Des fléaux

  • Le 27/04/2019
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Des fleaux

 

 

 

 

    Si on regarde notre temps, il est tentant de dire qu'il n'y a qu'un seul fléau, c'est la religion! On n'arrête pas en effet de tuer au nom du dieu qu'on vénère! Cela nous accable au plus profond, car se représenter Dieu tel un bourreau ou un assassin est évidemment une absurdité!

    Mais, pour aider la mort, il y a de la concurrence: le nazisme ou le communisme n'ont rien à envier aux religions; sans doute même ont-ils été plus efficaces, car ce sont des états entiers qui ont donné leur plein rendement! La religion reste passionnelle; elle n'a pas la froideur de la politique et ses tueries gardent ainsi un caractère artisanal, dû à leur spontanéité!

    Mais c'est tout juste! Car notamment le vaste projet de l'islam radical, retrouver la grandeur de l'ancien Empire ottoman, n'est pas très différent de ceux d'un Hitler ou d'un Pol Pot! Ils ont un point commun et c'est lui le véritable fléau! Le problème n'est pas la religion ou l'idéologie, mais c'est bien le désir d'imposer coûte que coûte une pensée, un point de vue, un mode de vie, une manière d'être! Autrement dit, c'est la domination qui est à l'origine des massacres ou des génocides; c'est elle qui pousse à mettre le monde à feu à sang! C'est elle qui le veut à son image et nous allons de nouveau expliquer pourquoi!

    Au fond, la logique est simple... C'est la peur qui provoque essentiellement la domination (même si cette dernière nous est naturelle...)! Le fait d'exercer un contrôle sur les autres permet d'apaiser ses craintes et son angoisse! Le sentiment de son importance, de son pouvoir, de sa supériorité efface l'anxiété, donne un sens à la vie! Rappelons que la domination masculine est la force et la féminine la séduction!

    Disons encore un mot sur la peur... Les animaux l'éprouvent aussi bien entendu, mais chez eux elle est limitée par le comportement instinctif! L'homme, lui, est devant une étrangeté... Il doit faire face à quelque chose qui n'est pas figé... et qui pourrait être symbolisé par la mort! Prendre conscience de sa fin, alors qu'on ne souhaite que se développer, comme apparemment tout ce qui vit, fragilise l'existence, y répand un sentiment d'insécurité, qui peut être ressenti dès le plus jeune âge, si on ne bénéficie plus de la protection des parents, parce que eux-mêmes ne sont plus, ou même parce que l'enfant se sent injustement traité!

    Toujours est-il que l'homme fait le dur apprentissage de la liberté... Les questions que pose sa condition peuvent sembler insolubles, d'autant que la science étend toujours plus notre histoire et notre univers! L'abîme peut s'ouvrir à tout moment et il est capable de nous écraser! L'angoisse est un compagnon de route, que nous tenons plus ou moins bien à distance et cela dans le cas où nous sommes assez clairvoyants, car la plupart du temps la majorité n'a pas de discernement et elle est prompte à trouver les responsables de son mal-être, comme si nous n'étions pas en réalité tous à la même enseigne, devant l'inconnu!

    Mais la peur engendre la domination et très vite ses extrêmes: le mépris, la haine et la violence! Derrière chaque tyran se cache la peur et on peut même avancer que plus elle confine à la terreur et plus la dictature est forte! Les bourreaux, dont notre histoire a retenu les tristes noms, étaient tous des angoissés! Et, entre eux et nous, c'est juste une question de degré! Mais leur domination a sans doute été paroxysmique pour mieux échapper à la peur, car plus on se sent important et plus il est difficile de la reconnaître... Mais donnons quelques exemples...

    Commençons par le champion toute catégorie, Hitler! Très jeune, il est livré à lui-même... Son père est mort et il ne va plus à l'école. Il passe son temps à errer dans la campagne, en proie à ses rêveries! Plus tard, majeur, il arrive à Vienne où il n'a pas un sou en poche. Il survit en peignant des cartes postales et il n'est pas difficile d'imaginer quelles inquiétudes peuvent le ronger!

    Mais, à sa peur, il va donner un nom! Elle est pour lui représentée par les Juifs, qu'il voit comme des profiteurs, des sournois, qui dirigent dans l'ombre l'économie du pays et qui la minent! Ils sont les responsables de toutes les misères, y compris celle d'Hitler! Les dominer, les chasser, les détruire enlèverait la peur, en ramenant la sécurité! C'est ce que fera exactement Hitler, quand il sera au pouvoir! Six millions de Juifs seront tués pour calmer son angoisse!

    Mais la peur rend aussi instable... Elle peut faire agir malgré soi, si elle envahit le cerveau, alors que celui-ci n'a pas de fondations solides, comme il arrive souvent après une enfance solitaire! Hitler, au fond, n'a jamais voulu du putsch de Munich et il se verra d'ailleurs, toute sa vie, comme un peintre, un artiste, dont la vocation aura été contrariée par la nécessité politique!

