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La Révolte... (59-62)
- Le 14/09/2025
"Des cloportes! Tous des cloportes!"
La Métamorphose des cloportes
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« Si je comprends bien, dit Marié, plus le Cube a peur et plus il se développe ! Dans ce cas, on ne sortira jamais d’ici !
_ Nous serions de toute façon incapable de vivre hors du Cube, pas vrai ? répond Paschic. Par contre, on peut essayer de freiner son expansion et de mieux la diriger !
_ Et la beauté de la nature ? demande Propre.
_ C’est elle en effet qui repose et nourrit… Voilà pourquoi il est nécessaire de lutter contre la folie du Cube !
_ Mais... »
Propre ne peut pas terminer, car la troupe est arrêtée par un Dom géant et tout gris ! « Halte ! fait le géant. Je suis le Dom invulnérable ! le Dom absolu ! ultime ! Je suis la force incarnée ! Vous voyez cette maison ? «
La troupe regarde une chaumière, d’où viennent les bruits du quotidien, puisqu’une famille y habite ! Soudain, le Dom géant écrase l’habitation, ne laissant aucune chance à ses habitants ! « Ah ! Ah ! Voilà ce que je fais avec la racaille ! Faut pas m’ chercher ! J’ suis le plus fort !
_ Tu es surtout né de la peur du Cube ! lui dit Paschic.
_ Hein ? Moi, peur ? Je n’ai pas peur ! Rien ne me fait peur !
_ Au contraire, plus la peur du Cube est grande et plus il crée des Doms comme toi !
_ Et j’aurais peur de quoi ?
_ De tout ! C’est indéfinissable ! Tu as peur du vide pour commencer ! du silence, de l’inaction, de la paix même ! Tu ne sais même pas te tenir debout sans rien faire, ni attendre patiemment !
_ Et pourquoi voudrais-je ces « qualités » ? Tu voudrais que je sois mort ! Ah ! Ah !
_ T’agiter, t’agiter, pour ne plus avoir peur, ça, tu sais faire ! Tu te bats contre un ennemi qui n’existe pas ! Tu n’arrives même pas à guérir tes névroses !
_ Ça fait deux minutes que j’ t’écoute et ça fait deux minutes de trop ! Qu’est-ce que j’ai affaire d’un avorton comme toi ! T’es rien, mon pote !
_ Je suis rien à tes yeux, en effet, et pourtant j’ai moins peur que toi !
_ Je t’ai déjà dit que je n’ai pas peur !
_ Comment expliques-tu alors ton gigantisme ?
_ Ben, j’ suis l’ plus fort ! Ouais, c’est ça ! Ah ! Ah !
_ Mais non, j’ t’explique ! La vie s’affirme pour exister, ce qui conduit à toutes les luttes que l’on voit dans la nature ! L’animal face à la différence ou l’inconnu a une position de rejet et d’agressivité ! Ainsi les Doms se replient sur soi ou font valoir leur domination, quand ils en croisent d’autres, et les hommes utilisent la force physique et les femmes la séduction ! Et les jeunes ? qui naissent dans un monde incertain, dont le Ciel est vide, dont toutes les croyances paraissent mortes ?
_ Les jeunes ? dans quoi, tu dis ?
_ Eh bien, ils ont d’abord une réaction psychique, figure-toi, avant qu’elle ne soit sexuée ! C’est une particularité de notre époque, car nous sommes à l’ère de la communication et c’est d’abord notre psychisme qui est concerné ! Toujours est-il que des jeunes ont tellement peur qu’ils ne sont plus qu’un concentré psychique ! Ils produisent une domination mentale partout où ils vont, de sorte que le monde autour devrait en être absorbé ! d’où le nom de ces jeunes, les Doms trous noirs ou DTN !
_ Tu fais l’ malin, c’est ça ? Tu m’prends pour une bille ! J’en ai fait moi aussi des études ! Mais ça sert à rien, puisque je peux t’écraser comme une mouche !
_ Oui, parce que t’as peur ! T’as tellement peur que tu as tout le temps besoin d’ étaler ta force ! Si t’étais vraiment costaud, tu serais en paix, disponible, curieux, aimable ! Tu f’rais l’ bien !
_ Grrr ! Tiens, prends ça !
_ Raté ! Quelle mauviette ! Tout le temps inquiet !
_ Grrr ! Tiens ! Tiens !
_ Un vrai DTN des temps anciens ! Le gars qui cogne, pour pas pleurer dans l’ noir !
_ Grrr ! J’ vais t’ réduire en bouillie !
_ Essaie déjà de rester calme, d’écouter l’ silence ! poursuit Paschic, qui entraîne le géant dans sa magie.
_ Mais qu’est-ce que ? Eh ! Où on est là ?
