Paschic (ou Rank) 116-120

  • Le 09/03/2024
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R28

 

 

                      ""J'ai faim!" dit Big Jim."

                                         La Ruée vers l'or

 

 

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Une fois n’est pas coutume, la Machine, Bona, Lapsie et… Paschic sont au restaurant ! Les trois filles boivent beaucoup, quand Paschic s’ennuie déjà… « Attention ! Ta, ta, ta ! s’écrie Bona. Hier, saut en parachute !

_ Ouh ! C’est pas vrai ! fait Lapsie.

_ Si ! J’ai osé !

_ Ouh ! Santé !

_ Santé !

_ Alors, comment c’est ? demande la Machine.

_ Eh bien, la porte de l’avion s’ouvre… Tu vois des maisons et des champs… et faut y aller ! Go ! Go !

_ Waouh ! J’ pourrais pas ! coupe Lapsie.

_ Mais t’as peur et pourtant, t’y vas et quelle sensation de liberté ! Tu sens brûler ton ventre !

_ Ah ! Ah !

_ C’est d’abord la chute ! A toute vitesse ! Il n’y a plus que le vent et tu vois le sol se rapprocher ! Ça va très vite ! Trop vite même !

_ La vache !

_ Et hop, le parachute s’ouvre ! T’es tirée en arrière, puis tu descends doucement ! Y a plus qu’à poser les pieds, en douceur !

_ Ouh ! Ouh ! Elle l’a fait !

_ Faut oser les filles ! Faut pas laisser passer sa chance ! La vie est trop courte !

_ T’as raison ! approuve Lapsie. Moi aussi, j’ai une grande nouvelle à vous annoncer ! Ta, ta, ta ! Je divorce !

_ Bon sang, Lap ! Enfin ! fait Bona ! J’ t’embrasse ! Comme je suis fière de toi !

_ Tu peux ! Je me débarrasse de lui ! Je m’en rends pas encore compte ! Depuis combien d’ temps on était ensemble ? Cinq, six ans ?

_ Waouh ! Elle a osé !

_ Je me suis dit la même chose que toi ! On n’a qu’une vie et le bonheur est ici et maintenant !

_ Santé !

_ Santé ! J’avais peur, bien entendu, à cause des habitudes ! Mais je suis de nouveau libre ! J’ai eu le courage, waoouh !

_ Et ton mari, comment il l’a pris ?

_ Il était verdâtre !

_ Ah ! Ah !

_ Il m’a dit : « Mais voyons, Lap, je t’aime ! Tu n’a pas l’ droit d’ me faire ça ! » « Je n’ t’aime plus, Karl ! lui ai-je répondu. Où est la flamme entre nous ! Je veux vivre, Karl ! Tu comprends ? Vivre ! »

_ Ah ! Ah !

_ C’est ce que je dis à mes patientes, reprend Lapsie. Osez ! Ayez de l’audace ! Rien de pire que d’avoir des regrets !

_ Eh ! Oh ! Les filles ! intervient la Machine. Moi, j’ai quand même assuré ! J’ai veillé à ce que ma famille reste unie ! qu’on forme un clan ! Car y a rien d’ mieux ! C’est sacré ! Le bonheur de mes propres filles avant tout ! Et croyez-moi, ça c’est du boulot ! Combien d’ fois j’ai pas été face à l’ingratitude ? J’ai dû tout contrôler, même Tautonus ! Je suis passée par toutes les épreuves !

_ Bien sûr, la Machine, respect !

_ Respect !

_ Et Paschic qui dit rien !

_ Il boude !

_ Il peut pas dire grand-chose, il a jamais rien d’ fait d’ sa vie !

_ Pauvre Paschic ! C’est le méchant garçon à sa maman !

_ Ah ! Ah !

