D'un casse-tête

  • Le 16/06/2018
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Casse tete

 

 

 

 

 

    Comme il est dur de changer les gens! On a les solutions, pour que la vie soit meilleure et même pour que le plus grand nombre soit plus heureux, mais on est forcé de garder pour soi ce que l'on sait; on est condamné au mutisme, ou peu s'en faut, et chaque jour on voit se répéter les mêmes erreurs, les mêmes pièges et donc les mêmes larmes, les même cris, les mêmes désastres!

    C'est que l'orgueil, ou l'amour-propre, empêche l'écoute, la docilité, le changement, le progrès; chacun tenant à se montrer le plus fier, le plus fort, comme ayant le mieux réussi! Chacun aurait l'impression de s'humilier, s'il venait à demander conseil, s'il se présentait diminué, désemparé... et on en veut à ceux qui nous ont vus ainsi!

    Il n'est pas question non plus d'imposer les remèdes, de menacer, de terroriser, même si c'est la raison qui nous guide, même si le but que l'on veut atteindre est le plus louable qui soit! Que serait un sage qui s'inquiéterait? qui réclamerait comme n'importe quel quidam, comme n'importe quel égoïste primaire, son droit de parole, sa juste place dans la société, les égards qui lui sont dus?

     Ce serait un sage illogique, absurde, inconséquent, qui prônerait la modestie, la patience, avec morgue et colère! Il ne serait pas une bonne enseigne pour sa pensée, une bonne publicité pour son savoir! Il vaut mieux que le sage attire justement par sa différence, sa force mystérieuse, sa beauté même! Il doit être un questionnement pour les gens, une sorte d'extraterrestre! On doit se demander comment il fait, quel est son secret?

    On doit avoir envie de le regarder, de le croiser, de susciter son attention! On doit vouloir s'en faire remarquer, car on doit penser que son œil compte, que son avis est important! Que serait un sage qui ne serait pas l'image même du bonheur qu'il est censé posséder? Il serait comme un psychiatre ou un nutritionniste qui fument! à peine plus qu'un charlatan!

    Mais même si le sage provoque l'intérêt, il ne peut brusquer et il intervient beaucoup moins qu'il n'est témoin! Pour qu'un individu accepte de changer, il faut qu'il soit placé devant une impossibilité, une impasse, et peut-être même faut-il qu'il soit "anéanti", que ses défenses soient brisées, que son orgueil ait disparu!

    Tant que les conditions de vie sont les mêmes et surtout si celles-ci sont confortables, l'homme ne voit aucune raison d'évoluer, de "s'ouvrir" à la nouveauté (ceci ne concerne pas les gadgets) et encore moins de se laisser conduire! L'histoire est riche d'exemples qui illustrent bien ce quasi principe!

    Revenons aux événements les plus extraordinaires et les plus dramatiques qui ont touché l'Europe et sans doute l'humanité! A peine la deuxième guerre mondiale est terminée, que le peuple anglais limoge son guide, son défenseur, son meneur, Winston Churchill! Il ne reste pas un jour de plus en place!

    On lui avait remis les clés de la maison, quand l'ombre d'Hitler la couvrait en entier, mais sitôt le soleil revenu, l'orgueil de chacun reprend ses droits, crie de nouveau famine! Dehors le leader, on n'a plus besoin de lui! N'avaient été les bombes, l'autorité d'un seul aurait été insupportable!

    Ce fut différent en France, où l'écrasement, le malheur fut plus complet, fut radical; où on ne fut pas moins menacé que d'"extinction"! La France de Vichy, c'est la nuit, c'est la trahison qui s'ajoute à la défaite; la honte à la terreur! On ne peut pas tomber plus bas! Il n'y a aucun honneur auquel se raccrocher, aucune compensation à la reddition! Cela n'a été qu'un renoncement, un glissement de vieillard!

    Aussi, du fond de son cachot, la France désespérée salue-t-elle la lumière du général de Gaulle, comme celle du sauveur! Elle ne veut que lui! Elle ne veut être conduite que par lui! Car l'épreuve l'a anéantie! Son orgueil n'existe plus! Elle veut simplement "boire", respirer, et le général est son eau, son air! Elle sera docile, elle lui obéira!

