Sur le foot

  • Le 07/07/2018
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Sur le foot

 

 

 

 

 

    Le Mondial 2018 bat, paraît-il, des records d'audience et a priori quoi de plus normal, puisque c'est un événement hors du commun et que le football est un jeu aussi populaire que spectaculaire?

    Mais, à bien y regarder, quelque chose de plus sombre apparaît et nous allons voir que la façon dont nous percevons les résultats des matches en dit long sur ce que nous sommes!

    Cependant, pour bien comprendre ce qui va suivre, il nous faut comme souvent revenir d'abord aux bases, aux fondamentaux, comme disent d'une voix rocailleuse les rugbymen!

    De quoi avons-nous besoin? Quelle est notre essence, notre aliment principal? Il y a bien sûr la nourriture et le sexe, mais même ces besoins sont quasiment sous la tutelle d'un autre (et c'est déjà valable chez les animaux!), je veux parler de notre besoin de dominer!

    Ceux qui lisent régulièrement cette chronique voit bien de quoi il s'agit et ils peuvent trouver que je rabâche, mais on ne le dira jamais assez: ce qui est vital pour nous, c'est que nous ayons eu dans la journée l'impression que nous avons de la valeur, que nous avons avancé, que la vie ne nous a pas "abandonnés"!

    Autrement dit, il est impératif que notre amour-propre, ou notre égoïsme, ou notre orgueil, ou notre vanité (car tous ces termes recouvrent la même réalité!), soient d'une quelconque manière satisfaits, nourris!

    Sinon, c'est la maladie, la dépression, le désespoir qui s'emparent de nous..., au point que nous perdions le goût de manger ou de faire l'amour! Voilà pourquoi notre domination ou notre amour-propre ont priorité! C'est notre instinct fondamental, bien que sans les autres nous ne puissions vivre, et il est à l'origine, il est le foyer de notre développement personnel! C'est la flamme de notre individualité, avec les risques de brûlures ou d'incendie évidemment!

    Mais dès que nous comprenons cela, alors notre attrait pour les sports et le foot en particulier s'explique aisément! La performance, la victoire sportive flatte notre amour-propre, donne de l'importance à nos existences (même si c'est par procuration); elle nous répare, nous console, nous enchante!

    Le pays qui gagne se réveille le lendemain avec de l'élan, de l'entrain: il semble approuvé dans son mode de vie, dans ses choix, dans son travail! Tandis que celui qui perd se lève avec la gueule de bois, comme on dit; il est amer, en proie aux doute, aux idées les plus sombres; l'avenir lui paraît incertain, inconsistant; son chemin de croix continue!

    Et ceci n'est jamais aussi vrai que quand il s'agit du football! C'est le jeu démocratique par excellence, à cause du peu de moyens qu'il demande et de la simplicité de ses règles! D'ailleurs, pour moi, les véritables jeux olympiques ont toujours été le Mondial: le drapeau y est représenté infiniment plus nettement que dans la myriade des jeux qui sont censés symboliser l'olympisme et qui sont par leur complexité le domaine des plus riches (presque toutes les médailles sont pour une dizaine de nations!) Le Mondial est vraiment la fête de tous les pays, même s'il y a une présélection!

    Mais qu'il y ait une audience record pour l'édition 2018 montre aussi combien notre amour-propre est exsangue, asséché, assoiffé! Nous paraissons comme des naufragés qui touchent enfin un rivage, alors que celui-ci n'est qu'un jeu, un plaisir et même une mascarade sous bien des aspects, et même aussi, nous le savons, une gigantesque "machine à faire de l'argent", notamment par la publicité!

    On peut encore rajouter que les politiques se félicitent probablement que "quelque chose" nous occupe et nous distrait de la conjoncture ou de leurs mesures impopulaires... et ils peuvent certainement, à l'occasion, nous traiter de "couillons" (même si eux-mêmes de plus en plus se montrent intéressés et voient comment utiliser l'événement!)

    Plus nous avons l'air, devant la télévision, de recevoir du pain après une forte privation et moins nous semblons maîtres de nous-mêmes, forts, matures, sereins! Nous sommes faibles quand nous sommes dépendants et comment se fait-il que nous n'ayons rien d'autre pour nous faire tenir debout, nous rendre heureux et confiants? Car il faut bien le reconnaître, beaucoup de choses déplaisantes accompagnent également le Mondial...

