De la différence

  • Le 28/02/2018
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De la difference

 

 

 

 

 

    Se sentir différent est toujours difficile! On se retrouve seul dans sa propre famille, dans sa propre "maison"! On a les sensations d'un étranger et on souffre, et on ne sait pas pourquoi! Les autres ont l'air si à l'aise! Ils vont et viennent, tout à leurs occupations, à leurs projets! On paraît triste à côté d'eux... et on se demande ce qui nous manque!

    Bien sûr, même adolescent, on a entendu parler de certaines choses, venant de la psychologie... On connaît des mots inquiétants comme schizophrénie! On sait vaguement que ça veut dire à moitié fou, "dans son monde"! Le poison du doute coule dans nos veines; on doit avoir un problème, sinon on ferait partie de l'ensemble! 

    On se dit qu'on se regarde trop, qu'on se croit le centre du monde, que c'est ce défaut qu'il faut corriger, pour être aussi libre que les autres, aussi heureux! D'ailleurs, on est l'objet de beaucoup de reproches et on paraît si gauche, si perdu qu'autour ils rient, ceux qui sont cohérents! Pourquoi est-on si lourd?

    Parce qu'on réfléchit énormément sans doute! On analyse, on dissèque, on examine, car il y a quelque chose qui "cloche"! On a mal parce que les autres nous blessent, mais si on s'en plaint, les coupables nient toute attaque, toute action ou pensée malveillante: on est seulement la victime de son imagination! Il suffit peut-être de suivre le rythme..., d'imiter les comportements alentour; quasi de s'endormir comme dans un train!

    Mais de nouveau on nous réveille; on "veut notre peau" et ça hurle, ça crie, ça pousse, ça écrase, ça mord, ça cause de la peine! Et de nouveau on est dans le brouillard! Nos papiers étaient en règle, on contemplait le paysage, on était tranquille, on était poli, attentif, serviable; on était pour une fois "intégré"; on touchait nous aussi au bonheur... et soudain ce contrôle, cette colère, cette haine!

    Le problème ne vient donc pas que de nous, et pourtant c'est ce qu'on essaie de nous faire croire, et c'est pour cela qu'on ne comprend pas, qu'on navigue à la corne de brume! C'est peut-être au fond notre différence qui excite la haine! Car le groupe, lui, ne semble pas en souffrir! Mais alors cela voudrait dire que ses membres ne sont pas différents, qu'ils sont tous pareils! ou bien qu'ils ont signé un pacte! (Si c'est le cas, on n'était pas là ce jour-là!)

    On est comme Rouletabille sans sa vivacité! Les engrenages du cerveau ne cessent pas de fonctionner! " Donc, j'ai mal, mais c'est une illusion... C'est donc moi qui ai rêvé que j'ai mal... Les autres étaient dans l'autre pièce... et la porte de la salle à manger était fermée... Elle était fermée ou ouverte? Il faudra que je demande au domestique... Bien, on avance... Pour ne plus souffrir, il faut que je cesse d'être différent..., pour être comme les autres? Oui, mais si eux m'attaquent, ils ne doivent pas être bons! Ah! Mais je reviens à mon point de départ, qui est: ma peine est imaginaire! Voilà, au moins, ça c'est clair! (de notaire!)"

    Les années passent... On a été mineur en Alaska; on s'est marié trois fois! On a créé un journal qui a fait faillite! On a manqué de mourir de la rubéole! On a été indigné de voir l'invasion de Beltégeuse III, par Le Troisième quadrant! On a renoncé au tabac; on a construit un pont, aimé un chat; on a rompu tout lien! On a secouru des pauvres, lu beaucoup, pensé tout autant! On a même vu les amis réussir, devenir connus! Finalement, on est resté le même, aussi perdu, aussi différent, aussi compliqué!

    On aura tout raté! Une malédiction pesait sur nous! Non, on ne s'est pas assez analysé! On n'est pas remonté assez loin! Là encore, on n'a pas été à la hauteur! Irrécupérable pour soi, comme pour les autres, la société!

    Elle est toujours là! Rien ne paraît pouvoir changer! Et pourquoi cela le devrait-il? Ne vit-on pas dans le meilleur des mondes? N'est-ce pas notre différence qui était à changer? Si on souffre, c'est bien nous qui devons évoluer, non; c'est pas ça qui "traîne" un peu partout! Ah! Si on avait pu être comme les autres! Mais voilà on est "différent"! Voilà!