_ Tu vois, tout autour de toi, la lumière pleut sur les arbres, en y semant mille pierreries ! N’est-ce pas magnifique ?
_ Mais c’est que j’ suis paumé là ! Grrr, renvoie-moi d’où on vient, sinon…
_ Tu vas te mettre à gémir, je sais…
_ Ecoute ! Y a pas un bruit ! Je… Parle-moi de moi, vite ! Je sens que je vais faire un malaise…
_ Qu’est-ce que tu veux que j’ te dise ?
_ Chais pas, moi ! Demande-moi, ma couleur préférée ! »
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Une pluie fine tombe sur le Cube et la petite troupe avance doucement, comme dans un rêve, car le contour des choses est flou ! Le géant a été laissé dans la magie du bois d’été et nul doute qu’il y pleure encore…, à moins, à moins qu’enfin il ait commencé à s’enchanter de la beauté qui l’entoure, de la magnificence de la nature !
Il est possible qu’il soit maintenant ravi par une libellule, qu’il prenne conscience que le houx illuminé, recueille la lumière, comme des larmes et fait le plus beau des candélabres ! Sera-t-il enfin amusé par le doux murmure du ruisseau, qui se joue de tous nos soucis ? Verra-t-il du mystère dans les bosquets touffus, où le jour perce à peine les profondeurs ? Se rendra-t-il compte des vitraux émeraude ou topaze, qui font de la moindre ronce une merveille de silhouette ? Celui qui sait voir n’en finit pas d’explorer les trésors de la lumière !
Encore faut-il de la simplicité ! ce dont est dépourvu le Dom, qui est malheureux à cause de sa peur et de son ego ! D’autres ont plus et voilà le Dom en colère, mais d’autres auront toujours plus ! Que veut le Dom au fond ? Il n’en sait rien ! Qu’appelle-t-il victoire ou bonheur ? Jamais la domination ne peut être satisfaite et guérir la peur !
Que veut le Dom ? Être au pouvoir ? Qu’il le prenne et il ne sera pas plus heureux ! Et il verra que les autres Doms sont toujours en colère ! Si seulement le Dom pouvait s’élever spirituellement, il aurait l’amour et la confiance ! Il serait mille fois plus riche que tous les milliardaires réunis ! Mais on préfère son ego, sa haine, sa soif de vengeance ! On caresse son égoïsme, en parlant de droits !
La petite troupe aperçoit d’ailleurs une boule de feu, qui se déplace dans la rue telle une coulée de lave ! Ce sont les Doms en colère qui manifestent, des Doms malheureux, haineux, qui se croient lésés, alors que les plus belles merveilles sont gratuites, dans la nature ! A l’avant, on reconnaît les « Nés-Vieux » ! Ceux-là dès treize ans pensent à leur retraite ! Ils ne voient la vie que comme un long tunnel à points ! Jamais ils ne se demandent si elle peut avoir un autre sens ! On comprend leur malheur, car qui voudrait d’un si long esclavage, avec à terme la maladie et la mort ?
Ah ! Mais, explorer l’inconnu, l’insondable, le mystère, aimer la beauté, c’est affronter sa peur, diminuer son ego, c’est reconnaître qu’on ne sait pas ! C’est accepter la patience, ne pas vouloir à tout prix avoir raison ! Ce n’est pas aboyer, mais choisir la douceur !
Tous, ils ont soif ! Ils veulent se développer, s’épanouir, sentir leur liberté, mais ils ne sont pas « éclairés » et restent aveugles, la plupart par manque de courage, car la force, c’est bien d’aimer, malgré le poids des Doms, leur colère d’opérette ou presque !
« On va être emporté ! s’inquiète Marié. Ils sont trop nombreux ! Ils crient tellement forts !
_ Oui, ils sont affamés et ils ne savent même pas de quoi ! répond Paschic.
_ Mais… mais ils ont raison ! fait soudainement Propre. De quoi sera demain, nous ne le savons pas ! Nous n’avons même pas de retraite ! J’ai froid et j’ai peur !
_ Propre, repense à la beauté infinie de la nature ! Crois-tu que tu sois seule et abandonnée ? N’as-tu pas eu assez de preuves qu’un amour tout puissant veille sur toi ? Reprends confiance ! La colère des Doms est vaine !
_ J’imagine qu’en arrêtant le Cube, on va pouvoir se parler !
_ Alors que le Dom ignore déjà l’importance de son ego ? Il ne reconnaît même pas son propre égoïsme, ni sa propre lâcheté, il faut bien le dire ! Que va-t-il se passer quand vous serez entre quatre yeux ? Tu crois à un miracle, à une compréhension subite ?
_ Et quelle est la solution d’après toi ?