    Comment ne pas être pris de dégoût devant certaines attitudes, qu'elles soient celles de joueurs ou de supporters? La passion mène à des comportements animaux, d'autant que l'alcool s'y mêle! Spectateurs, nous fermons les yeux devant certaines injustices, quand elles nous sont favorables... Nous approuvons en secret quelques haines... Nous sentons en nous la bête prête à bondir!

    Et que dire de ceux qui ont voix au chapitre! Journalistes, consultants, critiques laissent libre cours à toutes leurs humeurs, à tous leurs jugements! Ils s'étrillent, se déchirent, ils bavent sous le coup de la colère; comme les philosophes du Gil Blas, au sujet du sens de la vie; ce qui est, il faut bien le dire, l'un des sommets du ridicule!

    Et comment ne pas être las et même honteux de voir à quelle tension on peut arriver dans certains matches! Si la Syrie pouvait recueillir le dixième de notre intérêt, elle serait sauvée! Que l'on ne se trompe pas, je ne fais pas le procès du football, mais de ses excès, dont nous sommes responsables! Il est bon que notre amour-propre ne soit pas affamé et que nous sachions le "tenir en laisse"! Ainsi, nous pourrons garder de la mesure, ne pas nous laisser aller dans la laideur et le mal n'aura qu'à bien se tenir!

    Mais j'ai dit que la façon dont nous recevons l'événement en dit long sur nos personnalités, et c'est évident, c'est notre amour-propre qui parle, qui se révèle! L'avis sur un plat fait voir le mangeur, ses goûts, son appétit et même sa santé!

    Il y a d'abord ceux qui sont totalement indifférents, qui vous disent: "Oh! Moi, le football, ça n'a jamais été ma tasse de thé!" On voudrait bien les croire, mais cela voudrait aussi dire que leur amour-propre a trouvé une toute autre nourriture, qu'ils n'ont nul besoin d'une victoire même sportive, qu'ils sont apparemment absolument insensibles à tout triomphe de leur pays!

    Cela ne se peut évidemment, car même si on préfère un autre sport, on ne peut pas ne pas tendre une oreille vers la performance, d'où qu'elle vienne! L'esprit de compétition ramasse même les miettes! Et, en définitive, l'indifférence marquée, radicale, cache malheureusement une monstruosité! 

    Il y a des individus qui ne sont intéressés que par eux-mêmes, au point que tout le reste, absolument, les laissent de marbre! Si ce n'est pas quelque chose qui sert directement leur nombril, ils ne réagissent pas! Ce sont des gouffres et ils se mettent si haut qu'il leur est impossible de se réjouir par procuration, ni de se nourrir du succès d'autrui!

    Ils sont seuls et asséchants! En dehors d'eux, rien n'existe! Ils attendent perpétuellement ce qui flattera leur personne et ils ne font qu'absorber et ne donnent rien! A fuir sans regrets!

    Ensuite, il y a ceux qui sont hostiles, qui condamnent l'événement avant même qu'il commence! Leurs critiques prennent le contre-pied du contentement général, de la fébrilité de tous, comme une douche froide! Ainsi la présentatrice, Anne-Sophie Lapix, dit en plein journal télévisé: "On va pouvoir regarder les millionnaires taper dans un ballon!"

    Cette remarque n'est pas dénuée de fondements, mais elle est trop acerbe, trop radicale, pour être juste et constructive! En effet, un peu plus de lucidité montrerait qu'un footballeur de vingt ans est surtout préoccupé par sa passion... Qu'il soit riche à outrance est secondaire et même abstrait pour lui!

     Mais quand la critique est trop vive, elle n'est pas le signe d'un équilibre, mais plutôt d'un égoïsme souffrant, avide et frustré, qui attire l'attention sur lui par sa marginalité et son apparente fermeté! Mais il ne sert à rien de débattre avec lui, car c'est un mur et son propos n'est qu'un prétexte, qui masque la plaie qui saigne et que nul compliment ne peut soigner! Seule l'eau de la sagesse peut apaiser notre amour-propre!

