De la peur

  • Le 23/03/2019
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De la peur

 

 

 

    Tout le monde a peur évidemment et il ne saurait en être autrement! Rappelons que, si les animaux sont nos "frères", nous n'en sommes pas pour autant, comme eux, "prisonniers" de nos instincts! La conscience, devenue évidente chez nous, nous a ouvert les "portes de la liberté", puisqu'elle nous permet justement de nous regarder nous-mêmes et de nous rendre maîtres de nos personnes!

    Mais nous voilà aussi devant l'inconnu! Notre mort notamment nous interroge... Notre condition n'est pas fixe et nous devons faire des choix, prendre des responsabilités, ce qui peut sembler lourd et nous effrayer, et la tentation peut être grande de "régler le problème" par une loi stricte, comme la charia, qui fait de l'homme un automate, le ramenant somme toute au rang de l'animal!

    Nous allons voir d'ailleurs que plus la peur est grande et plus la violence, le rejet ou la tyrannie le sont tout autant! Mais que l'angoisse fasse partie de nos vies est parfaitement normal, car elle est un corollaire de notre liberté... C'est son absence qui serait plutôt troublante, mais il est vrai aussi que les choses apparaissent rarement aussi simplement... Notre société a bien "embrouillé les cartes", pour ainsi dire, et d'abord par peur également!

    Prenons le cas du travail par exemple... Il nous enlève a priori beaucoup de notre angoisse..., autrement dit il réduit considérablement notre liberté! Chaque jour, des milliers d'individus prennent le chemin de leur emploi... Ils doivent respecter des horaires, ils obéissent à une nécessité, qui est celle de gagner sa vie! Le salarié n'a donc pas à se demander ce qu'il convient de faire, il suit un fonctionnement, mais la contrainte qu'il subit devient vite apparente et même insupportable, sitôt que son travail le déçoit, ne lui apporte plus une compensation valable, comme un salaire élevé ou la possibilité de se développer!

    L'emploi qu'on occupe est alors vivement critiqué... On peut faire grève, en demandant des changements, des améliorations, et d'une manière générale, on apparaît comme victime d'un système ou même d'un certain groupe, tels les capitalistes! Mais on se voit avec "des fers aux pieds"; le travail est vu comme un fléau, un chemin de croix, jusqu'à la retraite, ce qui pour l'observateur donne à la vie un aspect absurde!

    En effet, rien que le fait de notre mort devrait nous faire sentir que rien n'est vraiment absolument déterminé! Notre interrogation, quant au sens de la vie, peut avoir de telles ramifications que la société est "mise en suspens", comme un arbre soulève un trottoir; car c'est bien nous qui mourrons, c'est bien notre individualité qui est appelée à disparaître, nullement dans le même temps le monde qui nous entoure! Le rideau de la mort est secret et personne ainsi n'est en droit de nous dire catégoriquement ce qu'il faut faire! (Au fond, c'est la mort qui donne à la vie toute sa valeur!)

    Mais la plupart des hommes accepte le monde du travail comme un prolongement de l'école! On continue à y être gouverné par des horaires, un règlement; on rend des comptes à des supérieurs; on est bien ou mal noté, etc. La mort n'est présente nulle part; seul existe un fonctionnement auquel on s'adapte plus ou moins... C'est une vue courte, mais la pression de la société s'explique aussi par sa propre peur de l'inconnu! Il suffit de voir son embarras, pour ne pas dire son désarroi, aujourd'hui, face à une violence qui dépasse son entendement. Elle est comme un lycée débordé!

    Ceci étant, la naïveté des salariés est confondante et même irritante, car elle ne peut pas non plus ne pas être imprégnée d'hypocrisie! Mais l'antienne est connue:" Ah! Si j'avais les moyens! Si je n'étais plus obligé d'aller au boulot! Ah! Comme je prendrais du bon temps! J'resterais peinard chez moi! J'f'rais ce qui m'plairait! Mais, j'suis pas libre! C'est ça le hic!"

    Ce genre de discours conduit à une haine marquée, vengeresse, à l'égard de celui qu'on suppose profiteur et qui bénéficie des cotisations, tout en ne faisant rien! On lui tordrait volontiers le coup à celui-là, et dans la ligne de mire, on trouve bien entendu le chômeur invétéré ou le bénéficiaire du RSA paresseux! Mais, si on voulait bien regarder en soi-même, on conviendrait d'un certain nombre de choses, concernant sa peur!

    D'abord que de respecter des horaires, d'obéir, permet de ne pas affronter son angoisse! Le travail est un bouc-émissaire, qui masque les véritables raisons d'un mécontentement, d'un mal-être; alors que bien souvent c'est lui qui donne un peu de dignité, le sentiment d'être utile, ce qui lui procure le rôle de garde-fou! Le chômeur qui tremble, qui se déconsidère, ravagé par la dépression, en sait quelque chose!

