De l'emploi

  • Le 15/03/2018
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De l emploi

 

 

 

 

 

 

    _ Dis, grand-père, raconte-nous une histoire!

    _ Eh! Mais n'est-ce pas l'heure pour les enfants d'aller se coucher?

    _ Oh! Grand-père, tu nous avais promis!

    _ Je n'ai rien promis du tout!

    _ Grand-père, une histoire! Une histoire!

    _ Bon, mais après, vous irez au lit!

    _ Promis, grand-père!

    _ Hum! Alors... Hum! Je vais vous raconter l'histoire d'un ogre...

    _ Super! Chouette! Un ogre! Grrrrr!

    _ Eh oui! Un ogre... Il s'appelait L'Emploi!

    _ Comme le travail?

    _ Oui.

    _ C'est un drôle de nom, grand-père!

    _ C'est aussi une drôle d'histoire, les enfants!

    _ Et il était méchant, L'Emploi, grand-père?

    _ Terrible! Il était si grand que sa tête avait l'air dans les nuages! Et quelquefois des enfants, cachés dans les buissons, regardait son dos immense... Mais alors il se retournait brusquement et se penchait vers eux...

    _ Oh!

    _ Oui, les enfants étaient effrayés... et ils s'enfuyaient! Mais l'ogre les suivait avec son énorme œil noir comme une cheminée!

    _ Ouh! Tu nous fait peur, grand-père!

    _ Eh! Eh! Même le roi craignait L'Emploi!

    _ Même le roi?

    _ Oui, même le roi! Chaque jour, il demandait à tous ses conseillers: "Et l'Emploi, où en est-il? Comment il va? Qu'est-ce qu'on peut faire pour lui? Veut-il quelque chose?" Il posait toutes ses questions, car personne ne voulait mettre L'Emploi en colère!

    _ Oh non!

    _ Y avait même des spécialistes qui donnaient leur avis!

    _ Des spécialistes?

    _ Oui, des économistes, on les appelait! Toute la journée, ils essayaient de comprendre L'Emploi! Ils avaient des tas d'instruments de mesure! Ils étaient perchés sur le donjon et ils notaient des chiffres, dessinaient des graphiques... Ils surveillaient la santé de L'Emploi comme des docteurs!

    _ C'est vrai?

    _ Oui, comme ça de loin, sans approcher l'ogre, ils disaient: "Il est malade, il lui faudrait des vitamines, des légumes, des fraises des bois!" Ils cherchaient des remèdes, car si l'ogre souffrait; par exemple s'il avait mal aux dents; il pouvait se mettre à hurler, à s'agiter, à donner des coups de pieds dans les maisons, que sais-je!

    _ Oh là là!

    _ Mais même si on s'occupait de lui, L'Emploi était dur et sans pitié! Par exemple, s'il voyait un bois, il criait: "Coupez-moi tous ces arbres! On va construire ici des maisons, des usines!", ou bien il demandait de détruire une colline toute jolie, couverte de fleurs, pour faire passer une route!

    _ C'est pas gentil!

    _ Non, et si certains refusaient, parce qu'ils aimaient la nature, L'Emploi se mettait à gronder... "Vous ferez comme je veux! disait-il, car c'est moi le plus fort! C'est moi le chef!"

    _ Et on détruisait la petite colline?

    _ Oui... Il y avait pourtant une chose qui calmait L'Emploi: c'était la princesse!

    _ Ah!

    _ Oui, elle était fraîche comme une rose... et tenez-vous bien, les enfants, c'était une princesse qui travaillait! Elle était boulangère, elle vendait du pain chaque matin au pied du château!

    _ Eh ben...

    _ Oui et c'était un ravissement que de la voir, avec sa belle robe blanche.... et son magnifique sourire, qu'elle adressait à chaque client! Elle aimait son travail, elle se sentait utile... et elle ne savait pas à quel point, car pendant ce temps-là L'Emploi ne pouvait cesser de la regarder... Il rêvait, il était heureux quand il contemplait la princesse... Il s'asseyait dans l'herbe et restait tranquille... Tout le royaume profitait de cette paix et chacun en venait à penser qu'il faisait bon vivre! Mais un jour vint une sorcière, qui était pleine de ruses...

    _ Ouh! Une vilaine sorcière, grand-père?

    _ Oui, toute vieille, toute fripée, avec des boutons sur le nez!

    _ Beurk!

    _ Elle voulait du pain, mais elle n'avait pas d'argent! Elle dit pourtant à la princesse: "Tu es très belle et tu as l'air heureuse, mais il te manque tout de même quelque chose!" "Ah bon, et ce serait quoi ma pauvre femme?" voulut savoir la princesse. "J'ai là un parfum d'une fleur très rare, qui ne pousse qu'en Mongolie, expliqua la sorcière. Si tu t'en mets quelques gouttes, tu auras l'air d'un lys après la pluie et nul homme ne pourra te regarder sans être charmé!"

    _ Oh! oh!

    _ "Et quel est son prix?" demanda encore la princesse. "Deux pains! tu vois, je ne suis pas bien gourmande!" répondit la sorcière. Et l'échange eut lieu, les enfants! Le soir même, la princesse essaya le parfum... Il répandait une odeur délicieuse, qui enchanta la princesse et la fit s'endormir comme un ange. Hélas! elle ne se doutait pas que le parfum avait un pouvoir maléfique!

