Blog

  • Des fléaux

    Des fleaux

     

     

     

     

        Si on regarde notre temps, il est tentant de dire qu'il n'y a qu'un seul fléau, c'est la religion! On n'arrête pas en effet de tuer au nom du dieu qu'on vénère! Cela nous accable au plus profond, car se représenter Dieu tel un bourreau ou un assassin est évidemment une absurdité!

        Mais, pour aider la mort, il y a de la concurrence: le nazisme ou le communisme n'ont rien à envier aux religions; sans doute même ont-ils été plus efficaces, car ce sont des états entiers qui ont donné leur plein rendement! La religion reste passionnelle; elle n'a pas la froideur de la politique et ses tueries gardent ainsi un caractère artisanal, dû à leur spontanéité!

        Mais c'est tout juste! Car notamment le vaste projet de l'islam radical, retrouver la grandeur de l'ancien Empire ottoman, n'est pas très différent de ceux d'un Hitler ou d'un Pol Pot! Ils ont un point commun et c'est lui le véritable fléau! Le problème n'est pas la religion ou l'idéologie, mais c'est bien le désir d'imposer coûte que coûte une pensée, un point de vue, un mode de vie, une manière d'être! Autrement dit, c'est la domination qui est à l'origine des massacres ou des génocides; c'est elle qui pousse à mettre le monde à feu à sang! C'est elle qui le veut à son image et nous allons de nouveau expliquer pourquoi!

        Au fond, la logique est simple... C'est la peur qui provoque essentiellement la domination (même si cette dernière nous est naturelle...)! Le fait d'exercer un contrôle sur les autres permet d'apaiser ses craintes et son angoisse! Le sentiment de son importance, de son pouvoir, de sa supériorité efface l'anxiété, donne un sens à la vie! Rappelons que la domination masculine est la force et la féminine la séduction!

        Disons encore un mot sur la peur... Les animaux l'éprouvent aussi bien entendu, mais chez eux elle est limitée par le comportement instinctif! L'homme, lui, est devant une étrangeté... Il doit faire face à quelque chose qui n'est pas figé... et qui pourrait être symbolisé par la mort! Prendre conscience de sa fin, alors qu'on ne souhaite que se développer, comme apparemment tout ce qui vit, fragilise l'existence, y répand un sentiment d'insécurité, qui peut être ressenti dès le plus jeune âge, si on ne bénéficie plus de la protection des parents, parce que eux-mêmes ne sont plus, ou même parce que l'enfant se sent injustement traité!

        Toujours est-il que l'homme fait le dur apprentissage de la liberté... Les questions que pose sa condition peuvent sembler insolubles, d'autant que la science étend toujours plus notre histoire et notre univers! L'abîme peut s'ouvrir à tout moment et il est capable de nous écraser! L'angoisse est un compagnon de route, que nous tenons plus ou moins bien à distance et cela dans le cas où nous sommes assez clairvoyants, car la plupart du temps la majorité n'a pas de discernement et elle est prompte à trouver les responsables de son mal-être, comme si nous n'étions pas en réalité tous à la même enseigne, devant l'inconnu!

        Mais la peur engendre la domination et très vite ses extrêmes: le mépris, la haine et la violence! Derrière chaque tyran se cache la peur et on peut même avancer que plus elle confine à la terreur et plus la dictature est forte! Les bourreaux, dont notre histoire a retenu les tristes noms, étaient tous des angoissés! Et, entre eux et nous, c'est juste une question de degré! Mais leur domination a sans doute été paroxysmique pour mieux échapper à la peur, car plus on se sent important et plus il est difficile de la reconnaître... Mais donnons quelques exemples...

        Commençons par le champion toute catégorie, Hitler! Très jeune, il est livré à lui-même... Son père est mort et il ne va plus à l'école. Il passe son temps à errer dans la campagne, en proie à ses rêveries! Plus tard, majeur, il arrive à Vienne où il n'a pas un sou en poche. Il survit en peignant des cartes postales et il n'est pas difficile d'imaginer quelles inquiétudes peuvent le ronger!

        Mais, à sa peur, il va donner un nom! Elle est pour lui représentée par les Juifs, qu'il voit comme des profiteurs, des sournois, qui dirigent dans l'ombre l'économie du pays et qui la minent! Ils sont les responsables de toutes les misères, y compris celle d'Hitler! Les dominer, les chasser, les détruire enlèverait la peur, en ramenant la sécurité! C'est ce que fera exactement Hitler, quand il sera au pouvoir! Six millions de Juifs seront tués pour calmer son angoisse!

        Mais la peur rend aussi instable... Elle peut faire agir malgré soi, si elle envahit le cerveau, alors que celui-ci n'a pas de fondations solides, comme il arrive souvent après une enfance solitaire! Hitler, au fond, n'a jamais voulu du putsch de Munich et il se verra d'ailleurs, toute sa vie, comme un peintre, un artiste, dont la vocation aura été contrariée par la nécessité politique!

        Car, à cette époque, Hitler voit les démocrates qui dirigent son pays comme des traîtres! Ce sont eux qui sont responsables de la défaite de 18! Ce n'est pas l'armée qui a été vaincue! Hitler n'a-t-il pas éclaté en sanglots en apprenant la reddition et un jour, n'en pouvant plus de la politique d'après-guerre, il va menacer d'une arme à feu des élus réunis dans une brasserie, pour obtenir une scission du territoire!

        S'il avait pu être lucide, Hitler aurait reconnu la folie de son geste... Dans une société civilisée, on n'obtient rien par la force, mais Hitler se serait cru un lâche en n'agissant pas! Ainsi, son tourment apparaît évident et d'ailleurs, bien que condamné à la prison, Hitler ne s'y sentira pas malheureux... Bien au contraire, les murs lui enlèveront la question douloureuse chez lui du choix! C'est là qu'il livrera volontiers ses idées à d'autres oreilles malades, celles de Rudolf  Hess; c'est là que s'écrira Mein Kampf!  

        Car, la peur seule, bien entendu, ne saurait expliquer le "monstre"! Sa vision du monde est sans nuances... Elle n'est pas le fruit d'un esprit intelligent... Elle cède toujours à la facilité, à l'égoïsme! C'est la rançon de la médiocrité! Les arguments d'Hitler sont plus des envies, des partis pris, plutôt que des développements! Toute l'immaturité de leur auteur s'y révèle! On dirait un bébé hargneux et avide, qui ne prend pas du tout en compte la réalité, et on peut se demander comment a-t-il pu devenir chancelier? Mais le peuple allemand se moquait de lui comme les Américains de Trump, avant de l'élire président! A force de jouer avec le feu, on finit par allumer l'incendie!

        Hitler commémorera son putsch, en retournant, avec ses hommes, sur les lieux et à la date anniversaire de l'événement. Mais, comme sur quasiment toutes les photos qui le montrent, il y apparaît tendu, les poings crispés, car lui seul, au tréfonds, sait qu'on y célèbre surtout son angoisse et nullement son courage! C'est ce mutisme, quant au trouble qui produit sa conduite, qui va le mener sur la route de ses crimes impardonnables!  C'est son amour-propre qui fera de lui un assassin! Il n'y a aucune honnêteté morale chez Hitler et dès lors qu'il sera au pouvoir, son déséquilibre ne cessera de s'amplifier!

        En effet, il est un peu comme ces stars de la musique, qui aiment monter sur scène, mais qui, après coup, sont ravagés par la peur! Ce n'est pas naturel de s'exhiber et cela use, épuise! La carrière de comique, en particulier, fait vieillir prématurément! Ainsi, en 40, Hitler est-il le premier à vouloir ralentir ses chars, alors qu'ils foncent en terrain dégagé, à travers la France! La situation dépasse ses nerfs, mais sa crainte d'une brusque réplique française laisse indifférents ses généraux, plus aguerris et plus rassis!

        Pour une fois, Hitler n'obtient pas gain de cause et ses chars se rapprochent de Dunkerque, où ils vont pouvoir exterminer l'ennemi! Mais pour Hitler, c'est trop! Il a besoin de calme, pour se reprendre; il n'est plus capable de supporter d'aller de l'avant et il stupéfie ses généraux en arrêtant son armée et en racontant combien l'Angleterre est une grande nation et comme il est nécessaire qu'elle subsiste! Hitler se croit obligé de donner des explications, pour masquer sa peur! Tant mieux pour les alliés!

        Bientôt, il ne dort plus ou il ne trouve le sommeil qu'à l'aube, pour ne se réveiller qu'à midi et on imagine dans quel état (nous ne le plaignons pas évidemment, nous déchiffrons un comportement...)! Il a besoin de pilules pour tenir debout et la moindre contrariété le met dans des colères terribles; mais ce n'est pas seulement parce que ses nerfs sont malades et déjà fortement éprouvés, c'est aussi parce que l'opposition ouvre la porte au doute, fait resurgir la peur! Or, la différence n'est rien d'autre qu'une réalité plus étendue et comme il ne veut pas l'entendre, Hitler ne peut pas gagner la guerre!

        Pour les mêmes raisons, l'échec lui devient intolérable et c'est pourquoi il traite avec le plus grand mépris son armée vaincue à Stalingrad, de sorte que celui qui la commande, le général Paulus, finit par collaborer avec les Russes. Au final, Hitler se suicide sur les ruines de son pays et de l'Europe, dans une totale hébétude! Il n'aura rien compris, ni à la vie, ni à lui-même!

        Mais voici Staline, qui apparaît comme un paysan madré, mais la vérité est tout autre! Lui aussi est d'une origine modeste et provinciale, et son enfance sera marquée par les violences d'un père alcoolique!  Le "pied" affectif de Staline n'est donc pas solide et il a très peu confiance en lui-même... Cela explique sans doute pourquoi il signe avec Hitler un pacte de non agression, au détriment des habituels alliés de la Russie, la France et l'Angleterre. Car, ce n'est pas seulement parce qu'il se souvient des défaites de l'armée russe, face à l'Allemagne, lors du premier conflit mondial, mais c'est surtout qu'en rejoignant le plus "fort" il joue les affranchis, les rusés! C'est son personnage pour pallier son incertitude!

        Mais, derrière le masque, sa candeur apparaît! Alors même qu'Hitler commence à envahir la Russie, des convois russes, chargés de matières premières, continuent à partir vers l'Allemagne, signe de la bonne volonté de Staline! Sa peur d'être trompé va s'en aggraver, tandis qu'elle l'a déjà poussé à devenir un tyran absolu! Staline élimine ses adversaires, autant par crainte que par jalousie! C'est son manque d'assurance qui le rend si dangereux!

        Il prêche encore le faux, pour découvrir le vrai; car son doute est tel qu'il ne peut juger autrement! Lors de l'anniversaire de Churchill, à Téhéran (novembre 43), alors que tous les convives se réjouissent de l'ambiance, Staline se lève brusquement pour déclarer qu'il est dommage qu'il ne soit pas aimé de son homologue anglais, et ce n'est que devant les grands efforts de celui-ci, pour lui prouver le contraire, que Staline s'apaise et devient sûr de l'amitié qu'on lui voue!

        De même toujours méfiant, il divise pour mieux régner... Attention, voici dans l'ordre ou le désordre,  le Turkménistan, l'Ouzbékistan, Le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan; autant d'états formés par Staline en Asie centrale et qui ont bien du mal à survivre encore aujourd'hui! Ambitieux et fragile, le "petit père des peuples" reste l'image même du sournois!

        Cependant, le cas de Pol Pot est bien plus étrange! C'est d'abord un lycéen effacé, grassouillet et à fortes lunettes, dont le vrai nom est Saloth Sar, avant qu'il ne poursuive ses études à Paris, où il découvre le communisme, comme Hô Chi Minh... Puis, au moment de la guerre du Viêt-Nam, il retrouve son pays, le Cambodge, mais c'est pour s'y enfoncer dans la jungle la plus reculée! Là, il est en totale sécurité et bien qu'il soit coupé du monde, il commence à professer, ce qu'il sait si bien faire, en évitant tout opposant, tout conflit! Il persuade les paysans pauvres et incultes qu'ils sont exploités, que tout doit changer, que les riches doivent "payer"! Il leur promet un avenir radieux et captive surtout les jeunes, dont le nombre grandit sans cesse; ce seront les tristement fameux Khmers rouges!

        Mais, quand les conditions sont enfin favorables, il ne prend pas d'assaut la capitale, non, il la fait vider de tous ses habitants, ce qui est sans doute unique dans l'histoire de l'humanité! Ce n'est que quand Phnom Penh est désert et abandonné  aux rats que Pol Pot s'y installe, dans la même sécurité que celle de la jungle! Pol Pot ne conquiert pas le monde, mais il le ramène à lui! Sa crainte, sa prudence le veulent ainsi et quand des dignitaires étrangers désirent le voir, Pol Pot attend lui aussi dans le groupe, en ne se révélant pas, ce qui lui permet d'examiner en toute quiétude ses visiteurs! Il est somme toute incapable d'apparaître en plein jour et lorsque les Vietnamiens renversent eux-mêmes son régime, il ne résiste pas, ne les affronte pas, mais il rejoint à nouveau la forêt, pour y répandre encore sa parole, jusqu'à sa fin; comme si un brouillard délétère s'était brusquement répandu sur le pays, avant de disparaître et de laisser derrière lui peut-être trois millions de morts, c'est-à-dire la moitié de la population!

        Notez que la peur chez les tyrans leur fait rêver d'un état idéal, sans aspérités, où il pourrait enfin se reposer! Hitler imaginait une grande Allemagne, pure, vivant en totale autarcie, comme éternelle! Les films de la propagande stalinienne montrent des anges souriants au travail! Pol Pot parlait d'un grain de riz originel, débarrassé de toute souillure occidentale! Les extrémistes juifs voient dans la reconquête du territoire d'Israël le rachat de leur paradis perdu; alors que la science moderne a balayé depuis longtemps l'histoire biblique! Quant aux radicaux islamistes, ils ont une vision idyllique de la communauté héritée du Prophète et que gouvernait la charia; comme si l'homme ou la femme n'étaient pas en lutte pour le pouvoir et qu'une société pouvait se conduire tel un village!

