Rank (87-91)

  • Le 13/01/2024
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R16

 

 

 

              "Moi, Rouletabille, plus fort que le grand Frédéric Larsan! Houp la!"

                                                Le Mystère de la chambre jaune

 

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Dans la prison haute sécurité de l’humanité, la tension règne ! C’est le froid du dehors qui veut ça ! Il réveille des peurs instinctives ! Que se passerait-il si on venait à manquer ? On a tout misé sur la sécurité et on serait brutalement face à l’inconnu ? Le salaire, la retraite, les assurances, c’est le quotidien de la prison ! On n’est pas heureux, on râle au moindre changement, mais à qui la faute ? On n’a jamais voulu reconnaître ses sentiments et combien ils nous mènent ! On s’est réfugié dans l’hypocrisie, on a nié ses peurs, son désir de commander, on a parlé de fatalité, de devoirs et on s’est retrouvé enfermé pour la vie !

On y est plein de haine évidemment ! Car les frustrations sont nombreuses et on ne cesse de s’inventer des ennemis ! Il y a des clans, des luttes de pouvoir, des règlements de comptes ! On n’essaie pas d’y voir clair, de comprendre, d’aimer, mais on fait son temps interminable, on marque sur le mur les jours avant la retraite, jusqu’à ce que la mort délivre dans l’anéantissement !

Il y a bien la promenade du dimanche… On sort, on fait un bout de chemin, on revient et on retourne à la prison ! On appelle ça : « Prendre l’air ! » Bien sûr, on a plein de plans ! On rêve en secret ! On calcule : le mur fait dix mètres de haut, il est situé à cinquante pas…, le gardien ne me voit pas dans tel angle, sa ronde dure dix minutes, etc. ! On s’imagine avoir ceci, cela, gravir tel échelon, bénéficié d’une amélioration, être dans un quartier moins dur…, on envie ceux qui ont une douche personnelle, les riches, qui ont de multiples avantages ! On rêve de leur faire la peau, de diriger à son tour, mais la liberté, la véritable aventure, on n’y songe même pas !

On parle pourtant de destins extraordinaires, de gens heureux, de passions infinies, de grands souffles, d’espoirs sans bornes, mais ce ne sont que des légendes, des fadaises ! La preuve ? Ici, il faut se battre pour un morceau de savon ! Voilà la seule réalité ! Alors les contes de la foi, les messages d’amour, hein ? Oh ! Ce qu’on ne dit surtout pas, c’est qu’il est hors de question de déchoir, de s’humilier, de perdre, de chercher ! On veut à tout prix commander, rouler des mécaniques, ça, c’est sérieux ! C’est le plus fort qui gagne et ainsi fonctionne la prison !

« Paschic, parloir ! » Rank se lève de sa couchette, pour suivre la gardienne qui vient de l’avertir qu’il a une visite… On passe des grilles, des couloirs, puis on s’arrête dans un coin ! Rank est surpris d’autant qu’il se retrouve face à la redoutée bande de la Machine ! Elles sont là quatre femmes, apparemment de connivence avec la gardienne ! La Machine s’approche de Paschic menaçante et lui fait : « Il paraît que tu fais circuler une pétition, pour empêcher la lutte contre les violences faites aux femmes !

_ Bien sûr que non ! Mais je m’oppose à toutes les violences, y compris celles commises par les femmes ! Elles sont aussi égoïstes et méprisantes que les hommes ! Vous ne connaissez pas le sens du mot respect !

_ Voyez-vous ça... »

La Machine frappe Rank, qui s’écroule et les autres femmes en profitent pour lui donner des coups de pieds ! Quand il est bien sonné, la Machine se penche pour lui dire : « T’as pigé petite crevure ! C’est moi, la loi ici ! Tu m’obéis, un point c’est tout ! A partir de maintenant, t’as intérêt à t’ tenir à carreau ! Et va aussi t’ changer... Snif ! Snif ! J’ crois bien que tu t’es pissé d’ssus ! Ah ! Ah ! »

Toutes les femmes rient, y compris la gardienne, qui malgré tout relève Rank, pour le conduire au parloir ! « Mon Dieu, dans quel état tu es ! s’écrie la reine Beauté derrière la grille. C’est elle qui est venue voir Rank ! « Qu’est-ce qui t’es arrivé ?