_ Vous voulez savoir ce qu’est le vrai courage, les filles ? coupe Paschic, la véritable audace ? Alors « ne vous souciez pas de ce que vous mangerez, ni comment vous vous vêtirez ! Car votre père qui est là-haut sait très bien de quoi vous avez besoin ! Mais rendez à Dieu ce qui est à Dieu ! » Ça, c’est fort les filles ! Ça, c’est de l’amour, comme vous ne l’imaginez même pas ! Au fond, vous êtes des branleurs ! »

                                                                                                  117

La Machine commande un galion… Elle se réveille dans sa cabine pleine de dorures et quitte ses draps de soie ! Elle se refait une beauté devant une psyché et s’habille, aidée par Bona ! « Alors comment est le temps ? demande la Machine.

_ Beau, vraiment beau !

_ Et l’équipage ?

_ Bien tenu par Lapsie !

_ Alors tout est parfait ! On va pouvoir chasser du pirate ! « Nettoyez la mer ! », m’a dit la reine ».

Les deux femmes montent sur le pont, la Machine dans un grand uniforme ! Au-dessus se gonfle une cathédrale de voiles, que l’équipage, entièrement féminin, contrôle sous les ordres de Lapsie ! « Lieutenant Lapsie, fait la Machine, les femmes sont en forme ?

_ Elle sont mieux que ça, madame l’amiral, elles sont enthousiastes ! Un hourra pour l’amiral, les filles ! demande en criant Lapsie.

_ Hourra ! Hourra ! font les filles du haut des vergues.

_ Longue-vue ! commande la Machine, qui commence à inspecter la mer.

_ Voile à tribord ! hurle la hune.

_ Je me demande ce que ça peut être… fait Bona.

_ C’est un pirate ! un va-nu-pieds ! répond la Machine en souriant. On va n’en faire qu’une bouchée ! Barre à tribord ! Hissez le cacatois ! »

Les ordres sont répétés et on gagne sur le pirate ! « Branle-bas de combat ! ordonne la Machine.

_ Tout le monde aux pièces ! » crie Lapsie.

Le galion présente bientôt ses soixante bouches à feux au pirate, qui n’est qu’un brick à l’air pacifique ! Les canons tonnent et toute la mâture du brick s’envole ! Le « pirate » est condamné à se rendre et leur commandant conduit devant la Machine, qui demande : « Qui est-tu ?

_ Paschic ! répond l’homme et immédiatement un frisson parcourt le galion !

_ Ainsi donc, nous venons de capturer le célèbre forban Paschic ! reprend la Machine.

_ Je me vois plutôt comme un aventurier ! rectifie Paschic.

_ Peu importe ! La reine sera heureuse de te voir pendu ! Mettez le prisonnier aux fers ! »

La soirée se passe en réjouissances et la Machine se régale devant un somptueux dîner ! Cependant, Bona lui murmure à l’oreille : « Il y a là un homme de Paschic, disant qu’il a un formidable secret à vous révéler ! » La Machine, d’abord contrariée, suit Bona et s’adresse à l’homme, avec un mouchoir sur le nez : « J’espère que c’est important, sinon tu iras rejoindre les requins !

_ Ça l’est, madame ! Paschic a un trésor fabuleux, sur une île non loin d’ici ! Il suffit de le faire parler !

_ Bien, je te récompenserai, si c’est vrai ! Comment t’ appelles-tu ?

_ Judas, madame ! »

Le lendemain, on conduit Paschic dans la cabine de l’amiral. « Il paraît que tu as un trésor ? fait la Machine. Amène-nous à lui et je te laisserai la vie sauve !

_ Je ne sais pas si vous en êtes digne ! »

Bona frappe Paschic : « Insolent ! crie-t-elle. Ce n’est pas une façon de parler à la Machine !

_ Pour ce que j’en disais..., répond Paschic qui se masse le cou.

_ Conduis-nous au trésor ! » répète la machine, dont les yeux brillent de cupidité !

On mouille devant l’île en question et une barque se détache du galion. A son bord se trouvent la Machine, Bona, Paschic et quelques gardes… On touche la plage, alors que des vagues remontent inlassablement vers les palmiers ! L’île semble déserte et on entre dans la jungle ! « J’ te préviens, Paschic, fait Bona, si tu t’es moqué de nous, tu n’ repartiras pas d’ici !

_ Attendez que je m’ repère, répond Paschic d’une voix quasi malicieuse. Il y a ce rocher en forme de crâne là-bas… C’est à une cinquante de pas après, dans une clairière !

