La Nuit des Doms (22-26)

  • Le 25/10/2025

R106

 

                     " Voilà l'un des hommes dont je vous ai parlé...."

                                                   Le Reptile

 

 

                                    22

      « Ouch ! Qu’est-ce qui m’est arrivé ? demande Web.

_ On a été enlevé, Web…, répond Paschic.

_ Enlevé ? Moi, enlevé ? Vous rigolez ?

_ Hélas non ! Regardez, nous sommes ligotés à ces chaises !

_ Bon sang ! Celui qui a fait ça, il va m’entendre !

_ Il va entendre quoi, mon chou ? fait un personnage qui sort de l’ombre.

_ Vous n’avez aucun droit sur nous ! réplique Web. Veuillez nous détacher immédiatement !

_ Comment ? Tu donnes des ordres au roi Focus ?

_ Le roi Focus ? Qu’est-ce que c’est qu’ ça ?

_ Ouuuh ! Comme tu parles mal ! réplique Focus, qui gifle Web. Du respect ! Tu me dois du respect ! Attention, je téléphone, tu m’ regardes !

_ Mais il est complètement givré !

_ Tu m’ regardes et tu causes plus !

_ Si j’ai envie de regarder ailleurs, j’ regarderai ailleurs !

_ Bon sang ! T’es dur de la feuille, toi ! s’énerve Focus, qui gifle de nouveau Web. Ça va rentrer, j’ t’assure ! Quand j’ téléphone, tu m’ regardes et t’écoutes ! T’es attentif à Focus !

_ Mon Dieu ! lâche Web au bord des larmes.

_ J’ croyais que vous étiez immatériel ! murmure Paschic à Web.

_ Oui, mais il faut bien calmer cet énergumène…

_ Tu s’rais pas l’ roi des mutants, Focus ? demande soudain Paschic.

_ Ça s’ pourrait bien ! répond l’intéressé. Mon royaume s’étend partout où je me trouve ! Les autres doivent me regarder…

_ Bien sûr…

_ Attention, je lève la jambe… Une, deux, une deux ! Regardez bien ma jambe qui se lève et qui s’abaisse !

_ Ah ! Ah ! Il est dingue ! s’exclame Web.

_ Et voilà, tu me mets de nouveau en colère ! jette Focus, qui frappe encore une fois Web. Tu suis ma jambe, pigé ! Elle monte, elle descend ! Toujours, toujours, tu dois fixer ton attention sur moi ! Mais, puisque tu restes hostile, je vais vous servir à tous les deux un p’tit truc à ma façon ! »

Focus déclenche une musique démente, qui hurle, puis indifférent, il commence à grignoter… « Eh ! L’affreux ! Arrête ça, tu veux ! crie Web. On s’entend plus ! C’est insupportable !

_ C’est not’ punition, Web…, coupe Paschic. Il utilise la musique comme torture !

_ Mais, bon sang, d’où il sort ce type ?

_ C’est un mutant… Ils sortent de nulle part ! Justement parce que c’est le néant qui les crée ! Eh Focus ! Focus !

_ Quoi ? J’ suis en plein sexe, là !

_ En plein sexe ? fait Web.

_ Ouaip ! J’ suis busy avec mon téléphone, sur des gâteries sexuelles ! Mais c’est bien, tu t’intéresse à ce que je fais ! Tu progresses !

_ Mais va te faire f… !

_ Focus ! coupe Paschic. J’ suis sûr que tu voudrais t’ reposer ! Hein ? Car c’est fatigant d’être toujours à vouloir occuper l’espace ! Attirer l’attention, c’est être comme une pile : ça dépense de l’énergie ! La peur produit cette tension ! Moi, j’ peux t’ détendre, Focus ! J’ai la recette !

_ Ah ouais ? répond sceptique Focus, qui baisse quand même la musique. Qu’est-ce que tu veux dire ? J’ suis bien comme ça, moi ! Vous êtes mes esclaves, point barre !

_ Tss, tss, Focus ! C’est pas vrai ! T’es toujours sur tes gardes ! Pas d’ relâchement, car l’ monde te fait peur !

