La révolte... (21-22...)
- Le 07/06/2025
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" Je te préviens: va y avoir du vilain!"
Touchez pas au grisbi
21
« Il ne parle toujours pas ! fait le duc de l’Emploi.
_ Non, il a l’air encore plus hébété ! » ajoute Ratamor.
En effet, le Dom émeraude, au rayon des semoules, n’est plus qu’une loque abasourdie ! L’Explosion du choix a fait son œuvre ! Le Dom émeraude n’est plus capable de voir les étiquettes des produits, tellement ils sont nombreux ! C’est la défaite d’une personnalité ! un retour vers l’autisme ! Le choc est trop violent et le repli sur soi est nécessaire ! Le Dom émeraude est retourné dans la sécurité de l’idiotie, du moins aux yeux des Doms !
« Bon, qu’est-ce qu’on en fait ? demande Ratamor.
_ Hmmm, répond le duc, je n’ai pas dit mon dernier mot ! Il reste la Fosse aux Doms !
_ La Fosse aux Doms ? interroge Lapsie.
_ Oui, c’est une de nos expériences… On réunit un certain nombre de Doms, dans une fosse, avec la possibilité technique d’entendre leurs désirs !
_ Vous voulez dire qu’on peut connaître leurs pensées ?
_ Oui, par un phénomène d’échos, sur ce qu’on a appelé des ondes psychiques !
_ Vous m’en direz tant !
_ La science ne cesse de progresser, Lapsie ! Il n’y a pas que votre cabinet et vos méthodes surannées qui comptent !
_ Mais je ne vous permets pas…
_ En gros, comment cela fonctionne-t-il ? coupe Ratamor, qui prend conscience qu’il a été écarté de certaines recherches.
_ Eh bien, le Dom émeraude, une fois dans la Fosse, va prendre de plein fouet le désir des Doms ! Alors que dans la rue tout n’est que suggéré, ici ce qu’exprime chacun sera parfaitement clair pour le Dom émeraude… et pour nous aussi, grâce à des récepteurs, qui captent et traduisent les ondes psychiques !
_ Formidable ! fait Ratamor. Mais je m’aperçois que non seulement vous êtes en avance sur mon travail, mais encore qu’on me laisse en dehors de tout ça !
_ Secret Défense, Ratamor ! Ce que vous allez voir appartient à un programme strictement militaire… Mais, gardes, qu’on emmène le Dom émeraude jusqu’à la Fosse aux Doms !
_ Vous n’allez pas le soumettre à une nouvelle épreuve, dans cet état ! objecte Lapsie.
_ N’avez-vous jamais rêvé d’entendre vraiment les pensées de vos patients, docteur Lapsie ? »
On arrive au bord de la Fosse, où font déjà « les cent pas » une dizaine de Doms… Puis, on y « plonge » le Dom émeraude, muni de récepteurs, tandis que le Duc, Lapsie et Ratamor rejoignent une salle de contrôle ! « Le but, explique le duc, c’est que le Dom émeraude, percevant clairement le désir des Doms, craque… Allô, Dom émeraude, écoutez-moi bien, dites-nous où sont Paschic et vos camarades… et immédiatement, on vous sortira de la Fosse et vous pourrez vous reposer ! »
Le Dom émeraude ne répond rien et regarde venir à lui tour à tour les Doms présents dans la Fosse, mais, à sa grande stupéfaction, il entend clairement ce qu’ils lui veulent ! « Regarde-moi ! Regarde-moi ! fait un premier Dom. Je suis là, au milieu de tous ! Ne suis-je pas puissant, le plus beau ? Je suis irrésistible tel un Dieu et tout le monde doit me regarder, me considérer ! »
Le Dom émeraude, à ces mots, déglutit, transpire et son pied bute ! Il ne sait où aller, de quel côté tourner la tête ! Il est soudain pris d’un formidable dégoût et veut fuir, mais il est comme happé par le regard d’une Dom, qui lui dit : « C’est étrange… et même contrariant ! Je suis attiré par toi, Dom émeraude, mais je suis une reine et un tel désir gêne mon orgueil ! Je t’en veux, Dom émeraude, je te méprise même, car je n’ai pas, moi, à être attiré par toi ! C’est un comble, c’est dégradant et pourtant c’est un fait ! Ah ! Je suis en colère ! Ou bien tu es trop beau, ou bien je suis trop faible ! »
Les yeux du Dom émeraude se révulsent, car il est encore plus perdu : on le hait parce qu’il attire ? Voilà une situation nouvelle pour lui ! Fuir, mais où ? Là, un autre Dom, pour se rassurer, lui montre la grosseur du paquet qu’il a entre les jambes ! Là-bas, une Dom expose ses magnifiques fesses, tout en continuant à discuter avec ses copines !