    _ Et c'était quoi, grand-père?

    _ C'est là que les choses se compliquent les enfants, car il n'y eut pas de changements spectaculaires! Le lendemain, la princesse avait l'air comme d'habitude... Elle vendait son pain avec le sourire, mais à chaque fois qu'on lui parlait du temps ou des problèmes des autres, elle faisait comme si elle n'avait rien entendu et elle se mettait à raconter quelque chose sur elle! A l'écouter, elle était la plus belle, la plus intelligente, la plus séduisante et même la plus courageuse!

    _ Eh bien, c'est beaucoup!

    _ C'était trop, les enfants! On était gêné de voir la princesse se donner autant d'importance, autant de qualités! On la trouvait soudain désagréable! Pourtant, on ne disait rien, car on ne voulait pas la contrarier, puisque c'était elle qui calmait L'Emploi!

    _ Ah oui! Si on avait énervé la princesse, c'aurait pu mettre en colère L'Emploi!

    _ Exactement! Mais un jeune chevalier passant par là se moqua un peu de la princesse! "Vous prétendez que vous êtes la plus courageuse, dit-il à la princesse, mais si une bande de brigands vous agresse, que ferez-vous?" Le chevalier demandait cela, parce que lui, il savait ce que c'était que de se battre! "Vous ne connaissez pas mon caractère de feu! répondit la princesse. Je chasserai vos brigands avec quelques mots bien sentis... et en les menaçant d'une fessée, si c'est nécessaire!"

    _ Hi! hi!

    _ Oui, c'est aussi cela qu'a fait le chevalier: il a ri! Mais la princesse s'est vexée: "Puisqu'ici on ne me prend pas au sérieux, a-t-elle répliqué, j'arrête de vendre du pain!" Et elle partit vers le château. Autour, personne ne comprenait pas la violence de sa réaction! Le chevalier n'avait pas voulu être méchant; il avait juste plaisanté... et ma foi, il avait exprimé le petit agacement que tous ressentaient au sujet du nouveau comportement de la princesse! Mais soudain, ce fut comme si tout le monde eût pris froid! Chacun commença à avoir peur: comment L'Envoi apprendrait-il la nouvelle?

    _ Han!

    _ Oui, le roi lui-même était inquiet! Il fit venir ses conseillers et aussi le chevalier... et tous se mirent à la fenêtre pour observer L'Emploi... Celui-ci était vert de rage et il tapait sur le sol, de sorte que tout le royaume tremblait! Il criait: "Où est ma princesse? Et pourquoi un chômeur de plus?" Un chômeur, les enfants, c'est quelqu'un qui ne travaille pas!

    _ Comme not' papa alors!

    _ Hein? Hum! Bon! Je continue mon histoire, les enfants... La situation paraissait désespérée, dans un bref délai les maisons pouvaient s'écrouler! Mais le chevalier aperçut dans les jardins du château la princesse en compagnie de la sorcière; et la plus jeune recevait une petite bouteille des mains de la plus vieille! "Voilà qui est étrange, pensa le chevalier qui connaissait de vue la sorcière. Ce flacon est peut-être la clé de l'énigme! Et cette nuit, j'en aurai le cœur net!"

    _ Et il a escaladé le mur du château, en s'agrippant à un lierre, qui montait jusqu'à la chambre de la princesse!

    _ Oh! oh! Je vois que j'ai affaire à des connaisseurs, les enfants! On ne peut pas vous surprendre! Et effectivement, au cours de la nuit, le chevalier entra silencieusement dans la chambre de la princesse! Elle dormait paisiblement... et ses longs cheveux noirs étaient comme des algues étendues dans la mer! Mais le chevalier avait un souci, il devait trouver le flacon... et quand il le découvrit, il vit que sur une étiquette il s'appelait: Vanité! Sans plus réfléchir, il échangea le parfum avec de l'eau et il repartit!

    _ Et alors, qu'est-il arrivé?

    _ Le lendemain, la princesse était de retour pour vendre son pain. Elle était aimable avec chacun et s'intéressait à tous! Elle ne parlait plus d'elle! Le pouvoir du parfum n'existait plus! Et L'Emploi avait lui aussi retrouvé le sourire! Le roi appela de nouveau le chevalier et lui demanda: "Comment expliquez-vous tout ceci?" "Mais sire, répondit le chevalier, travailler, c'est servir et aimeriez-vous servir, vous qui êtes le roi?" Non, parce que je suis le roi!" répliqua le roi. "Voilà, vous comprenez maintenant le comportement de la princesse, continua le chevalier. Un moment elle a cru qu'elle était la reine!" "Mais... mais elle le sera peut-être un jour, puisqu'elle est ma fille!" ajouta encore le roi. Le chevalier haussa les épaules: "Vous voulez vraiment fâcher L'Emploi?" dit-il pour terminer et il s'en alla.

    _ C'est fini, grand-père?

    _ Oui.

     _ Oh là là! Quelle histoire!

    _ Et maintenant, il est l'heure d'aller au lit!

    _ Bonne nuit, grand-père!

    _ Bonne nuit, les enfants!   

 
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