Paschic (20-23)
- Le 13/04/2024
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"Bon sang, je voyais bien mon nom sur la carrosserie!"
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Le docteur Cool prend un thé chez Paschic, qui dit : « C’est sympa de me rendre visite…
_ Je voulais voir comment vous allez…
_ Bien, bien, merci…
_ Vous lisez beaucoup à ce que je vois…
_ Oui, oui, ça m’arrive… Vous aimez votre thé ?
_ Oui, il est très bon, merci…
_ Pas fort le temps, hein ?
_ Non, pas trop… On attend encore le soleil... »
A cet instant, Paschic se lève, le front en sueur, l’air égaré : « Excusez-moi, dit-il, il faut que je passe l’aspirateur !
_ Mais... »
Paschic se saisit de l’aspirateur,l’allume et commence à attaquer le tapis ! « Mais arrêtez, voyons ! crie le docteur Cool. Vous n’êtes pas dans votre état normal !
_ Laissez-moi ! Il faut que je frotte, frotte !
_ Mais enfin, qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que vous avez ?
_ Après l’aspirateur, je nettoierai les carreaux ! Je ferai une machine ! Il faut que tout soit impeccable ! Et vous avez vu la rue ? Je donnerai un coup d’ssus !
_ Je vous demande d’arrêter ! Il faut qu’on parle !
_ Lâchez-moi ! J’ai du boulot ! Je dois baisser la charge mentale de la Machine !
_ Mais vous n’êtes plus chez la Machine ! Vous êtes chez vous !
_ Et alors ? La Machine continue de souffrir ! Il faut la soulager !
_ Mais vous n’êtes plus un enfant ! Vous êtes libre !
_ Jamais on n’en a fini ! Vous avez vu la pauvreté dehors ! Et moi, je ne suis qu’un égoïste immonde ! Je me crois le centre du monde !
_ Mais non, vous êtes un être humain, c’est tout ! Nos forces sont limitées ! Alors, lâchez cet aspirateur, je vous en prie !
_ Laissez-moi ! Vous entendez ce chant ? C’est celui de la propreté triomphante !
_ Pauvre fou ! C’est le moteur abrutissant ! Vous avez une crise, Paschic ! Je ne vous laisserai pas vous faire du mal ! »
Paschic et le docteur Cool s’empoignent, jusqu’à ce que Paschic repousse violemment le docteur ! Elle tombe et se cogne la tête ! La vue de sa souffrance ramène Paschic à la raison : « Docteur, docteur, est-ce que ça va ? demande-t-il.
_ Hon, hon, répond péniblement le docteur, encore sonnée.
_ Mon Dieu, mon Dieu, qu’est-ce que j’ai fait ? lâche Paschic, qui éteint l’aspirateur, avant de relever le docteur. Doc, doc, je suis désolé !
_ Ce n’est rien, répond Cool, en se laissant tomber dans un fauteuil. Vous avez eu une crise, à cause de la puce !
_ Vous… vous croyez ?
_ Bien sûr ! Ah ! Elle vous a bien démoli la Machine !
_ C’est… vrai…
_ Vous en avez souvent des crises ?
_ Quelquefois… Ah ! Si on pouvait enlever la puce !
_ Je vous ai déjà dit que ça vous tuerait…
_ Je vais vous faire un autre thé…
_ Non, ne bougez pas !
_ Mais…Vous croyez que c’est encore la puce ?
_ Possible, je vais le faire moi-même…
_ Mais vous tenez à peine sur vos jambes…
_ Ah ! Ah ! La pauvreté du monde ! Nettoyer la rue ! Après l’aspirateur, les carreaux ! Ah ! Ah ! Quelle folie ! Vous n’existez pas, Paschic, vous n’avez aucune défense ! Un char d’assaut vous a passé d’ssus !
_ Vous voulez me faire pleurer, c’est ça ? Et la révolution féminine ? La femme commandée, victime ?
_ Pour l’instant, c’est vous qu’il faut sauver ! Où est le thé ?
_ Dans l’armoire du haut… Mais attendez, je...
_ Vous restez assis ! Est-ce que c’est clair ? Vous avez fait assez d’ mal comme ça ! »
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Paschic est de nouveau dans le Labyrinthe… Il sifflote pour se donner du courage, car ça grouille de Doms ! Il en vient de partout, ils tombent des murs et ils s’accrochent inévitablement à Paschic ! A croire qu’il les attire ! Et il doit lutter contre son dégoût, pour s’en débarrasser ! Comme ils sont de plus en plus nombreux, Paschic en déduit qu’il se rapproche du GVI (Grande Vide Intérieur) et effectivement, tel un trou noir au centre d’une galaxie, il est bien là immense, avec l’aspect d’un tourbillon lumineux, mais dont l’éclat serait glacé !