« Il va craquer ! lâche le duc, dans la salle de contrôle.
_ J’ignorais que nos désirs étaient aussi violents ! fait Lapsie.
_ Oui, répond le duc, de quoi créer un véritable chaos, non ? »
22
Dans les Monts-Bleus, Paschic propose aux Doms émeraude un travail nouveau : « Voilà, dit-il, j’ai pensé que pour mieux nous connaître et comprendre notre rôle et la stituation, on pourrait jouer une pièce de théâtre, qui mettrait en scène tous les acteurs qui nous entourent ! Je passe donc à chacun un manuscrit, que vous allez lire… et on en parlera plus tard ! »
Les Doms émeraude découvre donc ceci :
Titre de la pièce : LES DOMS
Personnages :
Dominator : chef de Domopolis.
Le duc de l’Emploi : ministre de l’emploi.
Monsieur Nuit : entrepreneur.
Lapsie : psychologue.
Ratamor : scientifique.
La Machine : mère de Paschic.
Tautonus : père de Paschic.
Paschic : fils de la Machine.
La reine Beauté...
ACTE I, SCENE I : Dominator
Nous sommes dans le bureau de Dominator, situé au sommet de la tour du Pouvoir, qui domine la ville de Domopolis. Dominator est un personnage massif, qui fume le cigare.
Dominator : Que de chemin parcouru ! depuis Dominatus ! (Il s’approche d’un buste, qui représente un singe.) Je te salue, mon cher ancêtre ! Nous, les Doms, avons hérité de ta soif de domination ! Sans elle, pas de territoire et donc pas de nourriture, ni de reproduction ! la fin de l’espèce quoi ! (Il tire une bouffée de son cigare et reste un instant rêveur.) Ah ! Mais, Dominatus, nous avons poussé la domination à un stade que tu ne pouvais même pas imaginer ! Eh ! C’est que l’évolution est aussi l’histoire d’une individualisation : plus un organisme apparaît tard sur l’échelle du temps et plus il est complexe et donc individualisé ! Et quoi de plus complexe que nos cerveaux... et figure toi, Dominatus, que nous sommes passés d’une domination physique, nécessaire à la construction des nations, à une domination psychique, qui fait par exemple que nous voulons toujours avoir raison, sur les réseaux sociaux ! Ah ! Grand-papa, comme tu serais fier de nous ! (A cet instant, son portable sonne et il le porte à son oreille.) Ouais ? Ah ! C’est vous mon cher duc… et vous êtes accompagné par monsieur Nuit… Non, vous ne me dérangez pas… Vous pouvez entrer…
ACTE I, SCENE II : Dominator, le duc de l’Emploi, monsieur Nuit
(Le duc de l’Emploi et monsieur Nuit pénètrent dans le bureau. Le duc de l’Emploi est un personnage hautain… Il est vêtu d’une culotte de cheval et d’une cravache. Monsieur Nuit est plus rond, plus cauteleux et donne l’impression de toujours se moucher!)
Le duc : Ah ! Dominator ! (Il tend ses mains, en signe d’affection.) Nous ne vous dérangeons, pas, vraiment ?
Dominator : Bonjour, mon cher duc ! Bonjour monsieur Nuit ! Mais non, vous ne me dérangez pas ! J’étais en pleine discussion avec notre ancêtre à tous : Dominatus ! (Il désigne le buste.)