_ Allons-y ! » ordonne brûlante la Machine.

On se remet en route et bientôt Paschic s’arrête, en disant : « C’est là !

_ Vite, vite, creusez ! » fait la Machine.

Paschic est mis à contribution et les pelles enlèvent de la terre, sous un soleil ardent ! Enfin, l’une d’elles frappe quelque chose de dur et on extrait avec peine un coffre ! On l’ouvre, mais il est vide ! « Trahison ! s’écrie la Machine, qui pointe un mousquet sur Paschic. Fais ta prière, chien galeux !

_ Mais je ne t’ai pas trompée, la Machine ! Regarde autour de toi ! Vois cette beauté, cette nature luxuriante ! Elle te donne tout ce dont tu as besoin ! C’est cela mon trésor ! Mais tu restes aveugle ! Ce que tu veux, c’est de l’or pour parader, jouir du pouvoir sur les hommes, mais à quoi bon ? Débarrasse-toi de ton ego et tu resteras ici en sécurité et en paix !

_ Grrrr ! »

La Machine tire, mais un cochon effrayé brusquement la bouscule ! Elle manque Paschic qui en profite pour s’enfuir ! « Courez-lui après ! hurle la machine ! J’ veux la peau d’ ce fumier ! »

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Qui ne connaît pas Las Vegas ? ses temples du jeu, ses décors extravagants, son ambiance électrique ? Dans un appartement d’un hôtel luxueux se joue une sérieuse partie de poker ! Sur la table, les jetons représentent des milliers de dollars et on arrive à un instant décisif ! Les visages sont tendus et il y a là l’Angoisse, une femme froide et sèche, sans doute la meilleure joueuse de poker de tous les temps, mais on trouve encore Lapsie, la Machine et Paschic !

C’est à Lapsie de parler… Elle regarde encore ses cartes, fait une grimace et dit « Je passe ! » Ce n’est pas une surprise pour les autres, car Lapsie n’a pas les reins assez solides, mais elle est encore « lessivée » ! Elle perd sa mise et n’a plus de fonds ! Elle a le destin des joueurs médiocres, qui confondent leur peur avec la prudence !

La Machine fait : « Eh bien les enfants, je crois que cette fois-ci le pactole est pour moi : brelan de reine ! » La Machine tend les mains, pour prendre les jetons, mais l’Angoisse l’arrête, en disant : « Tss, tss, la Machine ! Tu rêves à pleins poumons ! Regarde : brelan de rois !

_ Ce… ce n’est pas possible ! s’écrie la Machine.

_ Mais si… Une autre fois peut-être, la Machine…

_ Tu… tu as triché ! Espèce de salope !

_ Tu me déçois, la Machine… Je pensais tes nerfs plus solides !

_ Tu jouis, hein ? Tu m’as mise à plat et tu t’ régales ! Mais t’as triché ! T’entends, roulure ! »

La Machine se lève brusquement et saute à la gorge de l’Angoisse, qui fait un signe en direction du personnel de l’hôtel ! Aussitôt deux malabars se saisissent de la Machine, qui crie encore : « Mais lâchez-moi, les eunuques ! Je veux juste étrangler cette tricheuse !

_ Je crois , messieurs, que la Machine a besoin d’un peu d’air frais !

_ Mais lâchez-moi ! Je reviendrai l’Angoisse et je t’écraserai ! Je t’ ferai vomir tes tripes ! Et à vous aussi, bande de tarés ! Vous ne savez pas qui je suis ! Je suis la Machine ! »

On entend une porte claquer, puis c’est de nouveau le silence : « Ouf ! dit l’Angoisse. Regrettable incident ! Il est dommage de jouer avec des amateurs ! Mais on plumerait qui, s’ils n’étaient pas là ? N’est-ce pas, Paschic ? J’aime ton calme, j’ t’ assure ! Tu sais perdre avec élégance !

_ Qui t’a dit que j’avais perdu ?