        Mais à quoi peut nous servir, dans nos vies quotidiennes, de savoir que la peur provoque la domination? Mais, à chaque fois qu'un homme veut nous dominer, par sa carrure, son mépris ou sa haine, nous pouvons nous dire qu'il a d'abord peur et cela devrait être une "victoire" assez satisfaisante pour ne pas renchérir (d'autant qu'il serait assez facile de faire réapparaître cette peur...)! De même, il nous est possible de mieux garder la tête froide, quand une femme fait preuve d'une sexualité quasi irrépressible, car celle-ci est le fruit de l'angoisse, de l'immaturité, donc de l'égoïsme et non du choix!

        En fait, c'est la connaissance qui permet de rester en paix et ainsi d'apaiser le monde! 

  • Des lois universelles

    Des lois

     

     

     

        Aux confins du cosmos, Allah s'irritait, ruminait, s'impatientait... Une question l'obsédait: comment vaincre le complot judéo-chrétien? Oussama était mort! Zarqaoui, ce rustre si réjouissant, aussi... et combien d'autres! L'EI démantelé! Devant les Palestiniens exsangues, Bibi parlait d'annexer les colonies! Trump, ce mauvais clown, asphyxiait l'Iran! L'Arabie saoudite louvoyait toujours! L'Irak rêvait de devenir un camp de vacances! Sissi muselait la fidèle Egypte! Quant aux taliban, ils se cachaient dans les montagnes!

        Décidément, on ne pouvait plus compter sur personne et... contre toute attente, Allah se mit à pleurer! Où était le bon temps, l'âge d'or de la communauté des compagnons du Prophète? Tout était simple alors! La charia dictait la conduite de chacun! On n'avait même plus besoin de penser! Ce qui apporte le trouble, c'est la liberté, le choix! La conscience, c'est bien, mais il lui faut quand même des limites! "Voilà que je pleure sur mon bonheur perdu comme un Juif sur son paradis!" songea soudain Allah... Les Juifs! A ce mot, la colère d'Allah redoubla!

        "Tout est de leur faute! Quatorze milliards d'années pour l'histoire de l'Univers! L'Australopithèque! Le Sinanthrope! après le Tirex et ces idiots de Diplodocus! La tectonique des plaques, le Big Bang, les trous noirs, plus de cent milliards de galaxies, contenant chacune plus de cent milliards d'étoiles et j'en passe, voilà le complot israélien ou chrétien dans toute sa laideur!

        Où sont-ils allés chercher tout ça? L'atome, l'Evolution, l'égalité pour tous, le développement de l'homme, l'émancipation de la femme! On ne peut plus les arrêter! C'est bien simple, moi, Allah, fluide parmi les fluides, j'ai réussi dernièrement à buter contre la sonde Voyager! Faut le faire! Et encore un coup des Américains! Les Yankees frappent à ma porte!

        Mais je vais me venger! Car, moi, ce que j'aime c'est l'ordre! J'ai inventé la conscience, parce que je suis bonne pomme, mais je ne l'aime pas! J'aime pas le développement, c'est comme ça, ça ne s'explique pas! J'aime pas la liberté individuelle! J'aime pas le bonheur chez les autres! J'veux pas qu'ils soient eux-mêmes et qu'ils se réalisent! J'veux de la rectitude, qu'on ne moufte pas! J'veux des cerveaux comme les blés dans la plaine! A la même hauteur tous les esprits! J'aime pas la différence!

        Au fond, ce que j'aime, c'est vrai, c'est le pouvoir! C'est commander! J'veux ma bagnole aux vitres teintées! J'veux que les jeunes m'admirent, murmurent mon nom avec respect; qu'ils fassent de moi une quasi divinité! Hi! Hi! J'veux que la femme baisse les yeux quand j'suis présent! et qu'elle soit soumise la nuit! J'veux pas d'embrouilles, d'scènes de ménage: ma dignité en souffrirait! C'est comme les gosses, faut pas qu'y m'cherchent! La marmaille, ça obéit, c'est pas dans les jambes des adultes!

        Quoi? La pauvreté, la faim, la misère, la maladie... et pourquoi pas encore l'économie, la sécurité sociale ou l'éducation, la culture, la diversité, le progrès, la tolérance et l'amitié! Pouah!  Poisons, poisons de l'Occident! Mollesse des croisés! Du sang? On veut du sang? Top là! J'suis votre homme... ou plutôt vot' Dieu! Ah! Les pleurs de l'ennemi! Lire sa souffrance, sa panique! Ambroisie! Répandre le feu, la foudre, écraser, triompher; bref, se sentir important, quelqu'un! Là oui, je suis et j'renchéris!

        Et les exécutions! L'application stricte de la loi! Hein? Quel spectacle! Quelle main de fer! A propos de main et hop, on en coupe une! Et voilà un pied! Tu veux un œil? Tiens, prends-le! Tu préfères des cheveux, des seins? Non, tu veux lapider, comme à la kermesse! Mais vas-y mon vieux, je suis juste, juste et bon, je suis éclairé, j'ai de la sagesse! J'comprends les hommes, mais oui, c'est moi qui ai inventé leurs faiblesses! Mais y a un texte, un code, c'est pas compliqué!

        Moi-même, je m'abstiens du cigare... et d'l'alcool! J'me prive aussi! J'veux pas qu'on dise que j'en profite! J'participe à l'effort commun! J'ai tout de même quelques plaisirs! Eh! Eh! Mais attention, non négociable! Un homme, ça doit aussi se détendre, s'amuser! J'ai un faible pour la pêche! J'aime être près de la nature; ça me permet d'admirer ma création! J'suis pas seulement un guerrier, je sais aussi être sensible, on n'est pas des bêtes tout de même! Mais la pêche à la truite à la grenade! Hein? Oh! Oh! qu'est-ce qu'on s'marre! quand ça gicle et que l'poisson est projeté en l'air! quasiment dans la poêle! Allah est grand qu'je siffle! C'est moi le meilleur!

        J'veux être une grande ombre lugubre! ou alors un boucher hilare! ou encore j'veux gueuler mon nom sur les foules! J'veux provoquer la haine! J'veux la sentir autour de moi comme un serpent de feu! J' veux des braves pour la mort! J'veux des légions épouvantables, comme... comme Hitler! Tiens! Ce fameux tueur de Juifs! J'ai un faible pour lui, bien obligé, même si son dieu était encore celui des chrétiens! ou peut-être que l'Allemagne, c'était comme une Walkyrie pour lui! Bon, bref, faisons pas dans le sordide!

        J'veux faire autant de morts que les communistes! J' veux des charniers immenses, fumants, odorants! J' veux de la décomposition! des douleurs abominables! J'veux qu'on en ait le souffle coupé, qu'on en soit comme anesthésié! J'veux être le maître absolu, j'le mérite! J'veux réduire en miettes tous les autres dieux! celui des Juifs, des chrétiens, des hindous, des bouddhistes et j'en passe! C'est tout cette kyrielle en fer blanc que j'veux anéantir! Tous ces succédanés, ces imposteurs! J'veux les frapper! Hein? Mais qu'est-ce que j'dis? N'est-ce pas moi qui les ai inventés, tous ceux-là? N'est-ce pas moi en poupées russes? N'est-ce pas moi qui évolue? Voudrais-je me détruire moi-même? Je deviens fou!

        Oh là! Oh là! Faudrait en plus que j'réfléchisse! Oh là! Oh là! Faudrait que je m'arrête cinq minutes! que je me regarde en face! que j'essaie d'examiner les choses! Oh là! Oh là! J'peux pas, j'ai du boulot, une mission! Et puis faut que j'vous dise, j'aime pas le silence, l'inaction, la paix, si vous voulez! C'est le bourdon! J'angoisse quand j'commande pas! Si j'entends pas crier, j'ai l'impression qu'on complote! Mais admettons... J'bouge pas et j'raisonne! Voilà, j'suis dispos: quelle est en fin de compte ma logique? Si j'devais vendre mon programme à des athées, qu'est-ce que j'pourrais leur dire? Faut quand même montrer mon intelligence, ne suis-je pas Allah?

        Voyons voir... Si je prends en compte le monde moderne, quoique ça m'en coûte..., car moi, c' que j'aime, c'est la charia et... Bon! Bon! d'accord, le monde moderne..., la science quoi, la vérité..., enfin une part de la vérité! Mais bon, allons-y! La complexification de la matière entraîne l'individualisation des espèces, qui elle-même produit la domination; ce qui a conduit à la conscience, qui n'est d'abord que le triomphe de l'égoïsme, la volonté de vaincre! C'est la personnalité qui se développe et qui veut s'imposer!

        Bon, mais la conscience permet encore un essor infini, puisque l'individu peut s'affranchir de l'instinct! Il est donc libre et doit faire des choix, d'où son angoisse, ses craintes, sa perplexité! L'homme libre marche en terrain vierge! Il est créateur! Il est en place pour me comprendre... et même pour me nier! Il a la chance d'exister, grâce à moi, le fu...! Bon, bon, faut que j'me calme! N'empêche, avec la charia, tout ça... Mais on a dit le monde moderne et on ira jusqu'au bout! par respect pour des milliards de gens!

        Si je deviens compréhensif, c'est que j'vieillis! Ah! La jeunesse! Sa fougue, son injustice, sa cruauté! Le sang sous le soleil, voilà la force! Mais j'm'égare de nouveau, je me laisse emporter... C'est pas facile de s'concentrer! Donc l'homme libre, l'homme moderne, appelons-le comme ça, connaît l'angoisse, la peur et son premier réflexe pour s'apaiser, c'est bien entendu un retour à l'instinct, à ses racines... C'est-à-dire qu'il a recours à... à... (y a que moi qui suis!) à la domination! Eh ouais, la domination! L'individu s'impose pour faire le monde à son image; fin de la crainte, du malaise! Oui, mais alors il n'est plus créateur! Il se fige, d'où la charia! Bon sang, m...! J'viens de m'tirer une balle dans le pied!

        Easy! easy! J'suis seul ici! Personne m'a entendu! C'pendant, premier théorème: toute personne qui veut dominer, même pour le bien, reste un animal! Et toc! Je sais, ça fait mal, mais c'est comme ça! Faire le lion, c'est bien, mais être un homme, c'est mieux! Si ça c'est pas du slogan, si c'est pas vendeur, j'fais tomber les étoiles! Eh! Mais j'peux pas! C'est le jeu, la gravitation existe! Y a des gars très sérieux qui ont bossé là-d'ssus!

        Second théorème: plus un homme est libre et moins il est dominateur! C'est comme le tennis, ça fait bing, sauf que c'est plus facile! Le tennis, encore un jeu du couple judéo-chrétien! Mais mon théorème est bon, car si on est libre, c'est qu'on est dégagé de son angoisse, et donc moins on a besoin de dominer! C'est pas beau ça!

        Mais j'vais aller encore plus loin... J'vais aller dans le "sensible", dans la "chair délicate"! J'vais soulever le bandage, attention: y a pas de textes sacrés! Aïe! Ouille! C'est douloureux, j'parie! Vous avez de la fièvre, ça se voit! Mais qui dit sacré dit intégrisme! C'est imparable! L'univers évolue, l'humanité aussi! On parle, même si c'est divinement, avec son époque! L'essentiel du message peut rester éternel, mais il est aussi le fruit d'un temps et doit s'adapter! La charia ne peut plus s'appliquer, elle correspond à un degré d'évolution, d'ordre, d'harmonie, si on veut, mais elle m'enferme, moi Allah! Car je suis l'infini, je n'ai pas peur d'évoluer, moi... et plus on se développe et plus on me donne de la grandeur! J'veux que les femmes témoignent de ma puissance, en s'épanouissant, comme les fleurs sont le reflet du soleil! 

        Je sais, je sais, j'ai quelque talent! Mais finies les boîtes d'allumettes! Finie la vie carcérale! J'veux de l'air! de l'audace, de la force vive! de la paix généreuse! Rappelons-le: l'angoisse conduit à la domination, à la contrainte, au contrôle! Alors, messieurs, détendez-vous! Ayez le courage de vous calmer sans victimes, tout seuls! Ne me faites pas à votre échelle de guerriers tendus et sanguinaires! Ne me présentez pas comme un bourreau ou un maître implacable! Je suis plus fort que vos inquiétudes et que vos égoïsmes mesquins! J'aime la liberté, car elle seule permet de venir à moi!

        Je suis l'infini! Pénétrez-vous de cette idée! Messieurs les guerriers, j'vais sans doute vous surprendre, mais ce que j'aime surtout, moi, Allah, c'est le risque, c'est lui qui est la racine du véritable amour; c'est lui qui prouve plus que tout le fidèle!

        Mais vaincre son ennemi, comme le tigre dévore sa proie, ce n'est pas nouveau; c'est animal! Ce n'est pas propre à l'humain! Je n'avais pas besoin de créer la conscience pour cela! Non, la véritable innovation, le grand risque, c'est de me faire confiance! Ce n'est pas de régler ses comptes! Ce n'est pas se poser en maître, même si on se dit mon serviteur! C'est déjà me laisser le soin de la justice... et même de l'ordre! Ce n'est pas de "prendre", en combattant, en détruisant; ce n'est pas satisfaire sa domination; c'est plutôt aller contre celle-ci!