_ Une leçon de la Machine ! répond Rank.

_ Celle-là, je la déteste !

_ Faut que tu me sortes de là !

_ Je sais, j’y travaille ! Mais tu dois avoir confiance en moi !

_ Je sais… Mon Dieu, comme tu es belle ! S’ils savaient ! 

_ Justement, ils ne savent pas… et c’est bien là leur malheur !

_ Ils ne veulent pas te voir ! C’est eux-mêmes, leur centre d’intérêt ! »

La reine Beauté sourit faiblement, puis elle envoie un baiser à Rank, qui est bientôt ramené en cellule. La reine Beauté lui a laissé quelques friandises, mais surtout Rank a repris courage ! Il regarde le mur et dit : « Je vous aime ! » et le mur s’ouvre, il n’existe plus et le mystère commence ! Rank est libre !

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Rank est maintenant un vieux chef sioux et il a des petits enfants, qui lui posent plein de questions et qu’il éduque à sa manière ! Ce jour-là, il est au bord de la rivière et reste là sans rien faire, car même dans la tribu Rank ou Paschic a toujours été un original ! On le respecte cependant, car on dit qu’il a une relation particulière avec les esprits ! Un de ses petits-garçons est venu le voir, mi par curiosité, mi par ennui, et Paschic retrouve en lui l’enfant qu’il a été lui-même et qui se sentait à bien des égards un étranger, ne comprenant pas le monde !

Le vieux veut mettre le jeune à l’aise et lui demande : « Alors quelles sont les nouvelles ?

_ On dit que Fort Occupée a maintenant un nouveau commandant… Une femme…, nommée la Machine !

_ Ah ?

_ Oui ! Et le fort est en ébullition ! Du matin au soir, on s’y prépare à nous attaquer ! Mais pourquoi ? »

Rank ne répond pas tout de suite, mais regarde l’eau qui s’écoule… Puis, il dit : « Tu vois, les hommes et les femmes sont d’abord des animaux et ils veulent éprouver, sentir leur supériorité ! C’est ce qui leur donne le sentiment d’exister, c’est leur importance qui garantit leur équilibre ! Des femmes notamment ont toujours besoin de séduire, même ceux qu’elles ont méprisés la veille, tant l’angoisse peut être forte ! D’autres n’ont jamais eu d’illusions sur leur pouvoir de séduction et d’emblée elles ont opté pour le mépris, le contrôle, le pouvoir et la Machine doit être de celles-là, d’où son envie de nous attaquer, de nous vaincre !

_ Je ne comprends pas très bien…

_ Non, ce sont des choses qui ne deviennent claires qu’avec le temps et même la plupart des adultes les ignorent totalement… Pour résumer, je dirais que l’être humain est un animal enragé, s’il n’écoute pas l’Esprit !

_ Mais où est l’Esprit grand-père ?

_ Tu vois cette eau qui coule… Elle semble s’amuser autour du rocher… Elle fait des ronds, de la mousse, elle glougloute, murmure ! Si tu la regardes et l’écoutes, tu apprends ce qu’est l’Esprit, car il est plus grand que toi ! La Machine, et toutes les machines du monde sont en prison en elles-mêmes ! Rien de ce qui leur est extérieur ne les intéresse ! Ainsi elles méprisent l’Esprit, car il n’est pas elles !

_ Mais je suis peut-être moi-même une machine ?

_ Aie confiance ! Il te suffit d’aimer l’Esprit ! Il est tout puissant et les machines toutes petites ! Crois-tu que l’Esprit ne te connaisse pas, ne t’aime pas, ne sache pas tes faiblesses ou tes forces ! Il te guidera si tu te laisses guider ! Mais, si tu veux le pouvoir, si tu cries, tu détruis ou écrases, comment pourrait-il te parler ? Comment pourrais-tu l’entendre, si tu veux commander et qu’on parle toujours de toi ?

