La Nuit des Doms (42-45)
- Le 22/11/2025

"C'est pas moi qui pleure, ce sont mes yeux!"
Manon des sources
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Sur leur océan sombre, Paschic et le lapin lumineux se traînent ! « Pas une île en vue ! s’écrie le lapin. O flots mornes, flots amers ! A la maison attend la mère !
_ Vous voilà bien lyrique tout d’un coup ! réplique Paschic.
_ Et comment faire autrement ! Quel ennui ! Ce quotidien laborieux, répétitif, sans espérance ! Comment vous faites, vous, pour supporter ça ?
_ Question de patience, de foi… Le vide n’est qu’apparent, vous savez…
_ Même pas un billet de loto, même pas une carte de grattage ! Ah ! L’or, le soleil de l’hiver !
_ Voilà la brume…
_ Manquait plus qu’ ça ! »
Peu à peu, un voile épais comme du coton environne la barque, qui semble entrer dans un monde irréel ! « Vous entendez ! dit soudainement le lapin, qui dresse l’oreille. On appelle !
_ Ohé ! Ohé ! entend-on faiblement.
_ Il y a bien quelqu’un en difficulté ! reprend le lapin. Ohé ! Ohé ! Nous sommes ici !
_ Ohé ! Ohé !
_ Ohé ! Ohé ! »
A la fin émerge de la brume une autre embarcation, avec à son bord un homme déjà âgé et visiblement épuisé ! Sa barque touche celle de Paschic et il s’épanche : « Ah ! Je n’en pouvais plus ! J’étais complètement perdu, au point d’avoir songé sérieusement à me jeter à l’eau, pour en finir, pour mettre un terme à ma souffrance !
_ Tss, tsss ! fait le lapin. En voilà une idée ! Et si vous nous racontiez plutôt ce qui vous tourmente autant !
_ Non, non, pourquoi vous associer à mon affliction ? Vous me voyez donc bien cruel ?
_ Mais je vous assure que nous avons le dos assez large, pour encaisser les coups les plus durs ! Sachez que mon compagnon Paschic est encore un philosophe ! Alors, n’hésitez pas : frappez-nous !
_ Je veux bien vous croire… et pourtant j’hésite encore ! Vous livrer mon problème, ce serait comme jeter un menhir sur votre esquif !
_ Qui en a vu bien d’autres ! Allez, la guérison ne viendra pas sans vos larmes, ni votre confession !
_ Très bien ! Vous savez que c’est bientôt les fêtes…
_ Dans un mois, oui...
_ Mais on ne s’y prend jamais assez tôt ! Toujours est-il que la fromagère me propose un plateau à dix euros par personne, tandis que je songeais à acheter en toute indépendance, mais en quantité, car nous serons nombreux !
_ Et vous vous demandez quelle solution est la meilleure…
_ Exactement ! Mettez-vous à ma place ! Le plateau, c’est du fromage choisi par la fromagère, mais on est sûr qu’il sera là ! Dans l’autre cas, il peut manquer, d’autant que…
_ D’autant que… ?
_ Il y a les autres ! qui poussent, qui veulent aussi leur fromage, qui sont prêts à m’ coiffer au poteau ! Je n’ vis plus ! Regardez mes mains tremblent, mes cheveux tombent ! »
A cet instant, une autre embarcation vient taper contre les deux autres ! C’est un femme inquiète qui lance : « Place ! Place ! J’ai besoin de fromage pour les fêtes ! Alors voilà ce que je désire… Je…
_ Pardon ! Pardon ! fait l’homme alarmé. J’étais là avant vous !
_ Alors pourquoi vous traînez ? Quel égoïsme !
_ C’est pas vrai ? C’est pas vrai ? Le stresse me ronge ! Il me détruit !
_ Qu’est-ce qu’il a ? demande la femme. Il est malade ? Il faut voir un médecin, mais pas encombrer la crèmerie !
_ Mais tais-toi ! Tais-toi ! Ta gueule, tu comprends !