Le duc : Ah oui ! Dominatus ! C’est lui qui nous a donné notre nom ! Les Doms pour dom… ination !
Monsieur Nuit : Nous dominons grâce à lui !
Dominator : Exactement ! Et voilà pourquoi, moi, Dominator, je suis chef de Domopolis, la capitale des Doms !
Le duc : C’est justement au sujet de la ville que nous sommes venus vous voir…
Dominator : J’imagine que vous voulez découvrir nos nouveaux projets !
Monsieur Nuit : C’est cela Dominator ! En tant que bétonneur principal de la ville, je dois savoir à quoi m’en tenir !
Dominator : Mais, naturellement, monsieur Nuit ! Venez donc par ici ! (Ils se rapprochent d’une table, où Dominator enlève un voile, qui couvrait la maquette de la ville!) Voilà, messieurs, la nouvelle Domopolis !
Monsieur Nuit : Comme c’est beau ! Comme c’est grand ! Ah ! Tout ce nouveau béton ! Tenez, Dominator, pour un peu je vous embrasserais !
Dominator : Ah ! Ah ! Monsieur Nuit, comme vous y allez ! N’oubliez pas que tous ces aménagements obéissent à une nécessité ! Il faut bien loger les gens, que diable !
Monsieur Nuit : Bien sûr, bien sûr, Dominator ! Mais vous connaissez également mon aversion pour les arbres ! La nature me donne le frisson… et la voilà domestiquée, muette, ensevelie, sous l’ordre et le béton ! Je n’ai pas beaucoup de joies dans ma vie, Dominator, mais vous venez de m’en apporter une… et de taille… Snif !
Dominator : Remarquez la tour du Pouvoir, où nous sommes et qui domine toute la ville !
Le duc : Messieurs, messieurs, je vous signale que moi aussi, j’y trouve mon compte ! Moi, le duc de l’Emploi, je ne tolère pas qu’on ne travaille pas ! Je ne supporte pas les paresseux ! Vous connaissez ma logique… Elle est imparable ! « On travaille pour gagner son pain… et on cotise pour sa retraite et le bien de tous ! » Sans travail, la société ne fonctionne pas ! Et voilà, Dominator (Il montre la maquette.), que les bâtiments poussent comme des champignons ! Des lotissements, des zones industrielles, des entreprises à perte de vue ! Que de chantiers ! Une armée de travailleurs est en marche ! Ah ! (Il bat sa jambe de sa cravache.) Le chômeur n’aura plus aucune excuse ! Je le briserai ! Je…
Dominator : Excusez-moi, mes amis… Un appel ! (Il montre son portable.) Ouais… Qui ça ? La docteur Lapsie ? Connais pas ! Elle est psychologue… et elle voudrait me voir… Elle dit que c’est urgent ! Bon, faites-la entrer !
ACTE I, SCENE III : Dominator, le duc de l’Emploi, monsieur Nuit, le docteur Lapsie
Lapsie : Dominator, comme je vous remercie de me recevoir !
Dominator : Docteur Lapsie, voici le duc de l’Emploi, ministre du travail, et monsieur Nuit, notre bétonneur en titre !
Lapsie, qui salue légèrement : Messieurs…
Monsieur Nuit : Lapsie ? Lapsie ? Ça me dit quelque chose… Ah ! J’y suis ! Vous êtes la fameuse tueuse de PN !
Le duc : De PN ?
Monsieur Nuit : Oui, madame n’a pas son pareil pour débusquer, chasser et condamner les pervers narcissiques ! les PN !
Dominator : J’espère, madame, que vous n’êtes pas ici, pour nous parler du patriarcat…
Lapsie : Non, il s’agit, à mes yeux, d’une affaire plus grave… Mes confrères et moi-même, nous voudrions vous avertir d’un étrange phénomène… Mais, euh, laissez-moi vous raconter le début de l’histoire… En tant que psychologue, je reçois bien entendu des enfants… et voilà qu’on m’en amène un extrêmement curieux… Ses parents étaient terriblement inquiets, car l’enfant semblait plongé dans une profonde atonie ! Il n’avait plus goût à rien ! Il était devenu solitaire, sans camarades… et il ne jouait plus ! Il avait perdu son sourire et restait assis pendant des heures, en ayant l’air de fixer le mur !