_ Mais... »

A cet instant, Paschic montre son jeu et à la grande stupéfaction de l’Angoisse, quatre as apparaissent ! « Mais, mais ce n’est pas possible ! s’écrie l’Angoisse.

_ C’est ce que vient de dire la Machine !

_ Tu… tu as triché !

_ Allons, l’Angoisse, tu sais bien qu’on ne peut pas tricher contre toi… C’est inutile !

_ Je… je ne comprends pas… Tu as toujours perdu contre moi !

_ C’est vrai, j’ai longtemps eu peur ! J’ai beaucoup couru, mais on évolue l’Angoisse ! On apprend à ne plus te craindre et on finit par gagner contre toi !

_ Comment as-tu fait ?

_ Je me nourris de ma paix… Comme d’habitude, tu as effrayé tout le monde, par tes mises vertigineuses ! Tu parais alors invincible et on perd le sens du jeu ! C’est inévitable ! Lapsie se grattait même partout ! La Machine est plus costaude, mais elle ne pouvait s’empêcher de grimacer… Pour ma part, j’ai appris que ton comportement est essentiellement du bluff ! Il suffit d’attendre, de laisser passer l’orage, en s’accrochant humblement, mais avec confiance !

_ Tu m’impressionnes, Paschic !

_ Mais j’espère bien ! C’est des années d’efforts, de recherches solitaires, quand les autres s’amusent et boivent !

_ Donc, si je comprends bien, tu n’as jamais perdu de vue les cartes ?

_ Non, malgré la peur que tu produis… Je te le dis, maintenant je ris même de toi !

_ Très bien ! Mais… Euh… En ce moment, je suis un peu gênée… Tu pourrais me laisser une partie du butin… Je te rembourserai plus tard !

_ Non l’Angoisse ! N’y vois pas de la dureté de ma part, mais gagner contre toi, c’est aussi s’aimer soi-même ! Il ne faut pas culpabiliser parce que toi, tu prends ton air triste ! Sinon on repart pour un tour de manège ! T’as mille astuces dans ton sac !

_ Ah ! Ah ! J’aurais essayé !

_ T’inquiète pas ! Tu vas t’ refaire en un tour de main ! »

                                                                                                 119

« Aujourd’hui, Paschic, dit la Machine, je vais t’apprendre à diminuer ma charge mentale !

_ Ah bon ?

_ Oui, tu vas d’abord éplucher les patates, puis tu passeras la cireuse et tu nettoieras les carreaux ! Il faut que tout soit propre pour ce soir !

_ Qu’est-ce qu’il y a ce soir ?

_ Moi et Tautonus, nous recevons le préfet ! C’est bon pour la campagne de ton père et sa carrière ! Je te rappelle que c’est nous qui payons tes études !

_ Bien sûr !

_ Tu n’hésiteras pas sur l’huile de coude, hein, pour le ménage ! Et en revenant de l’école, tu passeras chez le boulanger et le poissonnier ! Ils sont au courant, c’est une commande ! Tu m’as bien compris ?

_ Affirmatif !

_ Cesse de faire le pitre ! Il faut que tu aides à la maison, sinon on n’y arrivera pas ! Je ne peux pas faire tout toute seule !

_ Évidemment !

_ J’ai vu ton professeur de maths et il m’a dit que tes résultats n’étaient pas très bons ! « Pourtant, il a le potentiel ! » a-t-il rajouté. Donc, c’est toi qui as la solution ! C’est à toi de travailler, est-ce que c’est clair ?

_ Oui…

_ Bon, mais on parlera de ça plus tard, car j’aurais encore besoin de toi avant le dîner, pour mettre le couvert ! Allez, au boulot ! »

Paschic fait comme on lui a demandé : il s’empresse de préparer les patates, il balaie, il essuie, il cire, il frotte, il prend son cartable et file à l’école ! Il essaie de ne pas s’endormir pendant les cours, il rit dans la cour de récré, puis il pense au boulanger et au poissonnier !

Il rejoint sa chambre et commence ses devoirs, en consultant sa montre, car il ne faut pas être en retard sur le programme ! Le couvert doit être mis à la minute près ! La Machine cependant est aux fourneaux et elle ne rigole pas : il ne s’agit pas de rater les plats !

