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  • De l'emploi

    De l emploi

     

     

     

     

     

     

        _ Dis, grand-père, raconte-nous une histoire!

        _ Eh! Mais n'est-ce pas l'heure pour les enfants d'aller se coucher?

        _ Oh! Grand-père, tu nous avais promis!

        _ Je n'ai rien promis du tout!

        _ Grand-père, une histoire! Une histoire!

        _ Bon, mais après, vous irez au lit!

        _ Promis, grand-père!

        _ Hum! Alors... Hum! Je vais vous raconter l'histoire d'un ogre...

        _ Super! Chouette! Un ogre! Grrrrr!

        _ Eh oui! Un ogre... Il s'appelait L'Emploi!

        _ Comme le travail?

        _ Oui.

        _ C'est un drôle de nom, grand-père!

        _ C'est aussi une drôle d'histoire, les enfants!

        _ Et il était méchant, L'Emploi, grand-père?

        _ Terrible! Il était si grand que sa tête avait l'air dans les nuages! Et quelquefois des enfants, cachés dans les buissons, regardait son dos immense... Mais alors il se retournait brusquement et se penchait vers eux...

        _ Oh!

        _ Oui, les enfants étaient effrayés... et ils s'enfuyaient! Mais l'ogre les suivait avec son énorme œil noir comme une cheminée!

        _ Ouh! Tu nous fait peur, grand-père!

        _ Eh! Eh! Même le roi craignait L'Emploi!

        _ Même le roi?

        _ Oui, même le roi! Chaque jour, il demandait à tous ses conseillers: "Et l'Emploi, où en est-il? Comment il va? Qu'est-ce qu'on peut faire pour lui? Veut-il quelque chose?" Il posait toutes ses questions, car personne ne voulait mettre L'Emploi en colère!

        _ Oh non!

        _ Y avait même des spécialistes qui donnaient leur avis!

        _ Des spécialistes?

        _ Oui, des économistes, on les appelait! Toute la journée, ils essayaient de comprendre L'Emploi! Ils avaient des tas d'instruments de mesure! Ils étaient perchés sur le donjon et ils notaient des chiffres, dessinaient des graphiques... Ils surveillaient la santé de L'Emploi comme des docteurs!

        _ C'est vrai?

        _ Oui, comme ça de loin, sans approcher l'ogre, ils disaient: "Il est malade, il lui faudrait des vitamines, des légumes, des fraises des bois!" Ils cherchaient des remèdes, car si l'ogre souffrait; par exemple s'il avait mal aux dents; il pouvait se mettre à hurler, à s'agiter, à donner des coups de pieds dans les maisons, que sais-je!

        _ Oh là là!

        _ Mais même si on s'occupait de lui, L'Emploi était dur et sans pitié! Par exemple, s'il voyait un bois, il criait: "Coupez-moi tous ces arbres! On va construire ici des maisons, des usines!", ou bien il demandait de détruire une colline toute jolie, couverte de fleurs, pour faire passer une route!

        _ C'est pas gentil!

        _ Non, et si certains refusaient, parce qu'ils aimaient la nature, L'Emploi se mettait à gronder... "Vous ferez comme je veux! disait-il, car c'est moi le plus fort! C'est moi le chef!"

        _ Et on détruisait la petite colline?

        _ Oui... Il y avait pourtant une chose qui calmait L'Emploi: c'était la princesse!

        _ Ah!

        _ Oui, elle était fraîche comme une rose... et tenez-vous bien, les enfants, c'était une princesse qui travaillait! Elle était boulangère, elle vendait du pain chaque matin au pied du château!

        _ Eh ben...

        _ Oui et c'était un ravissement que de la voir, avec sa belle robe blanche.... et son magnifique sourire, qu'elle adressait à chaque client! Elle aimait son travail, elle se sentait utile... et elle ne savait pas à quel point, car pendant ce temps-là L'Emploi ne pouvait cesser de la regarder... Il rêvait, il était heureux quand il contemplait la princesse... Il s'asseyait dans l'herbe et restait tranquille... Tout le royaume profitait de cette paix et chacun en venait à penser qu'il faisait bon vivre! Mais un jour vint une sorcière, qui était pleine de ruses...

        _ Ouh! Une vilaine sorcière, grand-père?

        _ Oui, toute vieille, toute fripée, avec des boutons sur le nez!

        _ Beurk!

        _ Elle voulait du pain, mais elle n'avait pas d'argent! Elle dit pourtant à la princesse: "Tu es très belle et tu as l'air heureuse, mais il te manque tout de même quelque chose!" "Ah bon, et ce serait quoi ma pauvre femme?" voulut savoir la princesse. "J'ai là un parfum d'une fleur très rare, qui ne pousse qu'en Mongolie, expliqua la sorcière. Si tu t'en mets quelques gouttes, tu auras l'air d'un lys après la pluie et nul homme ne pourra te regarder sans être charmé!"

        _ Oh! oh!

        _ "Et quel est son prix?" demanda encore la princesse. "Deux pains! tu vois, je ne suis pas bien gourmande!" répondit la sorcière. Et l'échange eut lieu, les enfants! Le soir même, la princesse essaya le parfum... Il répandait une odeur délicieuse, qui enchanta la princesse et la fit s'endormir comme un ange. Hélas! elle ne se doutait pas que le parfum avait un pouvoir maléfique!

        _ Et c'était quoi, grand-père?

        _ C'est là que les choses se compliquent les enfants, car il n'y eut pas de changements spectaculaires! Le lendemain, la princesse avait l'air comme d'habitude... Elle vendait son pain avec le sourire, mais à chaque fois qu'on lui parlait du temps ou des problèmes des autres, elle faisait comme si elle n'avait rien entendu et elle se mettait à raconter quelque chose sur elle! A l'écouter, elle était la plus belle, la plus intelligente, la plus séduisante et même la plus courageuse!

        _ Eh bien, c'est beaucoup!

        _ C'était trop, les enfants! On était gêné de voir la princesse se donner autant d'importance, autant de qualités! On la trouvait soudain désagréable! Pourtant, on ne disait rien, car on ne voulait pas la contrarier, puisque c'était elle qui calmait L'Emploi!

        _ Ah oui! Si on avait énervé la princesse, c'aurait pu mettre en colère L'Emploi!

        _ Exactement! Mais un jeune chevalier passant par là se moqua un peu de la princesse! "Vous prétendez que vous êtes la plus courageuse, dit-il à la princesse, mais si une bande de brigands vous agresse, que ferez-vous?" Le chevalier demandait cela, parce que lui, il savait ce que c'était que de se battre! "Vous ne connaissez pas mon caractère de feu! répondit la princesse. Je chasserai vos brigands avec quelques mots bien sentis... et en les menaçant d'une fessée, si c'est nécessaire!"

        _ Hi! hi!

        _ Oui, c'est aussi cela qu'a fait le chevalier: il a ri! Mais la princesse s'est vexée: "Puisqu'ici on ne me prend pas au sérieux, a-t-elle répliqué, j'arrête de vendre du pain!" Et elle partit vers le château. Autour, personne ne comprenait pas la violence de sa réaction! Le chevalier n'avait pas voulu être méchant; il avait juste plaisanté... et ma foi, il avait exprimé le petit agacement que tous ressentaient au sujet du nouveau comportement de la princesse! Mais soudain, ce fut comme si tout le monde eût pris froid! Chacun commença à avoir peur: comment L'Envoi apprendrait-il la nouvelle?

        _ Han!

        _ Oui, le roi lui-même était inquiet! Il fit venir ses conseillers et aussi le chevalier... et tous se mirent à la fenêtre pour observer L'Emploi... Celui-ci était vert de rage et il tapait sur le sol, de sorte que tout le royaume tremblait! Il criait: "Où est ma princesse? Et pourquoi un chômeur de plus?" Un chômeur, les enfants, c'est quelqu'un qui ne travaille pas!

        _ Comme not' papa alors!

        _ Hein? Hum! Bon! Je continue mon histoire, les enfants... La situation paraissait désespérée, dans un bref délai les maisons pouvaient s'écrouler! Mais le chevalier aperçut dans les jardins du château la princesse en compagnie de la sorcière; et la plus jeune recevait une petite bouteille des mains de la plus vieille! "Voilà qui est étrange, pensa le chevalier qui connaissait de vue la sorcière. Ce flacon est peut-être la clé de l'énigme! Et cette nuit, j'en aurai le cœur net!"

        _ Et il a escaladé le mur du château, en s'agrippant à un lierre, qui montait jusqu'à la chambre de la princesse!

        _ Oh! oh! Je vois que j'ai affaire à des connaisseurs, les enfants! On ne peut pas vous surprendre! Et effectivement, au cours de la nuit, le chevalier entra silencieusement dans la chambre de la princesse! Elle dormait paisiblement... et ses longs cheveux noirs étaient comme des algues étendues dans la mer! Mais le chevalier avait un souci, il devait trouver le flacon... et quand il le découvrit, il vit que sur une étiquette il s'appelait: Vanité! Sans plus réfléchir, il échangea le parfum avec de l'eau et il repartit!

        _ Et alors, qu'est-il arrivé?

        _ Le lendemain, la princesse était de retour pour vendre son pain. Elle était aimable avec chacun et s'intéressait à tous! Elle ne parlait plus d'elle! Le pouvoir du parfum n'existait plus! Et L'Emploi avait lui aussi retrouvé le sourire! Le roi appela de nouveau le chevalier et lui demanda: "Comment expliquez-vous tout ceci?" "Mais sire, répondit le chevalier, travailler, c'est servir et aimeriez-vous servir, vous qui êtes le roi?" Non, parce que je suis le roi!" répliqua le roi. "Voilà, vous comprenez maintenant le comportement de la princesse, continua le chevalier. Un moment elle a cru qu'elle était la reine!" "Mais... mais elle le sera peut-être un jour, puisqu'elle est ma fille!" ajouta encore le roi. Le chevalier haussa les épaules: "Vous voulez vraiment fâcher L'Emploi?" dit-il pour terminer et il s'en alla.

        _ C'est fini, grand-père?

        _ Oui.

         _ Oh là là! Quelle histoire!

        _ Et maintenant, il est l'heure d'aller au lit!

        _ Bonne nuit, grand-père!

        _ Bonne nuit, les enfants!   

  • Du plaisir d'évoluer

    Du plaisir

     

     

     

     

     

        Je ne connais pas de plaisir plus ineffable que celui d'évoluer! Bien sûr, il y a le plaisir sexuel qui nous illumine comme un sapin de Noël, mais il est fugace et surtout il ne nous mûrit pas en profondeur: il nous "échappe" pour ainsi dire!

        Evidemment, il y a la science des caresses, l'"apprentissage" de l'autre; mais très souvent nous sommes pareils après l'amour, avec les mêmes soucis, et des fois cela peut être pire! En effet, quand on n'est plus aveuglé par le désir, quand il est enfin assouvi, on peut faire la grimace: le partenaire peut sembler une pieuvre avec un masque, quelque chose de repoussant, et commence alors la danse du mensonge, ou si on aime, on est à l'épreuve!

        Si c'est l'idylle, on n'en finit pas de se contempler, de se répandre; c'est sirupeux et non solide; on est sur la route de "Mièvre" et vite un marteau et un roc, qu'on attaque dans le vrai; qu'on construise! De l'air!

        Il y a encore le plaisir de manger quand on a les "crocs" ou de boire comme si on venait du désert, mais ces satisfactions, bien que vitales, n'en sont pas moins éphémères! Et si on parle d'évolution, on parle aussi de temps; y a pas moyen d'y couper!

        Mais avant de parler vraiment de notre sujet, commençons par dire un mot sur l'Evolution au sens scientifique; on donnera ainsi de l'extension, de l'ampleur à notre propos!

        Le paléontologue Teilhard de Chardin a inventé un mot, la Noosphère, calqué sur atmosphère; pour désigner la sphère de la pensée, la communication entre les hommes, le développement, l'extension de l'esprit!