La machine à Doms ! Ils en sortent par milliers ! Dom ! Dom ! Et se répandent de par le monde ! Dom ! Dom ! Spectacle saisissant ! C’est un flux continu, comme si le GVI était un gigantesque pressoir et les Doms son jus ! Dom ! Dom ! La colonne du GVI a tout de même des yeux et une bouche qui s’adresse à Paschic : « C’est curieux ! dit-elle d’une voix sépulcrale. Tu n’es pas comme les autres !
_ C’est vrai, répond Paschic, enfin pas tout à fait !
_ Comment expliques-tu cela ? Tu devrais venir de moi…
_ Ben, je ne me l’explique pas vraiment… Pourquoi Einstein ou Darwin ? Oh ! Mais c’était peut-être qu’ils n’arrivaient pas à faire l’amour, à cause de leurs traumatismes, d’où leur sublimation scientifique ! Tsss, tsss !
_ Tu es bien sarcastique… Mais sais-tu qui je suis ?
_ Bien sûr ! Tu es le le VGI ! Autrement dit, le Grand Vide Intérieur !
_ Exact ! Et je n’en suis pas peu fier !
_ Évidemment !
_ Serait-ce encore une moquerie ? Et sais-tu d’où je viens ?
_ Là encore, j’ réponds par l’affirmative… Tu viens de notre soif de liberté !
_ Je ne suis donc pas le diable !
_ Non, tu trouves ton origine dans le règne animal…, dans l’individualité triomphante !
_ Si tout est en ordre, pourquoi m’es-tu hostile ? Sois un Dom, toi aussi… Je paie bien… Tu pourras même être célèbre parmi les hommes ! En tout cas, tu ne s’ras plus seul ! Vois comme nous sommes nombreux ! A l’écart, on devient malade, aigri…
_ Le Dom accroc à son prestige et à son pouvoir… et haineux, si on ne l’admire pas ? Une vie d’ taupe somme toute, très peu pour moi !
_ Mais j’ai presque inventé le mouvement perpétuel ! L’animal veut être le plus fort, ce qui conduit l’être humain à vouloir toute liberté… et donc à se débarrasser de toute idéologie !
_ Ainsi tu as été créé ! Mais tu génères de l’angoisse et tu donnes naissance au Dom !
_ Qui lui-même détruit, en produisant encore plus d’angoisse... et donc plus de Doms ! Ah ! Ah ! Je suis infini, éternel !
_ Pas tout à fait ! La destruction peut aller si loin que nous sommes aujourd’hui dans une impasse, celle du réchauffement climatique !
_ Bah, l’animal qui est en nous s’adaptera…
_ Voire !
_ En tout cas, je n’ai jamais été aussi grand ! Notre fin, qui semble inéluctable, rajoute bien entendu à l’angoisse ! Le Dom nouveau est arrivé ! encore plus égoïste que les précédents ! encore plus dur, plus cruel ! tellement fermé que l’autre n’existe pas, qu’il est une donnée abstraite ! Ah ! Ah ! Certains sont des tueurs nés !
_ Je sais, mais le Dom cherche quand même ! Il a peur, il est inquiet ! Il demande des réponses en renforçant son égoïsme, ce qui est absurde, mais il est soucieux tout de même…
_ Et tu prétends pouvoir l’éclairer ?
_ Dans la mesure de mes moyens, oui !
_ Prétention ! Vanité ! Comment sais-tu que tu n’es pas fou ?
_ Par ma paix, je pense… Au fond, je pense que tu es nécessaire, car il n’y a pas d’amour sous la contrainte des dogmes ! Il est temps de retrouver ce qu’aimer veut dire, la foi véritable, la confiance de l’enfant !
_ Ah ! Ah ! J’en ai les larmes aux yeux ! Comme tu parais dérisoire, Paschic ! Viens, rejoins-nous ! Dom ! Dom ! Les nationalismes grondent ! Les dictatures pavoisent ! Les intégrismes fleurissent ! La violence éclate ! Seuls survivront les plus forts ! Ecoute-les, Paschic ! Dom ! Dom !»
