De l'agressivité

  • Le 30/03/2019
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De l agressivite

 

 

 

    Nous savons déjà que nous avons tous peur et que la première réponse que nous donnons, pour échapper à cette peur, est le renforcement de notre domination, de notre présence au monde.  Cela produit un certain nombre d'attitudes, qui dépendent de nos goûts, du sexe et même de la catégorie sociale. Mais toutes génèrent au bout du compte de l'agressivité, ce qui nous crée une vie dure et un environnement qui, en nous troublant encore plus, nous entraîne dans une impasse, un cercle vicieux! Mais regardons ce qu'il en est et à tout seigneur, tout honneur, commençons par la femme!

    Comme nous le savons déjà encore, si l'homme assure sa domination d'abord par la force physique, la femme, c'est par la séduction! Pour soulager son angoisse, elle cherche donc à séduire, mais, ici, nous ne sommes pas dans la joie, l'art d'éblouir celui qu'on a choisi! Il s'agit plutôt de la pression d'une inquiétude sourde, d'une anxiété diffuse, qui pousse à captiver un homme impérativement; le corps exhibant ses rondeurs, le visage défiant presque!

    Tôt ou tard, un homme finit par montrer son intérêt et dès lors la femme retrouve ses repères, avec le sentiment de sa valeur... Elle est en terrain connu et ne ressent plus sa peur, mais elle ne la guérit pas! Elle a en plus excité un homme, qui aura bien du mal à se calmer, car il a comme hérité de la tension de la femme, alors qu'il avait toute sa raison, toute sa paix!

    Il y a donc eu une agression, même si celle-ci appelle le plaisir, mais une relation serait très difficile... L'angoisse, en effet, fragilise les êtres et leur enlève la capacité du choix! C'est l'atermoiement qui fait le fond de la peur et si l'homme troublé veut se satisfaire, l'embarras de la femme ira en redoublant! Si elle cède, c'est par désespoir, parce que la solitude lui paraît de toute façon insupportable!

    Une sexualité qui n'est pas maîtrisée, comme on la voit le plus souvent chez les femmes jeunes, est un "sauve-qui-peut" de l'esprit... C'est un égoïsme qui jette à tout-va des étincelles et qui reprend des forces, en allumant des incendies! C'est une forme de violence, qui est très éloignée des élans du printemps (quoiqu'il soit déjà là!)! Ce n'est pas l'hormone qui agit, c'est l'angoisse qui brûle!

    Cependant, quand il a peur, l'homme n'est pas plus respectueux... Il veut un rapport de force! Dès que celle d'un autre homme l'inquiète, il s'empresse de se mesurer à lui! Il redresse son dos et passe à côté de son "adversaire", de sorte que celui-ci sente son infériorité!  Ainsi, est de nouveau "quelqu'un" celui qui était désorienté par la peur! Il n'est plus seul, en plaçant un autre dans son univers, comme la femme par sa séduction! Mais, pareillement, il provoque de la nervosité, il excite l'amour-propre de l'autre, qui pouvait être paisible, à dix mille lieues de toute concurrence et qui se voit soudain dominé!

    C'est donc encore une agressivité, qui peut faire naître du mépris et de la haine! Cette manière de régler son angoisse est tout aussi néfaste et improductive que la précédente, puisque le fond du problème n'est toujours pas résolu! C'est pourtant la plus courante! Combien d'hommes faudra-t-il défier, plus ou moins ouvertement, avant l'incident ou le vieillissement? On aura passé toute sa vie à distiller son venin! Evidemment, on évitera les plus gros, on n'est pas fou, mais on aura combattu sans relâche une inconnue, qui s'appelle la paix!

    On n'aura pas pris les vrais moyens pour être heureux et on aura rendu malheureux un grand nombre! Se satisfaire de son enfer n'est pas sans conséquences!

    Cependant, depuis longtemps, la société a raffiné la force physique en lui donnant les attributs du pouvoir ou de la richesse! Ainsi, un homme dans une belle voiture poursuit son rapport de force! Il y est d'autant plus à l'aise que le jeu de la conduite procure immédiatement du sens et rassure! Il y est encore à l'abri, mais la belle voiture, qui glisse et dont la valeur et la puissance sont évidentes, est destinée à impressionner, à en imposer: on ne va pas chez le concessionnaire  comme on achète son pain! On n'est pas innocent! (C'est encore la même chose pour le rugissement des motos!)

    Mais la femme aussi peut utiliser la voiture tel un atout de sa séduction! De quoi faire enrager les taliban!