        Car pour Teilhard, l'Evolution continue essentiellement en nous, en l'espèce humaine... Evidemment, cette vision ne fait pas l'affaire de la science matérialiste, car elle est anthropocentrique; elle place l'homme tel un apogée de l'Evolution, comme si celle-ci était dirigée!

        La plupart des scientifiques veulent avoir les coudées franches et croient ne pas pouvoir rester objectifs s'ils font tourner le paysage autour d'eux, si je puis dire. Se considérer comme une fin, c'est déjà préjuger; cela fausse les résultats... Seul le spectateur anonyme a bien vu l'accident, car il n'y a pas a priori d'intérêts!

        Pourtant, s'il y a bien une poursuite de l'Evolution; si on peut constater encore un développement vraiment important et même spectaculaire, c'est bien chez les hommes qu'on peut le trouver!

        "Attendez de voir la suite! s'écrient immédiatement des chercheurs, car qu'est-ce l'âge de l'humanité par rapport aux ères géologiques! J'serais curieux d'voir combien de temps vont tenir les hommes au regarde de celui des dinosaures!"

        Etrange réaction du monde scientifique, qui paraît se tirer une balle dans le pied! Etrange aversion pour soi-même! Etrange situation aussi, dans laquelle notre existence semble toujours aussi incompréhensible!

        La science matérialiste ne sait toujours pas quoi faire de la conscience: cadeau, accident, excroissance futile, instinct sophistiqué, boîte noire? Elle "refilera" peut-être la patate chaude à quelque E.T. de passage!

        Teilhard n'a jamais vraiment été aimé par ses pairs, qui le jugeaient pas assez rigoureux... Il n'a pas été plus appréciée par l'Eglise, bien qu'il fût jésuite; mais c'était un fervent défenseur de l'Evolution et à l'époque cette théorie sentait encore le fagot!

        Le Vatican n'a pas par ailleurs une meilleure position sur la question aujourd'hui: reconnaître pleinement l'Evolution, c'est accepter la fin, la destruction de la Genèse et on peut alors craindre pour le témoignage de Jésus... Mais Teilhard a montré qu'il n'en était rien! 

        Là aussi curieux mélange... Malgré le monde moderne, on continue de croire au diable et au péché originel! ce qui est prendre Dieu pour un imbécile, un sournois, un être mesquin! (Ceci étant, chaque cosmogonie ne pouvait pas être plus que la somme des connaissances d'une civilisation!)

        Reste qu'il est impossible de comprendre vraiment notre condition si nous ne prenons pas en compte que la sagesse se développe naturellement en nous; qu'elle a des lois que chacun peut apprendre; qu'elle invite la conscience à s'étendre tel un arbre infini! et que cela produit un plaisir de la même grandeur! C'est la jouissance d'un espoir sans bornes... et cela ne se refuse pas! 

        ("J's'rais tout de même curieux d'voir combien de temps vont tenir les hommes, au regard de celui des dinosaures!" fait malgré tout une voix hargneuse.)

        Bienvenue dans la Noosphère donc! Mais ça n'a pas l'air de vous enchanter! Vous pensez que c'est pas forcément un cadeau! rapport à l'anxiété, au volume quarante de Kant ou à tous les monstres que vous avez serrés dans le placard!

        Avec le temps, vous êtes devenu aussi prudent qu'un marines au Vietnam... De la fougère, la mort, la peur, la souffrance peuvent surgir à tout moment! Vous avez plus de trente ans de Noosphère derrière vous et vos yeux de vétéran se posent déjà sans chaleur sur les jeunes recrues!

        Vous savez que votre cerveau est comme une écumoire! Vous sentez comme les trous sont larges! Vous en avez froid à la tête (il vous faudrait peut-être un pansement...)! Vous vous demandez si vous n'allez pas subitement perdre un œil ou un bras! Cela semble impossible de tenir debout et vous préférez vous asseoir!

        On vous a obligé à jouer au Mikado au sommet d'une grue! ou bien vous avez compté les dents d'une scie, quand on vous chatouillait le menton! Vous pouvez être plus mince qu'une feuille à cigarettes!

        "Alors la Noosphère! Hein! Si ça intéresse quelqu'un, j'lui donne ma part! J'la vends pas! J'la donne!"

        Et puis il y a tous ces "Chinois" obscurs! qui ne font rien! qui vous narguent, vous poussent; qui braillent, qui font "la gueule"! qui suent, qui grimacent!

        Et puis il y a tous ces crocodiles, heureux d'être laids! qui vous croqueraient bien, qui se croient importants, qui se déplacent avec des bruits d'écailles!

        "Eh oui! Chapeau, la Noosphère! Les problèmes? Mais on les range avec un bulldozer! Les plaisirs? Un café, par-ci, par-là! Les bonnes nouvelles? Qu'est-ce que ça cache? J'ai marché près du râteau, là, non?"

        Pourtant, c'est passionnant!

        Bien sûr, il y a nos fatigues, nos doutes, nos énervements; mais cela reste tout de même enchanteur! Les spectres les plus hideux peuvent même devenir des curiosités!

        La machine, là, celle qui broie trente enfants à la seconde, va-t-elle prendre à droite ou à gauche?

        Tiens, elle sort un lance-flammes!

        Hi! Hi! Que c'est bon! ça brûle presque! Quasiment pile à l'heure! J'avais prévu une attaque c'matin... et il est midi! C'est la précision des lois de l'Univers!

        Quand on les connaît, tout devient facile! Les méchants sont aussi bêtes que les trains!

        Mais le plus intéressant, c'est s'améliorer soi-même! C'est étendre sa serviette, là où naguère on ne tenait pas en place, on se prenait la tête à deux mains! On sifflote maintenant, on a évolué!

        Hier, on criait presque; aujourd'hui, on est tranquille, on fait des mots croisés avec la vie!

        On demanderait presque une flèche empoisonnée, pour garder la forme!

        Rien ne vaut une attaque d'Indiens, pour vérifier que son revolver est bien graissé!

        A côté, y a des bagnards, des malades! On comprend, on voudrait les aider; on a l'antidote, mais ils n'en veulent pas!

        Oui, oui, leur boulet est lourd! Oui, oui, il faut des réformes! Oui, oui, tout ça, c'est la faute des rouges! Non? Des bleus! D'accord, des bleus!

        On sait de quoi souffrent ces gens; ils tournent en rond, ils n'évoluent pas!

        Leur haine, leurs jugements catégoriques finissent par fatiguer... On les quitte, c'est bientôt le printemps; les oiseaux chantent, la température remonte; elle prend son temps, comme nous!

        Les filles sont amusantes; elles sont comme les guêpes; elles agacent, puis leur beauté fascinent... et elles piquent, pour nous réveiller!

        Même la mort paraît drôle; elle est comme une sœur pour la vie!

        Et dire qu'il fut un temps où tout était noir! On suivait des tranchées; il pleuvait des bombes comme vache qui pisse!

        Mais on a tenu bon! On a fait les bons choix! On a eu raison! C'est pas absurde! On n'est pas dans un labyrinthe, avec des questions insolubles! Le gruyère est à portée de main!

        Et quel fumet! Mais au bout du compte qu'a-t-on (pas le Romain!) fait pour aller mieux? On est resté soi-même! On a été patient, confiant; on s'est efforcé à la simplicité; on a goûté le travail de l'arbre! On a attendu!

        Certes, on a été courageux! On a serré les dents! Mais surtout on ne s'est pas abusé! On a fui le mensonge; on a quitté la maternelle!

        La vie est un trésor inépuisable! On peut se mirer dans ses diamants! rigoler avec ses topazes! jouer avec ses émeraudes! rêver avec ses saphirs!

        Dehors, des fantômes passent... Ils murmurent, ils grincent, ils aboient presque; mais le bonheur n'est pas un os!

        Qu'est-ce qui use le plus? Le théâtre des vanités!

        Quel est le plus mauvais maître? L'orgueil!

        Il est sans pitié, il rend esclave, cruel! Il fait courir, il agite, il tord, il secoue ses marionnettes!

        L'égoïsme est comme une éponge aigre! C'est le sang des cadavres! C'est le rhumatisme du riche!

        Le sage a les pieds en éventail; le tyran calcule et donne des ordres à son état-major!

        Le sage est un idiot; le tyran a tous les diplômes!

        Le sage est un nuage, une musique; le tyran un poids de fonte, une fosse!

        Le sage est un reflet doré; le tyran a autre chose à faire! Il a des problèmes à régler! Il doit contrôler les "Russes" et le niveau d'oxygène!

        Le sage écoute, le tyran parle!

        Le sage aime le temps; le tyran le déteste!

        Le sage a pitié du tyran; le tyran le hait!

        Le sage vit, le tyran meurt!

        L'art d'être sage? C'est d'aimer même ses doutes! C'est d'en rire!

  • De la différence

    De la difference

     

     

     

     

     

        Se sentir différent est toujours difficile! On se retrouve seul dans sa propre famille, dans sa propre "maison"! On a les sensations d'un étranger et on souffre, et on ne sait pas pourquoi! Les autres ont l'air si à l'aise! Ils vont et viennent, tout à leurs occupations, à leurs projets! On paraît triste à côté d'eux... et on se demande ce qui nous manque!

        Bien sûr, même adolescent, on a entendu parler de certaines choses, venant de la psychologie... On connaît des mots inquiétants comme schizophrénie! On sait vaguement que ça veut dire à moitié fou, "dans son monde"! Le poison du doute coule dans nos veines; on doit avoir un problème, sinon on ferait partie de l'ensemble! 

        On se dit qu'on se regarde trop, qu'on se croit le centre du monde, que c'est ce défaut qu'il faut corriger, pour être aussi libre que les autres, aussi heureux! D'ailleurs, on est l'objet de beaucoup de reproches et on paraît si gauche, si perdu qu'autour ils rient, ceux qui sont cohérents! Pourquoi est-on si lourd?

        Parce qu'on réfléchit énormément sans doute! On analyse, on dissèque, on examine, car il y a quelque chose qui "cloche"! On a mal parce que les autres nous blessent, mais si on s'en plaint, les coupables nient toute attaque, toute action ou pensée malveillante: on est seulement la victime de son imagination! Il suffit peut-être de suivre le rythme..., d'imiter les comportements alentour; quasi de s'endormir comme dans un train!

        Mais de nouveau on nous réveille; on "veut notre peau" et ça hurle, ça crie, ça pousse, ça écrase, ça mord, ça cause de la peine! Et de nouveau on est dans le brouillard! Nos papiers étaient en règle, on contemplait le paysage, on était tranquille, on était poli, attentif, serviable; on était pour une fois "intégré"; on touchait nous aussi au bonheur... et soudain ce contrôle, cette colère, cette haine!

        Le problème ne vient donc pas que de nous, et pourtant c'est ce qu'on essaie de nous faire croire, et c'est pour cela qu'on ne comprend pas, qu'on navigue à la corne de brume! C'est peut-être au fond notre différence qui excite la haine! Car le groupe, lui, ne semble pas en souffrir! Mais alors cela voudrait dire que ses membres ne sont pas différents, qu'ils sont tous pareils! ou bien qu'ils ont signé un pacte! (Si c'est le cas, on n'était pas là ce jour-là!)

        On est comme Rouletabille sans sa vivacité! Les engrenages du cerveau ne cessent pas de fonctionner! " Donc, j'ai mal, mais c'est une illusion... C'est donc moi qui ai rêvé que j'ai mal... Les autres étaient dans l'autre pièce... et la porte de la salle à manger était fermée... Elle était fermée ou ouverte? Il faudra que je demande au domestique... Bien, on avance... Pour ne plus souffrir, il faut que je cesse d'être différent..., pour être comme les autres? Oui, mais si eux m'attaquent, ils ne doivent pas être bons! Ah! Mais je reviens à mon point de départ, qui est: ma peine est imaginaire! Voilà, au moins, ça c'est clair! (de notaire!)"

        Les années passent... On a été mineur en Alaska; on s'est marié trois fois! On a créé un journal qui a fait faillite! On a manqué de mourir de la rubéole! On a été indigné de voir l'invasion de Beltégeuse III, par Le Troisième quadrant! On a renoncé au tabac; on a construit un pont, aimé un chat; on a rompu tout lien! On a secouru des pauvres, lu beaucoup, pensé tout autant! On a même vu les amis réussir, devenir connus! Finalement, on est resté le même, aussi perdu, aussi différent, aussi compliqué!