_ Je ne voudrais pas être le chef, grand-père ! Je veux écouter l’Esprit !

_ Alors il te rendra libre et tu pourras chanter sa gloire ! Alors tu verras que les machines sont en prison et qu’elles font leur propre malheur et celui des autres aussi ! Ne te laisse pas prendre par la folie des machines : elles sont pleines d’inquiétudes et te diront que c’est toi qui es fou ! Quand tu seras perdu, viens ici et contemple l’eau en silence… Laisse ton cœur pleurer…, car les machines sont injustes et cruelles… Elles font beaucoup de mal et tu en souffriras bien entendu… Mais c’est dans ton cœur vide, qu’aimera venir et fleurir l’Esprit ! Alors tu verras le rire de l’eau, car l’Esprit est tout puissant… et il aime les enfants !

_ J’ai peur de la Machine, grand-père… Son armée va bientôt nous attaquer !

_ Oui, juste pour que la Machine se croit importante ! juste pour satisfaire son orgueil, pour la rassurer, beaucoup d’entre nous vont mourir ! Car la liberté de l’Esprit, son amour permet aussi le mal… Mais ne perds pas espoir : l’Esprit est tout puissant et les machines toutes petites ! Elles sont perdues ! »

A cet instant, un poisson saute hors de l’eau, pour capturer un insecte… Quand il replonge, une onde s’étend, qui bientôt s’évanouit dans les remous… L’eau chante toujours… « Celui qui possède l’Esprit, reprend le grand-père, n’a plus besoin de commander, pour ne plus avoir peur… C’est l’Esprit qui le fait tenir debout ! Ce n’est plus son importance, sa réussite sociale, son pouvoir, sa séduction ou sa force ! C’est l’Esprit qui rayonne en lui… et qui donne la paix ! »

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« Psychologue Lapsie, bonjour !

_ Bonjour !

_ Bienvenue à notre émission Les Éternelles !

_ Merci !

_ Alors pour toutes celles qui ne vous connaîtraient pas encore, vous êtes l’auteur du Mâle toxique, qui est un best-seller comme on dit ! Plus d’un million d’exemplaires vendu !

_ On est à la troisième édition !

_ Et votre éditrice est une femme heureuse ! Avec le recul, qu’est-ce qui selon vous explique un tel succès ?

_ Mais je crois qu’il y avait une véritable attente ! Il était temps que la parole des femmes se libère, après tant de patriarcat ! La femme a été longtemps asservie et son heure est maintenant venue !

_ Apparemment, vos lectrices l’ont bien compris ! Il est vrai que dans votre livre, vous semblez traquer toutes les pathologies de l’homme, celles qui nous rendent si malheureuses ! Vous êtes un peu notre gendarme, si je peux me permettre, hi ! hi !

_ Je suis très heureuse que vous le preniez comme ça ! Je suis en effet quelqu’un de très passionnée ! Je n’aime pas l’injustice et rien ne me met plus en colère que la violence des hommes et même leur arrogance ! Le mâle triomphant me révulse et je dis aux femmes qui nous écoutent : « Tenez bon ! Ne vous laissez pas impressionner ! L’homme est malade et vous avez des armes contre lui ! »

_ Dites nous un peu ce qui fait votre force ! Car c’est quand même un mystère pour la plupart d’entre nous ! Nous, les femmes moyennes, si je puis dire, nous n’osons pas ! Les diktats masculins nous ont muselées ! Ce sont eux qui ont fait notre éducation…

_ Bien entendu, nous subissons le joug du pouvoir masculin depuis des lustres et il nous conditionne forcément ! Mais c’est justement le désir de vaincre cette oppression qui m’a conduite vers la psychologie ! J’ai voulu savoir, comprendre les rouages, afin de ne plus m’en laisser compter par la force physique masculine !

_ Le fait de savoir vous a donné le pouvoir !