_ Que le Dom change d’abord lui-même ! Qu’il prenne de plus en plus conscience de son individualité et que l’État n’est pas sa maman ! Regarde les Nés-Vieux, ils vivent dans une boîte à chaussures ! »
Mais Propre n’entend plus : elle a cédé à ses inquiétudes et rejoint le flot incandescent ! « Propre ! Propre ! » crient Marié et Mécano inutilement, car le vacarme est assourdissant et la violence dans le sillage du mouvement, inévitablement, puisqu’elle exprime l’illusion de son fondement, sa stérilité !
« C’est ça… ou les bottes ! lâche dans un soupir Paschic.
_ Qu’est-ce que tu veux dire ? demande Mécano.
_ Face au vide, les Doms se dirigent soit vers le chaos social, car une société matérialiste ne peut être que malheureuse… ou alors pour éviter ça, de l’ordre et de l’ordre à tout prix ! Les dictatures, quoi ! Mais c’est toujours à côté ! Rien de grand au final ! »
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« Mais, mais on a perdu Propre ! On dirait que ça ne te fait rien ! réplique Marié.
_ Si, bien sûr que si, mais cela montre encore une fois combien les peurs des Doms sont fortes et comment il est difficile d’y résister ! On ne peut pas non plus ramener Propre par la force, notre chemin est celui de l’amour et de la confiance ! Nullement celui de la haine et de la colère ! Crois-moi, il est fort possible que Propre nous revienne, quand elle verra le vide des Doms ! D’ailleurs je suis fatigué… Je nous envoie où nous pourrons nous reposer... »
Grâce à sa magie, Paschic conduit le trio sur une plage de galets, où souffle le vent ! Les pierres « croassent » sous les pieds et la mer est creusée de petites vagues ! C’est une ambiance aride, dépouillée, sauvage, mais au moins ici on n’entend plus les Doms ! Paschic respire ! Il prend son temps, il regarde !
Le ciel est traversé par des grains et entre eux, des espace bleus laissent tomber la lumière ! Celle-ci vient miroiter sur les vagues, donnant à la mer des écailles d’argent, dans un mouvement continu ! Paschic ne dit rien et contemple ! Il sait que tôt ou tard il va lui falloir retrouver le monde des Doms et cela passera d’abord par un vacarme effroyable, une agitation sans bornes, déstabilisante, abrutissante, essentiellement provoquée par la peur !
Ici, la majesté est si évidente qu’elle semble un jeu… Pour le monde des Doms, comment on en est arrivé là ? Certes, nous sommes nombreux et il faut bien nous nourrir, mais le fonctionnement, que nous avons mis en place et qui devait nous servir, nous rend au contraire esclaves et finalement nous tue, avec le réchauffement climatique !
En remontant un peu sur la grève, Paschic observe des hirondelles, qui gazouillent joyeusement, avant d’effectuer leur migration ! Elles n’ont pas peur et pourtant elles sont infiniment moins protégées que nous ! Alors qu’est-ce qui ne va pas chez les Doms ?
On peut dire que ça commence dès l’école… Pourquoi les élèves ne reçoivent-ils pas un cours de sagesse, de contemplation ? Pourquoi ne se retrouvent-ils pas devant les merveilles de la nature, afin qu’ils se calment, qu’ils jouent, qu’ils s’y sentent comme chez eux ? Pourquoi ne sont-il pas éveillés à la beauté, comme l’a été Paschic, simplement par l’observation, la curiosité, l’attente ? Pourquoi ne pas prendre en compte leur chagrin, leur peurs ? Pourquoi ne leur laisse-t-on pas le temps ?
Car tout de suite les peurs des adultes « tombent » sur eux ! Tout de suite, il faut du rendement, de la performance, car c’est cela qui rassure ! Il faut des chiffres, car c’est tangible, sérieux, d’où l’importance des mathématiques, des sciences physiques ! L’échec est présenté comme un abîme, une damnation ! Toute la panique de la société vient s’abattre sur des épaules trop frêles !
Les enfants sont embarqués dans un train sans conducteur, comme le montrent les crises d’aujourd’hui ! Pourtant la solution est simple, encore faut-il la voir, car le problème, ce n’est pas les supers-riches, le gouvernement, l’inflation, les étrangers, etc. ! Le problème, c’est chacun d’entre nous ! C’est notre égoïsme au quotidien, dont apparemment la plupart ne s’en rendent même pas compte !
Par exemple, on sort de chez-soi et il faut aussitôt descendre du trottoir, car quelqu’un a garé en plein dessus son cube roulant ! Pourquoi ? Mais parce que son propriétaire ne pense pas aux autres ! Cela ne lui vient même pas à l’idée ! Parce qu’au fond il méprise le monde qui l’entoure !