        On aura tout raté! Une malédiction pesait sur nous! Non, on ne s'est pas assez analysé! On n'est pas remonté assez loin! Là encore, on n'a pas été à la hauteur! Irrécupérable pour soi, comme pour les autres, la société!

        Elle est toujours là! Rien ne paraît pouvoir changer! Et pourquoi cela le devrait-il? Ne vit-on pas dans le meilleur des mondes? N'est-ce pas notre différence qui était à changer? Si on souffre, c'est bien nous qui devons évoluer, non; c'est pas ça qui "traîne" un peu partout! Ah! Si on avait pu être comme les autres! Mais voilà on est "différent"! Voilà!

        Et les attaques, et les blessures, et les bourreaux, et les peines, illusion! Personne n'est méchant! A quoi bon?

       Mais pourquoi persévère-t-on? Si on se trompe du tout au tout, changer devrait s'imposer, être simple! La solution serait devant nous, comme un sourire engageant! Pourquoi y renoncerait-on! Et si c'était pas aussi simple? Et si notre nature, c'était justement notre différence, ce qui nous est viscéral? Autrement dit, en étant nous-mêmes, on souffre! Mais alors, la nature serait sadique, folle! sans logique! L'évolution ne serait qu'un mythe, comme la science!

        Qui se trompe? qui ment? Qui dit: "Je n'attaque pas!" et qui attaque! Qui dit qu'il ne connaît pas le plaisir? Qui abuse qui? Pourquoi s'ajusterait-on à ce qui est faux? Et si c'était l'ensemble qui devait se transformer et non pas nous-mêmes! Examinons le raisonnement suivant... Chacun est différent et donc conduit à devenir lui-même, unique, avec ses particularités! Chacun devrait donc connaître les mêmes difficultés (ou peu s'en faut), mais ce n'est pas du tout le cas! Au contraire! Celui qui se sent vraiment différent est exclu! Il est quasiment face à mur! Où sont ses frères de misère? ses compagnons de route?

        Et si les autres refusaient leurs différences? d'être eux-mêmes? Mais pourquoi le feraient-ils, mon Dieu? Pourquoi refuseraient-ils leur bonheur? Mais par peur par exemple... Hein? Quelle peur? Personne n'a peur! Chacun est responsable et fait son devoir!

        Ah bon! ça ne fait pas peur d'être soi; ça ne fait pas peur de dire "Je ne suis pas d'accord!; ça ne fait pas peur d'être lent quand tout va vite; ça ne fait pas peur d'être seul; ça ne fait pas peur de ne pas mentir, de ne pas se moquer, de se retenir, de montrer de la mesure, de paraître discret, tranquille, aimable, alors qu'autour on tempête, on juge, on jure, on frappe! ça ne fait pas peur de se sentir misérable, débile, incapable, repoussant même pour sa propre personne; ça ne fait pas peur de se croire dans la nuit en plein jour; ça ne fait pas peur de trembler sur ses jambes, écrasé sous le ciel?

        Et si les autres n'ont pas peur, pourquoi nous attaquent-ils? Pourquoi sont-ils agressifs? en colère? Qu'est-ce qui les inquiète à ce point? Qu'est-ce qui leur fait tellement peur? Ce serait pas notre différence, des fois? parce qu'elle montre qu'ils n'ont pas voulu de la leur? parce qu'ils n'ont pas cherché ce qu'ils étaient et ce qu'ils auraient pu devenir?  

        Ils protègent quoi? Si c'est la sagesse, si c'est la vérité, y a pas de quoi s'énerver! Il faudrait juste faire preuve de patience à l'égard de ceux qui sont un peu plus bêtes, qui sont mous du cerveau, qui ne savent pas se débrouiller avec leurs différences... Hein? Quand on est heureux et qu'on sait qu'on a raison, on ne peut qu'avoir pitié pour plus faible que soi! Pourquoi vouloir le faire danser et le traumatiser? Hein? A moins qu'on est peur bien entendu! Alors là tout s'explique!

        Et si le groupe avait peur et que c'était justement cette peur qui le cimentait! On tient quelque chose par là, non? Car on comprendrait les attaques... et pourquoi on peut pas s'intégrer! Car nous, on veut pas avoir peur! On veut comprendre, évoluer, connaître un vrai bonheur! C'est quoi cette existence de rat de cave qu'on nous propose?

        Hein? Mais regarde ma belle bagnole! Regarde mon pouvoir, ma situation! Et ma femme, comme elle est belle, hein? Et ma maison? Et tes chaussures, tu as regardé tes chaussures? C'est celles d'un minable! Peur, moi! A d'autres! C'est moi le caïd ici! Fainéant, va!

        OK! Mais alors pourquoi cette violence, cette colère, cette haine?

        _ Mais c'est dans ton imagination, tout ça! Tu sais bien ce que t'a dit le docteur! Tu es paranoïaque! Si au moins tu pouvais te rendre utile, au lieu de te contempler le nombril!

        _ Ainsi soit-il... et donc, vous n'avez pas le visage tout rouge? Vous n'avez pas les yeux qui jettent des flammes? Vous ne grimacez pas? Vous ne bavez pas! Vous êtes détendu, serein, aimable, patient!

        _ J'suis en colère parce que tu fais exprès de ne pas comprendre!

        _ A cause de ma mauvaise volonté?

        _ Exact!

        _ Et qu'est-ce que je dois comprendre?

        _ Peuh! Mais tout bon sang!

        _ Vous voyez, moi, je suis vraiment calme, sans haine même... Je ne m'énerve pas et savez-vous pourquoi? parce que je n'ai pas peur...

        _ Mais moi non plus!

        _ Et je n'ai pas peur, parce que j'ai voulu voir ma peur... J'ai accepté ma différence et je connais maintenant ma peur!

        _ Mais moi aussi!

        _ Mais tout à l'heure vous étiez en train de la nier!

        _ Va t' faire voir!

        _ Décidément, vous n'arrivez pas à vous calmer..."

        Bien, tous les protagonistes de l'affaire ont été réunis dans le salon... Il y fait bon, le feu crépite dans la cheminée et il n'y aura sans doute pas de problèmes d'inattention... Nous allons pouvoir expliquer les faits...  

        Voyez-vous..., dès le début de cette histoire, on nous a trompés! Vous vous souvenez? Lady Société agissait comme tous les jours! Son attitude était parfaitement normale! Et pourtant à quinze heures précises, on trouvait le corps de celui qui était différent dans la bibliothèque! Il y avait donc un assassin dans la maison... et un assassin très fort, puisqu'il nous faisait croire que le crime était absolument dépourvu de mobile!

        Le seul indice était cet acharnement avec lequel on avait frappé la victime... Quinze coups de couteaux révèlent une grande haine; une haine féroce, tenace! On devait beaucoup en vouloir à celui qui se disait différent! On avait manifestement tué sous le joug d'une passion violente!

        Quel lourd secret voulait-on cacher? Quelle avanie voulait-on venger? Qu'est-ce qui avait fait naître une telle envie de détruire? Quelle chose connaissait la victime que l'assassin redoutait? Lord Peur m'a donné un détail qui m'a éclairé sur le sujet!

        Souvenez-vous, au début de la soirée, il a dit: "Si quelqu'un refuse de me connaître et qu'il construit un barrage, celui-ci sera sans réelles fondations... Malheur alors à celui qui en dénoncera les défauts, car on ne voudra certainement pas tout refaire!"

        Eh oui! On profite du barrage... et... on pourrait tuer celui qui en discute la solidité, le bien-fondé même! Mais l'assassin a d'abord essayé de rendre fou celui qui se sentait différent! Rappelez-vous! Le "différent" rentre dans sa chambre et il y trouve le coq ensanglanté! Il est effrayé et sort pour appeler les autres, mais quand tout le monde revient dans la chambre, le coq n'est plus là! Et naturellement, on soupçonne la folie!

        Mais le "différent" a persévéré, c'est dans sa nature... et on l'a frappé, avec toute la haine que dictait la peur! Ce n'est pas une perte financière qu'on craignait, mais c'était justement toutes les peurs qu'on avait jusque-là évitées, chassées de son quotidien! On a tué à cause d'un abîme, ou de ce qu'on croyait tel!

        Vous êtes tous coupables dans cette pièce! Chacun a donné son coup de couteau! Et tout cela parce que vous n'avez pas voulu être vous-mêmes! être différents! Par peur! Et pour pouvoir tout de suite en profiter!

        Vous avez menti, à vous-mêmes et aux autres! Votre vie est devenue mauvaise, violente, haineuse, faute d'autres solutions! Vous n'avez pas cherché! Plutôt que d'évoluer, vous avez préféré détruire, c'est tellement plus simple! Par orgueil, vous êtes des assassins! Vous êtes des enfants... terribles, sanguinaires! Il vous fallait juste un peu d'humilité! Mais c'était déjà trop pour vous!

        Rien que vous et rien d'autre! Qu'on les emmène!

  • De la science

    De la science

     

     

     

     

     

     

        Disons-le tout net: la science nous ennuie, car elle est un peu comme le bébé qui vient de faire caca dans sa couche et qui regarde sa mère l'air de dire: "Je sais que ce n'est pas agréable, mais je n'ai pas pu faire autrement!" En d'autres termes, la science empoisonne notre quotidien, parce qu'elle croit détenir la vérité et que celle-ci doit être dite, même si c'est pénible! Bref, la science n'a pas le choix et nous non plus devant ses besoins!

        Mais la science comprend-elle vraiment le monde? Nous allons montrer qu'elle ne le fait qu'à moitié et que c'est justement pour cela qu'elle a des effets néfastes sur notre développement! Nous verrons comment les "apôtres" de l'objectivité nous brisent le moral, comme des spectateurs jettent des peaux de bananes sur un ring! Les scientifiques, des irresponsables? Nous le prouverons sans forcer! Mais auparavant il est bon de recadrer certaines choses...

         Malgré les apparences, la science, telle que nous la connaissons aujourd'hui, est une "invention" récente! Aux origines, elle est sans doute née de l'art, puisqu'elle est d'abord une observation, une description de la nature; ce que sont déjà les peintures pariétales!

        On pourrait m'objecter que le sens de l'art, en ces temps farouches, était sans doute très différent du nôtre... et effectivement il n'y avait pas encore de musée d'Orsay! D'ailleurs, je défie n'importe quel scientifique de me donner une définition satisfaisante de l'art!

        Cependant, on peut comprendre que le pouvoir de créer, le génie en quelque sorte, ait été rattaché très vite à la cosmogonie, au culte! La conscience appelle la conscience! Ceux qui ont essayé d'expliquer le monde, grâce à des dieux, se sont naturellement servis de ceux qui paraissaient les plus doués pour les choses de l'esprit!

        Ainsi, les premières connaissances étaient les lois du culte... et les premiers savants étaient des prêtres! Les druides en sont un exemple remarquable... et il faudra beaucoup de temps, comme on le sait, pour que la laïcité s'impose et permette à la science de prendre son envol!

        Il y eut pourtant des esprits scientifiques isolés et on ne peut qu'admirer comment ils ont abouti à de grandes découvertes, avec si peu de moyens! Par ailleurs, la science aime à rappeler ses martyrs, comme Galilée et Bruno, qui ont été les victimes de l'autorité religieuse...; mais pour combien de morts pour leur foi? Enfin passons...

        Le siècle des Lumières prépare la révolution... La philosophie s'affranchit du dogme de l'Eglise; elle réclame son indépendance, pour pouvoir étudier sans préjugés les phénomènes, la matière... La République s'installe vraiment au dix-neuvième siècle, qui sera celui de la révolution industrielle: les découvertes de la science sont mises en pratique!

        Le vingtième siècle est leur apogée: on passe de l'invention de l'électricité à l'ordinateur domestique! Un tel bond ne peut être comparé qu'à l'effervescence des arts au siècle précédent... et il sera peut-être unique dans l'histoire de l'humanité!