_ J’ai peur de rien, moi ! Les autres, j’ les emmerde !

_ Allons, allons, Focus, les autres, tu veux les dominer ! tout le temps ! Quand est-ce que tu t’ reposes ?

_ Bon OK, j’ te donne une minute ! C’est quoi, ta recette ?

_ Donne-moi ta main…

_ Beurk ! Moi, que j’ te donne la main ? Tu vas la salir !

_ Allez, un peu de courage ! J’ai pas la lèpre... »

Focus donne sa main et immédiatement, lui et Paschic se retrouvent au milieu de fougères, alors qu’elles meurent et qu’elles sont pleines d’humidité ! « Bon sang ! On est où mec ? fait Focus.

_ Parmi des fougères ! Tu en as déjà vues, non ? Ça mord pas, tu sais !

_ Me prends pas pour une bille ! Je sais ce que c’est… Alors, c’est ça ton plan ? Eh, où tu vas ?

_ Je vais voir s’il y a une sortie, un peu plus loin… On peut pas rester là trop longtemps, on va finir par avoir les pieds mouillés !

_ Mais c’est toi qui nous a mis dans cette galère ! Eh ! Oh ! T’es déjà loin ! Reviens ! Mais bon sang, reviens !

_ Tu vois, Focus, tu méprises absolument les autres, mais tu es incapable de te passer d’eux ! Tu sens pas là comme un problème, une sorte d’impasse ? »

                                                                                                                23

      « Mais mec, la seule chose que j’ percute, c’est que tu nous a mis dans la mouise ! Sors-nous d’ cette zone ! Sinon…

_ Sinon quoi ?

_ Eh ! T’entends ?

_ Non… J’entends rien, réplique Paschic qui tend l’oreille.

_ On dirait qu’on gratte par là… La terre, on gratte la terre !

_ Sans doute un animal, dit Paschic qui inspecte des yeux le bord du champ de fougères.

_ Il fait froid et humide…

_ Oui, le ciel est gris… C’est le mauvais temps de l’automne, avant l’hiver !

_ Là !

_ Là quoi ?

_ Une ombre s’est détachée !

_ Sur la blancheur du boulot ?

_ Oui, devant l’arbre ! Il y a eu quelque chose qui avait l’air terrible !

_ Un lapin qui a fait un bond ?

_ Non mec, c’était sérieux ! Écoute ! Ça gratte tout autour !

_ En effet, on dirait que c’est pour nous !

_ Quoi ? Qu’est-ce qui est pour nous ?

_ Va falloir être solide, Focus !

_ Mais quoi, bon sang ? Qu’est-ce qu’il y a ? »

A cet instant, un main squelettique, couverte de haillons, saisit le pied de Focus qui pousse un grand cri ! Puis, lentement, sort de terre le reste du squelette, dont les mains osseuses remontent le long du corps de Focus, figé par l’épouvante. Tout autour d’autres spectres apparaissent, qui viennent tirer Paschic et Focus vers la terre, dont ils sont sortis ! C’est comme si tout devenait mouvant dans l’horreur !

« Mec, mec, si t’as un peu d’ pitié, parvient à articuler Focus, fais quelque chose !

_ Mais Focus, ces créatures, tu devrais les connaître ! Elles font aussi partie de toi !

_ Négatif, mec ! Jamais... vues ! réplique Focus, qui regarde avec terreur les yeux caves d’un spectre.

_ Mais si ! Mais tu les fuyais en dominant les autres ! Tu calmais tes peurs, en te sentant supérieur ! Tu vois aujourd’hui que c’était pas la solution !

_ Quoi ? Ces spectres puants seraient mes peurs !

_ Bien sûr, ce sont tes inquiétudes… et les miennes ! Elles sont toujours là, quoique moins visibles plus il y a de lumière, comme en été ! Mais elles sont toujours là et si tu ne les affrontes jamais, comment veux-tu en guérir et t’en débarrasser ?

_ Si on n’était pas là, elles s’raient pas là ! C’est un tour à ta façon !