    Et le général construira sa politique grâce aux referendums, au soutien, à l'amour, au respect de la population, pour celui qui l'a libérée, qui a mis fin à son cauchemar! Cela durera des années! Tous les chefs de parti, qui rêvent du pouvoir, devront se plier à cet hommage, à cette façon de faire; devront reconnaître l'autorité, la suprématie du général, jusqu'à ce qu'il "tire trop sur la corde"!

    En 1969, lors d'un referendum sur les régions, il dira:" Françaises, Français, dans ce qu'il va advenir de la France, jamais la décision de chacune et de chacun de vous n'aura pesé aussi lourd!" Comment le général peut-il faire croire que dans une réforme administrative, il y va comme à la libération du pays? La situation a bien changé; depuis longtemps déjà le quotidien est redevenu rassurant, l'effroi est bien derrière!

    Les paroles du général jettent même un voile sur sa conduite passée, puisque la gravité d'hier semble confondue avec la tranquillité d'aujourd'hui! Et la sanction tombe: le referendum est hostile au général, de sorte qu'il démissionne! Le prophète s'en va de lui-même, après s'être inexplicablement discrédité! Mais cette histoire d'amour était sans doute trop forte, pour que le général accepte un refroidissement, et c'est une rupture, sèche!

    Cependant, les catastrophes naturelles produisent un terrain également favorable à la diminution des égoïsmes... Faut-il entasser des sacs, pour empêcher l'eau d'envahir la ville? Et voilà tous ses habitants mobilisés, soudés, retrouvant le sens du mot solidarité; et même plaisantant, présentant tous les signes du bonheur, malgré le danger! C'est que celui-ci focalise l'attention, enlève le poids des tourments quotidiens, clarifie pleinement la voie à suivre, ce qui en définitive apaise et responsabilise!

    Bien sûr, il y a toujours des esprits contraires, des brebis radicalement galeuses, qui voient au contraire dans le moment une occasion supplémentaire d'accroître leur profit, leur pouvoir; mais, dans l'ensemble, les circonstances exceptionnelles, si elles ne nous détruisent pas, nous rendent meilleurs, selon la formule presque consacrée aujourd'hui. 

    Mais cela veut dire que tant que l'environnement ne change pas, nous ne sentons nul besoin de grandir, et pourquoi alors se contrarier? C'est donc à un tumulte journalier, à une ménagerie bruyante et féroce, qu'assiste le sage, en se demandant quel pourrait être son rôle, s'il sert vraiment à quelque chose et ses questions peuvent finir par l'étioler, comme une fleur qui ne peut pousser faute d'espace!

    Prenons par exemple un problème qui préoccupe en ce moment l'actualité, celui du gouffre produit par les aides sociales! Il est normal que Macron, qui veut rétablir la puissance de la France et son équilibre, soit horrifié par ce budget aussi bigarré que colossal! Il est normal encore qu'il s'interroge sur la valeur, la nécessité de ses aides, car elles sont sans pareilles dans le monde vraisemblablement, et nous savons combien ailleurs il faut lutter pour vivre et que même le sens de l'existence ne peut se passer de cette lutte!

    Notez cependant un signe inquiétant chez Macron, c'est qu'il peine à formuler exactement ses phrases, ce qui traduit son impatience et son manque de sang-froid, tant il est vrai que s'énonce bien ce qui se pense bien et précisément! L'inexpérience et même l'immaturité de Macron seront certainement pour nous, comme pour lui, la source de bien de déconvenues et de chagrins!

    Mais de l'autre côté, face à lui, il y a bien entendu les ardents défenseurs de ces mêmes aides sociales, et qui crient aussitôt au président des riches, comme si on les égorgeait au coin d'un bois! Ceux-là, on les comprend aussi, mais nous savons tous que "ça" ne peut pas continuer comme ça; que nous sommes trop privilégiés, que nous vivons au-dessus de nos moyens, etc.!

    Il faut donc des réformes, mais le problème est autrement plus complexe qu'il n'y paraît, comme le sait le sage. De même qu'on ne pourra pas résoudre le réchauffement climatique, uniquement en diminuant les gaz à effet de serre, de même on ne peut traiter la pauvreté uniquement sur le plan économique... Il faut voir d'une manière bien plus profonde et considérez par exemple ceci...

    Beaucoup de bénéficiaires du RSA sont des exclus; ils ont été écrasés par l'égoïsme ambiant, en fait des plus forts! Ce qu'ils demandent d'abord, c'est un peu de sécurité, afin de panser leurs plaies! Mais cela veut dire qu'on ne pourra éradiquer la pauvreté, si on ne travaille pas à une justice plus générale, ce qui implique un changement dans les comportements, qui ne pourra lui-même se faire sans donner les raisons qui font que l'égoïsme constitue une impasse, en étant incapable de nous rendre heureux! Ouf!