Dominator : Voilà une situation préoccupante, en effet !
Le duc : Et qui ne prédispose pas au travail !
Monsieur Nuit : Ni au bétonnage !
Lapsie : Évidemment, j’ai reconnu une dépression précoce ! C’est assez courant chez les jeunes d’aujourd’hui… Mais il y avait un détail troublant, inexplicable ! L’enfant avait les yeux verts, totalement verts, au point que la pupille n’était même plus visible !
Dominator : Diable !
Le duc : Y voyait-il encore ?
Monsieur Nuit : Quel genre de vert ? Le béton s’accommode bien du vert bouteille !
Lapsie : Eh bien, avec l’éclat des yeux, je dirais que c’était un vert émeraude ! C’est ça ! On eût dit deux émeraudes qui regardaient ! Pour répondre à votre question, duc, l’enfant continuait à voir, mais comme s’il était perdu dans un rêve infini ! (Il y a un silence.)
Dominator : Docteur, avez-vous pu le guérir ? lui redonner un comportement normal pour son âge ?
Lapsie : Euh… C’est là que les choses se corsent ! Car, après celui-ci, on est venu m’en apporter un deuxième, puis un troisième et un quatrième ! Tous dans le même état ! Alarmée, impuissante, j’ai contacté des confrères et eux aussi sont confrontés aux mêmes cas, sans savoir que faire !
Dominator, qui tire sur son cigare : Mais ça m’a tout l’air d’une épidémie !
Le duc : Des Doms émeraude ! On aura tout vu ! Êtes-vous sûre, docteur Lapsie, qu’il ne s’agit pas là d’une mystification, pour ne pas travailler à l’école ?
Lapsie : Comment pouvez-vous douter de mon sérieux ? Je voudrais bien, moi, qu’il suffise de les débarbouiller, ces mômes !
Le duc : Calmez-vous, madame, vous seriez surprise de tout ce dont sont capables les chômeurs, afin d’esquiver l’emploi !
Monsieur Nuit : J’avoue que tout ceci m’angoisse ! Si encore ces enfants avaient les yeux gris, éteints, ils me rappelleraient mes murs !
Dominator : Au fond, docteur Lapsie, qu’attendez de vous de moi ?
Lapsie : Hélas, je ne sais pas ! Mais il était de mon devoir de vous prévenir !
Dominator : Bien sûr, bien sûr ! Mais n’avez-vous aucune hypothèse, aucune piste, quant à l’origine du problème ?
Lapsie : Il y a tout de même un point commun entre tous ces enfants... Avant leur maladie, ils revenaient tous de la Chose !
Dominator, stupéfié : De la Chose ?
Le duc, pareil : De la Chose ?
Monsieur Nuit : De la Chose ? Vous voulez parler de la nature ?
Le duc : Madame, vous n’ignorez pas que la Chose est notre ennemie déclarée ! Combien de fois, combien de fois n’ai-je pas dû mettre en avant la création d’emplois, pour que nous puissions faire reculer la Chose !
Monsieur Nuit : Je soutiens à cent pour cent le duc ! La Chose, ce que nous appelions autrefois la nature, n’a de cesse de résister au béton ! Un comble !
Dominator, qui caresse son cigare : Le fait est, madame, qu’entre nous et la Chose, c’est plutôt tendu !
Lapsie : Bien sûr, je ne voulais pas vous offenser, mais l’urgence…, notre jeunesse…
Le duc : Et si la Chose nous attaquait, à travers ces enfants émeraude ? Elle les a peut-être empoisonnés, qui sait ?
Monsieur Nuit : Et elle les utiliserait comme cheval de Troie ! Mon cher duc, force est de reconnaître encore une fois votre lucidité !
Dominator : Tout est possible, en effet ! Car il y a belle lurette que la Chose a juré la perte de Domopolis !
ACTE I, SCENE IV Dominator, le duc de l’Emploi, monsieur Nuit, le docteur Lapsie, le professeur Ratamor
Ratamor, qui fait son entrée : Hum ! Hem !