_ Mais non, tu gonfles chaque jour ta domination, tu écrases le monde de ton mépris, pour ne pas les voir !

_ J’ fais c’ que j’ veux, mec !

_ Très bien, je te laisse en bonne compagnie ! Moi, je connais mes propres goules… Elle sont toutes aussi hideuses que les tiennes, mais je peux jouer aux cartes avec elles !

_ Ne me laisse pas, j’ t’en prie ! J’ te donnerais tout ce que tu veux ! »

Brusquement, un homme nu butte contre Paschic et Focus ! Après une seconde de surprise, il demande : « Z’avez pas vu l’ chantier ? » Il est au bord de la panique, entouré par deux spectres, qui l’embrassent avec tendresse, ainsi qu’il serait une proie aimée ! « Un chantier ? répond Paschic compatissant. Non, il n’y a pas d’ chantier par ici !

_ Comment ? Pas d’ chantier ? On m’a dit d’être ici à huit heures précises ! Sinon…

_ Sinon quoi ? crie Focus, qui sent un squelette gratter ses cheveux.

_ Sinon couic ! Licencié ! Foutu quoi !

_ C’est pour ça que vous avez oublié de vous habiller ? demande Paschic.

_ Fallait qu’ je file ! Euh… Dites, vous n’auriez pas quelque chose à boire ! Faut qu’ je picole ! C’est plus fort que moi !

_ Désolé mec ! On n’a pas ça ! fait la voix tremblante de Focus.

_ L’ chantier doit être là ! Vous m’entendez ! Doit être là !

_ T’es zinzin, mon pauvr’ père ! » lâche Focus.

Un spectre, plus hardi que les autres, en profite pour le baiser sur la bouche, lui ravageant les dents à l’intérieur !

                                                                                                                    24

     Le trio en est là quand vient le survoler un robot tout blanc ! « Bonjour, fait-il, j’ai pas l’honneur de vous connaître, mais j’aimerais bien savoir ce que vous faites ici !

_ Ça t’ regarde pas ! hurle Focus, qui est parvenu à libérer sa bouche.

_ Ah ! Pardon ! répond le robot. C’est moi, le maire de cette commune ! Et apparemment vous bossez pas ! Vous ne remplissez pas l’ contrat social ! Vous avez des droits, mais aussi des devoirs ! Et qu’est-ce que vous faites tout nu, vous ?

_ J’ bosse sur l’ chantier ! J’ai pas eu l’ temps d’ m’habiller, sinon…

_ Sinon quoi ?

_ Licencié ! Foutu quoi !

_ Y pas d’ chantiers par ici !

_ Ah ! Qu’est-ce que j’ disais ! s’écrie Focus.

_ Y pas d’ chantier ? répète l’homme.

_ Non et j’ suis bien placé pour l’ savoir ! J’ suis l’maire ! Remarquez que je le regrette ! J’ verrais bien ici de nouveaux quartiers, des lotissements avec des vies familiales, plutôt… que ces stupides fougères ! Mais même moi, je ne peux pas faire ce que je veux ! Le coin est trop escarpé… Il y a des éperons rocheux tout autour ! Pas possible d’y installer l’ cube ! Faut renoncer ! Faut lâcher, vous m’entendez !

_ Ça va, ça va ! fait l’ouvrier. Pas la peine de crier comme ça ! Alors il est où l’ chantier ?

_ Partout ! Partout sauf ici ! Allez, dégagez ! Vous n’avez rien à faire ici ! Et trouvez une tenue de travail !

_ J’ suis foutu ! marmonne encore l’homme qui s’éloigne, caressé par ses spectres.

_ Et maintenant à nous ! jette le robot en se tournant vers Paschic et Focus. Non, parce que je veux bien aider les plus fragiles ! Je suis quand même de gauche, mais vous, vous m’avez l’air de sacrés cossards ! Et j’aime pas ça, oh, non ! Alors qu’est-ce que vous bouinez dans c’ coin ?