    Imaginez le sage expliquant cela, en plein débat sur la question! Il ne serait même pas entendu, tant les passions sont fortes! On se demanderait quel doux dingue il est! Et on passerait rapidement aux choses sérieuses, à l'affrontement musclé, et on n'apporterait rien de solide pour l'avenir!

   Le sage doit donc en prendre son parti; il sera toujours en butte à l'incompréhension... et même à la haine! En effet, le bonheur et la paix du sage, qui apparaissent comme sa réussite, suscitent bien des jalousies et donc de la colère et du mépris! Ce sont les ingrédients du même poison!

    Les plus voraces d'entre nous ne cherchent pas à comprendre, mais à détruire! Ils suspectent aussitôt le sage de mille travers, de mille fourberies, car pour eux une telle santé, un tel éclat ne peut que venir d'une tromperie... C'est comme une injure à leur propre intégrité! Et comme ils sont prompts à faire valoir leurs qualités, leurs efforts, leur valeur! Ils pourraient même faire trembler Fouquier-Tinville, tellement ils sont persuadés d'être justes!

    Il ne viendrait même pas à l'idée de ces mêmes violents que c'est justement leur avidité, la férocité de leurs appétits, qui les condamne et en fait des âmes en peine! La sagesse est accessible à tous, il suffit de vouloir la comprendre et l'acquérir! Mais même cela donne la nausée et provoque le dégoût de cette France irascible et tout le temps inquiète!

    Là encore le sage est poussé vers le calme de la nature, où sûrement Dieu se repose! Le sage reprend ses esprits au contact de la beauté des fleurs et des animaux... et il pourrait céder à la mélancolie des solitudes, si lui-même n'était pas au fond un homme comme les autres, que le printemps influence et fait fleurir!

    Car le sage a dû gagner en force, à la suite de l'hiver! Si ce n'est pas le cas, il était et est sur la mauvaise voie! Pour son plus grand plaisir, il doit être maintenant capable de dire à certains leur fait! La clarté de son jugement, la finesse et l'étendue de sa compréhension doivent éclater au grand jour! Car c'est celui qui est proche de la vérité qui est le maître! Car le monde n'est pas abandonné au chaos et aux mensonges! 

    Le tumulte des villes ne règne pas sous les nuages; tout au plus peut-il avoir cette illusion! Le sage est la lumière du monde, car lui-même a cherché la lumière! Sa force, sa paix témoignent de la bonne direction de ses pas... et peu importent les rages et les grincements de dents, de tous ceux qui le jalousent et ne veulent pas l'imiter!

    Le sage doit à présent être capable d'essuyer la contradiction, la mauvaise foi, le reproche et la haine! La fleur de la sagesse a gagné en maturité et en solidité, sinon elle ne poussait pas dans le bon sens! Ce qui l'effrayait hier doit maintenant lui faire hausser les épaules; ne pas lui donner de sueur froides, ou l'envie de fuir!

    C'est le sage qui sait, c'est lui qui possède le monde, car celui-ci est aussi gouverné par la sagesse! Le sage, de par sa perfection, en est le garant! Ce n'est pas le violent, celui qui crie, qui est amer, ou même sournois, qui commande! même s'il en donne l'impression!

    Le sage n'en finira pas d'être toujours plus tranquille, et plus heureux! Les conditions de la vie lui feront toujours de moins en moins peur... Il se dégagera de lui comme un parfum d'éternité, et pour celui qui sait regarder, un espoir sans bornes!

    Le sage pourra réduire le tyran à la taille d'un petit pois, et lui montrer que sa vie, que les honneurs qu'il croyait posséder, ne sont rien! que la puissance dont il se targuait a disparu! Le sage fait voir que le vent emporte le méchant (ou la méchante bien entendu!), qu'il suffit d'un souffle pour le chasser!

    Le sage est utile à la société sans qu'elle s'en doute et donc le reconnaisse... Il organise, il solidifie, il répare, il construit sans le dire, sans le revendiquer... Il travaille aussi à la justice, mais sans haine et sans s'énerver... Il est comme un trésor au-dessous des vagues; il est comme un baume dans le flot des blessures!   

 
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