_ Mais pour qui tu t’ prends, l’ancêtre ? Allez, écarte-toi ! Je dois passer ma commande ! »
Désespéré, l’homme saute à la gorge de la femme et tous deux passent à l’eau, car les barques chavirent ! « Mais faites quelque chose ! crie le lapin paniqué à Paschic. Ils vont s’noyer !
_ Hein ? Tant mieux, ça les calmera !
_ Monstre !
_ M’en vais faire une petite sieste, moi ! »
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Le temps passe sur l’étendue couleur d’encre, après l’incident dû aux inquiétudes concernant les fêtes… « Tout de même, dit le lapin, il était de votre devoir d’intervenir ! Laisser des gens se noyer sous nos yeux, un comble !
_ Vous croyez que dans les profondeurs, ils vont découvrir ce qu’est la honte ?
_ Hein ? Mais qu’est-ce qui s’ passe ? »
Autour de l’embarcation, les flots se troublent, se mettent à gonfler ! Les vagues bientôt semblent s’entrecroiser et certaines déferlent, comme des dents blanches dans la nuit ! « Eh ! Mais c’est la tempête ! s’écrie alarmé le lapin. On est en danger !
_ Y a encore de la marge… répond Paschic. Mais n’avez-vous pas remarqué une chose étrange : il n’y a pas d’ vent !
_ Et alors ? Euh… Oui, en effet, c’est étrange, car normalement, c’est le vent qui…
_ C’est une attaque de mutants !
_ Une attaque de… mutants ? Qu’est-ce que vous voulez dire ?
_ Là-bas ! Regardez, ils arrivent ! »
Le lapin scrute l’horizon et il arrive à discerner des formes, qui avancent sur l’eau, en marchant ! « Vous avez raison ! fait-il à Paschic. Des esprits viennent vers nous ! Mais que vont-ils nous faire ?
_ Rien de bon ! Ne bougez pas surtout ! »
Les formes se précisent et elles paraissent plongées dans un rêve ! L’atmosphère devient pesante, d’autant que la mer reste menaçante ! Mais soudain le lapin, qui ne cessait d’observer les mutants, s’exclame : « Des ados ! Ce sont des ados qui scrollent ! Ah ! Ah ! Des mutants ? Vous avez voulu m’ faire peur, Paschic !
_ Pas du tout ! Ils sont très dangereux !
_ Ah oui ? Comment ça ? Ils ont encore le nez qui coule !
_ Ils vont vous réduire en bouillie, avec leur pouvoir psychique !
_ Leur pouvoir psychique ? Comment ça marche ? Ils déplacent les objets mentalement ? Ah ! Ah !
_ Non, ils font pression sur votre propre psychisme, pour vous soumettre et vous briser !
_ Ah ! Ah ! Faut arrêter la bouteille, mon pauvre Paschic ! J’ m’en vais au-devant d’eux, car j’ai un tas d’ promos à leur proposer ! des abonnements, des vêtements ! Ils vont être ravis !
_ Ne bougez pas ! Ils vont vous réduire en miettes ! »
Mais le lapin saute déjà sur les vagues, alléché par ses perspectives de ventes, et les jeunes là-bas s’approchent de lui, s’arrêtant à peine de scroller ! Le lapin s’agite parmi eux, puis il jette un cri, un cri déchirant, car on vient de lui arracher un bras, avec lequel les ados s’amusent !
« Je l’avais prévenu ! se dit Paschic ! On veut pas m’croire et voilà le résultat ! » Nouveau cri, nouveau bras, nouvel amusement ! Le lapin n’en finit plus de hurler, puis enfin, c’est le silence ! Paschic se rassoit dans la barque et se met à ramer : « Maintenant, c’est mon tour ! » dit-il.