_ Mais moi, chais pas ! répond Focus en larmoyant. C’est lui qui m’a amené ici ! Où y a tous ces spectres ! Snif !

_ C’est donc toi l’esprit fort ! poursuit le robot en s’adressant à Paschic. Ça n’ m’étonne pas trop, tu sais, vu ta tête de faux j’ton ! J’ t’ai pas aimé d’emblée, même si j’ suis d’ gauche !

_ Quand vous parlez d’ bosser, c’est de vous faire valoir auprès de vos électeurs !

_ Mais non, c’est apporter à ma ville le plus de bien possible !

_ Disons plutôt que vous voilà incapable de lâcher le pouvoir ! Pourtant il le faudra bien, quand la mort viendra ! Autant apprendre de suite qu’on n’est pas le centre du monde, qu’on doit passer la main un jour ou l’autre ! Le retour à l’anonymat, c’est dur ! Faut occuper ses journées, voir un autre à la place qu’on occupait naguère ! C’est un sacré coup pour l’ego !

_ Ah ! Ah ! P’tit insolent ! T’as aucune idée de qui je suis !

_ Si hélas ! Et y a longtemps que vous vous êtes perdu, d’où vot’ état de robot ! Les spectres ici ne peuvent plus rien contre vous, parce que vous n’êtes plus parmi nous !

_ C’est vrai qu’ils vous laissent tranquille ! s’écrie soudain Focus.

_ Mais t’attaque mon bilan, on dirait ! Mais si, t’attaque mon bilan ! réplique le robot, qui déploie un raquette de chaque côté, au bout de ses bras. Viens ! Oh ! Je t’en prie ! Viens ! Attaque mon bilan ! Tu vas voir à qui tu as affaire ! Viens, la poule mouillée ! T’oses pas ? Car moi, je n’ai qu’une parole ! Ce que j’ai promis, je le fais !

_ Non, ça ira, merci ! dit Paschic.

_ Bien sûr ! Dès qu’ t’es en difficultés, tu t’ couches ! C’est pourquoi t’es là, à l’abri, mais tu suces quand même le système ! Come on, man ! Tu veux quelques chiffres ? Tu veux sentir le souffle de la réalité ? Tiens, pour les plus fragiles, car j’ suis quand même de gauche, on est au top ! Le prix à la cantine, il a baissé de 70 %! Qu’est-ce que tu dis d’ ça ? »

A ce moment, Paschic et Focus sont pris d’un étourdissement, comme si le robot projetait sur eux un rayon soporifique ! Ils n’entendent plus rien et pourtant le robot continue : « 18 000 arbres plantés ! Hein ? Morveux ! 250 km de pistes cyclables ! Qui dit mieux ? Ah ! Ah ! 20 équipements sportifs rénovés ! Attaque, j’ te dis ! Mais attaque ! J’ suis en béton ! 2 000 000 visiteurs de plus au nouveau musée ! 1 000 interventions de la Brigade de tranquillité ! Ah ! Ah ! Mais viens ! Hop ! Hop ! Lavette ! 5 groupes scolaires aux normes de la rénovation énergétique ! Tocard ! 10 000 composteurs ! Tu trembles ? T’as bien raison ! 3 000 nettoyages de tags ! Ah ! J’en peux plus ! 30 000 tonnes de C02 évitées ! 14 km de réseau chaleur ! Je pleure ! Les fumiers ! Les ingrats ! »

« Eh ! Paschic ! Paschic ! réveille-toi bon sang ! fait Web. Focus s’est endormi ! Faut qu’on en profite pour s’échapper ! »

                                                                                                                25

     « Hein ? Quoi ? Qu’est-ce qui s’ passe ? répond Paschic.

_ Y a que le roi Focus est toujours endormi, que tu lui tiens encore la main, que tu peux le tirer à toi, vu qu’il a un couteau dans sa poche ! »

Paschic se rend enfin compte de la situation et il obéit à Web ! Après moult gesticulations, on arrive à se libérer ! « Vite ! dit Web. Rejoignons les couloirs numériques, avant que ce dingue ne se réveille ! »

Les deux compères fuient par un réseau compliqué de souterrains, en traversant cependant des flots de lumière, et c’est au passage de l’un d’eux que Web s’écrie : « Bon sang, Paschic ! Vous avez une horreur sur l’épaule !