    Car, à cette époque, Hitler voit les démocrates qui dirigent son pays comme des traîtres! Ce sont eux qui sont responsables de la défaite de 18! Ce n'est pas l'armée qui a été vaincue! Hitler n'a-t-il pas éclaté en sanglots en apprenant la reddition et un jour, n'en pouvant plus de la politique d'après-guerre, il va menacer d'une arme à feu des élus réunis dans une brasserie, pour obtenir une scission du territoire!

    S'il avait pu être lucide, Hitler aurait reconnu la folie de son geste... Dans une société civilisée, on n'obtient rien par la force, mais Hitler se serait cru un lâche en n'agissant pas! Ainsi, son tourment apparaît évident et d'ailleurs, bien que condamné à la prison, Hitler ne s'y sentira pas malheureux... Bien au contraire, les murs lui enlèveront la question douloureuse chez lui du choix! C'est là qu'il livrera volontiers ses idées à d'autres oreilles malades, celles de Rudolf  Hess; c'est là que s'écrira Mein Kampf!  

    Car, la peur seule, bien entendu, ne saurait expliquer le "monstre"! Sa vision du monde est sans nuances... Elle n'est pas le fruit d'un esprit intelligent... Elle cède toujours à la facilité, à l'égoïsme! C'est la rançon de la médiocrité! Les arguments d'Hitler sont plus des envies, des partis pris, plutôt que des développements! Toute l'immaturité de leur auteur s'y révèle! On dirait un bébé hargneux et avide, qui ne prend pas du tout en compte la réalité, et on peut se demander comment a-t-il pu devenir chancelier? Mais le peuple allemand se moquait de lui comme les Américains de Trump, avant de l'élire président! A force de jouer avec le feu, on finit par allumer l'incendie!

    Hitler commémorera son putsch, en retournant, avec ses hommes, sur les lieux et à la date anniversaire de l'événement. Mais, comme sur quasiment toutes les photos qui le montrent, il y apparaît tendu, les poings crispés, car lui seul, au tréfonds, sait qu'on y célèbre surtout son angoisse et nullement son courage! C'est ce mutisme, quant au trouble qui produit sa conduite, qui va le mener sur la route de ses crimes impardonnables!  C'est son amour-propre qui fera de lui un assassin! Il n'y a aucune honnêteté morale chez Hitler et dès lors qu'il sera au pouvoir, son déséquilibre ne cessera de s'amplifier!

    En effet, il est un peu comme ces stars de la musique, qui aiment monter sur scène, mais qui, après coup, sont ravagés par la peur! Ce n'est pas naturel de s'exhiber et cela use, épuise! La carrière de comique, en particulier, fait vieillir prématurément! Ainsi, en 40, Hitler est-il le premier à vouloir ralentir ses chars, alors qu'ils foncent en terrain dégagé, à travers la France! La situation dépasse ses nerfs, mais sa crainte d'une brusque réplique française laisse indifférents ses généraux, plus aguerris et plus rassis!

    Pour une fois, Hitler n'obtient pas gain de cause et ses chars se rapprochent de Dunkerque, où ils vont pouvoir exterminer l'ennemi! Mais pour Hitler, c'est trop! Il a besoin de calme, pour se reprendre; il n'est plus capable de supporter d'aller de l'avant et il stupéfie ses généraux en arrêtant son armée et en racontant combien l'Angleterre est une grande nation et comme il est nécessaire qu'elle subsiste! Hitler se croit obligé de donner des explications, pour masquer sa peur! Tant mieux pour les alliés!

    Bientôt, il ne dort plus ou il ne trouve le sommeil qu'à l'aube, pour ne se réveiller qu'à midi et on imagine dans quel état (nous ne le plaignons pas évidemment, nous déchiffrons un comportement...)! Il a besoin de pilules pour tenir debout et la moindre contrariété le met dans des colères terribles; mais ce n'est pas seulement parce que ses nerfs sont malades et déjà fortement éprouvés, c'est aussi parce que l'opposition ouvre la porte au doute, fait resurgir la peur! Or, la différence n'est rien d'autre qu'une réalité plus étendue et comme il ne veut pas l'entendre, Hitler ne peut pas gagner la guerre!

    Pour les mêmes raisons, l'échec lui devient intolérable et c'est pourquoi il traite avec le plus grand mépris son armée vaincue à Stalingrad, de sorte que celui qui la commande, le général Paulus, finit par collaborer avec les Russes. Au final, Hitler se suicide sur les ruines de son pays et de l'Europe, dans une totale hébétude! Il n'aura rien compris, ni à la vie, ni à lui-même!

    Mais voici Staline, qui apparaît comme un paysan madré, mais la vérité est tout autre! Lui aussi est d'une origine modeste et provinciale, et son enfance sera marquée par les violences d'un père alcoolique!  Le "pied" affectif de Staline n'est donc pas solide et il a très peu confiance en lui-même... Cela explique sans doute pourquoi il signe avec Hitler un pacte de non agression, au détriment des habituels alliés de la Russie, la France et l'Angleterre. Car, ce n'est pas seulement parce qu'il se souvient des défaites de l'armée russe, face à l'Allemagne, lors du premier conflit mondial, mais c'est surtout qu'en rejoignant le plus "fort" il joue les affranchis, les rusés! C'est son personnage pour pallier son incertitude!

