Du plaisir d'évoluer

  • Le 07/03/2018
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Du plaisir

 

 

 

 

 

    Je ne connais pas de plaisir plus ineffable que celui d'évoluer! Bien sûr, il y a le plaisir sexuel qui nous illumine comme un sapin de Noël, mais il est fugace et surtout il ne nous mûrit pas en profondeur: il nous "échappe" pour ainsi dire!

    Evidemment, il y a la science des caresses, l'"apprentissage" de l'autre; mais très souvent nous sommes pareils après l'amour, avec les mêmes soucis, et des fois cela peut être pire! En effet, quand on n'est plus aveuglé par le désir, quand il est enfin assouvi, on peut faire la grimace: le partenaire peut sembler une pieuvre avec un masque, quelque chose de repoussant, et commence alors la danse du mensonge, ou si on aime, on est à l'épreuve!

    Si c'est l'idylle, on n'en finit pas de se contempler, de se répandre; c'est sirupeux et non solide; on est sur la route de "Mièvre" et vite un marteau et un roc, qu'on attaque dans le vrai; qu'on construise! De l'air!

    Il y a encore le plaisir de manger quand on a les "crocs" ou de boire comme si on venait du désert, mais ces satisfactions, bien que vitales, n'en sont pas moins éphémères! Et si on parle d'évolution, on parle aussi de temps; y a pas moyen d'y couper!

    Mais avant de parler vraiment de notre sujet, commençons par dire un mot sur l'Evolution au sens scientifique; on donnera ainsi de l'extension, de l'ampleur à notre propos!

    Le paléontologue Teilhard de Chardin a inventé un mot, la Noosphère, calqué sur atmosphère; pour désigner la sphère de la pensée, la communication entre les hommes, le développement, l'extension de l'esprit!

    Car pour Teilhard, l'Evolution continue essentiellement en nous, en l'espèce humaine... Evidemment, cette vision ne fait pas l'affaire de la science matérialiste, car elle est anthropocentrique; elle place l'homme tel un apogée de l'Evolution, comme si celle-ci était dirigée!

    La plupart des scientifiques veulent avoir les coudées franches et croient ne pas pouvoir rester objectifs s'ils font tourner le paysage autour d'eux, si je puis dire. Se considérer comme une fin, c'est déjà préjuger; cela fausse les résultats... Seul le spectateur anonyme a bien vu l'accident, car il n'y a pas a priori d'intérêts!

    Pourtant, s'il y a bien une poursuite de l'Evolution; si on peut constater encore un développement vraiment important et même spectaculaire, c'est bien chez les hommes qu'on peut le trouver!

    "Attendez de voir la suite! s'écrient immédiatement des chercheurs, car qu'est-ce l'âge de l'humanité par rapport aux ères géologiques! J'serais curieux d'voir combien de temps vont tenir les hommes au regarde de celui des dinosaures!"

    Etrange réaction du monde scientifique, qui paraît se tirer une balle dans le pied! Etrange aversion pour soi-même! Etrange situation aussi, dans laquelle notre existence semble toujours aussi incompréhensible!

    La science matérialiste ne sait toujours pas quoi faire de la conscience: cadeau, accident, excroissance futile, instinct sophistiqué, boîte noire? Elle "refilera" peut-être la patate chaude à quelque E.T. de passage!

    Teilhard n'a jamais vraiment été aimé par ses pairs, qui le jugeaient pas assez rigoureux... Il n'a pas été plus appréciée par l'Eglise, bien qu'il fût jésuite; mais c'était un fervent défenseur de l'Evolution et à l'époque cette théorie sentait encore le fagot!

    Le Vatican n'a pas par ailleurs une meilleure position sur la question aujourd'hui: reconnaître pleinement l'Evolution, c'est accepter la fin, la destruction de la Genèse et on peut alors craindre pour le témoignage de Jésus... Mais Teilhard a montré qu'il n'en était rien! 

    Là aussi curieux mélange... Malgré le monde moderne, on continue de croire au diable et au péché originel! ce qui est prendre Dieu pour un imbécile, un sournois, un être mesquin! (Ceci étant, chaque cosmogonie ne pouvait pas être plus que la somme des connaissances d'une civilisation!)

    Reste qu'il est impossible de comprendre vraiment notre condition si nous ne prenons pas en compte que la sagesse se développe naturellement en nous; qu'elle a des lois que chacun peut apprendre; qu'elle invite la conscience à s'étendre tel un arbre infini! et que cela produit un plaisir de la même grandeur! C'est la jouissance d'un espoir sans bornes... et cela ne se refuse pas! 

    ("J's'rais tout de même curieux d'voir combien de temps vont tenir les hommes, au regard de celui des dinosaures!" fait malgré tout une voix hargneuse.)

    Bienvenue dans la Noosphère donc! Mais ça n'a pas l'air de vous enchanter! Vous pensez que c'est pas forcément un cadeau! rapport à l'anxiété, au volume quarante de Kant ou à tous les monstres que vous avez serrés dans le placard!

    Avec le temps, vous êtes devenu aussi prudent qu'un marines au Vietnam... De la fougère, la mort, la peur, la souffrance peuvent surgir à tout moment! Vous avez plus de trente ans de Noosphère derrière vous et vos yeux de vétéran se posent déjà sans chaleur sur les jeunes recrues!