_ Elle a la forme d’un spectre, j’ parie !

_ C’est tout à fait ça ! C’est un squelette vivant !

_ C’est le spectre de mes inquiétudes ! Il a toujours été là, vous savez, mais il est vrai qu’il est plus ou moins visible, selon les circonstances !

_ Vous voulez dire que cette horreur, à même de vous dévorer le crâne, vous accompagne partout !

_ Mais c’est le cas pour tous les Doms ! La seule différence, c’est que je discute avec elle et que je ne la nie pas, en voulant dominer les autres ! C’est maintenant une vieille amie !

_ Brrr !

_ Rien ne vaut la foi, pour se muscler le cerveau ! »

A cet instant, une fibre au-dessus des deux hommes éclate en une gerbe d’étincelles ! Puis, on entend la voix de Focus : « J’ vous ai ratés d’ peu, les salopards ! Vous n’ pensiez tout d’ même pas échapper à papa Focus comme ça ! La chasse est ouverte, messieurs ! » Une autre détonation vient frapper les oreilles des fuyards, qui se remettent à courir ! « Dites donc, Web, fait Paschic, dans sa course. J’ croyais que vous étiez l’ maître ici ?

_ C’est le cas ! Mais il y a des lois physiques que même moi, je ne peux transgresser ! Un ascenseur ! Prenons-le »

La cabine s’élève à toute vitesse, donnant du répit à Paschic et Web, qui sont maintenant en nage, mais la porte s’ouvre après un arrêt brusque et un robot tout blanc entre, en jetant à Paschic : « Alors tu critiques toujours mon bilan ?

_ Mais qu’est-ce que… ? s’écrie Web.

_ C’huis l’ maire Chenu, d’où ma couleur… et parce que j’en ai beaucoup vu ! explique le robot.

_ Le maire Chenu ?

_ Exact ! Et le minable qui est à côté de vous a osé critiquer le bilan d’ mon mandat ! J’ reprends donc ! 56 ! C’est le nombre d’acteurs mobilisés dans l’élaboration du projet territorial des solidarités !

_ Mon Dieu ! fait Web.

_ Ben quoi ! On m’ cherche, on m’ trouve ! réplique le robot. 1 000 ! C’est le nombre de participants au Forum annuel de l’économie ! 450 ! Le nombre d’acteurs mobilisés et concertés pour élaborer la stratégie de développement économique !

_ J’ pensais que c’était 250 ! jette Paschic.

_ Vaurien ! » crie Chenu.

Ding ! L’ascenseur arrive à destination ! Les trois occupants en sortent et recommencent à se presser ! « 41 ! martèle de nouveau le maire. C’est le nombre de projets concrétisés lors des deux saisons du budget participatif ! » Mais il ne peut aller plus loin, car une balle vient le frapper de plein fouet ! Paschic s’arrête tout de même et se penche sur la carcasse fumante… « Chenu, murmure-t-il.

_ Mon… bi… lan…, lâche encore le maire.

_ Il est excellent !

_ J’ me représent’rai ! J’ suis… incre… vable !

_ Je sais… Allez en paix, maintenant ! »

Le robot ferme les yeux ! « Vite, Paschic ! crie Web. Le roi des fous est encore derrière nous ! »

                                                                                                            26

     On court dans un dédale de tunnels ! « Le plus radical, dit Web, ce serait d’emprunter un flux photonique ! Là on échapperait sûrement à Focus, car on serait ici ou là-bas, c’est-à-dire nulle part !

_ Vous m’en direz tant !

_ Faut ouvrir un tube photonique et plonger d’ dans ! Seulement, je n’ sais pas si votre santé y résistera !

_ J’ suis en pleine forme !