    Et les attaques, et les blessures, et les bourreaux, et les peines, illusion! Personne n'est méchant! A quoi bon?

   Mais pourquoi persévère-t-on? Si on se trompe du tout au tout, changer devrait s'imposer, être simple! La solution serait devant nous, comme un sourire engageant! Pourquoi y renoncerait-on! Et si c'était pas aussi simple? Et si notre nature, c'était justement notre différence, ce qui nous est viscéral? Autrement dit, en étant nous-mêmes, on souffre! Mais alors, la nature serait sadique, folle! sans logique! L'évolution ne serait qu'un mythe, comme la science!

    Qui se trompe? qui ment? Qui dit: "Je n'attaque pas!" et qui attaque! Qui dit qu'il ne connaît pas le plaisir? Qui abuse qui? Pourquoi s'ajusterait-on à ce qui est faux? Et si c'était l'ensemble qui devait se transformer et non pas nous-mêmes! Examinons le raisonnement suivant... Chacun est différent et donc conduit à devenir lui-même, unique, avec ses particularités! Chacun devrait donc connaître les mêmes difficultés (ou peu s'en faut), mais ce n'est pas du tout le cas! Au contraire! Celui qui se sent vraiment différent est exclu! Il est quasiment face à mur! Où sont ses frères de misère? ses compagnons de route?

    Et si les autres refusaient leurs différences? d'être eux-mêmes? Mais pourquoi le feraient-ils, mon Dieu? Pourquoi refuseraient-ils leur bonheur? Mais par peur par exemple... Hein? Quelle peur? Personne n'a peur! Chacun est responsable et fait son devoir!

    Ah bon! ça ne fait pas peur d'être soi; ça ne fait pas peur de dire "Je ne suis pas d'accord!; ça ne fait pas peur d'être lent quand tout va vite; ça ne fait pas peur d'être seul; ça ne fait pas peur de ne pas mentir, de ne pas se moquer, de se retenir, de montrer de la mesure, de paraître discret, tranquille, aimable, alors qu'autour on tempête, on juge, on jure, on frappe! ça ne fait pas peur de se sentir misérable, débile, incapable, repoussant même pour sa propre personne; ça ne fait pas peur de se croire dans la nuit en plein jour; ça ne fait pas peur de trembler sur ses jambes, écrasé sous le ciel?

    Et si les autres n'ont pas peur, pourquoi nous attaquent-ils? Pourquoi sont-ils agressifs? en colère? Qu'est-ce qui les inquiète à ce point? Qu'est-ce qui leur fait tellement peur? Ce serait pas notre différence, des fois? parce qu'elle montre qu'ils n'ont pas voulu de la leur? parce qu'ils n'ont pas cherché ce qu'ils étaient et ce qu'ils auraient pu devenir?  

    Ils protègent quoi? Si c'est la sagesse, si c'est la vérité, y a pas de quoi s'énerver! Il faudrait juste faire preuve de patience à l'égard de ceux qui sont un peu plus bêtes, qui sont mous du cerveau, qui ne savent pas se débrouiller avec leurs différences... Hein? Quand on est heureux et qu'on sait qu'on a raison, on ne peut qu'avoir pitié pour plus faible que soi! Pourquoi vouloir le faire danser et le traumatiser? Hein? A moins qu'on est peur bien entendu! Alors là tout s'explique!

    Et si le groupe avait peur et que c'était justement cette peur qui le cimentait! On tient quelque chose par là, non? Car on comprendrait les attaques... et pourquoi on peut pas s'intégrer! Car nous, on veut pas avoir peur! On veut comprendre, évoluer, connaître un vrai bonheur! C'est quoi cette existence de rat de cave qu'on nous propose?

    Hein? Mais regarde ma belle bagnole! Regarde mon pouvoir, ma situation! Et ma femme, comme elle est belle, hein? Et ma maison? Et tes chaussures, tu as regardé tes chaussures? C'est celles d'un minable! Peur, moi! A d'autres! C'est moi le caïd ici! Fainéant, va!

    OK! Mais alors pourquoi cette violence, cette colère, cette haine?

