tu les dérangeais ! Ils ont eu peur de toi et ils ont cherché à t’écraser !

_ Ils ont eu peur de moi ?

_ Bien sûr ! Car tu es différent ! Tu es un Dom émeraude et ils ne comprennent pas ce que c’est ! Eux, c’ qui les intéresse, c’est leur plaisir, leur pouvoir, c’est leur bizness !

_ C’est moi, l’égoïste, m’sieur ! C’est moi qui ne pense qu’à moi ! C’est pour ça que j’ dois balayer, pour rendre service…

_ Pauvre gars ! Et si je te disais que c’est les Doms qui sont vraiment égoïstes et qui ne pensent qu’ à eux ! Crois-moi, ce sont des hypocrites ! Ils ne reconnaissent jamais qu’ils s’empiffrent et qu’ils se font la belle vie !

_ Hep ! Vous là-bas ! crie un gardien Dom à Paschic. Il est interdit de parler aux Doms émeraude !

_ Ah bon ?

_ Ouais ! répond le gardien, qui est maintenant tout près de Paschic. C’est le règlement ! Alors, circulez ! »

Le Dom gardien essaie sa domination sur Paschic, mais celle-ci glisse comme l’eau sur un rocher ! Le Dom est surpris et sent une puissance qui le dépasse et qui lui est inconnue ! Il a soudain peur et s’en va ! « Ouah ! fait le Dom émeraude. Comment vous avez fait ça, m’sieur ? Il est parti comme une flèche !

_ Je t’apprendrai à lutter contre eux, si tu le désires ! Comment tu t’appelles ?

_ 367 B…

_ Depuis combien de temps tu es là ?

_ Deux ans !

_ Je vois que tu es brisé à l’intérieur…

_ Vous devriez pas m’ parler comme ça, m’sieur !

_ Ah bon ? Pourquoi ?

_ Parce que j’ai envie de pleurer !

_ C’est bon de pleurer, ça soulage ! Mais je sens que tu es plein de sang et de morceaux tout au fond… Je peux restaurer tout ça… Je peux te faire comprendre combien tu es aimable et que ce sont les Doms qui sont injustes ! Comme je te l’ai dit, ils ont intérêt à détruire les Doms émeraude !

_ Vous pourriez me redonner espoir, m’sieur ?

_ Oui, je pourrais, car je suis passé par ton état ! Je connais la solution et les remèdes ! Je sais vaincre les Doms, car je suis plus fort qu’eux ! Tu l’as vu, non ?

_ Oh oui ! Je l’ai vu ! Et je vais aller raconter ça aux autres ! Ah ! Ah ! Comment vous vous appelez, m’sieur ?

_ Paschic, car je ne suis pas chic pour les Doms ! »

                                                                                                                      4

      Toujours au camp n° 5, Le duc de l’Emploi et le colonel Retraite continue à s’énerver contre l’inertie des Doms émeraude !

« Non mais regardez-moi ça ! s’écrie le duc de l’Emploi. Ils sont là une dizaine totalement demeurés ! On dirait des vaches !

_ Et ils ne cotisent pas ! Plus dure sera la chute !

_ Exactement ! Alors mes gaillards, pourquoi vous bossez pas ? Et même, pourquoi vous ne consommez pas ? Les spécialistes parlent de dépressions et d’éco-anxiété, mais on ne me la fait pas ! Vous êtes surtout des paresseux et des rigolos !

_ Vous n’avez aucun point de retraite ! rajoute le colonel Retraite. Plus dure sera la chute !

_ Vous ne savez pas leur parler, c’est tout ! coupe Paschic qui arrive.

_ Quoi ? Qui êtes-vous d’abord ? fait le duc.

_ Je suis Paschic… et je vous connais duc…

_ Fort bien ! Vous allez donc expliquer à ces va-nu-pieds, tout l’intérêt de bosser !

_ Je vous connais duc… et donc je connais votre hypocrisie et comme dans votre sillage, vous ne laissez que destruction !

_ Comment osez-vous ? Je représente le travail, sans lequel la société n’est rien !

_ Bien sûr ! C’est toujours le même discours, comme s’il n’y avait qu’une seule manière d’être utile à la société !

_ Exactement ! appuie le colonel. Tu bosses, tu cotises et t’as droit à la sécu et à la retraite ! C’est le deal ! Sinon…

_ Plus dure sera la chute ! Bien sûr, colonel, je connais aussi cette chanson… et elle est tellement claire que nos sociétés sont paisibles, de moins en moins violents et toujours plus saines mentalement !

_ Et qu’est-ce que monsieur Paschic propose ? fait ironiquement le duc. Puisqu’il semble tout savoir !

_ Mais je peux parler aux Doms émeraude, pour qu’ils se réveillent ! Vous permettez ? »

Paschic étend la main et grâce ses pouvoirs, ils placent les Doms émeraude sous un feuillage ensoleillé, de sorte qu’ils aient l’impression d’être éclairés par un grand vitrail émeraude ! Des troncs à côté font office de piliers, car le but de Paschic est de prendre la parole comme en un temple, mais sans l’austérité des édifices religieux. Ici, c’est la nature, avec ses merveilles, qui est la maison !

« Compagnons ! dit-il aux Doms émeraude. Voulez-vous servir la reine Beauté et défendre son royaume ?

_ Nous le voulons !

_ Compagnons, voulez-vous connaître la vérité et la paix, et donner ainsi un véritable sens à votre vie ?

_ Nous le voulons !

_ Compagnons, voulez-vous lutter contre l’hypocrisie et le mépris des Doms ?

_ Nous le voulons !

_ Compagnons, la route que vous allez prendre fera de vous des parias, des sans-grades, des déclassés ! Mais la lumière vous habitera ! Voulez-vous toujours cette route ?

_ Nous le voulons !

_ Compagnons, bientôt, nous partirons de ce camp et je vous demande d’attendre mon signal !

_ Hourra ! Hourra !

_ Non, mais je rêve ! s’écrie le duc. Vous leur avez parlé d’évasion !

_ Ah bon ? Mais vous avez vu leur enthousiasme et même leur détermination ! Vous qui vouliez les sortir de leur torpeur, vous devriez être content !

_ Mais…, mais, moi, ce que je voudrais, c’est qu’ils bossent ! qu’ils ne vivent pas aux crochets des autres ! C’est ça leur devoir !

_ Exactement ! renchérit le colonel. S’ils ne cotisent pas, plus dure sera la chute !

_ Et qu’est-ce qu’il y a de plus important ? répond Paschic. Ce n’est pas que nous vivions heureux, en respectant les autres et la planète ? Si votre devoir vous conduit à la haine, il ne sert à rien !

_ Ah ! Pour causer vous êtres très fort…, mais les chiffres sont les chiffres et l’économie ne se nourrit pas de sentiments !

_ Oh ! Mais si ! Et le mal que vous commettez, duc, est incommensurable ! » 

 
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