    Notez que le port des lunettes de soleil, alors que l'astre du jour réchauffe à peine, est inspiré par la même logique! D'abord, on cache son regard et ensuite on se donne l'illusion d'un monde plus coloré! Mais les lunettes noires continuent à vouloir dominer, d'autant que la peur de leur propriétaire est masquée! Somme toute, on entre ici dans le domaine du ridicule, même si cela paraît un détail, car il ne faudrait surtout pas croire qu'il existe quelque chose de vraiment figé, qui soit en dehors de la psychologie de nos attitudes... "Tout est sensible!" disait Nerval et quand on a commencé, on n'en finit pas de dévider le réel!  

    Cependant, l'agressivité devient plus évidente avec la partie qui suit et c'est pourquoi nous l'appellerons la "zone"! Il s'agit des marginaux, qui notamment commencent à boire le samedi matin, car ce jour-là est déjà l'"antichambre" du dimanche; son rythme n'est plus celui d'une journée de travail; il est plus lent et permet ainsi à la peur de se faire sentir!

    On boit donc tôt pour parer le mal-être, mais la tentative est vaine! L'alcool procure le rêve, mais épuise et demande des doses toujours plus fortes! On est fatalement conduit à l'abrutissement et à l'agressivité! Toutefois, on évite de cette manière le vide qu'on associe au dimanche et qu'on redoute, puisqu'on le remplit en luttant contre sa gueule de bois; le corps endolori et la tête serrée, ainsi qu'on serait couché dans un cercueil rustique!

    Toujours le samedi, quand des marginaux occupent un appartement, les voisins en sont pour leurs frais! Ce sont d'abord des éclats de voix, car l'angoisse rend nerveux..., puis la musique est de plus en plus forte, jusqu'à isoler le marginal! Le voilà dans sa bulle et à partir de là, la vie est impossible autour! Ou bien c'est le marginal, ou bien ce sont les autres; mais la cohabitation est interdite, comme le dialogue! Si on se plaint, immédiatement le marginal se dresse sur ses ergots: il est de toute façon en guerre contre le système!

    Pourtant, on l'étonnerait bien si on pouvait lui faire comprendre qu'il a, face à sa peur, la même réaction que ceux qu'ils critiquent, à savoir le notable ou le bourgeois! Seuls les moyens changent! Le riche cherche à dominer en respectant des codes, tandis que le marginal crée le chaos! Mais c'est le même égoïsme qui veut s'imposer!

    A propos du bruit et comme les psychologues ouvrent parfois un œil, il est dit que le ronflement de l'ordinateur endort, met à l'abri son utilisateur, le sépare du monde réel et de ses aspérités! Ici, c'est le repli sur soi et l'absence de responsabilités qui sont montrés du doigt!

    Cela ne nous semble pas pertinent, car exagéré, mais il n'en demeure pas moins que, quand le bruit est fort, il peut produire un certain apaisement, avoir un effet anesthésiant, qu'on ne voudrait plus arrêter! Bien des employés municipaux, avec leurs souffleurs de feuilles ou leurs faucilles électriques, finissent par prendre plaisir à leur tâche et tout serait parfait dans le meilleur des mondes, si autour on pouvait encore s'entendre et vivre normalement!

    Cependant, considérons ces psychologues qui semblent dénoncer certains travers de nos comportements... Ils comparent encore, si nous ne nous abusons pas, l'état ou le gouvernement à une super maman, ainsi que le chat, dit-on, voit son propriétaire, ce qui expliquerait son ronronnement! Ils veulent ainsi s'élever contre la majorité qui fait appel à l'autorité pour régler tous ses problèmes  et qui manifestement n'arrive pas au stade adulte! (Hum! Citerons-nous les gilets jaunes?)

    De même, nous avons entendu jour un psychiatre critiquer ceux qui partent au ski, car là-bas ils vivent dans un monde poudreux et plein de blancheur, comme enchanté et irréel! Dans ce cas, encore, la frivolité et même la lâcheté des hommes étaient visées! Le skieur aurait dû avoir honte et regagner vite sa chambre, sans goûter à la fondue!

    Mais pourquoi ce mépris, cette haine, cette colère chez ces psychologues, car c'est bien de cela dont il s'agit; alors que la science n'a de valeur que si elle est objective? Mais l'explication est assez simple... Cette irritation, cette aversion sont en fait de grands classiques et apparaissent volontiers chez le névrosé! En effet, celui-ci a tendance à dépasser ses forces, à cause de sa fragilité, et tous ceux qui ne pensent pas comme lui, qui le contrarient attirent ses foudres! C'est le cri de la frustration! On fournit des efforts et on a l'impression de ne pas en être récompensé!