        L'Evolution invente "définitivement" la science moderne, ce qui fera dire à son principal auteur, Darwin, qu'il est agnostique: c'est-à-dire qu'a priori il ne sait rien, que seul compte l'objectivité, le résultat de l'expérience! La science purement matérialiste est née, défiant tout anthropocentrisme! et donc toute spiritualité!

        De plus, arrivée la dernière, la science est tentée de penser que tout ce qui l'a précédé appartient à l'obscurantisme, y compris l'art et la religion! Heureusement, elle s'est libérée de tous ces idiots qui par peur voyaient des dieux partout! Et en ce qui concerne les excités du pinceau ou de l'archet, grâce aux travaux de Freud, on sait quoi en penser! (Les seuls problèmes sexuels de Léonard ont de quoi faire frémir!)

        C'est pourtant curieux que la science, qui explique le génie artistique par la névrose et même l'autisme, ne se soit pas regardée elle-même dans le miroir! Ah! Mais peut-être a-t-elle trouvé une autre origine au génie scientifique d'un Darwin, d'un Einstein ou d'un Pasteur? Si oui, pourquoi restons-nous dans l'ignorance? Si non, c'est le serpent qui se mord la queue et il vaudrait mieux la mettre en sourdine, non?

        Toutefois, la science est devenue l'étrave de nos civilisations... C'est elle qui fait désormais  autorité pour comprendre l'Univers et nos misérables vies! La spiritualité ne correspond plus qu'à nos sentiments personnels, qui restent bien au chaud, dans le domaine du privé!

        La laïcité est certainement un bienfait, car la foi s'accompagne volontiers de passion et peut faire des victimes; mais nous aboutissons à une situation quelque peu étrange... D'un côté, une science qui progresse et qui nous vante ses découvertes; et de l'autre une opinion qui dit oui, oui, mais qui dans le même temps n'en pense pas moins, qui garde ses convictions! Tout se passe comme si le plus grand nombre savait inconsciemment la seule science insuffisante pour expliquer le monde! A méditer...

        Cependant, nous avons droit régulièrement, de la part de nos chercheurs, à des prédictions! Dame! Elles s'établissent sur des chiffres! Les faits sont là! Et il n'y a plus qu'à laisser aller la logique! (Toujours cette science victime de la vérité!)

        Inutile encore de dire que ces prédictions sont les plus pessimistes, et même les plus lugubres, les plus noires! Dans les années cinquante, c'est l'armement nucléaire qui allait pulvériser la planète! Toujours à la même époque, on prévoyait pour l'an 2000 une famine monstre: les trois quarts de la planète devaient en souffrir! Certains penseurs avaient même prévu de supprimer par prévention un pourcentage de l'humanité, pour qu'elle puisse continuer! Je n'invente rien: ces idées ont été développées dans différents articles...

        Et la dernière prédiction qui remporte la palme du désespoir, c'est celle de l'astrophysicien Hawking, qui nous annonce que nous devrons tôt ou tard quitter la planète! Bien sûr, il ne faut pas être dupe: Hawking a des actions chez Cook ou chez Samsonite!

        Cela peut paraître moqueur, mais nulle prédiction ne s'avère exacte! On n'en finirait pas de mesurer l'égarement des scientifiques, même si les problèmes qui les préoccupent sont eux bien réels! Mais il est impossible de prédire l'avenir! Il faudrait réunir toutes les connaissances des hommes pour cela; et encore!

        Ainsi, nul n'avait prévu le Printemps arabe! Et la crise des "subprimes" n'a-t-elle pas surpris le monde? Pour l'anecdote, quelques jours avant un tremblement de terre, des sismologues italiens affirmaient qu'il n'y avait aucun danger! Ils ont d'ailleurs été poursuivis par la justice, sans suite, mais le cas fera peut-être jurisprudence!

        Mais au fond qu'est-ce que révèlent les prédictions sinistres des chercheurs sinon leurs propres inquiétudes? sinon leur incapacité à être heureux, en paix avec eux-mêmes! sinon leur impuissance à vivre le moment présent? sinon que la science ne peut à elle seule être notre avenir?

        Demandons-nous ce qui est le plus utile, le plus efficace, le plus nécessaire? Quelqu'un qui nous alourdit, nous accable, nous fait peur? Ou bien quelqu'un qui nous libère, nous apaise et nous conduit à espérer?

        Qui croire? Celui qui est figé, tourmenté et triste, ou bien celui qui est fort, serein, ouvert? Si la paix ou la joie n'ont pas de bases solides, elles ne peuvent qu'être le fruit de l'ivresse, d'une excitation malsaine, et elles ne font pas longtemps illusion!

        Certains scientifiques rayonnent, car ils ont la vision d'une science qui ne serait qu'à l'aube de son développement et qui un jour résoudrait tous nos problèmes; mais nous ne pouvons les croire, car nous connaissons le cœur de l'homme et nous savons que ces personnes défendent d'abord leurs intérêts, leur raison d'être, leur égoïsme en somme... Nul ne peut se satisfaire de n'être qu'une brique dans l'édification d'un mur! Un tel détachement, une telle abnégation, un tel héroïsme ne sont permis que par l'hypocrisie et la naïveté! Que se passe-t-il quand la vieillesse et la proximité de la mort font ouvrir les yeux? quand on comprend le prix d'une vie? Qui paie alors les pots cassés? Qui essuie la haine due aux frustrations?

        Il ne s'agit pas bien entendu de nier les mises en garde de la science, de "faire l'autruche", mais les mesures à prendre, les réponses à donner, les nouveaux comportements à adopter ne doivent pas être dictés par l'épouvante, la menace, le "trop-plein"; sinon il y a naturellement rejet; l'esprit se ferme instinctivement! car il ne trouve pas sa nourriture!

        Si c'est écrasant, sans issue, on ne peut mobiliser l'énergie! Il faut que les hommes s'aiment pour qu'ils agissent! Rappelons que nous voulons d'abord sentir notre importance, notre valeur, et on peut nous sermonner, nous corriger, mais il ne sert à rien de nous étouffer, de nous accabler! Et c'est pourtant cet effet-là que produisent les déclarations comme celle de Hawking! "Il va nous falloir quitter la Terre!" "Mais où ai-je mis cette paire de chaussettes que j'aime tant? Je vous préviens: sans elle, je vais être malade dans la fusée!"

        Comment réagit un agriculteur à cette annonce, lui qui mieux que nul autre connaît la générosité de la terre? Il sait des choses sur la nature dont Hawking n'a absolument aucune idée! Que peut-il penser sinon que certains scientifiques n'ont plus de contact avec le réel et qu'ils sont payés à ne rien faire!

        Ah! Mais le spécialiste a une analyse plus globale et il devine l'avenir! Qu'on me permette d'en douter! Si on ne comprend pas les petites choses, comment pourrait-on évaluer les grandes? Un astrophysicien, hors de son univers de chiffres, a-t-il déjà admiré la force d'une graine?

        Si les adultes grincent des dents aux mauvaises nouvelles, les jeunes, eux, les absorbent et s'en désespèrent! On entend certains dire: "De toute façon, c'est foutu! C'est perdu! On a raté le coche!" Ils croient réellement que notre planète est condamnée et que toute leur vitalité est donc inutile! Comment alors ne pas comprendre leur désir de s'assommer, de se "supprimer" avec de l'alcool? Quelle douleur, quelle angoisse ne doit-on pas ressentir à se développer dans un monde mort?

        Et les propos sinistres, inquiétants et catégoriques de la science ne font qu'amplifier un tel mal-être, et c'est pourquoi nous pouvons parler de scientifiques irresponsables! Et nous sommes maintenant en droit de nous demander qu'est-ce qui chez eux peut provoquer de tels tourments, un tel scepticisme, une telle agitation?

        Nous savons que nous sommes tranquilles et forts quand nous sentons que nous avons raison, quand nous sentons notre réussite! A ce moment, rien ne nous paraît impossible!

        Au contraire, nous devenons inquiets, fragiles, irritables même, dès que notre personnalité devient diffuse, anodine, invisible; et c'est bien encore cela qui est en question ici! A travers leurs troubles, les scientifiques cherchent à retrouver leur place, leur rang et c'est pourquoi encore ils nous montrent une carence, un manque plutôt qu'une réalité, une vraie urgence!

        Mais qu'est-ce qui permet d'atteindre la paix? d'être heureux de vivre le moment présent, d'être serein devant l'avenir? Ce n'est pas de s'élever socialement, d'être meilleur que les autres, car c'est sans fin! Pouvons-nous croire à la satiété de notre amour-propre? Ne faut-il pas seulement une journée pour de nouveau nous assombrir, quand bien même nous aurions gagné au loto ou nous serions une star? Nous savons bien qu'il en est ainsi...

        Mais celui qui se ferait une idée de l'infini ne pourrait-il pas se sentir protégé, tranquillisé? Ne verrait-il pas la petitesse de nos vies, l'absurdité de nos inquiétudes? Ne serait-il pas à même de se détendre comme nul autre et de voir clairement notre folie? ce qui ne l'empêcherait pas de nous aimer, tout au contraire: car seul celui qui est paisible est disponible!

        Cet infini, chacun peut le voir, le découvrir: il se donne par la beauté... et elle se révèle d'autant qu'on se sépare de son égoïsme!

        Ainsi, l'art nous est aussi et peut-être plus nécessaire que la science, car il est naturellement une porte vers la beauté...

        Ainsi encore, malgré son étymologie, science n'est pas sagesse, car il lui manque d'ouvrir les yeux sur la beauté (c'est quelque chose qu'elle a sans doute perdu en route...)!

        Ainsi toujours, le sage vaut mieux que toutes les madame Irma de la science! Mais nous réglerons nos comptes plus tard...

        Ceci étant, tous les troubles ne sont qu'un vol de pollen pour l'éternité!

  • Des attitudes

    Des attitudes

     

     

     

     

     

        Pour vérifier ce que je dis au fil de mes articles, il suffit d'observer les gens dans la rue... Si la plupart des gens ne donnent que comme seul sens à leur vie, comme seule boussole, leur instinct de dominer, leur supériorité, leur vanité satisfaite; alors tous leurs comportements peuvent être reconnaissables, en tournant autour de ce désir, qui devient une nécessité... Rien n'échappe ici à la logique!

        On peut ainsi distinguer deux grandes attitudes: celle du tyran inoffensif et celle qui le montre  agressif. Mais nous allons voir que la frontière entre les deux est minime et qu'elle est rapidement franchie!

        Cependant, l'attitude du tyran inoffensif est la plus commune, même si elle présente des traits caractéristiques! Par exemple, en ce moment, il est intéressant de regarder autour de soi, à un passage piétons... Des individus y arrivent comme si on pouvait traverser à tout moment, et ils mettent un certain temps avant de reconnaître qu'ils doivent s'arrêter, puisque les voitures circulent... D'ailleurs, certains essaieront tout de même de forcer le passage, mais cette impatience, cette nervosité n'est pas provoquée parce qu'on est pressé: sa raison est bien plus subtile!

        En effet, l'immobilité pour le tyran est synonyme d'angoisse... En marchant, il élabore des projets; il est dans une dynamique, il est plein de lui-même! Soudain, il doit faire face au monde extérieur! Il y a des règles à respecter! L'illusion, le rêve d'un coup s'interrompt! Le tyran alors se dandine, sa tension est palpable; il est faible sur ses jambes, car il n'y a pas de bases! Le tyran ne vit que s'il est en représentation, que si son égoïsme est nourri!

        Autrement, il est comme une marionnette qui n'est plus tirée vers le haut, et cette attente, au passage piétons, peut être pour lui une véritable torture! Il dispose cependant de certains palliatifs...; notamment il peut téléphoner!

        Le succès du téléphone mobile n'est pas seulement dû à son utilisation pratique, car communiquer comme on veut permet de se sentir chez soi partout: c'est son propre univers qu'on déplace!

        Grâce à l'échange téléphonique, on reprend de l'importance; on est de nouveau le personnage principal, le centre de l'action, ainsi que le monde extérieur ne serait plus qu'un décor! On quitte l'oppression de l'anonymat! l'armée des sans-grades, le flot laborieux! 