Enfin, les invités arrivent… On les débarrasse, on leur propose un apéro, on se veut parfaitement détendu ! Dans les coulisses, Paschic range les manteaux, se tient au garde-à-vous, dans le cas où il manquerait des glaçons ou une bouteille de jus, pour quelqu’un qui ne boit pas d’alcool ! Paschic n’a pas la tenue du serveur, mais il a le même rôle !

On passe à table et les invités font part de leur admiration, pour la qualité du couvert et de l’entrée ! La Machine assure qu’elle a voulu faire simple, que ce n’est rien ! On se récrie ! On insiste sur la finesse du mets ! On loue les talents de cordon bleu de la cuisinière, on secoue devant elle l’encens et elle prend l’air modeste ! Elle s’enchante pourtant ! Elle semble avoir le nez dans la coke !

A chaque plat, on n’en peut plus de se ravir et Tautonus s’épanouit : les premiers jalons de sa réussite sont posés ! Il est maintenant intime avec le préfet ! Il pourra compter sur son soutien ! Malheureusement, en passant, on cite le cas Paschic, qui ne travaille pas assez à l’école ! Le préfet se veut rassurant, pour un enfant qui n’est pas le sien ! Il dit : « Mais laissez-le donc ! La jeunesse d’aujourd’hui a besoin de temps ! Quand il aura choisi sa voie, eh bien, il ira à fond, j’en suis sûr !

_ Tout de même, fait la Machine, je le soupçonne d’avoir une queue de vache dans la main !

_ Certainement ! » renchérit Tautonus.

On change de sujet ! « Il y a trois jours, vous ne savez pas qui j’ai rencontré ? demande le préfet. Baramut ! l’ancien ministre…

_ C’est pas vrai !

_ Si ! Si ! Alors, il m’a reconnu… Il m’a salué très digne…

_ Après ce qu’il a dit sur… C’est un comble !

_ Mais c’est un type très arrogant ! dit la Machine. Je le vois même snob !

_ Il ne pense qu’à sa carrière ! approuve Tautonus.

_ Bien sûr, il veut toujours aller plus haut !

_ Encore un peu de dessert, monsieur le préfet ?

_ Appelez-moi Jacques, je vous en supplie, sinon je vais encore me croire à la préfecture !

_ Donc, je vous redonne un peu de crème brûlée ?

_ Oui, elle est tellement bonne !

_ Ah ! »

Plus tard, les invités sont partis et il faut faire la vaisselle ! Paschic participe évidemment et il écoute : « Je crois qu’on a marqué des points ! dit la Machine.

_ Oui, ton crabe était merveilleux ! Bon, je vais me coucher, j’ suis crevé !

_ Bien sûr, chou ! Paschic, place bien le torchon à sécher ! Il s’agit pas de faire le boulot à moitié !

_ Tu sais, je connais un moyen de diminuer ta charge mentale…

_ Ah bon ? Ça ne m’étonne pas, monsieur je-sais-tout !

_ Il suffit de diminuer tes ambitions !

_ Quoi ? Qu’est-ce que tu as dit ? Non mais pour qui tu t’ prends, espèce de morveux ! »

Elle se met à frapper Paschic de toutes ses forces !

                                                                                               120

« Jeffrey ! crie le maire, dans son bureau qui domine la ville.

_ Oui, monsieur, fait le premier adjoint en entrant.

_ Vous entendez ? »

Le premier adjoint tend l’oreille, puis dit : « Non monsieur, je n’entends rien !

_ C’est bien ça, Jeffrey, on n’entend rien ! C’est le silence ! Et je n’aime pas ça, Jeffrey, oh non !

_ C’est curieux en effet…

_ Mais qu’est-ce que je vais devenir, moi, Jeffrey ? Le silence, il m’angoisse, c’est comme la mort ! Mais, bon sang, où sont les bruits de mes chantiers ? Il y en a partout et on devrait les entendre !

_ Je n’ai pas eu vent d’une grève pourtant…

_ Tout me semble si vide soudain ! C’est comme s’il neigeait ! Je me sens subitement inutile… J’ai l’impression d’étouffer !