    La seule solution est de s'apaiser soi-même, car on ne corrige pas les autres en les heurtant, mais bien en les acceptant tout de même! Le mal devient meilleur quand il se sent encore aimable; cela seulement lui donne de l'espoir! Or, seule la paix donne la force et seule la force permet de sourire tout de même à la différence! C'est du b.a.-ba; même les escargots connaissent ça! Mais pas apparemment nos psychologues! Se croire averti sur l'esprit et ne pas voir sa propre haine! "Vous m'f'rez quatre jours, quatre! Rompez!"

    Mais l'agressivité vient aussi de notre environnement, de nos villes, de l'urbanisation... Il est normal que nos agglomérations s'étendent, puisque nous sommes de plus en plus nombreux, et le béton qui est pratique facilite ce mouvement, mais, en même temps, nous sommes de moins en moins capables de laisser une place à la nature, à la verdure, bien que nous en ayons besoin!

    Les arbres et les plantes, par leur variété, leur beauté, nous offrent un spectacle qui nous captive et nous apaise; tandis qu'une façade reste somme toute une fermeture! Mais nous sommes tentés, sur chaque chantier, de tout bétonner, pour ne laisser qu'une végétation pauvre, amaigrie, comme si nous ne comprenions pas la nécessité de sa présence et qu'elle n'était qu'un embarras!

    C'est que considérer le temps de la nature, prendre soin d'elle, respecter sa place nous contraint de ralentir, presque de nous arrêter, et c'est déjà l'ombre de la peur qui se montre à nouveau et qui nous presse derechef vers l'action, vers la solution la plus facile et qui apparemment ne demande plus d'entretien, d'y "revenir"!

    Le même problème existe avec les enfants, qui crient et qui pleurent, parce qu'ils sont fatigués, car ils ont dû suivre le rythme de leurs parents, qui fuient eux aussi leur peur, ce qui les empêche de régler les petits soucis de leur progéniture...

    Il est évident que les villes témoignent de notre angoisse, par leur radicalisation et que celle-ci ne peut pas ne pas nous agresser, mais il nous est a priori possible encore de nous tranquilliser avec un moyen qui paraît inoffensif et c'est la consommation! Si nous en avons les moyens, acheter nous occupe, nous donne de l'importance et même nous amuse! Nous rêvons encore de posséder tel objet et cela devient un but, mais, même quand il s'agit de nos loisirs, force est de constater que nous ne savons pas vivre, puisque nous nous précipitons, nous nous pressons vers les magasins, sans savourer notre plaisir!

    Certains sur le chemin tueraient père et mère pour arriver plus vite et font de la rue un terrain dangereux, et cette image sèche de l'égoïsme est l'une des plus désespérantes qui soient!

    Cependant, nous voilà à l'heure du bilan... Si nous totalisons toutes les sources d'agressivité que nous avons citées, il y a de quoi donner le vertige! Sexualité, domination, bruit, violences, environnement, consommation! Nous serions en droit de nous demander comment nous pouvons supporter la situation! Mais, en fait, nous n'y arrivons pas!

    La révolte des gilets jaunes en est la preuve, même si leurs revendications sont éloignées des causes profondes de notre mal-être! Les sirènes d'ambulances viennent encore confirmer notre désarroi et notre impuissance!

    Il n'est pas possible que nous ne soyons pas perturbés et notre sédentarisme s'explique aisément, car nous sentons tous combien il est difficile d'"affronter" le monde, comment chacune de nos sorties, qu'elle soit nécessaire ou attrayante, peut se révéler épuisante! Face aux agressions, le fil de notre pensée s'envole inexorablement et notre calme n'est plus qu'un souvenir! Même respirer correctement nous est inconnu!

    Nous restons alors chez nous, à l'abri des autres, devant la télévision la plupart du temps, tandis qu'elle nous fait croire que nous formons une seule et même grande famille éternelle! C'est absurde, mais nous sommes prisonniers de notre fonctionnement!

    Tant que nous voulons dominer, nous créons du trouble, nous nous fragilisons et nous nous détruisons! La domination n'est somme toute qu'une fuite en avant et pure folie est de penser encore, au vingt-et-unième siècle, que seuls les plus forts survivront! Signé le soleil!

 
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