    Vous savez que votre cerveau est comme une écumoire! Vous sentez comme les trous sont larges! Vous en avez froid à la tête (il vous faudrait peut-être un pansement...)! Vous vous demandez si vous n'allez pas subitement perdre un œil ou un bras! Cela semble impossible de tenir debout et vous préférez vous asseoir!

    On vous a obligé à jouer au Mikado au sommet d'une grue! ou bien vous avez compté les dents d'une scie, quand on vous chatouillait le menton! Vous pouvez être plus mince qu'une feuille à cigarettes!

    "Alors la Noosphère! Hein! Si ça intéresse quelqu'un, j'lui donne ma part! J'la vends pas! J'la donne!"

    Et puis il y a tous ces "Chinois" obscurs! qui ne font rien! qui vous narguent, vous poussent; qui braillent, qui font "la gueule"! qui suent, qui grimacent!

    Et puis il y a tous ces crocodiles, heureux d'être laids! qui vous croqueraient bien, qui se croient importants, qui se déplacent avec des bruits d'écailles!

    "Eh oui! Chapeau, la Noosphère! Les problèmes? Mais on les range avec un bulldozer! Les plaisirs? Un café, par-ci, par-là! Les bonnes nouvelles? Qu'est-ce que ça cache? J'ai marché près du râteau, là, non?"

    Pourtant, c'est passionnant!

    Bien sûr, il y a nos fatigues, nos doutes, nos énervements; mais cela reste tout de même enchanteur! Les spectres les plus hideux peuvent même devenir des curiosités!

    La machine, là, celle qui broie trente enfants à la seconde, va-t-elle prendre à droite ou à gauche?

    Tiens, elle sort un lance-flammes!

    Hi! Hi! Que c'est bon! ça brûle presque! Quasiment pile à l'heure! J'avais prévu une attaque c'matin... et il est midi! C'est la précision des lois de l'Univers!

    Quand on les connaît, tout devient facile! Les méchants sont aussi bêtes que les trains!

    Mais le plus intéressant, c'est s'améliorer soi-même! C'est étendre sa serviette, là où naguère on ne tenait pas en place, on se prenait la tête à deux mains! On sifflote maintenant, on a évolué!

    Hier, on criait presque; aujourd'hui, on est tranquille, on fait des mots croisés avec la vie!

    On demanderait presque une flèche empoisonnée, pour garder la forme!

    Rien ne vaut une attaque d'Indiens, pour vérifier que son revolver est bien graissé!

    A côté, y a des bagnards, des malades! On comprend, on voudrait les aider; on a l'antidote, mais ils n'en veulent pas!

    Oui, oui, leur boulet est lourd! Oui, oui, il faut des réformes! Oui, oui, tout ça, c'est la faute des rouges! Non? Des bleus! D'accord, des bleus!

    On sait de quoi souffrent ces gens; ils tournent en rond, ils n'évoluent pas!

    Leur haine, leurs jugements catégoriques finissent par fatiguer... On les quitte, c'est bientôt le printemps; les oiseaux chantent, la température remonte; elle prend son temps, comme nous!

    Les filles sont amusantes; elles sont comme les guêpes; elles agacent, puis leur beauté fascinent... et elles piquent, pour nous réveiller!

    Même la mort paraît drôle; elle est comme une sœur pour la vie!

    Et dire qu'il fut un temps où tout était noir! On suivait des tranchées; il pleuvait des bombes comme vache qui pisse!

    Mais on a tenu bon! On a fait les bons choix! On a eu raison! C'est pas absurde! On n'est pas dans un labyrinthe, avec des questions insolubles! Le gruyère est à portée de main!

    Et quel fumet! Mais au bout du compte qu'a-t-on (pas le Romain!) fait pour aller mieux? On est resté soi-même! On a été patient, confiant; on s'est efforcé à la simplicité; on a goûté le travail de l'arbre! On a attendu!

    Certes, on a été courageux! On a serré les dents! Mais surtout on ne s'est pas abusé! On a fui le mensonge; on a quitté la maternelle!

    La vie est un trésor inépuisable! On peut se mirer dans ses diamants! rigoler avec ses topazes! jouer avec ses émeraudes! rêver avec ses saphirs!

    Dehors, des fantômes passent... Ils murmurent, ils grincent, ils aboient presque; mais le bonheur n'est pas un os!

    Qu'est-ce qui use le plus? Le théâtre des vanités!

    Quel est le plus mauvais maître? L'orgueil!

    Il est sans pitié, il rend esclave, cruel! Il fait courir, il agite, il tord, il secoue ses marionnettes!

    L'égoïsme est comme une éponge aigre! C'est le sang des cadavres! C'est le rhumatisme du riche!

    Le sage a les pieds en éventail; le tyran calcule et donne des ordres à son état-major!

    Le sage est un idiot; le tyran a tous les diplômes!

    Le sage est un nuage, une musique; le tyran un poids de fonte, une fosse!

    Le sage est un reflet doré; le tyran a autre chose à faire! Il a des problèmes à régler! Il doit contrôler les "Russes" et le niveau d'oxygène!

    Le sage écoute, le tyran parle!

    Le sage aime le temps; le tyran le déteste!

    Le sage a pitié du tyran; le tyran le hait!

    Le sage vit, le tyran meurt!

    L'art d'être sage? C'est d'aimer même ses doutes! C'est d'en rire!

 
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