_ Vous pourriez rentrer chez vous, vous reposer un peu !

_ Chez moi ? Et qu’est-ce que je ferais chez moi ?

_ Vous occuper de votre femme, de vos enfants…

_ Ma femme et moi, nous sommes de bons amis, Jeffrey… Nous avons chacun notre vie… et les enfants sont grands maintenant !

_ Un verre alors ?

_ Mauvais pour ma santé, Jeffrey ! Voilà que je transpire et que je dois m’essuyer ! Il me faut trouver une solution et vite !

_ Hélas, la cérémonie de la Libération a été reportée à cette après-midi !

_ Oh, mais je m’y ennuie de toute façon ! Non, ce qu’il me faut c’est du spectaculaire, du grandiose, du démesuré, Jeffrey ! Je veux voir ma ville grandir ! Rien n’est plus beau qu’un bâtiment qui sort de terre ! Du neuf, Jeffrey, je veux du neuf ! Voilà ce qui ragaillardit le sang !

_ La modernité…

_ Exactement ! Vous ne le savez peut-être pas, mais je suis issu d’un quartier plus que populaire ! Je peux même dire qu’il était pauvre, médiocre, miséreux ! Nous habitions dans une arrière-cour : pas de lumière et une odeur de chou qui ne quittait plus les narines !

_ D’où votre engagement à gauche...

_ Bien entendu ! Je me disais : « Plus jamais ces taudis, ces logements malsains ! » Le confort et la salubrité pour tous, Jeffrey !

_ Et vous y êtes arrivé ! Vous voilà maire et promoteur de votre ville !

_ Et on me critique pour ça ! On dit que je suis mégalomane, alors que c’est le bien du peuple, mon seul objectif ! Aaaargh !

_ Vous n’allez pas bien !

_ Le cœur ! Si je reste ici, je crains une attaque ! Ce qu’il me faut, ce sont mes chantiers ! le bruit des grues, des marteaux, des perceuses ! L’odeur du béton, je veux la renifler ! Je dois voir des types en jaune, avec un casque, qui crient ou qui étudient des plans ! Les rues bouchées, les façades qui s’élèvent vont me calmer !

_ Je sors la voiture ?

_ C’est ça ! Je vous retrouve en bas…, le temps de me rafraîchir un peu… »

Une Lincoln noire quitte bientôt la mairie et Jeffrey, la conduisant, demande : « Où allons-nous, monsieur le maire ?

_ Bon sang, j’ai dix mille chantiers ! On devrait en trouver un en activité rapidement, non ?

_ Voyons… La nouvelle gare routière, le nouveau stade, la deuxième ligne de tram, les logements en face des Impôts… On n’a que l’embarras du choix !

_ Stop, Jeffrey ! Stop !

_ Qu’est-ce qui s’ passe ?

_ Reculez ! Allez-y reculez ! Qu’est-ce que c’est que ça, Jeffrey ?

_ Un… arbre…

_ Un arbre, Jeffrey ! Et qu’est ce que j’ai demandé ? Qu’il n’y ait plus d’arbres dans ma ville, notamment à cause des étourneaux ! Étourneaux, que d’ailleurs j’entends ! Ah ! Ils se foutent de nous, Jeffrey ! Ils pavoisent, ils médisent, ils persiflent !

_ Les gars auront oublié cet arbre…

_ Où est la sulfateuse ?

_ Dans le coffre ! Mais les gens…

_ Ils verront que j’agis pour leur bien ! Et puis à cette heure-ci, y a pas grand monde ! »

Le maire sort du véhicule et prend un fusil-mitrailleur dans le coffre : « Bien les étourneaux, crie-t-il, la plaisanterie est terminée ! Vous êtes dans ma ville et c’est moi qui commande ici ! »

Le maire ouvre le feu, étête l’arbre, fait voltiger les branches et des dizaines d’oiseaux tombent sur le sol ! « Ah ! Ah ! jubile le maire. J’ suis dans l’action, Jeffrey ! Je n’ m’ennuie plus ! J’ suis heureux ! »

 

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