Dominator : Professeur Ratamor ! Soyez le bienvenu ! Voici le docteur Lapsie, psychologue, qui vient nous alerter sur un problème des plus étranges !
Ratamor : Ah ?
Dominator : Docteur Lapsie, vous connaissez le professeur Ratamor ?
Lapsie : De nom, bien entendu !
Dominator : Professeur, le docteur Lapsie parle d’une « épidémie » d’enfants aux yeux tout verts !
Lapsie : Oui, ils ont le regard émeraude et semblent plongés dans une profonde dépression !
Le duc : Et comme ils revenaient tous de la Chose, avant leur maladie…
Monsieur Nuit : Nous pensons qu’ils ont été frappés par la Chose, afin de nous nuire !
Ratamor : Messieurs, messieurs, la Chose, autrement dit la nature, n’a pas d’âme, de volonté propre ! Elle ne saurait être ni bonne, ni méchante ! Elle ne fait qu’obéir à des lois !
Le duc : Mais elle nous est pourtant hostile ! Elle n’est pas civilisée !
Ratamor : Duc, l’essence même de la Chose est la sauvagerie !
Monsieur Nuit : Mais, mais, si on n’y prend garde, la voilà qui réapparaît dans nos murs ! Elle crève même le béton !
Ratamor : Monsieur Nuit, vous savez tout comme moi que les graines, ça vole… et ça profite du moindre interstice, pour repousser !
Dominator : Il n’en demeure pas moins que nous avons ces enfants émeraude sur le dos !
Ratamor : Docteur Lapsie, vous êtes une scientifique, tout comme moi, et devant une difficulté, nous cherchons toujours une explication rationnelle ! Vos enfants, comme vous l’avez dit vous-même, sont sans doute les victimes d’une dépression précoce… et c’est cela qu’il faut soigner…
Lapsie : Ils ont tout de même les yeux verts… et tous ont été en contact avec la Chose !
Ratamor : Oui, il y a peut-être là quelque chose à creuser… Nous avons déjà des exemples de l’influence de la Chose, comme la maladie de Lyme, par exemple ! Il est possible que ces enfants se soient exagérément exposés au rayonnement d’un feuillage, éclairé par le soleil…
Le duc : Ah ! Tout de même !
Dominator : Mais, professeur, votre visite avait sûrement un but !
Ratamor : En effet, je suis moi-même face à un phénomène inquiétant, vertigineux même !
Le duc : Ah ! Je le savais !
Monsieur Nuit : Eh ! Eh !
Ratamor, indifférent : Comme vous le savez peut-être, je m’intéresse depuis longtemps aux « ondes psychiques » ! Nous transmettons tous nos sentiments, par nos vêtements, nos gestes, nos mots aussi bien entendu, mais il y a encore autre chose qui émane de nous ! Notre petit monde cérébral communique en effet d’une manière quasiment invisible, comme si nos pensées s’influençaient les unes les autres, dans un domaine qui leur est propre, et c’est pourquoi je parle d’ondes psychiques !
Le duc : Tout à fait d’accord avec vous, professeur, du premier coup d’œil je vois celui qui ne veut pas bosser !
Ratamor : Hum ! Toujours est-il que nous, les Doms, nous avons des ondes psychiques parfaitement reconnaissables ! Elles sont constituées par notre domination ! Les hommes transmettent leur domination physique, souvent d’une manière grossière, par exemple en attirant le regard sur le paquet qu’ils ont entre les jambes !
Monsieur Nuit : Excusez-moi, professeur, mais vous êtes sérieux là ? Je vous rappelle que nous sommes entre gentlemen ici !
Ratamor : Oh ! Je vous choque, monsieur Nuit ! Mais n’ai je pas évoqué un monde invisible, c’est à dire de non-dits ! Beaucoup d’hommes, sachez-le, ne trouvent leur équilibre que dans l’amour qu’ils portent à leur queue !
Monsieur Nuit : Oh ! Il recommence !