        On brille, on semble énergique, équilibré, éminemment sociable, sur la voie de la réussite! Mais au fond on ne dupe que soi-même: le monde est vaste et chacun continue sa route... La tyrannie inoffensive devient alors agressive! La personne qui téléphone élève la voix, de sorte qu'il est impossible pour ceux qui sont autour d'échapper à la conversation! C'est l'existence d'un seul qui s'impose et qui prive les autres de la leur!

        On joue un personnage devant un public involontaire et qui souvent n'a pas d'autres choix que d'attendre la fin du spectacle! Il y a même des acteurs mythomanes! Ils parlent de New York ou de telles célébrités qu'ils connaissent bien...

        Au lieu d'essayer de découvrir le monde, le tyran au téléphone veut l'asservir... et il n'arrange rien, ni pour lui, ni pour les autres! Il n'évolue pas, ne se consolide pas et ne pourra qu'augmenter son agressivité!

        La même façon de faire est adoptée par ceux qui ont les yeux rivés sur l'écran de leur appareil! Ils marchent comme s'ils étaient devant une petite télévision: la rue est leur salon! Et quand ils relèvent la tête, ils ont l'air surpris que des inconnus existent! C'est une façade, un rôle évidemment, qui n'est pas sans mépris!

        On peut encore citer la tête pourvue d'écouteurs et dont les oreilles paraissent emmitouflées. Si la musique est perceptible, l'individu n'a pas de cerveau: les décibels l'ont dissout!

        La tyrannie de la musique devient franchement agressive avec la voiture qui assourdit tout sur son passage! celle dont les enceintes mugissent et sont sur le point de crever! Ce vacarme fait l'envie de tous les cirques! Mais là encore on veut "terrasser" le monde, au lieu d'aller à sa rencontre! C'est une impasse!    

        Les tyrans inoffensifs ont d'autres moyens pour se rassurer... A deux, ils peuvent occuper le trottoir... Dès qu'on parle dans un lieu public, on se rassérène! On est prêt à repartir de l'avant, on n'est plus un quidam quelconque! Mais de nouveau le mensonge n'est pas loin, avec ses corollaires, le trouble et la perversité!

        Car le tyran qui échange peut vous empêcher de passer, en se plaçant au milieu du trottoir... Il vous oblige de cette façon à le contourner... et tout le temps que dure cette opération, il trône à côté comme un dieu grec, ou s'il est une petite vieille, comme si elle détenait des secrets d'état: le but étant qu'on retienne votre attention!

        Soudain, le tyran s'écarte; la mine apparemment confuse... Il a tout l'air en effet de s'excuser, mais cette politesse vient trop tard pour être sincère: n'étiez-vous pas déjà en train d'éviter l'obstacle, la question n'était-elle pas déjà réglée?

        "Ah! me direz-vous, mais la personne se rend enfin compte qu'elle gênait!" Pas du tout! Cela est au contraire orchestré de main de maître... C'est le petit plus... On attend maintenant vos remerciements... Votre attention ne suffisait pas, il fallait aussi votre regard! Et il est vrai qu'il est difficile de passer indifférent, de paraître comme un rustre!

        On bredouille alors un vague merci, qui indique qu'on n'est pas dupe, qu'on est victime d'une fausse politesse... Mais on a tout de même jeté vers le tyran un coup d'œil et il nous a pris un peu de force!

        Il est sans doute surpris lui-même, car il s'attendait à plus de naïveté de notre part, ce qui se serait traduit par une reconnaissance voisine de l'effusion! Mais "les temps sont durs" et enfin son stratagème lui aura procuré quelques miettes... Mais ce qui est à retenir, c'est que les tyrans sont capables de n'importe quoi pour être le point de mire!

        Dans les zones piétonnières défilent lentement les voitures et c'est là qu' on voit combien le système, notre société s'est bâtie sur notre soif de dominer! C'est cet instinct-là qui fait l'armature de notre quotidien! La ville surtout est une scène, sur laquelle chacun peut s'exhiber, dans l'espoir de se faire admirer!

        Les carrosseries des SUV sont taillées comme des diamants et certains phares sont allumés, pour donner encore plus d'éclat! Ces véhicules larges et massifs en imposent et ils sont tels les carrosses d'autrefois, car ici aussi on veut montrer son importance sociale, sa réussite!

        Un tel spectacle ne peut qu'assombrir l'âme pur, car il est l'essentiel des individus qui le constituent et il semble impossible d'espérer le remplacer, ou tout du moins le faire évoluer, sans déclencher les hostilités les plus dures, voire les plus brutales!

        Ceci nous amène tout naturellement à la haine et au mépris déclarés du tyran! à son attitude clairement agressive!

        A première vue, celle-ci est destinée à vous gâcher la vie, à vous faire "rentrer sous terre", car n'est-ce pas là que demeure tout ce qui dégoûte?

        Sous le ciel bleu, vous devriez être atteint, marqué par le regard injurieux du tyran... et en effet ce n'est pas très agréable! Que vient faire l'animosité de quelqu'un qu'on ne connaît pas dans notre bonheur, notre tranquillité? On pourrait se fâcher...

        Mais en fin de compte l'agressivité du tyran nous rappelle que nous sommes en guerre! Sans elle sans doute nous finirions par croire aux calembredaines de la société, de la psychologie, de la psychanalyse et j'en passe! Sans elle, nous pourrions nous persuader que si nous allons mal, c'est seulement de notre faute! Sans elle, le pays de cocagne (le rêve américain en somme!) que laissent entendre les médias et l'air du temps ne serait plus un mensonge, une illusion, une destination imaginaire!

        La tyran est notre petit "Boche" à nous! Il nous rappelle que nous devons rester sur nos gardes, que la paix est fragile! Et si nous voulons vraiment ne pas inquiéter nos amis allemands, nous dirons que le tyran est notre petit djihadiste à nous! C'est lui qui avec sa bombe, son couteau et son "flingue" veut nous faire la peau!

        Pourquoi?

        Mais pour une raison très simple, parce qu'on ne s'occupe pas de lui! parce qu'on paraît libre, heureux sans lui! Ce qui est un comble! Car lui n'est pas bien et vous, vous pourriez ne pas en être affecté? N'est-ce pas de votre faute si lui souffre? N'êtes-vous pas un de ces parasites qui grèvent le France? D'ailleurs, les coupables, on les connaît! Ce sont les étrangers, les Russes, l'Union européenne, le gouvernement, les voyous de toutes sortes!

        Celui qui méprise domine! Et la haine du tyran a tous les droits! Elle peut aussi venir des personnes les plus insolites... Vous plaignez cette infirme? Mais quand vous croisez son regard, il vous jette tout ce qu'il a de plus fielleux! de plus accusateur!

        Sondez votre âme, vous qui êtes en bonne santé! Rappelez-vous... Vous étiez ivre ce soir-là et vous n'avez pas pu éviter cette femme qui traversait la route! C'est là qu'elle a perdu l'usage de ses jambes! Soyez damné!

        Vous trouvez sympathique cette face rondouillarde? Mais elle a une moue au passage..., qui semble dire:" Comment pouvez-vous être aussi repoussant? N'en avez-vous pas honte?"

        Remarquez que la haine du tyran peut encore indiquer le "beau fixe" sur notre baromètre, car c'est notre assurance qu'il envie!

        Cependant, toutes les attitudes que j'ai décrites jusqu'à présent ont un effet commun, c'est qu'elles sont épuisantes et même destructrices pour les autres! Le tyran prend sans donner! Il demande sans l'avouer! Il vide et blesse! Il vole de l'énergie!

        Voilà pourquoi nos vies restent si dures! Voilà pourquoi nous ne sommes pas heureux, alors que nous possédons tout ce que désire l'autre moitié de la planète, celle qui n'est pas riche!

        Il existe pourtant une tout autre attitude, celle de donner sans prendre! Elle est possible parce que le sage s'efforce d'établir son équilibre autrement qu'en voulant dominer les autres! Sa stabilité ne dépend pas de l'intérêt qu'il provoque ou non! Son succès est indépendant de l'admiration qu'il suscite ou non!

         Ses racines plongent au plus profond de l'existence; elles se nourrissent de lois naturelles et qui ont un écho éternel! Nul doute qu'il puisse tenir sur ses jambes de lui-même! Il est chez lui dans la beauté, dont il acquiert le rythme!

        Il ne perd donc pas de forces; au contraire il peut en donner! Et il ne cherche à nuire à personne: il n'en a pas besoin!

        Il ne fatigue pas, car il n'est pas une source d'inquiétudes! Il est disponible, curieux... Son bonheur n'est pas de vaincre, mais de comprendre! Sa victoire, c'est la sagesse! Elle est comme de l'ambroisie, car absolument rien ne peut en altérer le sens!

        Le tyran envie secrètement la force, le plaisir du sage; mais il ne veut pas en suivre les pas: il aurait l'impression de déchoir! Son orgueil y renâcle!

        Le tyran est devant un dilemme: il veut être heureux sans se priver de son égoïsme! Il veut le triomphe et en même temps la paix, la sécurité! Il s'use à essayer de résoudre cet équilibre impossible; il va vers toujours plus de tyrannie; sa haine grandit et il peut se jeter dans la guerre, pour laisser les événements décider pour lui!

        Il est comme certaines femmes qui prennent le risque d'être défigurée par la chirurgie esthétique, pour que le temps ne fasse surtout pas voir leur âme sur leur visage!

        Le sage, lui, ne craint rien!

         

       

  • De notre fragilité

    La fragilite

     

     

     

     

     

     

        Si vous avez lu mes précédents articles, nous pouvons avoir maintenant une idée assez claire sur ce qui compose notre paix et donc notre bonheur de vivre. Je tiens à refaire le point, car je parle de moments de quiétude tels qu'ils pourraient être qualifiés d'illuminations, mais je me rappelle aussi toutes les difficultés que j'ai dû subir avant d'arriver à ce résultat!

        Beaucoup d'entre vous sans doute sont en train de les connaître et en souffrent certainement, mais il n'y a pas de formules, de "trucs" pour aboutir subitement à la paix, puisque nos vies sont également des maturations... Il faut beaucoup d'expériences et de temps, bien des vicissitudes et des peines, afin de se dégager de ses inquiétudes, de ses tourments, pour voir notre quotidien d'un œil neuf, avant de jouir de nos propres connaissances!

        Mais le voyage en vaut vraiment la peine! ne serait-ce que quand on prend conscience de l'aveuglement cruel et destructeur de la multitude, auquel on a échappé grâce à son courage, à sa persévérance et surtout à sa bonne volonté et à sa gentillesse! La joie que l'on éprouve alors est d'autant méritée que la plupart font leur propre malheur, en ne voulant pas céder sur leur égoïsme; mais nous y reviendrons encore...

        En fin de compte, ce que je vous propose ici c'est d'étayer une histoire, celle qui deviendra la vôtre! C'est l'histoire de l'individu qui se met debout sous le ciel et les étoiles; qui essaie d'être entièrement et pleinement, en donnant le meilleur de lui-même; et qui veut connaître le bonheur, la justice; qui s'obstine dans la souffrance parce qu'il aime éperdument la vérité!

        Si nous sommes dolents, c'est bien à cause de l'injustice, n'est-ce pas? 

     

        Mais il existe trois facteurs qui constituent notre paix... Le premier est le plus général: c'est l'influence de la nature sur nous et plus précisément celle des conditions météorologiques. Notez que ce phénomène jusqu'à présent avait toute son indépendance... Ce n'est plus le cas aujourd'hui: nous sommes suffisamment nombreux et immatures pour détériorer le climat et en "payer le prix"! Plus nous sommes énervés et plus le temps nous "renvoie la balle"!

        Voilà plus d'une semaine que dans ma ville, les sirènes d'ambulance sont quasiment ininterrompues! Nous nous "fracassons", pour parler crûment, sous l'effet de l'angoisse!