En effet, les formes grises là-bas se tournent vers lui et se rapprochent ! Elles flottent sur l’eau, toujours plongées dans leur téléphone ! « Ça like dur les bébés ? fait Paschic. Ça pompe de l’intérêt comme de l’essence ! Sans pouvoir, ceux-là coulent immédiatement ! Sont complètement paumés ! Attention, Paschic, les voilà ! »
De premiers coups sont donnés contre la barque, que les mutants veulent disloquer ! « Allez-y, les jeunots ! jette Paschic. Vous ne savez pas à qui vous vous attaquez ! Les benêts ! Vous n’avez aucune idée de ce par quoi je suis passé ! »
Les mutants s’attendaient à une victoire rapide et ils sont surpris ! Ils se concentrent, s’appliquent et créent un immense pétrolier, dont l’étrave massive et aveugle fonce sur la barque de Paschic ! « Ben voyons ! fait celui-ci. Ils rêvent les mômes ! Je me suis enfoncé dans l’abîme et j’ai la vérité pour bouclier ! Allez ! » Sous les yeux médusés des mutants, le pétrolier est ratatiné comme une boîte de fer blanc !
« Va falloir trouver aut’ chose, les benêts ! murmure Paschic. Le jour où ceux-là sentiront un peu de mon expérience, ils seront stupéfaits ! Mais seul le bien permet mon chemin ! » Autour, les mutants enragent et ils envoient sur la barque une armée de lamproies, qui glissent aux pieds de Paschic tels des serpents ! La connotation sexuelle est évidente ! « Eh ! Mais c’est qu’on a ses petites hormones ! lâche Paschic. Allez, barrez-vous les gluantes ! J’ veux un bateau sec ! Nickel ! Au chaud ! »
Paschic s’en va, protégé par une bulle, qu’il maintient lui-même et sur laquelle rebondissent les derniers coups des mutants ! « On lui dira ! crie Paschic. Les caves ! Bon sang, mais quels caves ! Ça sait rien et ça veut diriger le monde ! »
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« Ah ! Professeur Ratamor ! fait Chenu. Content de vous voir à l’inauguration de mon nouveau centre culturel !
_ Pour rien au monde, j’aurais raté ça ! Aaaatachoum ! Ouuuh !
_ Qu’est-ce que vous avez ?
_ Rhume chronique ! L’humidité sans doute ! Snif ! Précarité énergétique et…
_ Ah ! Ah ! J’ai besoin de vous, Ratamor ! J’ai là un groupe de jeunes désireux de s’informer sur la science, ses débouchés, son utilité et même sa grandeur ! N’est-ce pas un sacerdoce, quand on vous voit ? Ah ! Ah !
_ Vous voulez que j’ leur parle ? Aaaaatacha !
_ Exactement ! Vous les gonflez à bloc, pour que cette journée soit vraiment réussie ! Et puis, pour vos problèmes de chauffage, je pourrai vous donner un coup d’ pouce ! Hein ? On fait comme ça ?
_ Pourquoi pas ? Snif ! »
Le professeur Ratamor s’approche d’un groupe de jeunes, pleins d’enthousiasme et avides d’apprendre ! « Bonjour, les jeunes ! dit Ratamor. On m’a demandé de vous expliquer un peu ce qu’est la science, puisque je suis moi-même de la partie ! Bon, la science, c’est d’abord de la rigueur, évidemment ! Les chiffres sont les chiffres ! L’objectivité, c’est la base ! Aaaaatacha ! Snif ! Excusez-moi ! »