        A partir de là, vous entrez dans l'inconnu; vous "tendez" vers moi, autrement dit! Vous faites un pas dans ma direction! vers la nouveauté! Là, j'vous kiffe! Hein! Vous devenez créateurs, comme moi! Vous me cherchez véritablement, au lieu de répéter un message et des lois inadaptés, qui me rapetissent, rappelons-le!

       Là, je peux croire à votre amour, car a priori vous ne gagnez rien! Votre domination ou votre amour-propre deviennent quasi nuls! Là, vous commencez à m'intéresser! Car quelle solution allez-vous donner à votre équilibre, à votre bonheur? Tout le monde s'empiffre et pas vous! Où allez-vous puiser la force et l'espoir? Pas de femmes à humilier! Pas de Juifs à tuer! Pas d'enfants à faire pleurer! Pas de peuples à affamer! Pas de maisons à brûler! Pas de cris à la télé! Pas de crainte devant vos bobines! Pas de célébrité! L'anonymat! Pas de commandements! L'humilité pour vous, pas pour les autres! Plus de génuflexions hypocrites ou mécaniques! Votre ennemi triomphe, qu'allez-vous faire?

        Vous allez me trouver, malgré votre pas chancelant! Vous allez m'aimer au-delà de la peur, au-delà de l'animal! dans l'inconnu, car je remplis ce qui est vide! Comment alors pourrais-je douter de votre sincérité, de votre force, de votre "grandeur"? Vous seriez mes témoins privilégiés! Vous montreriez au monde que je suis bien infini, car je serais dans la pierre comme dans le Coran! On verrait que je suis une source inépuisable... et non un carcan! que je fleuris où je veux, que ma puissance est sans limites!

        Mais il faut prendre le risque..., laisser là sa domination... Je n'ai pas peur de perdre, quel chef pourrait alors me comprendre? Le temps pour moi n'existe pas, quelle colère alors pourrait m'aimer? Je suis l'infini, quelle loi alors pourrait me contenir?

        Je suis la liberté, c'est pourquoi je donne naissance! Je suis serein et c'est pourquoi je laisse croître! Je n'ai pas fait la vie pour qu'on l'enchaîne, ni l'homme pour qu'il reste un animal! J'ai développé l'univers, pour que chacun lève les yeux, rêve et rayonne!

        Je me moque du pouvoir, mais j'aime la différence, parce que je suis fort! Ouf! Maintenant, j'ai l'impression d'être un peu plus beau! Fallait la faire, cette introspection! Oh! Yeah!"

  • De l'autorité

    De l autorite

     

     

     

     

        L'autorité est bien entendu une forme de domination et à ce titre, elle sert notamment à masquer la peur, à un tel point que celui ou celle qui jouit de son pouvoir en vient à oublier ou ignorer complètement son angoisse! Comme l'autorité est aussi bien dans une fonction, dans la vie de famille ou auprès d'un chien, nous vivons dans un monde qui nie sa peur et qui donc ne la traite pas fondamentalement. Ceci explique pourquoi nos sociétés paraissent toujours aussi dures et perdues, car le seul remède que nous connaissons à notre mal-être, c'est le renforcement de notre égoïsme, qui réaffirme dans la plupart des cas notre autorité!

        Autrement dit, plus nous nous sentons "humains" et plus nous avons tendance à nous comporter comme des animaux! Car, ne nous y trompons pas, la peur que nous éprouvons, non pas devant un ennemi, mais bien celle qui nous tourmente apparemment sans raisons, celle qui nous fait douter et qui parfois nous terrifie; celle qui nous montre notre solitude infinie dans l'univers; celle qui anime nos interminables débats intérieurs; cette angoisse-là, cette anxiété collante et repoussante; cette espèce de glue qui nous chagrine, même sous les ciels les plus bleus et les plus sereins; cette poisse, cette ombre, cette menace sourde, cette amie triste qui nous suit partout; eh bien, elle nous est propre à nous, les humains! Les animaux ne la connaissent pas! Car c'est notre conscience qui la provoque! C'est l'inconnu dont nous nous rendons compte qui en est à l'origine!

        Mais cela veut aussi dire qu'elle nous est nécessaire ou qu'elle est du moins un passage obligé pour que nous comprenions le monde, nous-mêmes et que nous puissions évoluer! Celui qui la refoule, jusqu'à en oublier son existence, reste donc un animal, qui "croque" les uns et les autres, avant de "tomber sur un os"! Mais il est donc normal de se méfier de l'autorité et des personnes fortement autoritaires... Elles ne sont pas au fond dans la réalité... La mort d'ailleurs ne va jamais chez eux, de peur d'être mal reçue! Mais l'angoisse n'a pas dit son dernier mot, comme nous allons le voir! Ne doutons pas de la force de la nature, car l'homme ne peut pas ne pas être à priori inquiet!

        Cependant, nous regarderons surtout cette autorité qui semble indiscutable et absolument nécessaire, puisque toutes les autres au fond suivent la même logique, nous voulons parler de l'autorité parentale, celle qui bien entendu s'exerce sur les enfants!

        Notez tout de même que le fameux complexe d'Oedipe n'est rien d'autre que l'effort du petit animal qui est en nous, pour imiter ses parents, afin d'en acquérir le savoir-faire! La psychanalyse a complexifié à loisir cette chose simple, jusqu'à faire de nous des extraterrestres! Voilà ce que c'est que d'écouter ces ergoteurs de forêts profondes! Mais ne nous énervons pas, nous avons encore du travail!

        Les parents ont normalement peur, mais le plus souvent ils ne s'en rendent même pas compte. Ils sont d'abord placés dans un fonctionnement, celui de la société; il faut aller au travail et conduire les enfants à l'école! Toutefois, la peur nous suit pas à pas et elle a une manière lancinante, quoique sourde, de se faire sentir... Elle agit donc, même si elle reste invisible! 

        L'énervement est le signe annonciateur de la peur... La tension et l'angoisse dansent ensemble! Le parent hausse le ton, il devient menaçant, il renforce son autorité! S'il y a obéissance, il se détend! La peur s'en va, déçue, mal aimée sans doute... Mais nous n'avons plus rien à craindre quand nous nous sentons forts! Rappelons-le, c'est la conscience de soi qui protège, qui nous donne notre place, qui enlève notre trouble!

        L'autorité permet la médaille du mérite et de l'équilibre! Elle apporte les lauriers de l'utilité; elle est comme "le tapis rouge social"! Nul doute alors que les parents se servent de leurs enfants, afin de lutter contre l'angoisse! Combien d'enfants n'ont-ils pas été et ne sont-ils pas toujours broyés, pour qu'on en recueille un élixir de paix? L'autorité agirait-elle telle une drogue? Elle calme certainement... L'enfant "fusible" existe! Sans leur pâtiras, des parents tournent en rond! L'enfant incapable, celui qui est montré du doigt, qui fait le désespoir de ses géniteurs, celui-là, bien souvent, est le plus utile, le plus nécessaire, malgré ses bulletins médiocres... et l'avis réprobateur de ses professeurs!  

        Sans la forte tête, l'incapable, le cauchemar, le "problème", le fléau, la peur de nouveau frappe à la porte, avec sa lourde valise, tandis que dehors il se met à pleuvoir sous les lampadaires qui viennent de s'allumer! 

        Mais nous sommes d'accord, il y a une sorte de contrat! L'éducation est nécessaire et puis tout cela est noyé dans tant d'affection! Celle-ci est comme le feu, que l'enfant méprisé retournera tôt ou tard contre lui! "Je vous ai apporté des roses, mais vous les avez piétinées..."

        Dans la plupart des cas, l'éducation se passe tant bien que mal, mais qu'arrive-t-il quand l'enfant voit des choses..., quand son œil innocent reconnaît le mensonge, l'anomalie, la discordance, le faux-semblant? Car, attention, c'est un cercle vicieux: plus on presse l'enfant et plus il se défend!

        Cette vérité de l'enfant, sa remarque qui surprend tout le monde, qui brusquement scandalise, qui paraît si déplacée, ne serait-ce pas la peur qui essaie d'entrer? Ne serait-ce pas ce monde étrange et terrible qui a trouvé un adjoint, un porte-parole? Maudit soit alors l'enfant! La réaction à son encontre est très souvent violente, car la peur est bien entrée! C'est elle qui arme le bras, qui fait crier: elle jubile, elle est chez elle! L'enfant la voit, sans la reconnaître! On le bat, on le morigène, alors que la peur est sur le canapé, à finir les jus de fruits et les cacahuètes! Les souffrances de l'enfant la laissent indifférente, elle est au chaud à présent! Qu'on enferme le petit diable dans le noir... et retrouvons-nous entre grandes personnes, bien dégoûtantes, hein? Tiens, jouons à la belote de l'hypocrisie!

        Il y a deux manières de lutter contre la peur: soit on renforce son autorité et on ne guérit pas; soit on regarde en face sa peur, ce qui exige bien entendu qu'on dise: "J'ai peur!" La première solution plaît à l'orgueil; la seconde pas du tout, et on choisit donc la première! On marche alors vers le crime; on devient client de l'injustice, on lui achète sa "poudre", celle qui rend fou furieux, car la traque commence! Mais, curieusement, un enfant , c'est plus résistant qu'on ne le croit!

        C'est comme une huître! une forteresse! On l'attaque sur le côté, vite, il conduit ses troupes vers là! Il empêche le passage! On s'échine, mais la fermeture tient! Le muscle du bivalve, c'est pas n'importe quoi!

        Qu'à cela ne tienne! On essaye de faire mal de l'autre côté! On tente de percer; ça devrait céder! On serre les dents, on durcit le ton, on accable; on donne des coups, on sermonne, on assomme, on blesse encore, toujours plus profondément; on attend un cri, une douleur, une réaction, mais on est devant un masque impassible, un animal étrange somme toute, complètement hermétique, apparemment insensible, qui lasse, qui effraie même, si bien qu'on le laisse enfin tranquille, comme une coquille vide, morte, remplie en fin de compte d'un immense chagrin, plus vaste que la mer; plus grand que tout le cosmos; plus sombre que l'infini!

        On a fait un zombie, un malade, mais pourquoi un tel acharnement? Mais toute résistance est une fenêtre pour la peur! Elle peut entrer par là! Toute résistance est somme toute une étrangeté, de l'inconnu; comme ce monde qu'on tient à distance, parce qu'on sait qu'il existe et qu'il est menaçant! On le redoute, mais on l'oublie, car on réussit dans la vie! On est quelqu'un, on a du pouvoir, de l'importance! On est bien dans le "système"... et la peur est loin!

        Elle est d'ailleurs fâchée, elle se retrouve sans rôle dans la pièce, puis, soudain, elle éclate de rire! Elle se moque des notables, de la célébrité, des airs sérieux! La peur a tout son temps, car on vient à elle, inexorablement! Elle nous tend les bras! On ne peut pas lui échapper! Plus on vieillit et plus elle nous sourit, plus elle se veut notre amie! Elle lève un bras et nous crions! Elle s'en amuse!

        Elle devient la mort, l'autorité suprême! A quoi servent désormais les autres? On est tout petit devant elle! On ne l'a pas apprivoisée! On n'a pas cherché à la connaître, à lui donner un nom, un remède, un maître, un sens! Elle est une étrangère, une intruse, que rien désormais n'arrête! Elle est un gouffre! On est échec et mat!

        L'enfant blessé, l'enfant "fusible", l'enfant paillasson, l'enfant utile, lui, s'époussette! Un long chemin l'attend... Dans le meilleur des cas, il fait route avec la peur... De toute façon, il n'a pas le choix! Dans le dos, il a des tas de couteaux, qui lui font mal, quand il se couche... Il a des cauchemars; il pleure aussi... Il est tout seul dans le monde... Les autres ont de l'autorité, lui, il n'est rien, il souffre... et il a peur!

        Il se débrouille... Il invente des trucs... Il regarde le soleil, les oiseaux... Il ne comprend pas grand-chose! Il se rappelle une guerre, vaguement, c'était son enfance! Il faut grandir! Une, deux! Il faut aller de l'avant, écouter les idiots et encore les idiots! Ils sont comme la mer, ils ne s'arrêtent jamais! C'est qu'ils ont de l'autorité, qu'ils sont importants! C'est eux qui savent! Ils ont la science! Psychologues, présidents, responsables, analystes, commentateurs! La cohorte est infinie... et le monde ne change pas!

        L'autorité est assise sur son trône! Chaque jour, elle fait défiler ses troupes et chacun la regarde fièrement! On est soldat de l'autorité ou on ne l'est pas! L'autorité rigole, toujours d'attaque! Elle se moque de la peur, qu'elle trouve compliquée, faible! L'autorité a plein de projets, l'avenir lui appartient!

        C'est quelqu'un de dynamique, l'autorité! C'est une passionnée, une gourmande; la maladie, elle connaît pas! C'est bon pour les minables, les médiocres, les besogneux, les ratés!

        L'autorité, c'est du solide! C'est franc comme l'or! C'est plein de sagesse, plein de conseil! La peur apprend la leçon! Elle a un maître, c'est l'autorité, l'aisance personnifiée, la réussite! la clairvoyance!

        Pourtant, la peur marque des points, de temps en temps! Elle gonfle par exemple les ventres, c'est amusant! Elle fait des hommes et des femmes, comme s'ils avaient été noyés! remplis d'eau! Ah! Ah! Ces bedaines, c'est la peur, c'est son travail! (Nous-même avons pesé plus de 140 kilos! On nous a volontiers traité de grosse vache, avant de nous demander si nous n'étions pas enceinte! Quel monde chaleureux et solidaire! C'est la joie de l'autorité, sa distraction, son espièglerie! On serait chagrin de s'en plaindre, n'est-ce pas?)