    Ensuite, nous défions ici tout travailleur de rester tranquille chez soi; la sécurité matérielle étant assurée! Nous pourrions même compter combien de temps l'individu supporterait la situation, avant de devenir le jouet de l'angoisse! Pour la plupart, le soulagement d'être libre ne durerait pas plus d'une semaine! Devant le choix, l'indécision, le doute, la peur prendraient place! L'inquiétude s'installerait dans la maison, ainsi qu'une menace sourde! C'est qu'en effet c'est tout un art de vivre en paix avec soi-même! Cela demande un très long et très patient travail intérieur, qui met même au second plan la subsistance! Elle reste nécessaire bien entendu, mais elle n'est nullement suffisante! Tous ceux qui jusqu'ici ont continué leur vie comme à l'école, tous ceux-là, ne leur en déplaise, seraient fatalement gagnés par l'épouvante! L'"oisiveté" leur serait insupportable, car elle ouvrirait les portes d'un monde de cauchemars! On ne tient pas la barre de la vie sans entraînement!

    Fi de l'hypocrisie... et on avancera un peu! Mais face à nos peurs, nous avons toujours a priori le même remède... Il nous est instinctif et nous vient bien sûr du monde animal... Il s'agit de réaffirmer sa domination, de retrouver le sens de son importance; ainsi que le lion dévore sa proie, ce qui lui donne une supériorité incontestable! On parle donc d'une tyrannie, à différents degrés et qui s'exerce sur les autres! Beaucoup de cas de figures sont possibles!

    Au lieu de regarder et d'essayer de comprendre le monde tel qu'il est, nous préférons, sous le joug de nos peurs, le faire à notre image, qu'il soit nôtre! Cela va dans le sens de notre amour-propre et donc de notre plaisir! Bien plus ennuyeuses et improductives nous semblent l'attente et l'humilité!

    D'une manière générale, plus nous nous imposons au monde et plus notre peur est viscérale, profonde, destructrice!  Il n'est pas rare de trouver chez l'individu le plus dominateur des craintes enfouies et vives, des traumatismes actifs, des chagrins d'enfant, qui sont masqués par la dureté des attitudes, l'agressivité, le dédain... Toute une couronne dégoûtante a ici ses plus beaux bijoux!

    Par exemple, il y a le trublion! Il apparaît comme si on devait être enchanté de sa présence! Il brille comme un robinet qui ferait couler de l'admiration! Il est impossible pour le trublion d'être calme, qu'il vive indépendamment! Son agitation doit vous rencontrer! Au besoin, il interviendra derrière vous! Il fait déjà partie de votre vie! Il cherchera toujours votre regard, il a besoin de votre bonjour, ce qui ne l'empêchera pas de vous mépriser, s'il en a l'occasion! Soyez un peu diminué, dans une position inconfortable, et le trublion vous "marchera" dessus! Il a déjà oublié que c'est lui qui vous sollicite... Le trublion est un tyran sans violence, une sorte de "pâte molle", mais il est quand même son "Dieu"!

    Il y a la vamp! L'angoisse la mène à une séduction forcenée et outrée! Le maquillage est épais; il soutient quasiment le visage, que la fatigue délite! L'alcool, par là-dessus, donne l'illusion qu'on peut être heureux et réussir quel que soit le temps, les conditions! L'hiver n'existe pas et le gris, l'effacement, le labeur c'est bon pour les gueux, la piétaille, la multitude qui grouille chez Prisunic!

    Comme la vamp est en surrégime, le moindre obstacle, la moindre contrariété et c'est l'injure, la violence, le scandale! Tout doit être consumé dans le feu de la vamp! C'est la grande prêtresse du quartier! La semaine dernière, on lui a sacrifié plus de deux cents esclaves, dont la moitié n'avait pas vingt ans, excusez du peu!

    La vamp n'a aucune empathie, ou peut-être en fin de solstice... S'excuser lui arrache la bouche! L'autre est invisible! La vamp ne vit que pour son plaisir... Son meilleur ami est son orgueil; c'est lui qui la conseille, sauf la nuit quand elle pleure comme une petite fille! La vamp est une déesse de marbre apeurée!

    Il y a le caïd! Aucune conversation ne lui résiste! Il les interrompt toutes, car il a besoin d'un service, comme de la monnaie! Il vous jauge, il vous "flaire", car il n'aime pas la concurrence et il est satisfait, quand il vous a trouvé plus petit, inférieur! Même lorsqu'il vous souhaite une bonne journée, cela semble un rappel à l'ordre!

    Le caïd s'installe volontiers en terrasse, où il a plein d'amis, qu'il terrorise! Il boit beaucoup, car la peur cavale après lui! Il devient agressif, dès que l'alcool ne fait plus son effet, et d'ailleurs il a un "mauvais coup" en vue, un moyen de gagner vite de l'argent, sans travailler! Ben dame, il est adulte... et finira mal!