    Mais, derrière le masque, sa candeur apparaît! Alors même qu'Hitler commence à envahir la Russie, des convois russes, chargés de matières premières, continuent à partir vers l'Allemagne, signe de la bonne volonté de Staline! Sa peur d'être trompé va s'en aggraver, tandis qu'elle l'a déjà poussé à devenir un tyran absolu! Staline élimine ses adversaires, autant par crainte que par jalousie! C'est son manque d'assurance qui le rend si dangereux!

    Il prêche encore le faux, pour découvrir le vrai; car son doute est tel qu'il ne peut juger autrement! Lors de l'anniversaire de Churchill, à Téhéran (novembre 43), alors que tous les convives se réjouissent de l'ambiance, Staline se lève brusquement pour déclarer qu'il est dommage qu'il ne soit pas aimé de son homologue anglais, et ce n'est que devant les grands efforts de celui-ci, pour lui prouver le contraire, que Staline s'apaise et devient sûr de l'amitié qu'on lui voue!

    De même toujours méfiant, il divise pour mieux régner... Attention, voici dans l'ordre ou le désordre,  le Turkménistan, l'Ouzbékistan, Le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan; autant d'états formés par Staline en Asie centrale et qui ont bien du mal à survivre encore aujourd'hui! Ambitieux et fragile, le "petit père des peuples" reste l'image même du sournois!

    Cependant, le cas de Pol Pot est bien plus étrange! C'est d'abord un lycéen effacé, grassouillet et à fortes lunettes, dont le vrai nom est Saloth Sar, avant qu'il ne poursuive ses études à Paris, où il découvre le communisme, comme Hô Chi Minh... Puis, au moment de la guerre du Viêt-Nam, il retrouve son pays, le Cambodge, mais c'est pour s'y enfoncer dans la jungle la plus reculée! Là, il est en totale sécurité et bien qu'il soit coupé du monde, il commence à professer, ce qu'il sait si bien faire, en évitant tout opposant, tout conflit! Il persuade les paysans pauvres et incultes qu'ils sont exploités, que tout doit changer, que les riches doivent "payer"! Il leur promet un avenir radieux et captive surtout les jeunes, dont le nombre grandit sans cesse; ce seront les tristement fameux Khmers rouges!

    Mais, quand les conditions sont enfin favorables, il ne prend pas d'assaut la capitale, non, il la fait vider de tous ses habitants, ce qui est sans doute unique dans l'histoire de l'humanité! Ce n'est que quand Phnom Penh est désert et abandonné  aux rats que Pol Pot s'y installe, dans la même sécurité que celle de la jungle! Pol Pot ne conquiert pas le monde, mais il le ramène à lui! Sa crainte, sa prudence le veulent ainsi et quand des dignitaires étrangers désirent le voir, Pol Pot attend lui aussi dans le groupe, en ne se révélant pas, ce qui lui permet d'examiner en toute quiétude ses visiteurs! Il est somme toute incapable d'apparaître en plein jour et lorsque les Vietnamiens renversent eux-mêmes son régime, il ne résiste pas, ne les affronte pas, mais il rejoint à nouveau la forêt, pour y répandre encore sa parole, jusqu'à sa fin; comme si un brouillard délétère s'était brusquement répandu sur le pays, avant de disparaître et de laisser derrière lui peut-être trois millions de morts, c'est-à-dire la moitié de la population!

    Notez que la peur chez les tyrans leur fait rêver d'un état idéal, sans aspérités, où il pourrait enfin se reposer! Hitler imaginait une grande Allemagne, pure, vivant en totale autarcie, comme éternelle! Les films de la propagande stalinienne montrent des anges souriants au travail! Pol Pot parlait d'un grain de riz originel, débarrassé de toute souillure occidentale! Les extrémistes juifs voient dans la reconquête du territoire d'Israël le rachat de leur paradis perdu; alors que la science moderne a balayé depuis longtemps l'histoire biblique! Quant aux radicaux islamistes, ils ont une vision idyllique de la communauté héritée du Prophète et que gouvernait la charia; comme si l'homme ou la femme n'étaient pas en lutte pour le pouvoir et qu'une société pouvait se conduire tel un village!

    Mais à quoi peut nous servir, dans nos vies quotidiennes, de savoir que la peur provoque la domination? Mais, à chaque fois qu'un homme veut nous dominer, par sa carrure, son mépris ou sa haine, nous pouvons nous dire qu'il a d'abord peur et cela devrait être une "victoire" assez satisfaisante pour ne pas renchérir (d'autant qu'il serait assez facile de faire réapparaître cette peur...)! De même, il nous est possible de mieux garder la tête froide, quand une femme fait preuve d'une sexualité quasi irrépressible, car celle-ci est le fruit de l'angoisse, de l'immaturité, donc de l'égoïsme et non du choix!

    En fait, c'est la connaissance qui permet de rester en paix et ainsi d'apaiser le monde! 

 
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