_ Exactement ! Je travaille dans un hôpital, vous savez… J’ai affaire à la demande à toutes sortes de messieurs… Je ne suis pas n’importe qui… Je porte la blouse blanche et j’entre dans la chambre du malade, les mains dans les poches, tel un médecin chef et je grimace, car l’infirmière à côté passe l’aspirateur ou parce que la télévision fait du bruit !

_ Vous n’aimez pas la télévision ?

_ J’adore la télévision, mais il y a des moments et des endroits où elle peut constituer une gêne…

_ Bien sûr !

_ Les malades que je préfère sont ceux qui sont les plus fragilisés ! précisément les hommes qui ont fait une tentative de suicide ! Ceux-là me regardent avec des yeux de merlans frits ! Je me moque même d’eux, je les méprise, car ce sont des lavettes ! de petites natures !

_ Ah ? Il me semble cependant que leur souffrance…

_ Je vous vois v’nir ! Il faudrait les plaindre, se montrer compréhensive, etc. ! Je leur parle au contraire sèchement ! Je ne masque en rien mon dédain ! Pensez, le mâle est là, à ma merci ! C’est moi qui commande ! Le chef, c’est moi ! Je bois du p’tit lait !

_ Vous ne craignez pas de vous venger, de profiter de la faiblesse de celui qui a tenté de mettre fin à ses jours ? Est-ce vraiment éthique ? Ne manquez-vous pas de compassion ?

_ Mais c’est moi le maître enfin, bon sang ! Est-ce si difficile à comprendre ? Et si jamais l’un de ces bébés me résistent, alors là…

_ Oui, qu’est-ce que vous faites ?

_ Mais un rapport ! Je vous sale le mec, comme vous pouvez même pas imaginer ! J’analyse son cas avec les pires mots de la psychologie ! Le mec est catalogué grand malade pour les archives ! Il est tamponné narcissique ! J’aime pas qu’on m’emmerde !

_ Je vois… Vous ne m’enlèverez pas l’idée que c’est contraire à l’essence de votre métier… Vous savez, vous me rappelez cette phrase : « Quand elles ne peuvent pas séduire, elles méprisent ! »

_ Vous pensez que je suis trop laide pour séduire, c’est ça ?

_ Ben, vous n’êtes pas non plus un modèle de beauté… C’est pour ça que je parlais tout à l’heure de vengeance…

_ Mais vous faites aussi un métier superficiel, d’où vos propos qui le sont tout autant !

_ Bien, je crois que nous allons nous arrêter là…

_ La pouf abandonne ! »

                                                                                                     90

« La feeemmme….

_ La feeemmme…

_ Il est vraiment temps d’écouter la feemme !

_ Oui, écoutons la fâme !

_ La parole aux faââmes !

_ La fâme est de toute façon mystérieuse !

_ La « fâme est un mystère ! » a dit Freud.

_ La fâme !

_ Pour ma part, je suis une fâme qui…

_ Enfin, vous parlez de vous !

_ En tant que fâme…

_ Nous, les fâmes…

_ Nous sommes des victimes !

_ Moi, je me masturbe !

_ Nous avons tant souffert du mépris des hommes, alors que c’est une cloche !

_ Un être immature, sale et repoussant ! La pub le montre bien !

_ Il faut tout lui dire !

_ L’homme est bête !

_ A peine peut-il servir comme queue !

_ La fâme !

_ Comme on est bien ensemble !

_ Enfin, nous pouvons prendre soin de nous !

_ Loin des hommes et même des enfants, car ils sont encore les fruits des diktats masculins !

_ Je veux parler de moi et me consacrer à moi-même !

_ En tant que fâme !

_ C’est bien simple, je m’adore !

_ Je suis libre de disposer de mon corps !

_ Je suis une fâme !

_ La fâme aujourd’hui…

_ Je prends du temps pour moi…

_ Je prends le temps de souffler…

_ Je crois que la fâme…

_ Vous aussi, vous pensez que les fâmes…

_ La fâme a toujours…

_ On en veut aux fâmes, parce que…

_ Laissons la fâme…

_ Enfin libre !