Il se mouche bruyamment et écrit Objectivité sur un tableau ! « L’expérimentation est aussi importante ! reprend Ratamor, qui observe les jeunes et qui soupire. Quand je vous vois comme ça, avec vos visages pleins de fraîcheur et de bonne volonté, Aaaatacha ! j’ai un peu d’ mal pour vous, car on passera pas ! Voyons voir... »
De nouveau il se tourne vers le tableau et tout en écrivant avec sa craie, il marmonne : « Racine carré…. CO2… Mégawatt… Hum… Coefficient 5… J’ retiens 2… Euh…. Aaaaatacha ! Snif ! Vous voyez ? Cinq degrés ! On passe pas ! L’humanité couic ! On aura bien moins duré qu’ les dinosaures ! Terminé ! Snif ! D’aucuns me diraient que j’ prends pas en compte la ventilation exogène ! C’est exact ! Mais même avec elle… Infini multiplié par oméga… Le tenseur 8… Dix puissance moins 45… Même impasse ! On passe pas ! Les chiffres sont les chiffres ! Faut s’en rendre compte ! Faut arrêter d’ rêver ! Vous êtes sceptiques ? Vous voulez vivre, espérer ? C’est humain, j’ vous lance pas la pierre ! Aaaaatcha ! »
Le professeur regarde un long moment ses chaussures, sous l’air médusé de son public… « De toute façon, la force jeune de la Terre, celle qui a donné lieu à toute l’exubérance des premiers végétaux et animaux, n’est plus ! On est plutôt à l’automne de la planète, j’dirais ! Aaaaatcha ! J’ vous vois v’nir ! Vous vous dites : « Nous, on pass’ra ! On est jeune et fort ! On est malin ! » Aaaatcha ! Et quand bien même ? C’est quoi le scénario final ? Le soleil devient une naine rouge et la vie sur Terre s’éteint, avant l’ultime explosion ! »
Le professeur fait un grand geste avec les bras ! « Le silence ! Enfin ! Le grand silence de l’espace ! Tout ce que nous avons été, toutes nos expériences, nos douleurs, tout cela a été englouti par le néant ! Notre souvenir même n’existe plus ! Mettez-vous bien ça dans l’ crâne ! dans vos cervelles de moineau ! Et n’allez pas encore dire : « On voyagera ! On partira ! » Foutaises ! D’ailleurs, que sait-on sur l’homme ? Que c’est un mammifère et qu’il se reproduit par un œuf ! C’est tout ! Le reste, toutes les histoires qu’on a pu vous raconter, avec des dieux, des fleurs ou des langues de feu, c’est du paranormal ! C’est pas not’ domaine ! Mais celui de madame Irma, qui travaille dans la caravane d’en face !
_ Professeur, demande un jeune, que pensez-vous de la gravitation psychique ?
_ La gravitation psychique ? Jamais entendu parler ! Faut arrêter le protoxyde d’azote, mon garçon ! Ah ! Ah ! Aaaaatcha ! Snif !
_ Vous êtes bien d’accord que notre simple présence influence celle des autres ! Nous exerçons sur chacun une force attractive, destinée à provoquer l’attention sur notre personne !
_ Comprends toujours pas…
_ Imaginons que nous soyons des planètes et que notre psychisme déforme l’espace de la conscience, de sorte que nous nous signalons plus ou moins intensément ! Ne pourrait-on pas parler dans ce cas de gravitation psychique ?
_ Mais qu’est-ce que vous voulez à la fin ? Pour qui vous vous prenez ? Jamais, vous m’entendez, je ne céderai ! Je suis libre, moi ! Malheureux, mais libre ! Lucide ! Snif ! »
Tout le monde est interloqué par la violence de cette réaction et des yeux se tournent vers celui qui a interrogé le professeur, mais il a déjà disparu !