Ratamor : A leur membre ou à leur sexe, si vous préférez ! N’oubliez pas que Dominatus nous regarde (Il désigne le buste.) et que nous sommes d’abord commandés par nos instincts ! D’autre part, la domination est en rapport avec nos peurs… et vous n’êtes pas au bout de vos surprises !
Monsieur Nuit : Mais je n’ai peur de rien, professeur ! Je suis aussi droit qu’un immeuble !
Ratamor : Eh bien, montrez-le en restant calme…
Monsieur Nuit : Mais je…
Ratamor, qui reprend : Toujours est-il que les hommes font incessamment valoir leur densité physique… C’est la base de leurs rapports… Quant aux femmes…
Le duc : Enfin, on y arrive !
Ratamor : Quant aux femmes, elles veulent aussi dominer bien entendu, mais leur domination repose sur la séduction, c’est leur arme !
Lapsie : Un moment professeur, vous êtes sûr que les femmes veulent aussi dominer ? Je croyais que c’était l’apanage des hommes !
Ratamor : Mais il ne saurait en être autrement, docteur Lapsie, puisque nous avons la même origine animale et que les animaux, mâles ou femelles, dominent pour être les meilleurs et défendre leur territoire ! Mais il est vrai que la séduction paraît plus douce que la force physique… Cependant, je vous rappelle le but de la domination, chez nous les Doms : elle nous sert à faire triompher notre individualité, de sorte que nous sentons notre valeur, notre importance… et n’est-ce pas ce qu’éprouve la femme, dès lors qu’elle séduit en devenant le centre d’intérêt !
Lapsie : J’avoue que je n’avais jamais vu les choses sous cet angle…
Le duc : Trop occupée à chasser le pervers narcissique, sans doute...
Lapsie : Duc, je…
Dominator, qui intervient : Continuez, professeur, je vous en prie...
Ratamor : L’une des meilleurs preuves de la domination féminine est la femme qui méprise ou qui hait, parce qu’elle ne peut pas séduire ! Mais passons… Nous transmettons donc tous des ondes de dominations psychiques, que je peux aujourd’hui mesurer, grâce à un appareil de ma conception : le domomètre !
Dominator : On dirait que vous n’avez pas perdu votre temps, professeur !
Ratamor : Non, en effet ! L’unité du domomètre est le dom et un individu moyen a une onde psychique située entre huit et douze doms… Nous sommes là dans une domination quotidienne et normale… Mais hier…
Le duc, qui « halète » : Oui, professeur…
Ratamor : Hier… Mais il faut que vous compreniez que, au cours de l’histoire, nous sommes passés d’un territoire physique à un territoire psychique ! Aujourd’hui, les frontières des pays sont généralement bien définies et notre planète est plus petite, à cause de la modernité des transports et de l’ère de la communication, notamment par le Web !
Le duc : Mais, bon sang, professeur, qu’est-il arrivé hier ?
Ratamor : Que le territoire psychique ait pris le pas sur le territoire physique explique d’ailleurs la féminisation de nos sociétés…
Monsieur Nuit : Vous le faites exprès, hein, professeur ? pour embêter le duc !
Dominator : Un moment, un moment, Ratamor, depuis quelques minutes, vous parlez de territoires… Or, ce domaine concerne évidemment la sécurité du pays ! Il en va du secret défense et seuls les militaires devraient être autour de cette table !
Le duc : Vous voilà soudain paranoïaque, Dominator ! Ne sommes-nous pas de vieux amis ?
Dominator : Certes ! Mais je préférerais que vous et monsieur Nuit, vous nous laissiez ! Vous, docteur Lapsie, vous pouvez rester… Il est possible que nous ayons besoin de votre avis médical !
Le duc : Très bien ! Je vois que la lutte contre les chômeurs devient soudain secondaire ! Et pourtant l’emploi est le pilier de la nation ! Rira bien qui rira le dernier ! (Il sort.)
Monsieur Nuit, qui suit le duc : C’est toujours pareil : on enlève tout sérieux aux artistes, dès que la situation se tend ! Mais que serait Domopolis sans mes jaillissements de béton ? Ingrats ! (Il sort.)
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