    _ Mais c'est dans ton imagination, tout ça! Tu sais bien ce que t'a dit le docteur! Tu es paranoïaque! Si au moins tu pouvais te rendre utile, au lieu de te contempler le nombril!

    _ Ainsi soit-il... et donc, vous n'avez pas le visage tout rouge? Vous n'avez pas les yeux qui jettent des flammes? Vous ne grimacez pas? Vous ne bavez pas! Vous êtes détendu, serein, aimable, patient!

    _ J'suis en colère parce que tu fais exprès de ne pas comprendre!

    _ A cause de ma mauvaise volonté?

    _ Exact!

    _ Et qu'est-ce que je dois comprendre?

    _ Peuh! Mais tout bon sang!

    _ Vous voyez, moi, je suis vraiment calme, sans haine même... Je ne m'énerve pas et savez-vous pourquoi? parce que je n'ai pas peur...

    _ Mais moi non plus!

    _ Et je n'ai pas peur, parce que j'ai voulu voir ma peur... J'ai accepté ma différence et je connais maintenant ma peur!

    _ Mais moi aussi!

    _ Mais tout à l'heure vous étiez en train de la nier!

    _ Va t' faire voir!

    _ Décidément, vous n'arrivez pas à vous calmer..."

    Bien, tous les protagonistes de l'affaire ont été réunis dans le salon... Il y fait bon, le feu crépite dans la cheminée et il n'y aura sans doute pas de problèmes d'inattention... Nous allons pouvoir expliquer les faits...  

    Voyez-vous..., dès le début de cette histoire, on nous a trompés! Vous vous souvenez? Lady Société agissait comme tous les jours! Son attitude était parfaitement normale! Et pourtant à quinze heures précises, on trouvait le corps de celui qui était différent dans la bibliothèque! Il y avait donc un assassin dans la maison... et un assassin très fort, puisqu'il nous faisait croire que le crime était absolument dépourvu de mobile!

    Le seul indice était cet acharnement avec lequel on avait frappé la victime... Quinze coups de couteaux révèlent une grande haine; une haine féroce, tenace! On devait beaucoup en vouloir à celui qui se disait différent! On avait manifestement tué sous le joug d'une passion violente!

    Quel lourd secret voulait-on cacher? Quelle avanie voulait-on venger? Qu'est-ce qui avait fait naître une telle envie de détruire? Quelle chose connaissait la victime que l'assassin redoutait? Lord Peur m'a donné un détail qui m'a éclairé sur le sujet!

    Souvenez-vous, au début de la soirée, il a dit: "Si quelqu'un refuse de me connaître et qu'il construit un barrage, celui-ci sera sans réelles fondations... Malheur alors à celui qui en dénoncera les défauts, car on ne voudra certainement pas tout refaire!"

    Eh oui! On profite du barrage... et... on pourrait tuer celui qui en discute la solidité, le bien-fondé même! Mais l'assassin a d'abord essayé de rendre fou celui qui se sentait différent! Rappelez-vous! Le "différent" rentre dans sa chambre et il y trouve le coq ensanglanté! Il est effrayé et sort pour appeler les autres, mais quand tout le monde revient dans la chambre, le coq n'est plus là! Et naturellement, on soupçonne la folie!

    Mais le "différent" a persévéré, c'est dans sa nature... et on l'a frappé, avec toute la haine que dictait la peur! Ce n'est pas une perte financière qu'on craignait, mais c'était justement toutes les peurs qu'on avait jusque-là évitées, chassées de son quotidien! On a tué à cause d'un abîme, ou de ce qu'on croyait tel!

    Vous êtes tous coupables dans cette pièce! Chacun a donné son coup de couteau! Et tout cela parce que vous n'avez pas voulu être vous-mêmes! être différents! Par peur! Et pour pouvoir tout de suite en profiter!

    Vous avez menti, à vous-mêmes et aux autres! Votre vie est devenue mauvaise, violente, haineuse, faute d'autres solutions! Vous n'avez pas cherché! Plutôt que d'évoluer, vous avez préféré détruire, c'est tellement plus simple! Par orgueil, vous êtes des assassins! Vous êtes des enfants... terribles, sanguinaires! Il vous fallait juste un peu d'humilité! Mais c'était déjà trop pour vous!

    Rien que vous et rien d'autre! Qu'on les emmène!

 
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