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Paschic dîne chez le docteur Cool et l’ambiance est romantique, puisque la flamme des bougies danse et se reflète sur le rose impeccable de la nappe ! Les assiettes brillent, comme le visage du docteur, qui diffuse une douce lumière ! « Encore un peu de vin ? demande Cool.
_ Volontiers », répond Paschic, dont les sens pétillent !
Mais brusquement c’est l’horreur ! La baie vitrée, donnant sur le jardin, est arrachée et un Dom de plus de deux mètres, les mains en avant, se jette sur le docteur Cool, apparemment pour la violer ! Révolté par cette violence odieuse et n’écoutant que son courage, Paschic se saisit de l’agresseur, sous lequel le docteur se débat en criant ! Le Dom surpris, comme s’il venait soudain de prendre conscience de la présence de Paschic, repousse celui-ci d’un seul geste de la main, tant sa force paraît démesurée ! Paschic vole tel un fétu de paille, mais le Dom, tout de même déséquilibré, s’étale sur la table, où il prend feu, à cause des bougies !
La suite est inexprimable ! Transformé en torche, le Dom pousse un cri de bête et repasse par la fenêtre, dans une course désespérée ! « Mais… Mais qu’est-ce c’était ? gémit Cool, qui remet de l’ordre dans sa toilette.
_ Un Dom ! répond Paschic, qui compte ses abattis et qui vérifie qu’il n’y a plus de danger.
_ Un Dom ?
_ Oui, un Dom… lâche Paschic, qui ferme encore les volets, pour éviter toute nouvelle attaque.
_ Mais enfin, allez-vous m’expliquer ?
_ Et si nous prenions place sur le canapé, avec un remontant ? »
Un peu plus tard, le calme est revenu et Paschic s’explique : « Ce que nous venons de voir est dû à l’hiver… et au GVI…
_ Le GVI ?
_ Oui, le Grand Vide Intérieur... Ecoutez, pour faire court, depuis le début, notre histoire sur Terre est une lutte pour développer notre individualité, ce qui nous conduit à dominer, à imposer des règles, des idéologies ou des croyances, qui elles-mêmes sont combattues puisqu’elles sont des freins à notre liberté ! A force de nous débarrasser de toute contrainte, nous sommes arrivés au GVI !
_ Le Grand Vide Intérieur…
_ Exact, car, malheureusement, nos vies sont maintenant dépourvues de sens et la plupart ne trouvent qu’un seul refuge, leur égoïsme, la satisfaction de leurs appétits et de leur ego !
_ D’accord, jusque-là je vous suis…
_ L’hiver est une source d’angoisse supplémentaire… Notre amour-propre y est comme les animaux, dans une recherche difficile de « nourriture », si je puis dire… Notre âpreté, notre agressivité et même notre violence sont à leur maximum ! d’où cette… intrusion !
_ C’est un euphémisme ! Et le nom de Dom ?
_ Dom pour dominer ! Plus la peur est grande et plus nous voulons dominer ! Rappelez-vous les crocodiles qui se battent entre eux, pour savoir qui le dernier profitera du marais qui s’assèche ! Dès que le Dom est dans la rue, il cherche à attirer les regards ! C’est ce qui lui donne le sentiment d’exister !
_ Mais concentrer l’attention sur soi, c’est tout de même radicalement différent que de violenter quelqu’un, non ?
_ Oui… et non… C’est une question de degré, car c’est la même logique !
_ Laissez-moi en douter…
_ Écoutez, je peux vous assurer que bien des Doms ont des crises ! Inquiétés, ils se mettent à mépriser, à rejeter, à vouloir écraser si intensément que le lendemain ils ne s’en rappellent même pas ! comme si l’animal qui est en eux avait quasiment effacé toute conscience !
_ Vous décrivez une névrose…
_ Oui, un état mental qui ne se contrôle pas… Combien de Doms ne sont pas enfermés dans leur monde !
_ Mais nous ignorons tout cela…
_ Sans doute parce qu’en majorité nous vivons dans une domination, qui nous paraît naturelle… Mais menacez celle-ci et vous allez voir la réaction ! C’est toute notre solitude cosmique qui demande à entrer !
_ Tout de même, cela me paraît étrange…
_ Vous vous y ferez… Il reste un peu de dessert ? »
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Paschic sort de la maison au matin, car il a tenu à veiller sur Cool, mais dans la rue il est vite assailli : un Dom a quasiment foncé sur lui ! « Par pitié, laissez-moi vous dominer ! dit le Dom. Intéressez-vous à moi ! Je suis merveilleux ! Et d’abord j’ai une grosse queue !