        L'enfant blessé poursuit sa nuit... Il peine, alors qu'autour on s'affaire! Il est mal parti dans la vie! Il aurait dû être plus ceci ou cela! Tiens, il a manqué de courage, d'esprit de décision! C'est ça! Ah! S'il avait eu de la force, mais c'est un mou! Il le sait bien! Il est détestable, repoussant même, tandis que l'autorité..., c'est un tabernacle resplendissant!

        L'enfant blessé discute avec la peur, l'inconnu! Le fou, il lui parle! Il écoute la peur et l'inconnu! C'est difficile, mais c'est la seule chose que cet enfant connaît! La peur apprend à l'enfant à parler... Elle lui apprend chaque mot, chaque lettre... Ils épèlent ensemble! Ils se comprennent; ils se disent tout! Bien obligé, car l'autorité ne veut pas d'eux!

        La peur apprend à l'enfant blessé à être un homme! Elle lui donne... quoi? De l'autorité! Un savoir, une science, le fruit d'une expérience, une création! C'est le trésor de la peur! C'est une vérité, la peur y a veillé!

        L'enfant blessé est devenu prophète... Il va confiant! Il est plus fort que les autres, maintenant! Car la peur est son amie, il ne l'a pas rejetée, il n'en avait pas les moyens!

        La peur parle par sa bouche! Elle défie l'autorité! Elle lui montre son mensonge, son décor de théâtre! Elle déchire ses oripeaux et l'autorité grince des dents...

        L'autorité méprise la peur, ne veut pas l'entendre! L'autorité se ferme, pour garder ses privilèges, son illusion, ses fêtes, son pouvoir!

        L'enfant blessé est de nouveau rejeté! C'était à prévoir, n'est-ce pas?

        La peur campe devant la cité que commande l'autorité... Elle envoie ses poisons par-delà les remparts! On entend la ville gémir, crier au secours! La violence est dans les murs, l'angoisse talonne le passant... On croise des visages hideux! Les gens deviennent de plus en plus durs! L'autorité se déchaîne!

        Le prophète, lui, sifflote... Il aime la vie, sans haine! L'autorité, en fin de compte, l'accompagne comme un p'tit chien, mais peu lui importe! Il s'enchante toujours plus de son parcours, car il va vers la lumière!

  • Des monstres

    Des monstres

     

     

     

        Il est bon d'observer la jeunesse, car elle est l'avenir, et un lieu idéal pour cela, c'est le bus, quand il est rempli de lycéens! Nous sommes au début du printemps et les visages sont comme les jeunes feuilles sur les arbres: ils se développent, s'offrent, eux aussi sous la poussée d'une sève, et on peut lire en eux!

        D'ailleurs, ce qu'on voit pour la majorité est rassurant... La plupart des adolescents, présents dans notre bus, sont innocents... Par leur fraîcheur, ils font encore penser aux boutons de roses, qui sont si tendres, à peine sortis de leur écrin de verdure, et qui vont bien entendu se transformer en fleurs... Autrement dit, chez tous ces jeunes gens, il n'y a qu'une envie, c'est celle de grandir et de découvrir la vie, le monde qui nous entoure! Quoi de plus normal? C'est parfaitement sain et cela implique également de la docilité, de la bonne volonté, une curiosité qui s'allie au désir de bien faire!

        Cette attente correspond sans doute à une confiance et raconte par conséquent une enfance, une vie de famille sans problèmes particuliers, traumatisants! Sur chaque visage apparaissent de l'écoute, de la gentillesse; même si chacun l'exprime différemment: certains timidement, presque angéliquement, pourrait-on dire; quand d'autres sont plus hardis, peut-être plus les filles que les garçons d'ailleurs!

        Cette innocence, qui pourrait être considérée plus péjorativement telle de la naïveté, ils se la reprocheront probablement plus tard, car à cet âge on est impatient de se montrer adulte, "affranchi", mais elle permet tous les destins: le terreau est neutre, pour ainsi dire, et si la plante connaîtra bien des aléas, ses racines, elles, la nourriront toujours volontiers! Or, ce n'est pas le cas pour un certain nombre de visages que nous observons, car ceux-ci sont déjà marqués par des sentiments qu'il est possible d'identifier... Ici, quelque chose s'est passé, s'est installé et même gouverne! On n'est plus dans le domaine de la découverte, mais dans celui de la lutte, du tourment et même du vice, à quinze ans! On quitte  l'univers de la lumière pour celui de l'ombre; l'innocence est perdue! La haine, la peur, les larmes, le mépris rôdent! C'est un tout autre monde, dont le précédent ne se doute même pas! Et celui-ci est déjà fermé, quasiment sans espérance... La dureté de quelques uns semble irrécupérable et n'a rien à envier à celle des adultes!

        Par exemple, à côté de nous, se trouve une jeune fille vieillie prématurément par la tristesse... On sent chez elle une tension permanente, une gravité qui pourrait se transformer en alarme, en panique;  comme si cette personne vivait dans un monde en guerre, avait subi maints raids aériens et meurtriers! Elle passe pourtant inaperçue et seul un observateur attentif peut se demander la cause de ce trouble, qu'est-ce qui a créé le poids qu'elle semble porter, de quel drame il peut s'agir?

        L'explication la plus vraisemblable est la perte d'un proche, d'un des membres de la famille...; mais on peut encore songer à la violence d'un père alcoolique, battant la mère, avant un divorce et une famille recomposée... Mais les événements ne sont pas seuls à l'origine de notre comportement, comme semble vouloir le dire la psychologie, car, pour les mêmes traumatismes, nous pouvons avoir des réactions diamétralement opposées! Certains, face à l'injustice, aux souffrances dont ils sont les victimes, s'endurciront, deviendront aussi mauvais que leurs persécuteurs; quand d'autres, au contraire, chercheront toujours plus un sens à ce qu'ils voient et subissent, ce qui les conduit à devenir de plus en plus doux et compréhensifs! Apparemment, notre égoïsme natif jouerait un rôle essentiel dans la formation de notre personnalité, mais nous sommes là sur un terrain extrêmement complexe, comme nous allons le voir! 

        Toujours est-il que l'on peut supposer encore à notre lycéenne un caractère naturellement craintif, particulièrement émotif et qui favoriserait sa crispation, son air douloureux! Face aux événements attristants qui l'ont marquée, une autre plus ferme, moins sensible, aurait pu en prendre son parti, juste peut-être hausser les épaules! Il doit y avoir un échange entre la génétique et l'influence du milieu, entre notre hérédité et les traumatismes que nous éprouvons enfants... Croire que l'une des ces parties agisse seule est certainement une erreur et quant à savoir pour quel pourcentage l'une a une action plus importante que l'autre, cela reste une querelle de spécialistes! Mais, encore une fois, notre tour d'horizon montrera combien ce que nous sommes est une énigme!

        Un peu plus loin, toujours dans notre bus, il y a un jeune Français d'origine étrangère. Il a une allure sportive et les manches retroussées, ce qui donne l'impression qu'il est à l'aise et même que c'est un chef aimé et imité; mais il est seul! Quand on croise son regard, on voit que celui-ci voudrait se fixer, ne plus fuir, voudrait se "livrer", être présent, se montrer tel qu'il est; mais c'est impossible! Il est comme un oiseau qui a faim et qui volète autour de la nourriture placée devant lui; il n'ose se poser, car sa méfiance ne le quitte pas!

        Quelle peur peut être assez forte, pour empêcher ce lycéen de se détendre, de se reposer; pour l'empêcher d'exister? Toute l'apparence dit l'équilibre, tout le regard dit l'insécurité! Peut-être que ce jeune homme, s'il consentait enfin à se laisser voir, devrait-il se mettre à crier, tellement il aurait la sensation d'un déchirement! Craint-il une injure soudaine et raciste? C'est possible... En tout cas, il vit dans un monde qui lui paraît absolument hostile et nous espérons que quelque part il puisse vraiment se relâcher!

        Que de douleurs cachées! Mais cela nous rappelle une autre anecdote... Dans un autre bus, bondé,  alors que nous sommes debout, des jeunes soudain nous entourent et commencent à se moquer de nous, en répétant tout haut la marque de nos chaussures! Ce n'est pas bien méchant et nous ne bronchons pas, mais, quand les jeunes descendent, l'un d'eux en passant nous touche doucement le bras, comme s'il voulait prendre un peu de notre paix, de notre énergie! ("Je vous assure que quelqu'un a touché mon manteau!" disait Jésus à ses disciples embarrassés!) Ce que voulait cet adolescent aurait paru bien étrange à ses camarades et nous sommes ici très loin des apparences et notamment des égoïsmes jamais rassasiés de la télévision!

        Mais revenons à notre bus... Tout au fond, il y a une jeune fille aux traits délicats et qui semble ne pas en être consciente, alors que nous l'admirons d'un regard... Soudain, son œil se fige, presque avec irritation! On a l'impression de l'avoir dérangée et qu'elle est à bout de nerfs! Elle n'est pas du tout réceptive, car elle rumine quelque chose; son intérieur est un champ de bataille, où elle règle ses comptes!

        A côté, un lycéen nous défie alors que nous posons les yeux sur lui... Nous restons nous aussi à le fixer, puis nous sourions, car nous ne voulons supplanter personne et aussitôt le garçon s'adoucit également... Mais coup sur coup nous avons été témoin de deux réactions motivées par la haine! C'est elle qui occupe ces deux jeunes gens, bien qu'ils ne soient pas ensemble... C'est elle qui les habite et qui est prête à leur servir de protection!

        Sans doute ces deux lycéens ont-ils été blessés et ils réclament justice, mais c'est aussi leur égoïsme qui les rend aussi agressifs; car on comprend bien que plus l'amour-propre est vif et plus il ressent l'injure et veut s'en venger! Là encore, il existe un dialogue entre l'événement, le traumatisme et ce que nous sommes à l'origine... Pas plus que nous voilà les fruits seuls de notre histoire, nous sommes incapables de changer... et d'ailleurs nos deux lycéens montrent qu'ils ne sont pas insensibles aux bonnes dispositions dont on peut faire preuve à leur égard: la jeune fille, en sortant du bus, ajuste sa chevelure, essaie de se faire jolie, car elle est maintenant présente; elle a quitté son monde de haine!

        Ces deux exemples vont nous servir de palier, pour présenter les deux monstres qui suivent... Nous parlons de monstres, car, comme dit la formule: "Dieu seul est bon!" et il faudrait sa puissance sans limites pour voir là où nous allons un peu de bonté, peut-être même des garçons qui ont été un jour gentils, de bonne volonté!

        Mais en face de nous, à présent, il y a deux lycéens qui ne cherchent qu'à dominer, qui n'ont qu'un seul désir, c'est d'asservir; et nous voilà dans la nuit la plus complète, sans une once de lumière, ce qui constitue une énigme absolue, quant à la formation de nos personnalités!

        Disons le encore tout net, cette domination se veut aussi sexuelle (à quinze ans!)... En effet, des hommes peuvent a priori se plaire à être considérés telles des femmes et se réjouir d'être méprisés, quasiment maltraités... On les appelle vulgairement des "folles" et c'est la violence de leur besoin sexuel qui fait que leur plaisir s'amplifie de leur asservissement, de leur avilissement!

        Mais, comme être heureux d'être méprisé n'est pas naturel, il faut voir dans ce plaisir sexuel un désespoir, l'effet destructeur de la dépression, une conséquence de l'angoisse, qui donne envie de "disparaître dans la chair", d'en être "abreuvé", car "l'esprit n'en peut plus, il ne veut plus avancer, se tenir debout"; les nerfs se consumant et le sexe devenant de plus en plus impérieux, quasiment irrépressible!

        Ceci est aussi valable pour les femmes! Certaines, toujours pour les mêmes raisons, perdent toute dignité, se plaisent apparemment à ne plus se sentir consciente, à force de rapports toujours plus scabreux et qui les déshumanisent... C'est un soulagement, mais qui ne grandit pas et finit par laisser un goût amer... N'oublions pas qu'il y en a un qui en profite: c'est celui qui domine et qui humilie! C'est la joie de son orgueil et on voit mal ses limites: Yves Saint Laurent criait souvent à Pierre Berger: "Je te tuerai! Je te tuerai!"

        Mais nos deux lycéens, dans le bus, sont de cet acabit! Ils sont ceux qui se vouent un véritable culte, qui se placent au-dessus de tout et qui donc ne voient aucun mal à briser, à tyranniser un autre humain, à en faire une victime, d'autant que celle-ci semble aimer ça! Où est l'Evolution ici? Nulle part! On est dans l'égoïsme pur (si on peut dire...)!

        Cette domination agit d'une manière quasi invisible; il n'y a pas de violences physiques... C'est une soumission psychique qui est recherchée, car c'est elle qui entraînera la soumission physique! Mais il nous devient utile d'essayer de comprendre ce qui fait une "présence"!

        Ce n'est pas, comme on le dit souvent, notamment chez les psychologues, une attitude, une gestuelle ou une expression du visage, même si ce sont des indicateurs... Ce n'est pas non plus l'habit, qui n'est qu'une conséquence, mais ce qui constitue la présence, ce qui produit un effet sur les autres, ce n'est ni plus ni moins ce que nous pensons! C'est le degré de notre compréhension, de notre évolution, de notre maturation! C'est l'énergie psychique qui en découle! C'est elle qui fait office d'aura, qui nous signale pour ainsi dire; c'est elle que l'autre ressent!

        Mais si celle-ci est consacrée à la domination, au triomphe de soi donc, elle peut être alors vicieuse, délétère, concentrée, assez puissante, mais surtout elle a pour vocation de détruire, de supplanter, car c'est le pouvoir qui est sa nourriture; c'est l'animal qui veut vaincre, être le plus fort! C'est ainsi bien entendu que le dominateur se donne un existence! C'est si vrai que, si on lui fait obstacle, on le condamne invariablement à l'angoisse! Voici comment les choses peuvent se passer...

        Dans le bus, nous nous débarrassons assez vite des deux monstres... En effet, nous savons déjà qu'un équilibre qui repose sur la domination n'est pas solide, n'est qu'apparent, que c'est un aveuglement, puisque nous ne sommes pas des animaux et que la mort, ne serait-ce qu'elle, produit naturellement chez nous angoisse et questionnement! Autrement dit, un individu, qui n'a pas besoin de dominer et dont l'équilibre a été construit par les lois de la sagesse, celui-là "embrasse" bien le monde extérieur, ne refuse aucune de ses peurs et est par conséquent autrement plus fort qu'un autre! Il est indépendant et nous pouvons même dire indestructible!

        C'est une question d'envergure et de lucidité et dans le bus, nous plaçons nos deux "monstres", par notre seule énergie psychique, dans un monde où leur rapport de domination n'a plus cours, de sens, où il ne devient pas plus qu'un bibelot! Et la réaction est toujours la même! Le dominateur, ou le tyran, ou le monstre, connaît l'angoisse qu'il refoule grâce à sa domination... et c'est comme si le monde entier le submergeait, ou même comme si le froid de la mort entrait soudainement!

        On voit alors le "monstre" se tortiller telle une chenille sur un poêlon! Sa position devient un véritable calvaire! Manque d'air, raideur du coup, nervosité, agacement, sueur et nous en passons! Il est au bord de la panique et tout se déroule comme si notre personnage en venait brusquement à "porter un peu de sa croix", puisque pour un moment il n'est plus le "profiteur", celui qui ne prend que les avantages! "Dites bonjour à la vraie vie, merci!" (On le contraint à l'empathie, d'une certaine manière, même si on peut douter du résultat!)

        Reste à savoir comment la nature peut donner naissance à de telles personnalités! La psychologie parle de narcissisme, mais elle serait bien en peine d'en expliquer l'origine!  Notez que notre "monstre" n'est qu'un cas extrême, quoique très courant! Mais, en fait, chacun, dans l'ensemble, disperse sa domination, la fait agir plus ou moins fortement sur plusieurs autres et connaît aussi la soumission, notamment avec ce qui est regardé comme l'autorité... C'est ce mélange qui produit une impression d'équilibre!  Cependant, ne voire le monde qu'à travers le prisme de sa domination, c'est bien la mort: la fin de soi, c'est la fin de tout!

       

  • De l'agressivité

    De l agressivite

     

     

     

        Nous savons déjà que nous avons tous peur et que la première réponse que nous donnons, pour échapper à cette peur, est le renforcement de notre domination, de notre présence au monde.  Cela produit un certain nombre d'attitudes, qui dépendent de nos goûts, du sexe et même de la catégorie sociale. Mais toutes génèrent au bout du compte de l'agressivité, ce qui nous crée une vie dure et un environnement qui, en nous troublant encore plus, nous entraîne dans une impasse, un cercle vicieux! Mais regardons ce qu'il en est et à tout seigneur, tout honneur, commençons par la femme!

        Comme nous le savons déjà encore, si l'homme assure sa domination d'abord par la force physique, la femme, c'est par la séduction! Pour soulager son angoisse, elle cherche donc à séduire, mais, ici, nous ne sommes pas dans la joie, l'art d'éblouir celui qu'on a choisi! Il s'agit plutôt de la pression d'une inquiétude sourde, d'une anxiété diffuse, qui pousse à captiver un homme impérativement; le corps exhibant ses rondeurs, le visage défiant presque!

        Tôt ou tard, un homme finit par montrer son intérêt et dès lors la femme retrouve ses repères, avec le sentiment de sa valeur... Elle est en terrain connu et ne ressent plus sa peur, mais elle ne la guérit pas! Elle a en plus excité un homme, qui aura bien du mal à se calmer, car il a comme hérité de la tension de la femme, alors qu'il avait toute sa raison, toute sa paix!

        Il y a donc eu une agression, même si celle-ci appelle le plaisir, mais une relation serait très difficile... L'angoisse, en effet, fragilise les êtres et leur enlève la capacité du choix! C'est l'atermoiement qui fait le fond de la peur et si l'homme troublé veut se satisfaire, l'embarras de la femme ira en redoublant! Si elle cède, c'est par désespoir, parce que la solitude lui paraît de toute façon insupportable!

        Une sexualité qui n'est pas maîtrisée, comme on la voit le plus souvent chez les femmes jeunes, est un "sauve-qui-peut" de l'esprit... C'est un égoïsme qui jette à tout-va des étincelles et qui reprend des forces, en allumant des incendies! C'est une forme de violence, qui est très éloignée des élans du printemps (quoiqu'il soit déjà là!)! Ce n'est pas l'hormone qui agit, c'est l'angoisse qui brûle!

        Cependant, quand il a peur, l'homme n'est pas plus respectueux... Il veut un rapport de force! Dès que celle d'un autre homme l'inquiète, il s'empresse de se mesurer à lui! Il redresse son dos et passe à côté de son "adversaire", de sorte que celui-ci sente son infériorité!  Ainsi, est de nouveau "quelqu'un" celui qui était désorienté par la peur! Il n'est plus seul, en plaçant un autre dans son univers, comme la femme par sa séduction! Mais, pareillement, il provoque de la nervosité, il excite l'amour-propre de l'autre, qui pouvait être paisible, à dix mille lieues de toute concurrence et qui se voit soudain dominé!

        C'est donc encore une agressivité, qui peut faire naître du mépris et de la haine! Cette manière de régler son angoisse est tout aussi néfaste et improductive que la précédente, puisque le fond du problème n'est toujours pas résolu! C'est pourtant la plus courante! Combien d'hommes faudra-t-il défier, plus ou moins ouvertement, avant l'incident ou le vieillissement? On aura passé toute sa vie à distiller son venin! Evidemment, on évitera les plus gros, on n'est pas fou, mais on aura combattu sans relâche une inconnue, qui s'appelle la paix!

        On n'aura pas pris les vrais moyens pour être heureux et on aura rendu malheureux un grand nombre! Se satisfaire de son enfer n'est pas sans conséquences!

        Cependant, depuis longtemps, la société a raffiné la force physique en lui donnant les attributs du pouvoir ou de la richesse! Ainsi, un homme dans une belle voiture poursuit son rapport de force! Il y est d'autant plus à l'aise que le jeu de la conduite procure immédiatement du sens et rassure! Il y est encore à l'abri, mais la belle voiture, qui glisse et dont la valeur et la puissance sont évidentes, est destinée à impressionner, à en imposer: on ne va pas chez le concessionnaire  comme on achète son pain! On n'est pas innocent! (C'est encore la même chose pour le rugissement des motos!)

        Mais la femme aussi peut utiliser la voiture tel un atout de sa séduction! De quoi faire enrager les taliban!

        Notez que le port des lunettes de soleil, alors que l'astre du jour réchauffe à peine, est inspiré par la même logique! D'abord, on cache son regard et ensuite on se donne l'illusion d'un monde plus coloré! Mais les lunettes noires continuent à vouloir dominer, d'autant que la peur de leur propriétaire est masquée! Somme toute, on entre ici dans le domaine du ridicule, même si cela paraît un détail, car il ne faudrait surtout pas croire qu'il existe quelque chose de vraiment figé, qui soit en dehors de la psychologie de nos attitudes... "Tout est sensible!" disait Nerval et quand on a commencé, on n'en finit pas de dévider le réel!  

        Cependant, l'agressivité devient plus évidente avec la partie qui suit et c'est pourquoi nous l'appellerons la "zone"! Il s'agit des marginaux, qui notamment commencent à boire le samedi matin, car ce jour-là est déjà l'"antichambre" du dimanche; son rythme n'est plus celui d'une journée de travail; il est plus lent et permet ainsi à la peur de se faire sentir!

        On boit donc tôt pour parer le mal-être, mais la tentative est vaine! L'alcool procure le rêve, mais épuise et demande des doses toujours plus fortes! On est fatalement conduit à l'abrutissement et à l'agressivité! Toutefois, on évite de cette manière le vide qu'on associe au dimanche et qu'on redoute, puisqu'on le remplit en luttant contre sa gueule de bois; le corps endolori et la tête serrée, ainsi qu'on serait couché dans un cercueil rustique!

        Toujours le samedi, quand des marginaux occupent un appartement, les voisins en sont pour leurs frais! Ce sont d'abord des éclats de voix, car l'angoisse rend nerveux..., puis la musique est de plus en plus forte, jusqu'à isoler le marginal! Le voilà dans sa bulle et à partir de là, la vie est impossible autour! Ou bien c'est le marginal, ou bien ce sont les autres; mais la cohabitation est interdite, comme le dialogue! Si on se plaint, immédiatement le marginal se dresse sur ses ergots: il est de toute façon en guerre contre le système!

        Pourtant, on l'étonnerait bien si on pouvait lui faire comprendre qu'il a, face à sa peur, la même réaction que ceux qu'ils critiquent, à savoir le notable ou le bourgeois! Seuls les moyens changent! Le riche cherche à dominer en respectant des codes, tandis que le marginal crée le chaos! Mais c'est le même égoïsme qui veut s'imposer!

        A propos du bruit et comme les psychologues ouvrent parfois un œil, il est dit que le ronflement de l'ordinateur endort, met à l'abri son utilisateur, le sépare du monde réel et de ses aspérités! Ici, c'est le repli sur soi et l'absence de responsabilités qui sont montrés du doigt!

        Cela ne nous semble pas pertinent, car exagéré, mais il n'en demeure pas moins que, quand le bruit est fort, il peut produire un certain apaisement, avoir un effet anesthésiant, qu'on ne voudrait plus arrêter! Bien des employés municipaux, avec leurs souffleurs de feuilles ou leurs faucilles électriques, finissent par prendre plaisir à leur tâche et tout serait parfait dans le meilleur des mondes, si autour on pouvait encore s'entendre et vivre normalement!

        Cependant, considérons ces psychologues qui semblent dénoncer certains travers de nos comportements... Ils comparent encore, si nous ne nous abusons pas, l'état ou le gouvernement à une super maman, ainsi que le chat, dit-on, voit son propriétaire, ce qui expliquerait son ronronnement! Ils veulent ainsi s'élever contre la majorité qui fait appel à l'autorité pour régler tous ses problèmes  et qui manifestement n'arrive pas au stade adulte! (Hum! Citerons-nous les gilets jaunes?)

        De même, nous avons entendu jour un psychiatre critiquer ceux qui partent au ski, car là-bas ils vivent dans un monde poudreux et plein de blancheur, comme enchanté et irréel! Dans ce cas, encore, la frivolité et même la lâcheté des hommes étaient visées! Le skieur aurait dû avoir honte et regagner vite sa chambre, sans goûter à la fondue!

        Mais pourquoi ce mépris, cette haine, cette colère chez ces psychologues, car c'est bien de cela dont il s'agit; alors que la science n'a de valeur que si elle est objective? Mais l'explication est assez simple... Cette irritation, cette aversion sont en fait de grands classiques et apparaissent volontiers chez le névrosé! En effet, celui-ci a tendance à dépasser ses forces, à cause de sa fragilité, et tous ceux qui ne pensent pas comme lui, qui le contrarient attirent ses foudres! C'est le cri de la frustration! On fournit des efforts et on a l'impression de ne pas en être récompensé!

        La seule solution est de s'apaiser soi-même, car on ne corrige pas les autres en les heurtant, mais bien en les acceptant tout de même! Le mal devient meilleur quand il se sent encore aimable; cela seulement lui donne de l'espoir! Or, seule la paix donne la force et seule la force permet de sourire tout de même à la différence! C'est du b.a.-ba; même les escargots connaissent ça! Mais pas apparemment nos psychologues! Se croire averti sur l'esprit et ne pas voir sa propre haine! "Vous m'f'rez quatre jours, quatre! Rompez!"

        Mais l'agressivité vient aussi de notre environnement, de nos villes, de l'urbanisation... Il est normal que nos agglomérations s'étendent, puisque nous sommes de plus en plus nombreux, et le béton qui est pratique facilite ce mouvement, mais, en même temps, nous sommes de moins en moins capables de laisser une place à la nature, à la verdure, bien que nous en ayons besoin!

        Les arbres et les plantes, par leur variété, leur beauté, nous offrent un spectacle qui nous captive et nous apaise; tandis qu'une façade reste somme toute une fermeture! Mais nous sommes tentés, sur chaque chantier, de tout bétonner, pour ne laisser qu'une végétation pauvre, amaigrie, comme si nous ne comprenions pas la nécessité de sa présence et qu'elle n'était qu'un embarras!

        C'est que considérer le temps de la nature, prendre soin d'elle, respecter sa place nous contraint de ralentir, presque de nous arrêter, et c'est déjà l'ombre de la peur qui se montre à nouveau et qui nous presse derechef vers l'action, vers la solution la plus facile et qui apparemment ne demande plus d'entretien, d'y "revenir"!

        Le même problème existe avec les enfants, qui crient et qui pleurent, parce qu'ils sont fatigués, car ils ont dû suivre le rythme de leurs parents, qui fuient eux aussi leur peur, ce qui les empêche de régler les petits soucis de leur progéniture...

        Il est évident que les villes témoignent de notre angoisse, par leur radicalisation et que celle-ci ne peut pas ne pas nous agresser, mais il nous est a priori possible encore de nous tranquilliser avec un moyen qui paraît inoffensif et c'est la consommation! Si nous en avons les moyens, acheter nous occupe, nous donne de l'importance et même nous amuse! Nous rêvons encore de posséder tel objet et cela devient un but, mais, même quand il s'agit de nos loisirs, force est de constater que nous ne savons pas vivre, puisque nous nous précipitons, nous nous pressons vers les magasins, sans savourer notre plaisir!

        Certains sur le chemin tueraient père et mère pour arriver plus vite et font de la rue un terrain dangereux, et cette image sèche de l'égoïsme est l'une des plus désespérantes qui soient!

        Cependant, nous voilà à l'heure du bilan... Si nous totalisons toutes les sources d'agressivité que nous avons citées, il y a de quoi donner le vertige! Sexualité, domination, bruit, violences, environnement, consommation! Nous serions en droit de nous demander comment nous pouvons supporter la situation! Mais, en fait, nous n'y arrivons pas!

        La révolte des gilets jaunes en est la preuve, même si leurs revendications sont éloignées des causes profondes de notre mal-être! Les sirènes d'ambulances viennent encore confirmer notre désarroi et notre impuissance!

        Il n'est pas possible que nous ne soyons pas perturbés et notre sédentarisme s'explique aisément, car nous sentons tous combien il est difficile d'"affronter" le monde, comment chacune de nos sorties, qu'elle soit nécessaire ou attrayante, peut se révéler épuisante! Face aux agressions, le fil de notre pensée s'envole inexorablement et notre calme n'est plus qu'un souvenir! Même respirer correctement nous est inconnu!

        Nous restons alors chez nous, à l'abri des autres, devant la télévision la plupart du temps, tandis qu'elle nous fait croire que nous formons une seule et même grande famille éternelle! C'est absurde, mais nous sommes prisonniers de notre fonctionnement!

        Tant que nous voulons dominer, nous créons du trouble, nous nous fragilisons et nous nous détruisons! La domination n'est somme toute qu'une fuite en avant et pure folie est de penser encore, au vingt-et-unième siècle, que seuls les plus forts survivront! Signé le soleil!

  • De la peur

    De la peur

     

     

     

        Tout le monde a peur évidemment et il ne saurait en être autrement! Rappelons que, si les animaux sont nos "frères", nous n'en sommes pas pour autant, comme eux, "prisonniers" de nos instincts! La conscience, devenue évidente chez nous, nous a ouvert les "portes de la liberté", puisqu'elle nous permet justement de nous regarder nous-mêmes et de nous rendre maîtres de nos personnes!

        Mais nous voilà aussi devant l'inconnu! Notre mort notamment nous interroge... Notre condition n'est pas fixe et nous devons faire des choix, prendre des responsabilités, ce qui peut sembler lourd et nous effrayer, et la tentation peut être grande de "régler le problème" par une loi stricte, comme la charia, qui fait de l'homme un automate, le ramenant somme toute au rang de l'animal!

        Nous allons voir d'ailleurs que plus la peur est grande et plus la violence, le rejet ou la tyrannie le sont tout autant! Mais que l'angoisse fasse partie de nos vies est parfaitement normal, car elle est un corollaire de notre liberté... C'est son absence qui serait plutôt troublante, mais il est vrai aussi que les choses apparaissent rarement aussi simplement... Notre société a bien "embrouillé les cartes", pour ainsi dire, et d'abord par peur également!

        Prenons le cas du travail par exemple... Il nous enlève a priori beaucoup de notre angoisse..., autrement dit il réduit considérablement notre liberté! Chaque jour, des milliers d'individus prennent le chemin de leur emploi... Ils doivent respecter des horaires, ils obéissent à une nécessité, qui est celle de gagner sa vie! Le salarié n'a donc pas à se demander ce qu'il convient de faire, il suit un fonctionnement, mais la contrainte qu'il subit devient vite apparente et même insupportable, sitôt que son travail le déçoit, ne lui apporte plus une compensation valable, comme un salaire élevé ou la possibilité de se développer!

        L'emploi qu'on occupe est alors vivement critiqué... On peut faire grève, en demandant des changements, des améliorations, et d'une manière générale, on apparaît comme victime d'un système ou même d'un certain groupe, tels les capitalistes! Mais on se voit avec "des fers aux pieds"; le travail est vu comme un fléau, un chemin de croix, jusqu'à la retraite, ce qui pour l'observateur donne à la vie un aspect absurde!

        En effet, rien que le fait de notre mort devrait nous faire sentir que rien n'est vraiment absolument déterminé! Notre interrogation, quant au sens de la vie, peut avoir de telles ramifications que la société est "mise en suspens", comme un arbre soulève un trottoir; car c'est bien nous qui mourrons, c'est bien notre individualité qui est appelée à disparaître, nullement dans le même temps le monde qui nous entoure! Le rideau de la mort est secret et personne ainsi n'est en droit de nous dire catégoriquement ce qu'il faut faire! (Au fond, c'est la mort qui donne à la vie toute sa valeur!)

        Mais la plupart des hommes accepte le monde du travail comme un prolongement de l'école! On continue à y être gouverné par des horaires, un règlement; on rend des comptes à des supérieurs; on est bien ou mal noté, etc. La mort n'est présente nulle part; seul existe un fonctionnement auquel on s'adapte plus ou moins... C'est une vue courte, mais la pression de la société s'explique aussi par sa propre peur de l'inconnu! Il suffit de voir son embarras, pour ne pas dire son désarroi, aujourd'hui, face à une violence qui dépasse son entendement. Elle est comme un lycée débordé!

        Ceci étant, la naïveté des salariés est confondante et même irritante, car elle ne peut pas non plus ne pas être imprégnée d'hypocrisie! Mais l'antienne est connue:" Ah! Si j'avais les moyens! Si je n'étais plus obligé d'aller au boulot! Ah! Comme je prendrais du bon temps! J'resterais peinard chez moi! J'f'rais ce qui m'plairait! Mais, j'suis pas libre! C'est ça le hic!"

        Ce genre de discours conduit à une haine marquée, vengeresse, à l'égard de celui qu'on suppose profiteur et qui bénéficie des cotisations, tout en ne faisant rien! On lui tordrait volontiers le coup à celui-là, et dans la ligne de mire, on trouve bien entendu le chômeur invétéré ou le bénéficiaire du RSA paresseux! Mais, si on voulait bien regarder en soi-même, on conviendrait d'un certain nombre de choses, concernant sa peur!

        D'abord que de respecter des horaires, d'obéir, permet de ne pas affronter son angoisse! Le travail est un bouc-émissaire, qui masque les véritables raisons d'un mécontentement, d'un mal-être; alors que bien souvent c'est lui qui donne un peu de dignité, le sentiment d'être utile, ce qui lui procure le rôle de garde-fou! Le chômeur qui tremble, qui se déconsidère, ravagé par la dépression, en sait quelque chose!

        Ensuite, nous défions ici tout travailleur de rester tranquille chez soi; la sécurité matérielle étant assurée! Nous pourrions même compter combien de temps l'individu supporterait la situation, avant de devenir le jouet de l'angoisse! Pour la plupart, le soulagement d'être libre ne durerait pas plus d'une semaine! Devant le choix, l'indécision, le doute, la peur prendraient place! L'inquiétude s'installerait dans la maison, ainsi qu'une menace sourde! C'est qu'en effet c'est tout un art de vivre en paix avec soi-même! Cela demande un très long et très patient travail intérieur, qui met même au second plan la subsistance! Elle reste nécessaire bien entendu, mais elle n'est nullement suffisante! Tous ceux qui jusqu'ici ont continué leur vie comme à l'école, tous ceux-là, ne leur en déplaise, seraient fatalement gagnés par l'épouvante! L'"oisiveté" leur serait insupportable, car elle ouvrirait les portes d'un monde de cauchemars! On ne tient pas la barre de la vie sans entraînement!

        Fi de l'hypocrisie... et on avancera un peu! Mais face à nos peurs, nous avons toujours a priori le même remède... Il nous est instinctif et nous vient bien sûr du monde animal... Il s'agit de réaffirmer sa domination, de retrouver le sens de son importance; ainsi que le lion dévore sa proie, ce qui lui donne une supériorité incontestable! On parle donc d'une tyrannie, à différents degrés et qui s'exerce sur les autres! Beaucoup de cas de figures sont possibles!

        Au lieu de regarder et d'essayer de comprendre le monde tel qu'il est, nous préférons, sous le joug de nos peurs, le faire à notre image, qu'il soit nôtre! Cela va dans le sens de notre amour-propre et donc de notre plaisir! Bien plus ennuyeuses et improductives nous semblent l'attente et l'humilité!

        D'une manière générale, plus nous nous imposons au monde et plus notre peur est viscérale, profonde, destructrice!  Il n'est pas rare de trouver chez l'individu le plus dominateur des craintes enfouies et vives, des traumatismes actifs, des chagrins d'enfant, qui sont masqués par la dureté des attitudes, l'agressivité, le dédain... Toute une couronne dégoûtante a ici ses plus beaux bijoux!

        Par exemple, il y a le trublion! Il apparaît comme si on devait être enchanté de sa présence! Il brille comme un robinet qui ferait couler de l'admiration! Il est impossible pour le trublion d'être calme, qu'il vive indépendamment! Son agitation doit vous rencontrer! Au besoin, il interviendra derrière vous! Il fait déjà partie de votre vie! Il cherchera toujours votre regard, il a besoin de votre bonjour, ce qui ne l'empêchera pas de vous mépriser, s'il en a l'occasion! Soyez un peu diminué, dans une position inconfortable, et le trublion vous "marchera" dessus! Il a déjà oublié que c'est lui qui vous sollicite... Le trublion est un tyran sans violence, une sorte de "pâte molle", mais il est quand même son "Dieu"!

        Il y a la vamp! L'angoisse la mène à une séduction forcenée et outrée! Le maquillage est épais; il soutient quasiment le visage, que la fatigue délite! L'alcool, par là-dessus, donne l'illusion qu'on peut être heureux et réussir quel que soit le temps, les conditions! L'hiver n'existe pas et le gris, l'effacement, le labeur c'est bon pour les gueux, la piétaille, la multitude qui grouille chez Prisunic!

        Comme la vamp est en surrégime, le moindre obstacle, la moindre contrariété et c'est l'injure, la violence, le scandale! Tout doit être consumé dans le feu de la vamp! C'est la grande prêtresse du quartier! La semaine dernière, on lui a sacrifié plus de deux cents esclaves, dont la moitié n'avait pas vingt ans, excusez du peu!

        La vamp n'a aucune empathie, ou peut-être en fin de solstice... S'excuser lui arrache la bouche! L'autre est invisible! La vamp ne vit que pour son plaisir... Son meilleur ami est son orgueil; c'est lui qui la conseille, sauf la nuit quand elle pleure comme une petite fille! La vamp est une déesse de marbre apeurée!

        Il y a le caïd! Aucune conversation ne lui résiste! Il les interrompt toutes, car il a besoin d'un service, comme de la monnaie! Il vous jauge, il vous "flaire", car il n'aime pas la concurrence et il est satisfait, quand il vous a trouvé plus petit, inférieur! Même lorsqu'il vous souhaite une bonne journée, cela semble un rappel à l'ordre!

        Le caïd s'installe volontiers en terrasse, où il a plein d'amis, qu'il terrorise! Il boit beaucoup, car la peur cavale après lui! Il devient agressif, dès que l'alcool ne fait plus son effet, et d'ailleurs il a un "mauvais coup" en vue, un moyen de gagner vite de l'argent, sans travailler! Ben dame, il est adulte... et finira mal!

        Il y a le juge! Il se tient dans la vie comme un pieu! Il contrôle, supervise, grâce à quelques principes, dont celui-ci: "Chacun son travail et ce sera déjà pas si mal!" Même la modestie a trouvé son maître! Pourtant, le juge rêve de vous écraser, telle une vulgaire punaise! Sa haine le traverse comme un éclair et son dégoût le boursoufle!

        Le juge a son pendant, le créancier! Il a l'air furibond sur le pas de sa porte et il regarde chacun tel un débiteur! Le monde entier est sur sa facture!

        Citons encore le bellâtre... Il est en chemise sous la grisaille, car lui seul est sain! Il rayonne surtout avec ses dents blanches, de sorte qu'il ne comprend pas pourquoi on l'évite et on ne l'admire pas! Bref, il a l'intelligence du soleil!

        Terminons par la mendiante, même si notre liste pourrait s'allonger sans fin! Celle-ci vante ses qualités, telle une pauvre femme en haillons raconte ses malheurs! On s'y laisse prendre et quand enfin on la loue, elle nous montre tout son mépris, un peu comme l'ami du bivouac vous tranche la gorge, la nuit, avant de rejoindre la rébellion!

        Tous ces individus nient leur peur, bien entendu, car ils ont pour maître leur orgueil! C'est la réaction animale chez nous; c'est la domination qui se traduit par le triomphe, le pouvoir, la mainmise constante de la personnalité!

        C'est une attitude rigide, qui est vouée à l'échec! D'abord, les peurs ne sont pas traitées et à faire valoir sa supériorité, on crée un monde sans pitié, dont on est bientôt la victime! On subit le sort de l'animal, qui trouve toujours un plus gros, un plus fort que lui! Il est tué, brisé ou chassé!

        D'autre part, on n'utilise pas sa liberté, sa capacité d'invention en fait! On répète un schéma, une fonctionnement qui enferme! On n'est pas libre, tant qu'on est dépendant de son amour-propre, même si les satisfactions de celui-ci sont grisantes! L'adaptation ici est quasi nulle et la mort ne peut être vue que comme une épouvante, un désastre! Pour certains, par contre, elle peut se dessiner comme une rencontre...

        Mais, vu le nombre d'individus qui se comportent comme des animaux et qui ne mettent donc pas à profit les qualités spécifiques des humains, il est normal de se demander pourquoi un tel gâchis et si peu de bonnes volontés! Pour lutter contre le désespoir, on détermine des raisons  et la première sans doute est que la société fait pression, qu'elle transmet d'une manière ou d'une autre ses peurs, de sorte que la majorité rejoint rapidement un cadre, le monde du travail, d'où il est difficile de voir plus loin que le bout de son nez!

        Mais également il est pertinent de considérer la force de la nature, de la vie! On est toujours surpris notamment de voir comment les plantes repoussent, avec quelle vigueur et dans quelles conditions! Si on compare cette force à une vague, il devient très compréhensible que le plus grand nombre soit emportée par elle, pour ne laisser sur le "rivage" que des "individus animaux"! Notre compassion ira vers eux, car ils brisent et sont brisés sans comprendre pourquoi!

        Le sage est plus souple; il sait déjà que son égoïsme le mène à une impasse et surtout il n'hésite pas à faire face à ses peurs! Il travaille donc efficacement et il s'aperçoit que son angoisse passe comme dans un prisme, pour se diffuser en peurs imaginaires et que nous pourrions encore nommer "préventives"! En effet, nous imaginons volontiers des situations qui peuvent nous blesser et nous y répondons, toujours par l'esprit, avant qu'elles ne se produisent, afin de "parer le coup", pour en diminuer l'impact possible!

        La tâche du sage sera de faire disparaître ces "voiles", qui le paralysent, qui l'usent et qui l'empêchent de voir la réalité dans toute sa grandeur! La raison et le repos seront ici nécessaires, car plus la fragilité psychologique se fait sentir et plus les peurs imaginaires sont nombreuses et grandes! Elles s'installent dans toutes nos "bosses", pour ainsi dire!

        Cependant, par sa maîtrise, sa paix, sa persévérance et encore par sa fidélité et son courage, et ce n'est pas exagéré tellement le contraste avec le monde extérieur est marqué! le sage retrouve une vérité ineffable, comme réapparaît une éclaircie! Cette vérité est bien entendu invisible à la foule des tyrans et des termites, qui s'agite incessamment dehors..., mais la vie est un don, qui témoigne d'une générosité infinie! Elle est en réalité d'une sérénité sans pareille! Elle est foncièrement créatrice et invite à toute liberté! Elle est donc pleine d'amour, d'où la joie du sage!

  • De l'image de Dieu

    De l image de dieu

     

     

     

     

        Il est toujours étonnant de voir quelle image se font les hommes de Dieu! Bien entendu, chacun a ses convictions, croit ou ne croit pas, mais l'idée que nous avons de Dieu est tributaire de notre évolution et le plus souvent de notre folie! Ainsi, Dieu est un personnage divers, le plus couramment sadique même, et il serait bon de lui rendre quelque grandeur, quelque bonté, de le rendre capable de nous faire aimer la vie, pour le moins!

        Reprenons par exemple la formule de Rimbaud: "Par l'esprit on va à Dieu, déchirante infortune!" Ce cri se trouve dans Une saison en enfer..., eh bien, on y est effectivement! Représentez-vous Dieu créant l'homme pour qu'il souffre! "Eh oui, mon p'tit gars! Pour me rejoindre, faudra faire ceinture!

        _ Enfoiré!

        _ Qu'est-ce que tu as dit? Non, mais qu'est-ce que tu as dit? Viens ici? Tu vas voir de quel bois je me chauffe!"

        Si la chasteté n'est pas un plaisir, un choix compris, laissez-la, par pitié! N'empoisonnez pas Dieu avec votre amertume! Nul ne voudrait vous priver des joies du sexe!

        Mais, ici, le sadisme de Dieu est teinté de logique... Il est par contre encore plus retors dans la Genèse... Là, il faut bien le dire, Dieu ou Yahvé apparaît comme un fou! un docteur diabolique dans son laboratoire! "Voyons... (Dieu est parmi ses fioles), je pétris cette glaise et voilà Adam... Le con! (Dieu s'amuse)... Et voici Eve, pas mal! Bon, je les mets tous les deux au paradis... Ils sont donc heureux, mais l'astuce, l'astuce, c'est le Malin, bien entendu! On va voir ce qu'on va voir! Ma colère va être terrible! Je prends ma grosse voix... et j'envoie tout le monde paître! Attention, ces cons-là vont croquer la pomme!"

        "Damnés! Je les ai damnés... et pas qu'un peu! Y sont tombés dans le panneau! C'était réglé comme du papier à musique! Et ma sortie: "La femme enfantera dans la douleur, etc.!" J'suis vraiment un salaud, mais j'aime ça! Rien ne vaut comme de frapper solennellement! Oh, leur tête! Et puis attention, c'est des générations qui vont suer! Tiens voilà le Malin... Hilare le serpent! Hein? T'as vu, pas un pépin! Sinueux en diable! Hi! Hi! Qui c'est le numéro 1, hein? Qui c'est ?"

        Si nous n'avons pas été plus révoltés par la Genèse, c'est surtout parce qu'elle propose une explication à notre désarroi... Nous sentons tous que le bonheur est possible, mais il y a la souffrance... De là à penser que quelque chose a "cloché"...  Et il est vrai que l'homme ne donne pas le meilleur de lui-même!

        Mais le paradis n'a jamais existé; il n'y a jamais eu un âge d'or; sinon la science et l'Evolution en l'occurrence sont fausses! Mais au contraire le paradis, la joie sont à venir; ils sont l'aboutissement d'une maturation, d'une compréhension; ils sont une découverte possible déjà sur Terre; c'est la voie de la sagesse! Nous partons en fait de la nuit pour arriver au grand jour, grâce au développement de la conscience!

        Mais bref, il n'y a pas de péché originel et Dieu n'est pas un pervers! Nous savons déjà que, si les hommes peuvent navrer, tuer, découper, empaler, rôtir et nous en passons évidemment (peut-être même le meilleur!), c'est pour des raisons naturelles, qui sont liées à notre origine animale!

        Mais de même il ne sert à rien de prier! Ou bien les lois de la physique sont exactes (ce qui ne veut pas dire toutefois que la science comprenne le réel, loin de là!), ou bien Dieu peut intervenir n'importe quand et de n'importe quel façon, quitte à déranger! Mais les deux propositions s'excluent! Or, la science est une chose sérieuse et Dieu doit en tenir compte! Ainsi, le supporter de football, qui prie pour que son équipe gagne et qui la voit effectivement remporter le match, vit dans une illusion, en pensant que sa prière a été exaucée, d'autant que, dans le camp adverse, on était aussi fervent! Les hommes, par leur prières, mettent Dieu dans un état!

        Dieu, s'il existe, agit donc d'une manière tout à fait différente sur le monde réel... Il a lui aussi ses propres lois, qui ne contredisent pas celles de la science, mais les complètent! ("Miroir mon œuf, s'il vous plaît!", "Hein?", "Mais oui, je veux une complète miroir!", "Pauvre taré, va! J'vais t'régler ton compte, attends un peu!", "Si on peut même plus rigoler!")

        Mais, la prière, si elle n'a aucun effet sur Dieu, peut en avoir sur l'individu... Elle le rassure évidemment et purifie son âme, en la hissant au-dessus de l'animal..., à condition de ne pas demander plus pour soi! Mais, bon, le sage ne court pas les rues! Il peut cependant y avoir des guérisons miraculeuses, car là bien entendu les prières sont tendues, profondes, mais personne n'a dit que la médecine est une science exacte!

        Mais, si vous dites: "Dieu m'a écouté!", quand il vous arrive un bonheur; vous devez aussi trouver que le malheur qui vous frappe est encore l'œuvre du même! Mais alors là, ça coince, très rapidement! D'abord parce que nous sommes faibles et ensuite cela mène à des questions philosophiques inextricables! Exemple: pourquoi vouloir détruire les Américains, alors que leur puissance est également due à Dieu? Vous voulez prendre leur place, être aussi célèbres et plus forts qu'eux? Nous sommes d'accord! Rien à voir avec Dieu, donc! Ne vous agitez pas comme ça, voyons... Vous allez vous faire du mal! La bombe? Vous voulez faire exploser votre bombe? Mais, nous sommes là pour ça... Cependant, une tasse de thé n'a jamais fait de mal à personne... Hein? On n'est pas bien ici? Le soleil chauffe un peu... et mais regardez, c'est un troglodyte mignon!  Un merveilleux chanteur... et si vif! L'œuvre de Dieu est admirable, non? Mais vous boudez, ma parole!

        Cette digression est presque nécessaire, car nous sommes entourés d'agités, les terroristes en tête! Ici, comme on voit Dieu est ineffable; les mots nous manquent! Croire notamment que Allah peut être un chef de guerre sans pitié, ce qui en fait en réalité un sous-homme, ou un voyou, n'est possible que si soi-même on est aveuglé par la soif de dominer; que si on ne rêve que de gloire et de s'imposer; car ne nous y trompons pas, Ben Laden, par exemple, sous ses dehors austères, derrière son visage impassible, qui semble n'être habité que par la raison; qui a l'air de quelqu'un de tout à fait respectable, avec sa veste dorée et sa barbe teinte, qui paraît avoir la sagesse des imams, sans en demander le pouvoir, par fidélité et modestie; ce Ben Laden-là se disait in petto chaque jour: "Je suis Bennie Laden! Bennie le grand! Je suis aussi connu que Zorro!"

        Il ruisselait de bonheur intérieurement, au sentiment de sa réussite! Chassé de son pays et du Soudan, où ses agissements n'intéressaient personne, il avait eu sa revanche en Afghanistan! C'est là qu'il avait connu son baptême du feu et qu'il était devenu un homme! On connaît la suite: les morts du 11 septembre lui apportent la notoriété et il comptait bien encore en profiter, mais les SEALS (sea, air, land) en ont décidé autrement!

        D'ailleurs certains de ces soldats d'élite racontent qu'en Irak, la nuit, ils s'introduisaient comme des esprits dans la maison de tel terroriste, qui se réveillait en claquant des dents, tellement il avait peur! Ces individus, effroyables par leur haine, sont des hommes comme nous!

        Cependant, Ben Laden était un bourgeois, issu des classes aisées, et il est devenu vite rétrograde... Le monde change et sa violence aussi! Avec Zarqaoui, venant de la ville de Zarqa en Jordanie, d'où son nom, le terrorisme va passer dans les mains d'un enfant de la rue! Finie la gravité arborée, on jubile en tuant! Zarqa est une ville industrielle et est un peu à Amman, la capitale, ce qu'est Manchester par rapport à Londres! D'ailleurs, Ben Laden ne voudra jamais rencontrer ce rustre de Zarqaoui et pourtant celui-ci fait entrer le terrorisme dans la pleine modernité!

        C'est lui qui invente les exécutions sur le Net, comme des clips! Le premier a y passé est un Américain un peu hurluberlu, Nick Berg, dont on va trancher lentement le coup, puis montrer la tête: effet garantie! Chacun peut faire ça chez soi, alors que la logistique du 11 septembre est très compliquée... On est dans une ambiance de carnaval, c'est populaire! D'un coup Zarkaoui atteint la célébrité, il devient le Cheik des égorgeurs! Il est près des gens! On se reconnaît facilement en lui; toute cette jeunesse européenne, qui connaît à peine sa langue, voit là une occasion de réussir, de "faire son trou"! Sortir de l'anonymat a toujours été une obsession pour Zarqaoui, lui qui s'est senti méprisé par la royauté jordanienne!

        Que dire alors d'Allah? Sa cruauté, sa folie ne sont même plus cachées sous des apparences de stratégie... Il est un boucher qui se gorge de sang, avec un QI voisin de zéro... Impossible qu'il ait inventé les fleurs! Il ne voit que lui, n'est préoccupé que par sa personne, ses haines et bref, il est déséquilibré mentalement!

        Cela devrait sauter aux yeux et pourtant les imans, face à la "cuisine" de Zarqaoui, sont surtout préoccupés par le fait qu'ils tuent également des musulmans, ce qui est interdit par le Coran: on croit rêver! Car qu'est-ce qu'un Dieu qui tue? un chef de gang? un paresseux certainement! N'importe qui peut privilégier ses appétits! C'est ce que font tous les animaux!

        "Dieu un tamanoir? La question est posée... Pour nous en parler ce soir, le professeur Jean Bonot, de l'Université de Paris III... Je rappelle que vous êtes membre du CNPPJ, que vous êtes aussi fondateur...

        _ Co-fondateur!

        _ Co-fondateur, si vous voulez, mais on va voir combien vous êtes modeste! que vous êtes co-fondateur de l'ARCA! que vous êtes un éditorialiste réputé, que vous avez été l'un des premiers à vous insurger contre les puces dans les bibliothèques et on me signale dans l'oreillette que vous êtes mal garé! Mais baste! Alors, professeur, les Américains tous des fourmis?"

        Mais revenons à notre sujet, car il y a pire: l'EI, qui est né du mouvement de Zarqaoui, est définitivement condamné par les imams, à la suite de l'affaire du pilote jordanien... Encore un dont Allah s'est repu! Rappelons les faits: on place le pilote dans une cage, on l'arrose d'essence et on le regarde se débattre, quand le feu a pris! Puis, (car ce n'est pas fini!), on écrase la cage avec le poids d'une grue, pour la faire disparaître dans la terre meuble! Le pilote? Quel pilote? Peut-on montrer plus grand mépris pour la vie humaine? Sans doute... Au bar d'Hitler, il y aura du monde!

        Mais les imams sont sidérants! Ils disent, horrifiés, que seul Allah peut détruire par le feu! L'EI a franchi la ligne et commet son "ultime gaffe", non à cause de sa cruauté, mais parce que jouer avec des allumettes est le droit exclusif d'Allah! Au secours, on est chez les fous!

        En fait, l'image que nous nous faisons de Dieu est fonction de notre degré de maturité! Tant que nous nous comportons comme des animaux, c'est-à-dire tant que nous voulons avant tout faire triompher notre domination, ce qui est aussi valable pour les imams, l'autre n'a pas d'existence réelle et nous ne sommes pas non plus dégagés de notre "gangue", pour reprendre une expression chère à Saint-Ex! Nous sommes toujours dans nos langes, nous restons des bébés et ainsi nous ne percevons pas le ridicule, l'absurdité même dont nous revêtons Dieu! Nous sommes aveugles dans notre foi, comme dans la vie!