        Et je suis effaré de voir à quel point les tyrans ignorent l'action aussi simple, aussi évidente de ce facteur! Cela veut dire qu'ils sont tellement obnubilés par leur égoïsme qu'ils sont incapables d'être un tant soit peu lucides et d'effectuer le moindre pas de côté, ce qui leur permettrait pourtant de relativiser considérablement l'importance de leur trouble!

        En effet, que pouvons-nous comprendre ces jours-ci? Nous savons que nous avons une origine animale; or, pour les animaux, l'hiver est synonyme de nourriture rare et de lutte contre le froid. Ils éprouvent donc un sentiment d'insécurité, dont nous avons forcément hérité! Et cela se traduit par une anxiété instinctive, à laquelle nous devons faire face jusqu'au retour du printemps! (Pour plus de détails, je vous renvoie à mon texte "Sur le temps".)

        Comment peut-on se priver d'une telle connaissance, d'une telle consolation? Car de savoir que notre réveil pénible est en réalité le lot de tous, n'est-ce pas enlever de la gravité à notre mal? N'est-ce pas apaisant de comprendre que notre souffrance ne vient pas seulement de nous, mais qu'à la ronde on la ressent également? Et n'est-ce pas revigorant d'avoir la curiosité attisée, par le comportement des autres face à l'obstacle? Comment se débrouillent-ils? Et n'est-ce pas sain de s'intéresser à autrui volontiers?

        Pourtant, la science ne fait qu'effleurer le phénomène... Elle parle vaguement d'absence de lumière, de dépression automnale... En aucun cas, elle ne mesure l'importance de ce qui se passe, car c'est chaque jour que la nature nous transforme! Une telle inertie, une telle lacune de la part de ceux qui font vocation de comprendre laissent pantois!

        Plus déconcertant encore, le deuxième facteur, lui, est absolument inconnu aux yeux de la science! Il s'agit de l'existence des tyrans! Rappelons en quelques mots ce que cela veut dire... Nous savons que l'Evolution est l'histoire d'une individualisation, car plus les espèces apparaissent tard et plus leur constitution est complexe et donc distincte!

        On peut même penser que c'est la suite logique de l'histoire de l'Univers, qui "n'est rien d'autre" qu'une lente complexification de la matière! Mais l'individualisation est poursuivie, amplifiée par la sélection naturelle, qui veut que ce soit le plus fort qui puisse procréer: la concurrence ne peut que conduire à une affirmation de soi!

        Cet instinct se traduit chez nous par le besoin de s'imposer aux autres, de faire valoir notre personnalité, notre réussite, et autrement dit, ce que nous recherchons d'abord le plus viscéralement, c'est de satisfaire notre égoïsme! même si bien entendu cela reste sous l'influence de nos hormones, provoqué dans le but de la reproduction, etc. 

        Nous pourrions donc continuer la vie des animaux, si nous étions dépourvus de la conscience! Le sujet est vaste, vous vous en doutez, mais on peut comprendre que notre capacité à analyser, à nous rendre compte, nous permet de "balancer" la force de l'instinct! C'est ce qui fait a priori notre originalité et qui a donné lieu à la civilisation... Par exemple, il fut un temps où les Spartiates tuaient les enfants mal formés, parce qu'ils ne feraient pas de bons soldats. Aujourd'hui, une telle pratique nous paraîtrait monstrueuse!

        La civilisation nous conduit à nous séparer du règne animal, grâce à notre raison, qui se nourrit elle-même des expériences et des connaissances que les hommes accumulent; et il appartient à chacun de trouver un équilibre entre la force de l'instinct et les arguments de la conscience... C'est évidemment très compliqué, car l'esprit peut s'abuser lui-même et nous avons vu que l'hypocrisie peut être totalement ignorée par ceux qui justement en montrent le plus! (Voir "De l'hypocrisie"...)

        Mais on peut comprendre aussi que le plus grand nombre cède davantage à l'instinct qu'à la raison, car c'est ce qui paraît le plus séduisant, le plus facile, et parce qu'évoluer effraie, puisque c'est d'abord un pas vers l'inconnu! Bref, la majorité cherche obstinément à satisfaire son égoïsme, se justifie même par la raison, et c'est ce qui forme ce que j'appelle les tyrans!

        Ceux-ci veulent que le monde tourne autour d'eux, comme on s'occupe des bébés, et c'est à un tel point que les tyrans haïssent et veulent détruire tous ceux qui leur échappent (en fait tous ceux qui ne les admirent pas, le sage en premier!)

        J'ai déjà expliqué maintes fois quels dégâts et quel chaos produisent les tyrans et comment ils font que la société évolue si peu! C'est donc un facteur essentiel pour comprendre la vie et l'origine de nos blessures; et pourtant, comme je l'ai dit plus haut, le phénomène est absolument ignoré par la science: les théories de la psychologie et a fortiori celles de la psychanalyse le prouvent!

        Je propose donc aux scientifiques et aux tyrans de faire don de leur cerveau, car c'est un organe qui ne leur sert à rien! (le tyran continuant la vie animale sous le couvert de la civilisation: il n'est qu'un barbare policé!) L'avenir de l'humanité dépend de la prise de conscience des tyrans à se reconnaître comme tels! non par le despotisme d'une idéologie, d'une foi; mais parce qu'on finira par comprendre que le contentement de l'égoïsme ne mène pas au bonheur, qu'elle est une voie sans issue! (J'ai déjà encore beaucoup écrit là-dessus!)

        Cependant, si on veut contrôler l'instinct, il n'est pas possible de le supprimer, sinon c'est la maladie, la névrose qui apparaît (il faut bien que les travaux de Freud servent tout de même à quelque chose!) et c'est cette problématique qui nous conduit au troisième facteur et qui est en fait le but de ce texte!

        Ce dernier facteur (à moins d'une guerre ou d'un tsunami évidemment!) est le plus connu, le plus classique quand on parle de la personnalité et c'est bien entendu notre propre histoire, qui commence par l'enfance et les traumatismes que subit celle-ci! C'est le domaine dont se réclame avec suffisance la psychologie, mais, je le répète, il est lui-même incompréhensible sans prendre en compte les deux précédents facteurs, et je vous laisse imaginer les salades infinies que produit "l'autarcie" de la psychanalyse...

        Mais comment fonctionne ce facteur, comment agit-il? Il aisé de comprendre que puisque les tyrans sont majoritaires, il est à peu près impossible que les parents n'en soient pas et les traumatismes sont donc inévitables! Car, encore une fois, notre égoïsme ne peut être satisfait (voir mes articles précédents...) et l'enfant décevra forcément ses parents...

        En fait, dès que vous venons au monde, nous intégrons une chaîne de souffrances (et de joies!), qui montre un monde toujours en évolution! Mais, là où les choses se corsent, c'est que bien sûr nous pouvons avoir tous les degrés dans la tyrannie: il y a des parents tyrans moyens, comme il existe des super tyrans!

        Ceux-ci, on s'en doute, seront encore plus traumatisants que les autres; ce qui ne veut pas dire non plus qu'ils soient absolument incapables d'affection...; entendons-nous, je ne décris pas le diable, mais ils feront tout de même plus de mal que de bien!

        D'une manière générale, le père fera "payer" à l'enfant sa frustration sociale... et la mère s'en servira comme d'un paillasson, pour retrouver sa position de pouvoir au sein de la famille! Le parent super tyran imprimera dans le cerveau de son fils ou de sa fille qu'ils ne sont jamais à la hauteur, qu'ils sont trop médiocres et qu'on n'en fera jamais rien!

        Autrement dit, ces enfants-là n'auront pas de fondations et resteront extrêmement fragiles! à un tel point qu'ils pourront éventuellement plus tard se blesser "jusqu'à l'os", puisque leur "maison mentale" n'aura pas de plancher, de défenses!

        Tout cela constitue la base du plat qu'on prépare..., mais il faut maintenant l'épicer, lui donner du goût... Et si au parent super tyran, on ajoutait un enfant super sensible! Hein? qu'est-ce que vous en dites? Un enfant au tempérament d'artiste, doux, méditatif, plein d'amour pour ses parents; ne désirant qu'une chose: leur plaire! avec de longues antennes réceptrices, de sorte qu'on les écrase sans même s'en apercevoir, ni sourciller! Bref, le meilleur petit garçon ou la meilleure petite fille, face au pire parent! Hein?

        Hummm! Je sens que notre préparation commence à avoir un bon fumet! Mais on est loin du compte! Cet enfant égaré, souffrant, misérable, malheureux comme une pierre, on va l'entourer d'une société gouvernée par l'hypocrisie, qui nie notamment son plaisir, qui paraît n'être conduite que par le travail, le devoir; à laquelle on voudrait sans tarder décerner la médaille du mérite! et qui pourtant hait, méprise tout ce qui lui apparaît différent, libre supérieur! de sorte que notre enfant n'y trouve aucun repère, aucune consolation, qu'il en soit encore plus perdu, plus désorienté; jusqu'à être comme invité à se voir toujours aussi détestable (et ce n'est pas la psychologie qui lui fera comprendre que ce n'est pas lui le problème, mais les tyrans!), ce qui le conduira à se détruire encore plus! Hein? Là faut avouer qu'on tient le bon bout! On s'en lèche déjà les babines, non?

        Il ne reste plus que la touche finale! Un héritage culturel, religieux, dont l'auteur s'est sacrifié pour les autres! (loin de moi de traiter ici un tant soit peu le "cas" de Jésus!) Hein? Si notre jeune être est bien ce qu'on pense de lui; c'est-à-dire s'il est prêt à mettre toute sa bonne volonté à se torturer! je pense que très peu d'entre vous seraient prêts à miser sur lui! Il y a très peu de chances en effet qu'il ne finisse pas comme une voiture accidentée! abandonnée dans quelque décharge!

        Si j'écris ces lignes, c'est pour vous mettre en garde, pour que vous vous montriez prudents! La première moitié de la vie peut n'être qu'un escalier descendant vers l'enfer! C'est toujours plus de peines, de nuits, d'effrois! C'est de la misère, de l'amertume, en veux-tu en voilà! tandis qu'autour rien ne bouge! Le tyran n'est pas aussi malheureux que cela, sachez-le! Il a le nez dans les plaisirs! Pour lui, la société, c'est l'école qui continue! Vous le plaindrez, quand vous-mêmes serez en paix, à même de connaître un bonheur plus enviable et meilleur que le sien!

        Et ne vous attendez pas à ce que le parent tyran reconnaisse ses torts! N'espérez pas la justice de côté-là! Car déjà il ne se rend même pas compte de son hypocrisie! La paix est une sorte de petit miracle qui vous viendra avec le temps! La compréhension des choses ne vous échappera pas! La sagesse est "prévue au programme"! Les hommes ne peuvent lutter contre la vérité! Ils s'usent à ce combat et tôt ou tard elle apparaît!

        Il faut que vous soyez là pour voir ça! Et donc ne disparaissez pas en route! Puissent tous ces mots vous y aider! Ne perdez jamais de vue les trois facteurs! (Ce n'est pas un message de la poste...)

  • Sur la beauté

    La beaute

     

     

     

     

     

     

        La beauté est un guide, et c'est peut-être le seul dont nous disposons vraiment! Certains scientifiques ignorent, dédaignent, méprisent la beauté, parce que disent-ils: "Elle est une invention de l'homme!"; au contraire de la gravitation notamment, qui existerait sans lui!

        Cette dernière peut donc être étudiée tout à fait objectivement (loin de nos pattes sales... ou pleines de doigts!) et elle garde donc toute sa valeur aux yeux de la science! La beauté serait essentiellement subjective, n'apporterait pas grand-chose à notre connaissance de la stricte réalité et bref, elle n'est pas l'affaire des gens sérieux, de ceux qui se croient lucides et qui sont persuadés de ne pas se laisser abusés!

        Mais les faits justement ne sont pas aussi simples! Einstein par exemple ne pouvait pas concevoir une bonne théorie sans qu'elle soit belle! Si sa célèbre formule E = mc2 lui paraît aussi vraie, c'est d'abord parce qu'elle est si simple; la simplicité étant un gage de pureté, d'efficacité et donc de vérité! L'esthétisme est une variable nécessaire de la logique... et donc de la science!