_ La fâme…

_ Non mais attendez, c’est pas facile d’être une fâme… C’est pas facile !

_ La fâme maintenant dit non ! Elle dit : « Ça suffit ! »

_ Vous êtes d’accord avec ça ?

_ Oui, oui, la fâme ne doit plus se laisser marcher sur les pieds !

_ Elle a des envies, des désirs, des besoins aussi ! C’est important !

_ La fâme ne doit plus être au service de tout un chacun !

_ Elle n’est plus cet être obscur, dévoué…

_ Qui se sacrifiait…

_ Exactement !

_ Elle est libre, elle fait ce qu’elle veut !

_ L’intimité de la fâme est très importante !

_ Elle peut utiliser ce type de savon ?

_ Bon, on va parler de la fâme, vous allez voir !

_ Enfin, c’est pas trop tôt !

_ Hi ! Hi !

_ Moi, j’ai eu une relation toxique ! Épouvantable !

_ L’égoïsme masculin vous a détruite !

_ Entièrement ! Je passe un message à toutes les fâmes…

_ Attention au pervers narcissique !

_ Il veut une attention constante !

_ Alors que la fâme a tant besoin de parler d’elle !

_ Rien n’a été dit sur la fâme !

_ Elle émerge à peine !

_ On est là pour lui rendre justice, pour parler de nous, de nos problèmes…

_ De nos désirs, de nos besoins et puis tout simplement...

_ De nous-mêmes !

_ Des fâmes !

_ De nous !

_ De la fâme !

_ Alors qu’est-ce qu’on peut dire de la fâme ? »

                                                                                                         91

Le détective Paschic, après avoir allumé sa pipe, regarde tout le monde et dit : « Je vous ai réunis ici afin que nous démasquions l’assassin de Tautonus ! » En face, les visages ne bronchent pas et chacun semble l’innocence même ! Près de la cheminée est assise la Machine, avec à ses côtés son fils et sa fille ! Le personnel de la maison, comme il se doit, se tient debout devant le détective… Le majordome Bixton reste impassible ! La femme de ménage, madame Penckry, se tord les doigts, alors que l’imposante cuisinière a l’air vivement contrariée ! Sans doute songe-t-elle qu’on la retarde dans la préparation du déjeuner…

Le cousin Bert, le tennisman chevronné, a toujours son sourire ironique et miss Peginbo, la locataire, dans un fauteuil bat des cils, telle une ingénue demanderait de la protection ! Mais Paschic, insensible à cette séduction, fixe un instant la dernière personne présente, le vieux jardinier Klempt… « Dès le début de cette affaire, reprend Paschic, j’ai été égaré sur une mauvaise voie… J’ai cru certaines choses qui étaient fausses… Je n’ai pas assez fait confiance à mes petites cellules grises ! »

A ce moment, Paschic, se frottant le front comme s’il avait été seul, paraîtrait vain et ridicule, s’il ne fascinait pas en installant une sorte de suspens ! Il est comme la promesse que la vérité va jaillir ! « Rappelez-vous, continue-t-il, cette nuit terrible… Je suis invité pour un soir dans la maison et voilà que j’entends crier : « Monsieur est mort ! On a assassiné Monsieur ! » C’est madame Penckry qui vient de découvrir la mort de son maître ! Tautonus a été étranglé dans son bureau !

Or, en sortant de ma chambre, je bute littéralement dans la Machine, qui s’écrie : « Qu’est-ce qui m’arrive encore ? Je n’ai qu’une vie remplie de devoirs ! Je ne prends jamais de plaisir ! Je ne suis ni orgueilleuse, ni égoïste ! Je ne suis qu’une victime, c’est moi qui fais tout ici ! S’il fallait compter sur les hommes, on pourrait mettre la clé sous la porte ! Et voilà que le ciel me tombe sur la tête ! Comme si j’en faisais pas déjà assez comme ça ! »