_ Très bien ! Surveillez nos arrières, je vais nous donner un accès au réseau... »

Web, de ses doigts agiles, tape un code sur un boîtier et une trappe s’ouvre sur le flux photonique ! « De la pure lumière ! s’exclame Web, dont le visage semble éclairé par l’éclat de l’or.

_ Vite Web, il arrive !

_ Paschic ! crie Focus au bout du tunnel. C’est la fin du voyage ! T’es coincé comme un rat !

_ Bon sang ! fait Web. Il lâche jamais !

_ Il peut pas, répond Paschic. S’il s’arrête, ses spectres le dévorent !

_ Bon, j’y vais l’ premier et vous m’ suivez ! jette Web, qui saute dans la lumière.

_ Focus ! Focus ! appelle Paschic. Rien ne sert de nous poursuivre ! C’est pas not’ mort qui guérira vos peurs ! »

Pour toute réponse, des balles ricochent tout près de sa tête, ce qui fait que lui aussi disparaît dans la lumière !

Où est-il ? Il est traversé par les photons et il brille lui-même ! Tout semble aller très vite, mais la conscience reste la même ! La forme indistincte de Web est là toute proche, mais les deux hommes ne peuvent pas parler : ils communiquent cependant par la pensée !

« Où sommes-nous ? demande Paschic.

_ Dans la lumière ! répond Web. Mais normalement nous devrions pouvoir en sortir… Il y a des points de connexion qui sont faits pour cela !

_ Vous voulez dire qu’il y a un os ?

_ Apparemment ! Il y a une masse qui bloque…

_ Nous voilà bien ! C’était votre idée…

_ Parce que vous en avez eu une meilleure ? Je ne sais pas ce que c’est, mais cette masse est sensible ! Elle réagit quand on la touche ! »

Paschic prend également conscience de la masse : elle est si forte qu’elle fait obstacle au flux photonique ! Il tape dessus et immédiatement la masse se concentre sur le point d’impact, pour attaquer Paschic, qui doit reculer ! « On est dans le domaine de la conscience, se dit Paschic, et pourtant il y a une hostilité quasi physique... »

A ce moment une ombre passe au-dessus de Paschic, qui entend distinctement : « Vous m’appartenez ! Vous êtes mes sujets ! » « Eh ! Mais c’est Focus ! » pense Paschic, qui aussitôt fait taire son cerveau, pour ne pas être repéré ! L’ombre effectivement se perd, entraînée par le flux ! « Web n’avait pas tort, raisonne de nouveau Paschic, le flux photonique nous protège… Mais alors cette masse ? Et si elle était affective ? Web ? Web ? Vous êtes là ?

_ Ouais, je surveillais le passage de Focus…

_ Pourquoi il est passé et pas nous ?

_ Il était peut-être dans un autre état…, un état quantique j’ veux dire !

_ Bien sûr… A propos de la masse, ne pourrait-elle pas être affective ? une énergie mentale sensible ?

_ Euh… Vous pensez à quoi ?

_ A une famille ! Suivez mon raisonnement… A l’origine de la complexification de la matière, il y a la lumière, productrice des éléments chimiques ! Or, la complexification de la matière conduit elle-même à une individualisation des êtres vivants !

_ Si vous le dites !

_ Processus que la famille semble empêcher, en restant une conscience collective !

_ Ce qui expliquerait l’agressivité de la masse…

_ Oui, car même l’amour familial est constitué de domination… Mais nous sommes faits pour nous développer entièrement, sinon nous ne reconnaissons pas l’autre !

_ Et la famille rejette l’étranger ! Elle forme un monde clos !

_ Exactement ! Et la voilà à même d’arrêter le flux photonique ! Si on pouvait augmenter celui-ci, il devrait être possible de fragmenter la famille et de l’élever à un niveau d’individualisation supérieur !

_ Augmenter le flux photonique ? Cela paraît faisable, puisque Focus n’était pas sur la même longueur d’onde… Il faudrait bidouiller ici et là !

_ Reste que la réaction de la famille sera certainement d’une extrême violence, quand elle sera en face d’une réalité plus vaste qu’elle !

_ On n’a pas le choix ! »

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !