De l'autorité
- Le 13/04/2019
- 0 commentaire
L'autorité est bien entendu une forme de domination et à ce titre, elle sert notamment à masquer la peur, à un tel point que celui ou celle qui jouit de son pouvoir en vient à oublier ou ignorer complètement son angoisse! Comme l'autorité est aussi bien dans une fonction, dans la vie de famille ou auprès d'un chien, nous vivons dans un monde qui nie sa peur et qui donc ne la traite pas fondamentalement. Ceci explique pourquoi nos sociétés paraissent toujours aussi dures et perdues, car le seul remède que nous connaissons à notre mal-être, c'est le renforcement de notre égoïsme, qui réaffirme dans la plupart des cas notre autorité!
Autrement dit, plus nous nous sentons "humains" et plus nous avons tendance à nous comporter comme des animaux! Car, ne nous y trompons pas, la peur que nous éprouvons, non pas devant un ennemi, mais bien celle qui nous tourmente apparemment sans raisons, celle qui nous fait douter et qui parfois nous terrifie; celle qui nous montre notre solitude infinie dans l'univers; celle qui anime nos interminables débats intérieurs; cette angoisse-là, cette anxiété collante et repoussante; cette espèce de glue qui nous chagrine, même sous les ciels les plus bleus et les plus sereins; cette poisse, cette ombre, cette menace sourde, cette amie triste qui nous suit partout; eh bien, elle nous est propre à nous, les humains! Les animaux ne la connaissent pas! Car c'est notre conscience qui la provoque! C'est l'inconnu dont nous nous rendons compte qui en est à l'origine!
Mais cela veut aussi dire qu'elle nous est nécessaire ou qu'elle est du moins un passage obligé pour que nous comprenions le monde, nous-mêmes et que nous puissions évoluer! Celui qui la refoule, jusqu'à en oublier son existence, reste donc un animal, qui "croque" les uns et les autres, avant de "tomber sur un os"! Mais il est donc normal de se méfier de l'autorité et des personnes fortement autoritaires... Elles ne sont pas au fond dans la réalité... La mort d'ailleurs ne va jamais chez eux, de peur d'être mal reçue! Mais l'angoisse n'a pas dit son dernier mot, comme nous allons le voir! Ne doutons pas de la force de la nature, car l'homme ne peut pas ne pas être à priori inquiet!
Cependant, nous regarderons surtout cette autorité qui semble indiscutable et absolument nécessaire, puisque toutes les autres au fond suivent la même logique, nous voulons parler de l'autorité parentale, celle qui bien entendu s'exerce sur les enfants!
Notez tout de même que le fameux complexe d'Oedipe n'est rien d'autre que l'effort du petit animal qui est en nous, pour imiter ses parents, afin d'en acquérir le savoir-faire! La psychanalyse a complexifié à loisir cette chose simple, jusqu'à faire de nous des extraterrestres! Voilà ce que c'est que d'écouter ces ergoteurs de forêts profondes! Mais ne nous énervons pas, nous avons encore du travail!
Les parents ont normalement peur, mais le plus souvent ils ne s'en rendent même pas compte. Ils sont d'abord placés dans un fonctionnement, celui de la société; il faut aller au travail et conduire les enfants à l'école! Toutefois, la peur nous suit pas à pas et elle a une manière lancinante, quoique sourde, de se faire sentir... Elle agit donc, même si elle reste invisible!
L'énervement est le signe annonciateur de la peur... La tension et l'angoisse dansent ensemble! Le parent hausse le ton, il devient menaçant, il renforce son autorité! S'il y a obéissance, il se détend! La peur s'en va, déçue, mal aimée sans doute... Mais nous n'avons plus rien à craindre quand nous nous sentons forts! Rappelons-le, c'est la conscience de soi qui protège, qui nous donne notre place, qui enlève notre trouble!
L'autorité permet la médaille du mérite et de l'équilibre! Elle apporte les lauriers de l'utilité; elle est comme "le tapis rouge social"! Nul doute alors que les parents se servent de leurs enfants, afin de lutter contre l'angoisse! Combien d'enfants n'ont-ils pas été et ne sont-ils pas toujours broyés, pour qu'on en recueille un élixir de paix? L'autorité agirait-elle telle une drogue? Elle calme certainement... L'enfant "fusible" existe! Sans leur pâtiras, des parents tournent en rond! L'enfant incapable, celui qui est montré du doigt, qui fait le désespoir de ses géniteurs, celui-là, bien souvent, est le plus utile, le plus nécessaire, malgré ses bulletins médiocres... et l'avis réprobateur de ses professeurs!
Sans la forte tête, l'incapable, le cauchemar, le "problème", le fléau, la peur de nouveau frappe à la porte, avec sa lourde valise, tandis que dehors il se met à pleuvoir sous les lampadaires qui viennent de s'allumer!
Mais nous sommes d'accord, il y a une sorte de contrat! L'éducation est nécessaire et puis tout cela est noyé dans tant d'affection! Celle-ci est comme le feu, que l'enfant méprisé retournera tôt ou tard contre lui! "Je vous ai apporté des roses, mais vous les avez piétinées..."
Dans la plupart des cas, l'éducation se passe tant bien que mal, mais qu'arrive-t-il quand l'enfant voit des choses..., quand son œil innocent reconnaît le mensonge, l'anomalie, la discordance, le faux-semblant? Car, attention, c'est un cercle vicieux: plus on presse l'enfant et plus il se défend!
Cette vérité de l'enfant, sa remarque qui surprend tout le monde, qui brusquement scandalise, qui paraît si déplacée, ne serait-ce pas la peur qui essaie d'entrer? Ne serait-ce pas ce monde étrange et terrible qui a trouvé un adjoint, un porte-parole? Maudit soit alors l'enfant! La réaction à son encontre est très souvent violente, car la peur est bien entrée! C'est elle qui arme le bras, qui fait crier: elle jubile, elle est chez elle! L'enfant la voit, sans la reconnaître! On le bat, on le morigène, alors que la peur est sur le canapé, à finir les jus de fruits et les cacahuètes! Les souffrances de l'enfant la laissent indifférente, elle est au chaud à présent! Qu'on enferme le petit diable dans le noir... et retrouvons-nous entre grandes personnes, bien dégoûtantes, hein? Tiens, jouons à la belote de l'hypocrisie!
Il y a deux manières de lutter contre la peur: soit on renforce son autorité et on ne guérit pas; soit on regarde en face sa peur, ce qui exige bien entendu qu'on dise: "J'ai peur!" La première solution plaît à l'orgueil; la seconde pas du tout, et on choisit donc la première! On marche alors vers le crime; on devient client de l'injustice, on lui achète sa "poudre", celle qui rend fou furieux, car la traque commence! Mais, curieusement, un enfant , c'est plus résistant qu'on ne le croit!
C'est comme une huître! une forteresse! On l'attaque sur le côté, vite, il conduit ses troupes vers là! Il empêche le passage! On s'échine, mais la fermeture tient! Le muscle du bivalve, c'est pas n'importe quoi!
Qu'à cela ne tienne! On essaye de faire mal de l'autre côté! On tente de percer; ça devrait céder! On serre les dents, on durcit le ton, on accable; on donne des coups, on sermonne, on assomme, on blesse encore, toujours plus profondément; on attend un cri, une douleur, une réaction, mais on est devant un masque impassible, un animal étrange somme toute, complètement hermétique, apparemment insensible, qui lasse, qui effraie même, si bien qu'on le laisse enfin tranquille, comme une coquille vide, morte, remplie en fin de compte d'un immense chagrin, plus vaste que la mer; plus grand que tout le cosmos; plus sombre que l'infini!
On a fait un zombie, un malade, mais pourquoi un tel acharnement? Mais toute résistance est une fenêtre pour la peur! Elle peut entrer par là! Toute résistance est somme toute une étrangeté, de l'inconnu; comme ce monde qu'on tient à distance, parce qu'on sait qu'il existe et qu'il est menaçant! On le redoute, mais on l'oublie, car on réussit dans la vie! On est quelqu'un, on a du pouvoir, de l'importance! On est bien dans le "système"... et la peur est loin!
Elle est d'ailleurs fâchée, elle se retrouve sans rôle dans la pièce, puis, soudain, elle éclate de rire! Elle se moque des notables, de la célébrité, des airs sérieux! La peur a tout son temps, car on vient à elle, inexorablement! Elle nous tend les bras! On ne peut pas lui échapper! Plus on vieillit et plus elle nous sourit, plus elle se veut notre amie! Elle lève un bras et nous crions! Elle s'en amuse!
Elle devient la mort, l'autorité suprême! A quoi servent désormais les autres? On est tout petit devant elle! On ne l'a pas apprivoisée! On n'a pas cherché à la connaître, à lui donner un nom, un remède, un maître, un sens! Elle est une étrangère, une intruse, que rien désormais n'arrête! Elle est un gouffre! On est échec et mat!
L'enfant blessé, l'enfant "fusible", l'enfant paillasson, l'enfant utile, lui, s'époussette! Un long chemin l'attend... Dans le meilleur des cas, il fait route avec la peur... De toute façon, il n'a pas le choix! Dans le dos, il a des tas de couteaux, qui lui font mal, quand il se couche... Il a des cauchemars; il pleure aussi... Il est tout seul dans le monde... Les autres ont de l'autorité, lui, il n'est rien, il souffre... et il a peur!
Il se débrouille... Il invente des trucs... Il regarde le soleil, les oiseaux... Il ne comprend pas grand-chose! Il se rappelle une guerre, vaguement, c'était son enfance! Il faut grandir! Une, deux! Il faut aller de l'avant, écouter les idiots et encore les idiots! Ils sont comme la mer, ils ne s'arrêtent jamais! C'est qu'ils ont de l'autorité, qu'ils sont importants! C'est eux qui savent! Ils ont la science! Psychologues, présidents, responsables, analystes, commentateurs! La cohorte est infinie... et le monde ne change pas!
L'autorité est assise sur son trône! Chaque jour, elle fait défiler ses troupes et chacun la regarde fièrement! On est soldat de l'autorité ou on ne l'est pas! L'autorité rigole, toujours d'attaque! Elle se moque de la peur, qu'elle trouve compliquée, faible! L'autorité a plein de projets, l'avenir lui appartient!
C'est quelqu'un de dynamique, l'autorité! C'est une passionnée, une gourmande; la maladie, elle connaît pas! C'est bon pour les minables, les médiocres, les besogneux, les ratés!
L'autorité, c'est du solide! C'est franc comme l'or! C'est plein de sagesse, plein de conseil! La peur apprend la leçon! Elle a un maître, c'est l'autorité, l'aisance personnifiée, la réussite! la clairvoyance!
Pourtant, la peur marque des points, de temps en temps! Elle gonfle par exemple les ventres, c'est amusant! Elle fait des hommes et des femmes, comme s'ils avaient été noyés! remplis d'eau! Ah! Ah! Ces bedaines, c'est la peur, c'est son travail! (Nous-même avons pesé plus de 140 kilos! On nous a volontiers traité de grosse vache, avant de nous demander si nous n'étions pas enceinte! Quel monde chaleureux et solidaire! C'est la joie de l'autorité, sa distraction, son espièglerie! On serait chagrin de s'en plaindre, n'est-ce pas?)
L'enfant blessé poursuit sa nuit... Il peine, alors qu'autour on s'affaire! Il est mal parti dans la vie! Il aurait dû être plus ceci ou cela! Tiens, il a manqué de courage, d'esprit de décision! C'est ça! Ah! S'il avait eu de la force, mais c'est un mou! Il le sait bien! Il est détestable, repoussant même, tandis que l'autorité..., c'est un tabernacle resplendissant!
L'enfant blessé discute avec la peur, l'inconnu! Le fou, il lui parle! Il écoute la peur et l'inconnu! C'est difficile, mais c'est la seule chose que cet enfant connaît! La peur apprend à l'enfant à parler... Elle lui apprend chaque mot, chaque lettre... Ils épèlent ensemble! Ils se comprennent; ils se disent tout! Bien obligé, car l'autorité ne veut pas d'eux!
La peur apprend à l'enfant blessé à être un homme! Elle lui donne... quoi? De l'autorité! Un savoir, une science, le fruit d'une expérience, une création! C'est le trésor de la peur! C'est une vérité, la peur y a veillé!
L'enfant blessé est devenu prophète... Il va confiant! Il est plus fort que les autres, maintenant! Car la peur est son amie, il ne l'a pas rejetée, il n'en avait pas les moyens!
La peur parle par sa bouche! Elle défie l'autorité! Elle lui montre son mensonge, son décor de théâtre! Elle déchire ses oripeaux et l'autorité grince des dents...
L'autorité méprise la peur, ne veut pas l'entendre! L'autorité se ferme, pour garder ses privilèges, son illusion, ses fêtes, son pouvoir!
L'enfant blessé est de nouveau rejeté! C'était à prévoir, n'est-ce pas?
La peur campe devant la cité que commande l'autorité... Elle envoie ses poisons par-delà les remparts! On entend la ville gémir, crier au secours! La violence est dans les murs, l'angoisse talonne le passant... On croise des visages hideux! Les gens deviennent de plus en plus durs! L'autorité se déchaîne!
Le prophète, lui, sifflote... Il aime la vie, sans haine! L'autorité, en fin de compte, l'accompagne comme un p'tit chien, mais peu lui importe! Il s'enchante toujours plus de son parcours, car il va vers la lumière!
Ajouter un commentaire