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Dérivant sur les eaux sombres et couché dans sa barque, Paschic rêve et somnole… Soudain, une étoile filante glisse dans le ciel… « T’es pas d’ trop, ma vieille, se dit Paschic. Car ici on s’ sent un peu seul… La gravitation psychique existe-t-elle ? Évidemment, je ne suis pas un scientifique, mais nous sentons la présence des autres, avant même de les voir, par la pression qu’ils exercent sur nous ! Plus ils sont dominateurs et plus ils s’imposent à nous ! Leur activité psychique, qui est centrée sur eux-mêmes et qui est pleine de tension, car la domination sert à « guérir » de l’angoisse, « déforme » l’espace de la conscience, en créant un champ gravitationnel ! Autrement dit, l’activité psychique produit comme une masse ! »
Paschic écoute un moment le doux murmure des flots noirs, puis il reprend sa réflexion : « Je suis plus sensible que les autres à ce phénomène, c’est tout ! Et plus on est dominateur et plus on est aveuglé par son égoïsme, et moins par conséquent on peut avoir une vision d’ensemble, une compréhension générale ! On est seulement occupé à « peser » sur l’espace de la conscience, au lieu de le sentir, de l’apprécier en entier ! Celui qui se libère de sa propre domination étend son univers et se rend compte des forces d’attraction de la gravitation psychique ! Le Dom qui entre dans un magasin demande tout de suite de l’attention, peu importe si les autres sont occupés : ils n’ont pas droit à leur vie propre ! »
Paschic découvre dans le fond de la barque des fusées de détresse et il se décide à s’en servir, car peut-être que quelqu’un viendra et l’informera au moins sur sa position ! Paschic déclenche la fusée et elle monte rougeoyer dans le ciel ! Il n’y a plus qu’à attendre…
Le bruit d’un moteur poussif se fait bientôt entendre et un vieux bateau de pêcheur apparaît ! « Oh là ! crie l’homme qui semble seul à son bord. On a besoin d’aide ? » Le pêcheur est maintenant tout près, énergique, avec des cheveux gris… « Oui, par ici ! répond Paschic, qui s’amarre au bateau du pêcheur. Je suis perdu, je n’ai ni cartes, ni boussole !
_ Venez dans mon carré ! Je vais vous montrer où on est ! »
Paschic passe de la barque au bateau du pêcheur et descend dans un habitacle sommaire, mais propre ! La discussion s’engage sous une lampe à huile, qui montre plus précisément le visage du pêcheur, alors que celui-ci explique la position de Paschic sur la carte… « C’est un Dom, pense Paschic, qui s’efforce de ne pas regarder en face le pêcheur, de peur de le blesser ou de se blesser lui-même ! En effet, le Dom cache la lumière qui est en lui et Paschic, par sa propre lumière, a le pouvoir de « réveiller » celle-ci, de la faire ressortir, ce qui peut faire très mal au Dom, car c’est le mettre brutalement devant les mensonges de sa vie !
La situation est très gênante, car le pêcheur parle et Paschic regarde ailleurs… A la fin, n’y tenant plus, Paschic se laisse à croiser le regard de l’autre, en s’y fixant ! La réaction du pêcheur est d’abord de la surprise, de l’effroi, puis le visage grimace, sous l’effet de la colère ! Qu’importe ! La lumière sort de lui, par l’œil qui servait principalement à la cacher ! Il semble ouvert comme une boîte de conserve ! Le pêcheur a beau haïr, il ne peut arrêter le flot lumineux, qui à présent illumine le carré, avant de monter dans la nuit !
Le pêcheur crie, hurle, car ses peurs s’arrachent de lui, sont visibles, alors qu’il les tenait au fond de lui, par sa domination, quitte à les nier absolument ! Le mur n’existe plus et la lumière traverse le bonhomme !
Enfin, elle devient stable, sans contrainte, tranquille ! Le Dom est épuisé et sa tête repose maintenant sur la table… Il ne sera plus le même, mais va-t-il profiter de l’expérience ? En reprenant conscience qu’une vérité existe et qu’on peut combattre ses peurs grâce à elle, va-t-il se mettre à sa recherche, pour la cultiver, lui donner toute sa dimension ?
Paschic prend congé, il dit au revoir et même merci pour les renseignements, mais le pêcheur ne répond rien, et pourtant il est conscient ! Il tient à montrer son mépris, comme s’il avait été offensé, mais Paschic n’est pas maître de la lumière, comme il n’est pas non plus à l’origine de la domination du Dom ! C’est lui qui choisit cette voie, même s’il reste ignorant… Mais il choisit cette voie, parce qu’elle est plus accommodante ! parce que le mensonge convient mieux en société et qu’il apporte au moins la sécurité matérielle ! parce qu’il rassure, s’il ne guérit pas et qu’il donne l’illusion qu’on est quelqu’un, qu’on est responsable et que la vie a un sens !
Le pêcheur ne dit rien et Paschic regagne son bord, comme si lui-même avait fauté et qu’il était méprisable ! Le pêcheur garde son mauvais maître : sa domination ou son orgueil !