        La confusion, le manque de clarté provoquent inévitablement la suspicion, quand au bon raisonnement et au bon résultat; ce n'est pas un professeur de mathématiques ou de physique, corrigeant les copies de ses élèves, qui vont me contredire!

        D'ailleurs, la plupart des scientifiques découvrent leur vocation grâce à la beauté des phénomènes et au pouvoir attractif qu'elle exerce sur eux! Mais nous allons voir que ce rejet, cette indifférence que témoignent certains chercheurs, à l'égard de la beauté, n'est pas seulement un parti pris, mais que cela révèle au fond un manque, pire un vice! et nous pouvons déjà dire que ces personnes-là, malgré leur assurance ou leur morgue, sont perdues, sans espoir et sans joie!

        Pour ne pas avoir l'air péremptoire ou suffisant, je vous propose de commencer par l'exemple de la relation sexuelle, car elle nous amène à utiliser la beauté, à reconnaître son importance et même sa nécessité, d'une manière évidente!  

        L'homme est attiré par les formes voluptueuses de la femme, par ses courbes, sa peau délicate... La femme par contre recherche les lignes droites ou les angles, la fermeté de la chair; tout ce qui lui paraît opposé à son propre sexe! Elle est synonyme de sensualité, d'abandon; et l'homme représente la force, la décision!

        Mais on comprend bien que plus la découverte de l'autre est intense et patiente et plus la jouissance est puissante et complète, plus elle est un achèvement et apaisante; alors qu'un rapport précipité énerve plutôt, tant l'orgasme, s'il se produit, semble éphémère!

        C'est ce que nous désignons maladroitement par respecter ou non les préliminaires..., maladroitement parce que ce dernier terme suggère tout de même une opération chirurgicale... ou tout du moins un exploit sportif! Mais la société n'est pas non plus "payée" pour avoir bon goût, ni pour être intelligente!

        Toujours est-il qu'il existe une relation entre la beauté et notre maturation, car évidemment plus nous sommes maîtres de nous-mêmes et plus nous pouvons montrer à l'autre que nous sommes sensibles à sa séduction, à son charme!

        Quand on est jeune, on est aussi inquiet qu'énergique et on veut son plaisir tout de suite, comme la réponse à ses questions! Mais le "sens", le secret, c'est justement la beauté!

        On peut encore s'interroger sur l'origine de celle-ci, car à travers notre exemple, on voit bien que la beauté est d'abord inspirée par la force et la santé! L'équilibre, l'harmonie excluent a priori la maladie et les extrêmes: un individu trop grand ou trop petit; ou trop maigre ou trop gros ne sera pas d'emblée sélectionné!

        Et c'est en effet la sélection naturelle qui doit être à l'origine de la beauté: pour les animaux, le mâle le plus "séduisant", c'est d'abord bien entendu celui qui est le plus fort! même si c'est le plus coloré! car l'éclat des couleurs est encore un indice de vitalité!

        Les femelles semblent moins sujettes à cette compétition, mais nous voyons que chez les humains, c'est tout le contraire! Le diktat de la mode est tyrannique pour les femmes, quand l'homme ne fait qu'en hausser les épaules!

        En tout cas, nous sommes bien loin là de l'idée que la beauté est une pure invention de l'homme! Elle a ses racines dans le règne animal et le singe est bien plus près de la comprendre que la gravitation; dont il ne se soucie aucunement! A méditer...

        A vrai dire, si nous pouvions prendre conscience de l'importance de la beauté, de sa présence infinie à côté de nous (ce qui suppose aussi à sa source une générosité sans bornes, notez-le bien!), nous n'aurions plus rien à craindre! Nous serions très proches de la béatitude! Notre paix et notre joie seraient elles-mêmes infinies, à la mesure de leur nourriture!

        Si notre monde nous paraît dur, hostile ou absurde, c'est à cause de nos comportements! Et donc de nos choix!

        Celui qui a les yeux ouverts et qui voit la beauté comme un souffle incommensurable, une création perpétuelle, d'une richesse qui défie l'imagination, même à l'échelle la plus intime! celui-là peut croire au bonheur et à la félicité, car il se sait "aimé", protégé, guidé; entouré de sens!

       Sa vie est riche aussi! Elle est tout sauf absurde! Au contraire, chaque chose y prend sa place! Même la mort! qui n'est rien d'autre que le seul moyen de s'unir à ce qui est infini!

        Tant que nous sommes vivants, nous sommes bien entendu dans les "limites" de notre corps et de notre esprit; c'est ce qui fait notre existence, notre individualité! C'est notre chance d'exister, car ce que nous sommes est unique! 

        Cependant, la sagesse consiste justement à tendre vers le "pôle" infini de la beauté, dans la mesure de ce qui nous est possible: le découvrir, le contempler, le reconnaître, le comprendre, le solliciter même conduit à notre maturation, tel un arbre s'étend vers le soleil!

        C'est le sens suprême qui nous débarrasse de nos inquiétudes! C'est la paix qui apporte la joie! C'est la tranquillité qui produit la force! et donc la beauté!

        Il existe un pont avec des poutres, mais la plupart choisissent, empruntent la passerelle pourrie!

        Au lieu de chercher des solutions pour un monde meilleur, le tyran, lui, se tourne vers lui-même, il veut son triomphe, il veut dominer; c'est le seul sens qu'il va donner à sa vie, la seule boussole qui va le conduire! Et il est prêt à tout pour satisfaire son égoïsme!

        C'est le tyran qui crée le chaos! C'est lui qui peut rendre notre quotidien insupportable! C'est un bébé, car il ne fait que laisser libre cours à son héritage animal, en refusant d'évoluer!

        Mais on comprend bien qu'en se fermant sur lui-même, le tyran ne fait que s'éloigner de l'infini de la beauté! Elle lui paraît secondaire, alors qu'elle contient son bonheur, sa paix, sa joie, sa disponibilité!

        Le tyran se prive des véritables solutions; il se construit un enfer... et ce ne serait que tant pis pour lui, si, ce qui est inévitable, il n'entraînait pas les autres avec lui! Nous ne pouvons pas ne pas subir l'influence des tyrans... et combien nos vies paraissent pénibles, cruelles, sous le vol tranquille des nuages!

        Tout notre vacarme ne vaut pas un rayon de soleil sur une mousse!

        Evidemment, beaucoup n'ont pas les capacités pour voir plus loin que leur seuil, mais de là à penser qu'ils ne peuvent pas faire mieux, il y a tout de même une belle marge! 

        Cependant, il est normal que la majorité ne soit pas sage, pas plus qu'elle n'est tout à fait méchante; l'évolution ne peut être que lente, vu notre nombre..., mais le monde de demain, l'avenir est dans la reconnaissance de la beauté; ce sera de lui donner toute sa place!

        Rien ne pourra nous apaiser comme elle! Tous les autres savoirs sont et seront fragmentaires, sujets à caution, déstabilisants, impropres à notre bonheur!

        Il ne s'agit pas de croire: je ne vends rien! Je constate, c'est tout! Vous cherchez un repère, une voie, une lumière dans la nuit? La beauté est là, à profusion, sans compter!

        Il existe bien sûr celle fabriquée par les hommes; celle des objets de consommation et même celle des villes, de leurs bâtiments ou monuments! Mais cette beauté-là est trop au service des tyrans! N'est-elle pas justement destinée à montrer le pouvoir! à l'afficher! N'est-elle pas le drapeau de l'égoïsme! N'est-elle pas le signe que l'homme, la femme ou la nation "roulent des mécaniques"?

        Si vous voulez grandir, si vous voulez vous étendre, il vous faut "humer" le ciel! mesurer l'arbre, écouter le vent! Si vous voulez aiguiser votre œil, il vous faut poursuivre la lumière, celle qui transforme la goutte de pluie en petite lune sur un carreau, par exemple!

        Si vous voulez savoir ce qu'est l'éclat, observez les lances d'un laurier illuminé!

        Si vous voulez une leçon d'équilibre, regardez la mouette dans la rafale! comme elle y est tendue, appliquée, pleine de force!

        Vous vous intéressez à la légèreté? Voici la bergeronnette! C'est un éclair d'ailes!

        Vous voulez de la douceur? Le murmure de la pluie vous plonge dans votre confort, vous apporte une tristesse douce, bienfaisante! (Notez aussi que la pluie calme les abrutis, ce qui n'est pas son moindre mérite!)

        Vous voulez savoir ce qu'est la puissance? Mettez-vous face à la tempête: tiendrez-vous debout dans son hurlement?

        Vous voulez de la délicatesse, des couleurs, des parfums? Le royaume des fleurs est sans pareil! Et l'odeur d'un vieux livre!

        Vous voulez de la création? du nouveau, de l'imprévu, du roman? Les nuages vous "feront mille fois, dix mille fois la pige"! Ils vous mettent KO avec le petit doigt!

        Mais le tyran ignore tout cela! Il fonce, il roule, il écrase, il fait du bruit! Il méprise! Rien n'est pire comme de haïr et de vouloir dominer, pour ne plus avoir peur!

        Car c'est bien le but de l'égoïsme! Il faut à tout prix qu'il s'impose, pour éviter l'abîme qu'il sent sous lui! Il n'est pas difficile de voir de quel mal il est capable! L'attitude du tyran, quand il n'y a plus de lois, c'est celle du fanatique!

        Et la meilleure arme contre la tyrannie, c'est l'indifférence! Rien n'est plus odieux au tyran que le fait qu'on ne s'occupe pas de lui! Et c'est pourquoi il déteste la beauté et la nature! Il n'y est pas le roi!

        Je me répète sans doute... J'en ai régulièrement l'impression; mais peut-on résister sans insister? Il y a un tel fossé entre ce que pourrait être le monde et celui dans lequel nous vivons! Il suffirait qu'un tyran sur cent, un tyran sur mille même, change pour qu'un rayon de soleil nous traverse!

        Celui qui s'attache à la beauté est tranquille! Il n'est jamais seul! Le génie de la création est infini en tous lieux; il est une valeur fidèle, apaisante, rassurante! Les autres s'énervent et se blessent! Les autres disparaissent sans comprendre... Ils sont dans la nuit et retournent dans la nuit!

        Bien entendu, beaucoup sont eux-mêmes victimes de plus forts qu'eux! La miséricorde est nécessaire, mais sans exagération! Celui qui fait le mal ne le fait pas seulement parce qu'il est malheureux, ou ignorant! (Mais comme ils sont aveugles! Ils ne savent même pas qu'il y a des saisons!)

        Il ne s'agit pas de se détruire, de se désintégrer pour les beaux yeux des tyrans ou de la pitié! Manqu'rait plus qu'ça!

        La plupart des tyrans ne valent pas tripette! Un rat peut être éminemment plus sympathique!

  • De la joie

    De la joie

     

     

     

     

     

     

        Qu'est-ce qui vous taraude, vous inquiète, vous tourmente, vous turlupine, vous mine, vous ronge, vous trouble, vous assombrit? Avez-vous faim? En ce cas, vous ne pouvez penser à autre chose! Et votre énervement, votre agitation seraient bien compréhensibles! Mais ce n'est pas le cas, bien entendu, n'est-ce pas?

        Avez-vous froid? Etes-vous à la rue? Non plus, sans doute! Alors pourquoi ne souriez-vous pas? N'êtes-vous pas détendu, heureux de vivre? Qu'est-ce qui vous chagrine, vous ferme, vous presse, vous tracasse (comme le capitaine!)?

        Ah oui! J'y suis! C'est l'avenir! le futur! le lendemain! Oui, pour l'instant, vous n'avez pas droit à la retraite! Votre horizon n'est pas complètement assuré! Ou bien il vous reste à passer l'aspirateur, car vous êtes accablé par le nombre de chatons que vous voyez! Et s'il n'y avait que ça! Mais vous devez encore nettoyer vos toilettes; elles ne sont plus très propres! C'est du boulot!

        Non, c'est plus sérieux que ça! Vous ne savez pas si votre mutuelle a bien pris en compte votre demande de résiliation de contrat! Non, c'est votre opérateur..., vous voulez en changer! En tout cas, c'est une grosse affaire!