Devant une telle véhémence, une telle moralité, j’ai tout naturellement porté mes soupçons ailleurs ! L’assassin ne pouvait être la Machine…, puisqu’elle n’avait aucun mobile ! En effet, quelqu’un qui ne veut qu’être « tranquille », qui n’a nulle ambition, mais qui veut juste mériter le respect et son salaire par le travail, qui ne compte que sur son talent et ses efforts, celui-là ou celle-là n’ont aucun intérêt à tuer, à faire le mal, à oppresser autrui ! La Machine avait l’air tellement sincère que j’ai suivi d’autres pistes, qui m’ont mené très loin… et nulle part ! »

Ici, Paschic rallume sa pipe et prend un air rêveur, jusqu’à même produire un frémissement d’impatience dans son auditoire, mais sans doute était-ce le but recherché ! « J’ai longtemps erré, je l’avoue, poursuit Paschic, et c’est mon ami Branson qui m’a ramené sans le vouloir vers la vérité ! » Paschic a un bref coup d’oeil pour Branson, dont la fidélité et la bonne volonté sont évidentes ! « Nous prenions le train, Branson et moi, quand mon ami s’écria : « Regardez cette voyageuse, on dirait une somnambule ! » Une femme effectivement faisait tourner son carton à chapeaux, telle une arme et ne s’en rendait même pas compte, bien qu’autour on s’efforçât d’esquiver la menace !

Cette femme était tellement dans son monde qu’elle ne voyait pas la gêne qu’elle produisait ! Ce fut comme un déclic pour mes petites cellules grises ! Une autre hypothèse, pour expliquer le meurtre de Tautonus, m’apparut ! »

Paschic se tait et le silence devient de plus en plus lourd, ce qui fait que, quand le détective reprend, sa voix a un ton quasi sépulcral ! « Et si la Machine méprisait tellement les autres qu’elle trouverait normal de les traiter comme ses esclaves ? Ainsi elle ne ferait pas le mal en les blessant, elle en aurait le droit ! Fort de cette nouvelle hypothèse, j’inspectais plus minutieusement le bureau et découvris ceci ! (Il montre une petite poulie!) Elle était fixée à la plinthe, derrière le siège de Tautonus, et au-dessus on avait pratiqué un trou dans le plafond, qui aboutit dans la chambre de la Machine !

Je compris alors le système : à chaque fois que Tautonus s’asseyait à son bureau pour travailler, il avait un fil autour du cou, relié à la Machine ! Comment avait-il pu « se laisser passer la corde au cou », si je puis dire ? La Machine l’a sans doute culpabilisé… On lui doit tout n’est-ce pas ? Et puis, c’était le prix à payer pour la notoriété, que désirait lui-même Tautonus ! En tout cas, s’il venait à s’endormir, il tendait le fil et la Machine le tirait de son côté, afin que Tautonus reprenne le travail ! Et ce manège a duré pendant des années ! Tautonus a été usé jusqu’à la corde, pour faire un second et je l’espère, dernier jeu de mots !

Mais que s’est-il passé, ce soir-là ? Nous savons que Tautonus présente les premiers signes de la maladie de Parkinson… Il sombre dans l’inconscience… La Machine, ne comprenant pas ce qui se passe, tire comme une folle sur le fil, rageusement même peut-être, puis, inquiète toutefois, elle sort de sa chambre et entre dans le bureau ! Elle trouve son mari étranglé, par sa faute ! Vite, elle démonte le système, récupère tout le fil et sort ! Elle arrive en haut de l’escalier, quand retentissent les premiers cris de madame Penckry et c’est à cet instant que je bute dans la Machine et que, sous le coup de la frayeur, elle me récite cet étrange laïus sur son innocence, alors qu’elle tient caché le fil dans sa main !

_ Comment osez-vous, ignoble petit porc ! s’écrie la machine qui se lève. Je vais vous... »

Elle se jette sur Paschic, mais deux gendarmes l’immobilisent et l’emmènent ! « Encore une fois, vous avez été brillantissime ! fait Branson à Paschic.

_ Merci, mon ami, mais je doute que la Machine soit condamnée pour meurtre… Cela passera pour un accident ! Mais je suis toujours surpris par la folie humaine ! »

 

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