        Gide se moque avec raison, dans les caves du Vatican, si notre mémoire est bonne, d'un homme qui dit que Dieu l'a encore "baisé"! Assassin, retors, pervers, voilà comment nous jugeons Dieu! "Il reprend d'une main, ce qu'il a donné avec l'autre!", entend-on couramment ou comment se méfier du bonheur! A chaque fois que nous rouspétons après Dieu, nous devrions nous poser la question: "Mais quelle image j'ai de lui?", et très vite on se rendrait compte combien nous sommes idiots!

        (Considérez encore la formule protestante: "A Dieu seul la gloire!" C'est se mettre au-dessus de lui!)

        Mais les Hutus (Rwanda) ont raison! Ils disaient: "Il faut détruire tous ces cafards!" et ils ont pris leurs machettes, pour aller massacrer les Tutsis, comme on part au travail! En effet, la patience, la retenue, la réflexion, la paix même conduisent à l'ennui, à la dépression, au gris et il faut être soucieux de sa santé! Ainsi que clame la chanson "Cette montagne que tu vois, un bulldozer et deux cents bras y passeront la route!" La voilà la vraie vie! On respire!

        Les Tutsis, quand on les tuait et cela a duré près de trois mois, se demandaient, et les rescapés se le demandent encore, d'autant qu'ils sont très croyants, où était Dieu pendant ce temps-là et on les comprend! Mais le mal est permanent! Où est Dieu quand certains rejettent et méprisent? Où est Dieu devant l'égoïsme, l'agressivité, la fermeture, l'avidité de notre société?

        Dieu fleurit dans le sourire paisible du sage... C'est là qu'il embaume et rafraîchit!

  • Du tyran dans sa bulle!

    Dans sa bulle

     

     

     

        Le monde continue évidemment, mais il est tout de même incroyable! Voyons voir... Les cimetières sont pleins, nous attendent et nous tournons à toute vitesse autour du soleil, dans un univers qui est peut-être infini... Mais qui se soucie de l'infini? Qui veut en avoir ne serait-ce qu'une petite idée?

        Non, nous sommes dans nos bulles, qui sont plus ou moins bêtes, plus ou moins agressives, plus ou moins délirantes! A la boulangerie, ce matin, comme d'habitude, quelqu'un s'est planté derrière nous, une femme, et qui a tout suite fait sentir son impatience, comme si nous devions disparaître dès son arrivée! Cette femme est à cran et au lieu de se calmer, elle fait subir sa haine devant ses pas! Cela montre qu'on ne vit que pour soi, que les autres doivent obéir, qu'on est le centre de tout! C'est la définition du tyran... et malheureusement il crée un monde quasi invivable!

        Plus tôt, dans la nuit de samedi à dimanche, nous nous sommes réveillés à cinq heures du matin: le voisin avait transformé sa propre maison en boîte de nuit! Une musique autiste envahissait toute la rue! C'était une totale indifférence à l'égard du reste! C'était même un ennui profond à l'intérieur! Tout au plus entendait-on quelques rires bêtes dus à l'alcool! C'était le triomphe froid de l'égoïsme, comme si les autres n'étaient qu'une marée noirâtre sans importance!

        Dans ces cas-là, nous appelons personnellement la police, sans états d'âme! Il ne sert à rien de discuter avec des gens ivres... Notez que ceux qui sont dérangés, par les tapages nocturnes, pour la plupart, n'ont jamais le courage d'appeler la police... Ils comptent sur une opération du Saint-Esprit, en ruminant leur haine! C'est la lâcheté contre le mépris!

        Cependant, avec la police, un autre parcours du combattant commence... Exemple: "Police secours, j'écoute!

        _ Bonsoir, j'aimerais me plaindre d'un tapage nocturne!

        _ (Soupir) Oui, qu'est-ce que vous appelez un tapage nocturne?

        _ Euh... Une sonate de Mozart, à deux kilomètres sous terre?

        _ Vous voulez bien parler d'un tapage avec musique, c'est ça?

        _ Oui, c'est ça...

        _ Et c'est à quelle adresse?

        _ Rue X, deuxième étage...

        _ Et il y a un digicode?

        _ Euh... Oui, je pense...

        _ Vous avez le code?

        _ Non...

        _ Ah! mais si vous n'avez pas le code, on ne peut pas entrer!

        _ Les fenêtres sont ouvertes; ils braillent, ils sont sur le balcon, vous pouvez les héler!

        _ Eh, mais ils pourraient refuser d'ouvrir... et on ne pourrait rien faire... C'est la loi, monsieur!

        _ Ben, vous pouvez tout de même essayer, car, ici, c'est insupportable!

        _ (Nouveau soupir) Et vous vous habitez à quel étage?

        _ Mais, moi, j'habite la maison d'à côté!

        _ Ah! vous n'habitez pas le même bâtiment?

        _ Non...

        _ Et vous êtes dérangé?

       _ Oui...

        _ Bon, bon, écoutez, pour l'instant, la patrouille n'est pas disponible... Mais dès qu'elle pourra, elle interviendra...

        _ D'accord...

        _ N'hésitez pas à nous rappelez, si ça s'arrête, hein?

        _ Je crois que je vais aller me suicider..."

        Deux jours plus tard, on sonne à notre porte: ce sont deux employés du gaz, venus voir notre compteur et les canalisations, car ils vont bientôt tout changer! Ils viennent après l'eau et l'électricité! Ils sont là, satisfaits d'eux-mêmes, comme s'ils étaient une évidence, l'image même du progrès; alors qu'ils ne font que nous déranger!

        Ils veulent installer notre compteur dehors et nous leur disons qu'il sera cassé... "Mais pourquoi donc?" s'écrient-ils, ébahis! "Parce que chaque samedi soir, par ici, on boit, on s'abrutit, on vandalise, on agresse!" répondons-nous, en nous demandant si nous ne parlons pas à deux créatures sorties tout droit du monde de Candy! Et effectivement, dans la tête de ces employés, il s'agit d'une mise aux normes; afin que tout soit parfait, que chacun se salue avec harmonie dans la rue, comme dans une publicité pour le gaz; avec un slogan du genre: "Agissons tous ensemble aujourd'hui, pour le monde de demain!"; comme si on ne se piétinait pas, ne se détruisait pas; comme si le désespoir ne hantait pas les hommes ou que la saleté n'existait pas! Ils travaillent pour un décor, un rêve, aux couleurs d'un couchant, loin du béton misérable de nos villes! Ils sont aveugles, pantins de leurs peurs et de leur pauvre amour-propre! 

        La semaine précédente, nous étions pourtant en vadrouille, dans quelque petit port, pour de nouvelles photos, que vous pouvez d'ailleurs découvrir dans les Dernières photos! Nous étions encore une fois dans un gîte d'étape, bien tranquille à cette époque-ci! Nous revenions d'une séance, avec notre appareil, et nous regardions notre travail dans notre chambre, à l'étage, quand nous entendîmes ouvrir la porte en bas! Cela voulait dire que nous allions avoir de la compagnie, pour la soirée et la nuit, et nous fîmes la grimace, car rarement nous rencontrons quelqu'un d'intéressant... Mais, il fallait tout de même se présenter et nous descendîmes... La propriétaire des gîtes était là, pour l'installation du nouveau venu, quand elle s'écria, en nous voyant: "Ah! mais vous êtes là! Tout paraissait si tranquille...et puis nous sommes en plein milieu de l'après-midi!"

        Un moment, nous avons cru entendre notre mère, qui nous reprochait de rester enfermé! Nous n'avons rien répondu... Nous avons passé l'âge de rendre des comptes! Cela veut dire que nous acceptons d'être incompris et d'ailleurs, bien que la pluie tombât dix minutes plus tard, la propriétaire n'aura fait aucun lien entre notre présence et le changement du temps! Elle aussi ne voit qu'elle, ou presque!

        Cependant, on me désigna celle qui devait partager ma soirée... C'était une jeune femme, qui me donna d'emblée son prénom; ainsi que nous aurions été dans une réunion d'alcooliques, ou dans une série américaine, avec des personnages tous positifs! Mais cela voulait aussi dire que cette femme se sentait légèrement supérieure, en montrant qu'elle connaissait des usages modernes et dynamiques; alors qu'elle parlait peut-être à quelque demeuré du coin, à quelque névrosé, qui aurait eu du mal lui-même à épeler son prénom!

        Mais peut-être encore voulait-elle ainsi prendre quelque distance avec le monde extérieur, car une extraversion, un peu excessive, permet paradoxalement de ne pas s'exposer, de rester en retrait... et il est vrai que quelque chose clocha assez vite à mes yeux... Cette jeune femme n'était pas belle et on ne voyait absolument rien de son corps... Or, si l'homme domine par la force physique, la femme, c'est par la séduction! Comme celle-ci était totalement absente, cette femme devait dominer dans un monde entièrement à elle, commandé par elle, car si elle avait rencontré la réalité, elle aurait essayé de pallier ses défauts ou ses complexes! On eût vu son embarras et ses efforts!

        Nous fûmes convaincu à ce sujet un peu plus tard... Nous dûmes en effet expliquer le fonctionnement du gîte et la jeune femme nous regardait avec un visage anxieux, comme si elle avait du mal à nous entendre et que nous avions un problème d'élocution, bien que nous fussions parfaitement clair et patient! Cette manière d'être est courante chez certains et c'est aussi une forme de mépris: d'emblée, on vous fragilise! On suggère que vous n'êtes pas capable de répondre ou alors que vous allez dire une énormité!

        D'autre part, mes explications ne recevaient aucun assentiment... Elles en restaient donc suspectes, toujours tributaires du jugement de l'autre, de la jeune femme, qui par là, loin de remercier, ce qui aurait été normal, pouvait ainsi garder une position de supériorité, de chef... C'est elle qui dominait... et sans être gênée par son manque de beauté! Elle vivait donc bien dans un monde qui n'était réglé que par ses sentiments, que par ses liens affectifs, comme un tissu sous la peau, qui n'a pas de contact avec l'air extérieur!  

        Le résultat fut assez surprenant... Comme le soir tombait, la jeune femme, qui s'était absentée, rentra en coup de vent! "Mais il n'y a pas de wifi, ici? s'exclama-t-elle! J'ai oublié de demander ça tout à l'heure! Y a un numéro où on peut joindre la propriétaire?"

        Il y en avait bien un en effet, mais je ne voulus pas le donner... Il est pour les urgences, pas pour une question de wifi... Au reste, cette femme l'aurait découvert, si elle avait pris un peu le temps de regarder autour d'elle, d'ouvrir les yeux sur le gîte... mais c'était quasiment la panique: il fallait la wifi, la connexion avec les proches, car la réalité, la différence, toute l'étrangeté de la vie frappait à la porte, avec le soir, la solitude, le silence!

        Tant d'énervement nous fit hausser les épaules et nous rejoignîmes notre chambre, mais il nous fut impossible d'y être tranquille, car la jeune femme, à côté, appelait sans doute son fils, avec son portable. Nous entendîmes qu'elle était dans un gîte "pourri", alors que quelques heures plus tôt elle nous avait affirmé avec force, comme si nous avions été faible, que tout ce qui comptait c'était d'avoir un lit pour la nuit! Les illusions qu'elle se faisait sur son comportement ne se comptaient plus!

        Elle était pourtant consciente de la nuisance que produisait sa conversation, puisque soudain elle baissa la voix..., probablement pour dire qu'elle était affublée d'un drôle d'individu, une sorte d'attardé... Cependant, nous nous décidâmes à utiliser nos boules Quies, même ici, dans ce gîte au bord de la mer et que bercent les flots, à l'écart du trafic des rues... Puis vint un grand bruit: quelque chose tombait lourdement dans l'escalier... et on claqua la porte d'entrée, de sorte que les murs en tremblèrent!

        Notre jeune femme était-elle repartie faire un tour? En tout cas, elle avait laissé allumer le couloir... Dans son monde, l'électricité est pour rien..., mais dans le nôtre, elle coûte et nous dûmes nous lever pour éteindre... Ce n'est qu'au matin que nous comprîmes qu'elle avait définitivement quitté le gîte... et que même la lampe de l'entrée avait fonctionné toute la nuit!

        Où était allée cette femme? On l'imagine rejoindre un hôtel F1, retrouvant tout l'équipement moderne de son univers  et racontant à son fils comment elle vient d'échapper à un incroyable cauchemar! Elle aurait pu toutefois évoluer..., se demander si la nouveauté de la situation ne pouvait pas lui servir, si elle n'avait pas intérêt à s'en accommoder!

        Elle aurait pu se montrer curieuse..., écouter le vent, la pluie sur le toit... Elle aurait pu saisir le temps autrement, se laisser imprégner un tant soit peu par un autre rythme... Une autre elle-même serait alors apparue; celle qui a peur, qui est toute petite, qui ne sait pas, qui voudrait savoir, se libérer aussi! 

        Mais c'est l'épouvante qui a gagné! C'est la domination! C'est l'orgueil, l'égoïsme! Que connaît-elle, cette femme, à part ses appétits? Sait-elle que le plumage des pies mêle le noir à l'émeraude? A-t-elle déjà contemplé les pétales des glycines danser dans le vent?

        Il existe un tel abîme entre la plupart des hommes et la beauté, entre eux et ce qui n'est pas leur nombril, que nous ne pouvons pas ne pas trembler et douter! Leur monde est fermé par la haine, car ils rejettent tout ce qui menace leur domination! C'est la nuit et ils ne s'en doutent même pas!