        Et c'est cela qui vous empêche d'être libre, joyeux, alerte, disponible? de siffloter, de chanter même? Mais voyons, considérez vraiment la chose... Regardez-vous dans le blanc des yeux! Sondez-vous au plus profond! Vous savez bien que ce n'est pas telle ou telle démarche, ou telle ou telle corvée qui vous empoisonnent! C'est bien plus obscur, indistinct que cela!

        Et puis, c'est bien de vivre la minute, le moment présent dont il s'agit, non? Vous n'allez quand même pas "pourrir" à l'instant votre existence, avec des problèmes qui ne sont pas encore là! Vous craignez des fantômes en quelque sorte!

        Ah! Mais c'est plus fort que vous! Vous êtes inquiet sans précisément savoir pourquoi! C'est indéfinissable..., alors que la paix, l'éternité même, la sérénité, le rire même pourraient être là! sont à "portée de main"! Si, si! car tous vos soucis au fond sont sans objet! Il n'y a pas de menaces immédiates! Qu'est-ce qui vous manque alors?

        Observez les autres... Mais vous n'allez pas bien, vous êtes nerveux, fatigué, déçu, frustré; en plus vous avez mal là... ou bien là! Et si ça devenait chronique? Si vous étiez dorénavant blessé, amoindri! Votre anxiété s'accroît! Vous en avez des sueurs froides! Vous n'êtes plus en état de combattre, de vous défendre, quand le monde paraît si dur, si hostile! Un animal handicapé peut-il survivre?

        Mais observez les autres... Ils ne vont pas mieux; tout au contraire, c'est pire! Parce que vous, vous savez déjà que notre état est général, que le jour imprime sa patte sur tous; que s'il y a mal-être, il est commun! Les autres n'ont pas cette clairvoyance, cette consolation même, ce soulagement! Ils croient qu'ils se débattent seuls; ils ne se regardent pas entre eux (du moins pas avec une réelle curiosité!); c'est leur égoïsme qui les perd!

        Et pourtant, comme c'est réconfortant de voir qu'il y a un phénomène, une logique plus vaste que nos propres sentiments! Comme ça rend léger d'en vérifier l'exactitude!

        Mais ça ne suffit pas pour vous apaiser totalement! pour vous égayer! pour vous redonner une complète joie de vivre! Nous sommes bien d'accord! Et nous allons tâcher de comprendre pourquoi l'éternité vous échappe! pourquoi la tranquillité lumineuse, la sérénité infinie vous demeurent cachées, inaccessibles!

        Ce qui peut se comprendre aisément, c'est que notre joie dépend de la conscience de soi! Si nous ressentons du positif, si la situation nous est favorable, alors notre importance, notre évolution semblent assurées et nous voilà léger avec le vent en poupe! Nous parlons alors de réussite! Nous sommes comme des soleils qui ont trouvé leur place et qu'on salue comme tels!

        C'est ainsi que des écoles notamment vantent leur enseignement, leur formation! La réussite, c'est l'épanouissement! Mais qu'en est-il en réalité? Oui, le haut de la société est un Elysée rayonnant de bonheur et de bonté! Les stars, les vedettes, les personnalités de toutes sortes sont des modèles de gentillesses, de tranquillité! Non? Non, c'est au contraire un infâme panier de crabes, grouillant, se pinçant, se déchirant, se dévorant! Les joies là-dedans? Elles sont malsaines, violentes; elles portent encore la trace de l'ennemi vaincu! C'est la victoire du tyran! C'est ni plus ni moins que la loi de la jungle! C'est le tapis rouge pour l'instinct! Il n'y a rien de nouveau de ce côté! C'est sans avenir, fatigant, desséchant, navrant, c'est au fond comme une crécelle de l'horreur!

        Mais cette réussite est pourtant guignée, imitée par le plus grand nombre; cette réussite ou une qui lui ressemble! C'est la plus facile, la plus séduisante, la plus naturelle; surtout si on ne veut pas voir son égout; si on tient à tout prix à sa façade! si on veut résolument habiter sa propre illusion!

        Et c'est pour cela d'ailleurs que le tyran n'aime pas le sage, qu'il le déteste même, qu'il le hait; et qu'il rêve à l'occasion de le détruire!

        Car le sage ne flatte pas le tyran! ou si peu! S'il le fait, c'est pour consoler celui-ci, quand il a l'air d'aller mal; c'est pour le mettre dans de bonnes conditions, car le tyran est irritable, discourtois, capricieux! Il a tous les défauts des despotes bien entendu!

        Mais même s'il bénéficie de la prévenance, de l'amabilité, du calme du sage, le tyran continue à ne pas aimer celui-ci! Il n'adopte vraiment que ceux qui croient à son illusion, qui la partagent, qui la nourrissent! soit parce qu'ils sont trop innocents, soit parce que eux aussi vivent dans une autre illusion, ce qui rend impossible la réalité!

        C'est par son existence même, sa présence physique que le sage menace, rend caduque le rêve, le personnage du tyran! Plût au ciel du mensonge que ce fût par ambition, par méchanceté! Entre gredins, il y aurait les moyens de s'entendre!

        Mais non, le sage est d'autant plus insultant pour le tyran qu'il est pur, paisible, sincère, de bonne volonté! C'est que le sage est à la recherche du vrai bonheur! On pourrait même dire qu'il est encore plus bourgeois dans la paix que le tyran, puisqu'il veut des aises absolument franches, une sérénité parfaite, une joie sans ombrages! Eh dame! pourquoi serait-il moins jouisseur que le tyran? Nous sommes tous du même bois!

        Mais le mensonge n'attire pas le tyran: c'est trop fatigant, et c'est une impasse, bien entendu! Le mensonge, il faut le nourrir chaque jour! C'est un fauve! Il a un appétit féroce! car il ne tient pas debout tout seul!

        Il faut constamment l'alimenter! Sitôt qu'on n'a plus rien à lui donner à manger, il se ferme, grimace, s'aigrit, se durcit! Le vide vient frapper à la porte! C'est le froid de l'hiver qui veut rentrer! C'est la nuit, le dragon des inquiétudes! C'est tout ce qu'on ne veut pas voir qui est là, à la porte! comme une assemblée de lépreux, de mendiants, tous aussi repoussants les uns que les autres!

       On a voulu boire du soleil coûte que coûte! et on a créé un décor! S'il tombe, on se mettra à crier, c'est sûr! Alors, voilà pourquoi la société s'agite au quotidien, pourquoi elle fait tant de bruits! pourquoi elle se blesse aussi! pour "briquer" son rêve, le soutenir, le faire durer, contre vents et marées!

        Voilà pourquoi on n'aime pas encore le sage... Il est pourtant comme un rocher parmi les vagues... Ses solutions sont bien réelles, sont éprouvées; elles fonctionnent! Les vrais remèdes, il les connaît! Mais on n'en veut pas! Le rêve, l'illusion, c'est plus joli! La route du sage paraît amère, morne, sans intérêt; c'est celle de l'esprit chagrin, frustré, impuissant...

        Peu importe que l'ensemble soit délirant! Peu importe la dureté, les morts et les blessés! Tout, sauf se calmer, s'apaiser, se regarder vraiment, voire pleurer enfin! Nourrir son rêve, garder son illusion, même si on part en morceaux, si on se délite, si on se désagrège! Relever le drapeau de son égoïsme, de sa soi-disant réussite, de sa grandeur, de sa fierté, de son importance, même sur cent mille victimes! sur des charniers indescriptibles, même le corps amputé, la raison en train de défaillir! L'acharnement de l'erreur qui défie le cosmos!

        Peu importe que ce soit un enfer qui ne s'arrête jamais!

        Cette duperie, cette tromperie, cette folie est un mystère pour le sage... C'est aussi une peine, car elle n'est pas évidemment sans conséquences... L'environnement ressemble à un champ de batailles! où des gens surgissent de la nuit hagards, désemparés; quand d'autres avancent misérablement sous les bombes! Pas d'entrain, pas de joie! Des sirènes d'ambulances, des visages souffrants! préoccupés, à résoudre la quadrature du cercle! Des corps lourds ou des démarches de robots, sèches, mécaniques!

        Ce que nous sommes fait notre attitude! un esprit en paix a une marche harmonieuse! Nos inquiétudes sont aussi notre reflet! Celles des tyrans sont aussi absurdes que brutales! "Devrons-nous quitter la Terre? Cet astéroïde va-t-il nous percuter? Les Russes vont-ils attaquer? Le beurre va-t-il manquer? Riri va-t-elle continuer à grossir? Est-ce déjà trop tard?"

        C'est un tourbillon, des éclairs, des fusées! C'est des crispations, des cris, des épées de glace, des épouvantes, des cauchemars! Une chatte n'y retrouverait pas ses petits! Il n'y a rien de constructif là-dedans! Ce n'est même pas pitoyable! c'est du vent!

        On pourrait prendre cette agitation au sérieux, si elle conduisait le tyran à changer, mais c'est tout le contraire: il s'en sert encore pour consolider ou ne pas voir son illusion! pour traiter même le sage de "sans-cœur"! car celui-ci reste sourd à tous ces tourments stériles!

        Ce qui ne veut pas dire non plus que le sage n'a pas à combattre, vous vous en doutez bien! car nous sommes tous "poreux"! Nous sommes tous sensibles à la pression des inquiétudes, des anxiétés, des peurs!

        Mais le sage veut lutter efficacement, nullement en vain! Je vous l'ai dit, il est à la recherche du vrai bonheur! C'est lui le plus impénitent jouisseur! Mais c'est aussi le plus sûr gourmet! Et il dédaigne tout ce qui est avarié, éphémère, faux!

        Le sage accueille ses inquiétudes avec patience et même sympathie! Ce sont de vieilles amies! Elles entrent chez lui comme chez elles! Dans la maison du sage, tout le monde se regarde en face! On n'essaie pas de tenir le monde au dehors, sauf peut-être sa bêtise!

        Mais le sage sait qu'on ne discute pas avec ses inquiétudes..., qu'il est inutile de vouloir les raisonner, les analyser..., car elles sont trop malignes! Par exemple, l'une d'entre elles vient demander de l'argent... et on lui en donne... Elle repart satisfaite... et savez-vous ce qu'elle fait? Mais une fois hors de la maison, dans un angle, alors qu'on ne la voit pas..., elle met une perruque, elle inverse promptement sa robe et elle... revient! On ne la reconnaît pas! Et on lui demande de nouveau ce qu'elle veut, ce qui pourrait la soulager!

        Elles ne cessent ainsi de faire le tour de la maison! Et elles rigolent bien sûr! à vos dépens! Mais c'est qu'elles sont infinies... et qu'elles sont créées par notre état mental! Sommes-nous fatigués, légèrement dépressifs? Sommes-nous fragilisés par le réveil? Alors les voilà maîtresses des lieux, envahissantes, et même terrorisantes!

        Pourtant, elles n'ont aucune importance! Il suffit d'attendre! de ralentir le temps! de se détendre, d'observer... des perles de pluie opalescentes sous la rambarde..., le voyage des nuages, la tache d'un merle... Peu à peu la paix descend en nous... et ma question du début nous revient à l'esprit: de quoi avons-nous peur? qu'est-ce qui nous trouble? Rien au fond!

        Le temps s'arrête... On est juste heureux d'être là en vie! On touche à l'infini! L'agitation du monde n'a plus de raisons d'être! On devient lucide, sans tribulations, sans mensonges, parce que d'abord on ne veut pas être le chef, ni supérieur, ni quoi que ce soit! On veut juste être, c'est tout!

        Les inquiétudes sont parties, car elles n'ont plus de sens; c'est finalement le mensonge, son aveuglement qui leur en donnent!

        Alors vient la joie, sereine, saine, vivante, claire, belle; elle a l'éternité pour elle! car on vit la minute présente, ce qui veut dire que le temps n'existe plus!

        Rien n'est comparable à ce sentiment-là! Rien! C'est ineffable à force d'être simple! C'est la véritable réussite!