    Il y a le juge! Il se tient dans la vie comme un pieu! Il contrôle, supervise, grâce à quelques principes, dont celui-ci: "Chacun son travail et ce sera déjà pas si mal!" Même la modestie a trouvé son maître! Pourtant, le juge rêve de vous écraser, telle une vulgaire punaise! Sa haine le traverse comme un éclair et son dégoût le boursoufle!

    Le juge a son pendant, le créancier! Il a l'air furibond sur le pas de sa porte et il regarde chacun tel un débiteur! Le monde entier est sur sa facture!

    Citons encore le bellâtre... Il est en chemise sous la grisaille, car lui seul est sain! Il rayonne surtout avec ses dents blanches, de sorte qu'il ne comprend pas pourquoi on l'évite et on ne l'admire pas! Bref, il a l'intelligence du soleil!

    Terminons par la mendiante, même si notre liste pourrait s'allonger sans fin! Celle-ci vante ses qualités, telle une pauvre femme en haillons raconte ses malheurs! On s'y laisse prendre et quand enfin on la loue, elle nous montre tout son mépris, un peu comme l'ami du bivouac vous tranche la gorge, la nuit, avant de rejoindre la rébellion!

    Tous ces individus nient leur peur, bien entendu, car ils ont pour maître leur orgueil! C'est la réaction animale chez nous; c'est la domination qui se traduit par le triomphe, le pouvoir, la mainmise constante de la personnalité!

    C'est une attitude rigide, qui est vouée à l'échec! D'abord, les peurs ne sont pas traitées et à faire valoir sa supériorité, on crée un monde sans pitié, dont on est bientôt la victime! On subit le sort de l'animal, qui trouve toujours un plus gros, un plus fort que lui! Il est tué, brisé ou chassé!

    D'autre part, on n'utilise pas sa liberté, sa capacité d'invention en fait! On répète un schéma, une fonctionnement qui enferme! On n'est pas libre, tant qu'on est dépendant de son amour-propre, même si les satisfactions de celui-ci sont grisantes! L'adaptation ici est quasi nulle et la mort ne peut être vue que comme une épouvante, un désastre! Pour certains, par contre, elle peut se dessiner comme une rencontre...

    Mais, vu le nombre d'individus qui se comportent comme des animaux et qui ne mettent donc pas à profit les qualités spécifiques des humains, il est normal de se demander pourquoi un tel gâchis et si peu de bonnes volontés! Pour lutter contre le désespoir, on détermine des raisons  et la première sans doute est que la société fait pression, qu'elle transmet d'une manière ou d'une autre ses peurs, de sorte que la majorité rejoint rapidement un cadre, le monde du travail, d'où il est difficile de voir plus loin que le bout de son nez!

    Mais également il est pertinent de considérer la force de la nature, de la vie! On est toujours surpris notamment de voir comment les plantes repoussent, avec quelle vigueur et dans quelles conditions! Si on compare cette force à une vague, il devient très compréhensible que le plus grand nombre soit emportée par elle, pour ne laisser sur le "rivage" que des "individus animaux"! Notre compassion ira vers eux, car ils brisent et sont brisés sans comprendre pourquoi!

    Le sage est plus souple; il sait déjà que son égoïsme le mène à une impasse et surtout il n'hésite pas à faire face à ses peurs! Il travaille donc efficacement et il s'aperçoit que son angoisse passe comme dans un prisme, pour se diffuser en peurs imaginaires et que nous pourrions encore nommer "préventives"! En effet, nous imaginons volontiers des situations qui peuvent nous blesser et nous y répondons, toujours par l'esprit, avant qu'elles ne se produisent, afin de "parer le coup", pour en diminuer l'impact possible!

    La tâche du sage sera de faire disparaître ces "voiles", qui le paralysent, qui l'usent et qui l'empêchent de voir la réalité dans toute sa grandeur! La raison et le repos seront ici nécessaires, car plus la fragilité psychologique se fait sentir et plus les peurs imaginaires sont nombreuses et grandes! Elles s'installent dans toutes nos "bosses", pour ainsi dire!

    Cependant, par sa maîtrise, sa paix, sa persévérance et encore par sa fidélité et son courage, et ce n'est pas exagéré tellement le contraste avec le monde extérieur est marqué! le sage retrouve une vérité ineffable, comme réapparaît une éclaircie! Cette vérité est bien entendu invisible à la foule des tyrans et des termites, qui s'agite incessamment dehors..., mais la vie est un don, qui témoigne d'une générosité infinie! Elle est en réalité d'une sérénité sans pareille! Elle est foncièrement créatrice et invite à toute liberté! Elle est donc pleine d'amour, d'où la joie du sage!

 
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