_ Désolé, mais j’ai à faire ! Et puis, votre queue, j’ m’en tape ! Vraiment !
_ Vous ne pouvez pas me laisser tomber ! Concentrez-vous sur moi ! Je suis unique, vous savez !
_ Je ne peux pas, vous êtes des milliers ! Si je commence à vous prendre en pitié, je n’en aurai jamais fini ! Il faut que je garde mes forces !
_ Pourquoi me prendriez-vous en pitié ? Au contraire, vous devriez m’admirer ! Je vous l’ai dit, j’ai été très bien pourvu par la nature !
_ Ah ! Ah ! Mais vous avez peur, et c’est pour ça que vous voulez attirer mon attention ! Si je vous considère, vous distingue et a fortiori vous admire, vous n’êtes plus seul, vous existez dans mon regard, qui vous soutient et fait disparaître votre angoisse !
_ Vous croyez que j’ai besoin de vous ?
_ Et comment ! Remarquez, il est normal d’avoir peur… Qui sommes-nous, où allons-nous, faisons-nous bien les choses, etc. ? Nous sommes devant l’inconnu et au fond, rien ne nous est plus naturel que d’avoir peur ! Par contre, là où ça ne va pas, c’est de se contenter du réflexe animal comme remède à son angoisse !
_ Je ne comprends pas…
_ L’animal renforce sa domination, quand il est inquiet… et donc je devrais vous trouver intéressant, parce que vous avez peur ? C’est m’utiliser et lâche, car il n’y a aucune exploration, aucune recherche de votre part ! Vous laissez seulement aller votre égoïsme, tellement vous êtes sûr de vous, et vous haïssez si on reste indifférent ! Le monde doit tourner autour de votre petite personne, sinon il est promis à la destruction ! Vous m’en voulez déjà, n’est-ce pas ?
_ Oui, je vous méprise !
_ Et pour quelle raison ? Je ne vous dois rien ! Je suis un citoyen, tout comme vous, avec les mêmes droits ! Pourquoi vous serais-je soumis ? N’avez-vous pas imaginé d’autres moyens pour guérir votre angoisse ? Non, parce que, si vous comptez sur l’infériorité des autres, vous allez au devant de bien des illusions ! Car les autres aussi se voient supérieurs à vous !
_ Et quels seraient ces autres moyens ?
_ Tout l’art, c’est de tenir debout sans domination ! Tout en respectant pleinement les autres, en les voyant chacun comme un être à part, bien distinct et égal ! Comment réussir ce tour de force ? Hein ?
_ Eh bien, je ne sais pas…
_ Tu sais pas parce que tu ne cherches pas ! Tu n’ t’ aventures pas ! Tu préfères rester coincé entre ton nombril et ta petite haine !
_ Donnez-moi une piste au moins !
_ Spiritualité, old chap ! Si t’avais confiance dans la vie, t’aurais pas besoin de dominer ! T’irais en sifflotant !
_ Ah ! Ah ! Mais c’est un truc de benêt, ça !
_ J’ai l’air d’un benêt ? Tu sais c’ que j’adore ? C’est justement de faire enrager les gens comme toi ! Comment ? Mais en me montrant absolument indifférent à votre domination ! Elle glisse sur moi… et vous perdez pieds ! Voilà votre mépris et votre haine, qui signalent votre peur ! Ça me fait marrer, car ça me donne raison ! Vous n’ tenez pas d’bout ! Vous êtes bien responsables de votre malheur ! par faiblesse et paresse !
_ Tu nous hais, si je comprends bien ?
_ Non, au fond je ne hais personne ! Je comprends trop bien nos peurs, pour les combattre encore chaque jour…, mais je ne vous plains pas non plus ! Évidemment, beaucoup sont broyés par ce qu’on appelle le système, mais, malgré vos peines, vous ne cherchez pas ! Vous ne bougez pas ! Vous me voyez différent, mais vous ne voulez pas savoir pourquoi ! Tout ce qui vous intéresse, chaque jour, c’est de sentir votre supériorité et vous en restez dépendant ! La domination ne guérit pas l’angoisse !
_ Tandis que la foi…
_ La foi, c’est pour les caïds ! Pas pour les avortons comme toi !
_ Mais qu’est-ce que…
_ La foi, c’est marcher sur l’eau grâce à l’amour ! Et seul l’amour est capable de neutraliser et de changer les Doms !
_ Les quoi ?
_ Les gens comme toi, qui restent des animaux ! Cigare ? »
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