    Puis, il y a les pessimistes! ceux qui traînent les pieds, malgré l'enthousiasme ambiant! Ils cultivent le doute, l'embarras, l'objection! Ce sont des éteignoirs, qui grimacent sous l'effet de leurs craintes! Jamais ils ne sont confiants, rayonnants et ils sont même prêts à parier contre leur équipe, pour ne pas espérer, ce qui les ferait souffrir, mais aussi pour exprimer leur dégoût, ce qui les rend supérieurs!

    Et pourtant ils "boiront" la victoire avec délices, comme les autres; mais sans le montrer, cherchant déjà de nouvelles plaintes, de nouvelles restrictions, pour être encore le centre d'intérêt! Car eux aussi se sentent lésés, mais ils sont plus dolents, plus mous que les précédents!

    Leur égoïsme est plus trouble, c'est une matière visqueuse, qui englue celui qui s'y laisse prendre! Là encore, nul remède, sinon la sagesse; mais comment appeler quelqu'un à l'autre bout de l'Univers? Il est des gens obstinés, que les rapides emportent et qu'on ne peut raisonner!

    Enfin, il y a le supporter exubérant! Quand son équipe gagne, il exulte; sa joie retentit dans toute la ville! Mais si c'est la défaite, alors il est plein de tristesse ou de colère, et il demande que des têtes tombent!

    Son amour-propre est sans nuances, mais il n'a pas non plus de hauteur, et curieusement ce supporter-là, quand tout le monde est amer, remet les choses en place... Il dira par exemple que les premiers déçus, ce sont tout de même les joueurs... La simplicité est parfois bien plus sage que l'intelligence!

    En tout cas, on le voit, moins nous contrôlons notre amour-propre et plus nous blessons le monde et pesons sur lui! plus nous rendons la vie des autres difficile, et la nôtre également, par voie de conséquence! Mais encore, moins nous sommes libres, placés dans un état de dépendance!

    En effet, plus l'amour-propre est avide et même fragile et plus il a besoin de nourriture, plus il lui faut de "petites victoires", de compensations, de flatteries; toutes choses qui permettent de se sentir un peu plus important, un peu plus "existant"!

    On le redit, mais que le Mondial soit accueilli comme de l'eau dans le désert n'est pas une bonne chose, car cela laisse lieu à de l'agressivité, de l'intolérance et à beaucoup de bêtise aussi! C'est un tohu-bohu qui ne fait pas grandir! Les sentiments y sont pêle-mêle et amènent souvent des regrets!

    L'amour-propre doit veiller à son indépendance, s'il veut éviter le mal et même garder sa santé! Car, notamment, comment peut-on espérer se séparer de l'alcool ou de la cigarette, tant qu'on recherche obstinément des satisfactions rêveuses, à se mettre en scène... L'introspection peut devenir une sorte de culte..., mais c'est surtout sans fin! En tout cas, nul fumeur ou nul buveur ne peut sérieusement parler de liberté!

    Notre besoin des autres est encore lié à notre amour-propre... Bien sûr, il y a le sexe qui nous rapproche d'un partenaire, mais, si on y regarde bien, c'est bien plus notre amour-propre défaillant et pauvre qui nous entraîne dans ces moments-là, car il rend notre solitude absurde et même insupportable!

    Il nous faut parfois à tout prix quelqu'un et dans le pire des cas n'importe qui! Malheur à celui ou celle qui ne sondent jamais son amour-propre ou sa soif de dominer... Il recommencera les mêmes erreurs, produira les mêmes blessures et sera toujours plus désolé!

    Il est bon de se contraindre, et même de tâter de la solitude... Il s'agit de trouver une "nourriture" qui rend indépendant et qui doit être différente de celle que notre amour-propre a priori apprécie... Elle doit être plus haute et plus large!

    Cela pourrait être le sommet de l'orgueil, remarquez...; si cette même nourriture n''était pas la sagesse, qui est elle-même dépourvue d'égoïsme! Elle est tournée vers les autres, dans le sens qu'on veut vivre mieux ensemble (on sait déjà le prix du triomphe personnel!)

    Le sage aime la vie, comme un navigateur solitaire ou un alpiniste... Il attend d'elle des vérités et c'est la récompense du risque! Dès qu'il sent une dépendance, il s'en méfie, il cherche à s'en défaire...

    Il explore alors son amour-propre et conquiert sa liberté!

 
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