Plus loin, on voit des détritus jonchant le sol à cause de poubelles mal fermées ! Qui va nettoyer ? Sûrement pas les propriétaires, qui comptent sur d’autres personnes ! On continue et un cube roulant passe, musique plein pot, ce qui fait croire à l’installation d’un cirque ! On arrive au marché, pour ses courses, et un dame nous précède à la boucherie… Elle discute avec le boucher, mais croyez-vous qu’elle ait pris en compte votre présence et qu’elle pense à abréger la discussion ? Nullement, elle prend ses aises au maximum !
Quand enfin, c’est votre tour, un monsieur se glisse dans votre dos et fait pression sur vous : il est là et on doit le servir ! Il pourrait se dire que vous existez et que vous avez droit au respect, mais non, c’est trop pour lui ! Il est incapable de la moindre patience ! A ce stade, vous n’avez fait que cent mètres, depuis votre domicile et vous n’avez déjà plus qu’un désir : retrouver la tranquillité de vos pénates, c’est-à-dire votre sédentarisme, si propice aux maladies de toutes sortes !
Qu’est-ce que les multinationales, le gouvernement, l’immigration ont affaire là-dedans ? Rien ou presque ! C’est simplement notre égoïsme, qui ne se donne aucune contrainte et d’abord parce qu’il est sous le joug de la peur ! La solution est donc simple : lutter contre sa domination par la confiance ! La politique n’est qu’un paravent !
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La magie de Paschic s’estompe et le trio est de nouveau dans le Cube ! Pourtant, il a l’air bizarre ! Tous les Doms ici sont des jeunes, qui avancent courbés sur leur petit écran ! On dirait une procession de moines tristes ! Quelle sorte de damnation accable-t-elle ces jeunes ?
Soudain une sirène retentit et Mécano dit : « Je me demande si ce n’est pas pour nous ? » La jeune fille montre deux cubes roulants qui s’arrêtent, de sorte qu’ils bloquent le passage ! Des Doms, avec des combinaisons et des masques respiratoires, en descendent et s’approchent... « Oui, c’est pour nous ! fait inquiet Marié. Mais pourquoi ? » Il n’a pas le temps d’y réfléchir, car un éclair vient le frapper et il s’évanouit !
Paschic et ses amis reprennent peu à peu conscience dans une vaste salle, dont le plafond est en forme de dôme ! Tout y est d’une blancheur éclatante et des Doms y circulent, tous en combinaison, sans faire de bruit. En face du trio se trouve un Dom large de carrure, chauve, aux bras velus, dont le vêtement a des couleurs criardes, ce qui tranche franchement avec le reste du décor ! Si on ajoute à cela de grosses chaussures, on a l’impression d’être devant un clown, qui paraît aussi grotesque que menaçant !
« Alors, on s’ réveille ? fait le personnage, en avalant des cacahuètes.
_ Qu’est-ce que… Qu’est-ce que nous faisons ici ? parvient à demander Marié.
_ Pas connectés, les gars ! Pas connectés ! Les gars et mademoiselle ! Pardon ! Mais, si on n’est pas connecté, j’ suis immédiatement prévenu !
_ Et alors ? réplique hostile Marié.
_ Et alors ? Ah ! Ah ! Mais j’ me suis même pas présenté ! Docteur Web ! Pour vous servir ! Ah ! Ah ! Cacahuètes ?
_ Mais quel rapport avec nous ? lance Mécano. Et pourquoi on vous devrait des comptes ?
_ Revêche, hein ? fait Web. Nouvelle école féminine ! Du punch ! J’aime ça ! Eh bien, ma chère, tout ce qui est connecté m’appartient ! C’est mon monde ! Tous ces jeunes qui défilent, les yeux sur leur écran, ils sont à moi ! Ce sont mes enfants ! Il faudrait pas qu’on vienne les troubler, avec n’importe quelle sornette, vous comprenez ! J’ veille au grain ! Alors d’où vous v’nez, les farceurs ?
_ De la nature… répond Paschic.
_ De la Chose ! Ah ! Ah ! J’ l’aurais parié ! En vous voyant, j’ me suis dit, ceux-là viennent d’une autre époque ! Des rétrogrades ! Des singes ! Eh ! Oh ! Ici, c’est la connexion, la coupure d’avec la Chose, car on ne veut plus en entendre parler ! Le psychisme, c’est l’avenir ! Finis l’ vent et la pluie !
_ Foutaises ! coupe Marié.
_ Tsss, tsss ! Vous ignorez encore à qui vous avez affaire ! Je dirige un empire, moi ! Pas un bureau de plaintes pour marginaux ! Mais je vais profiter de votre présence, pour tester quelques trucs…
_ C’est-à-dire ?
_ Comment arracher le psychisme à l’air ambiant ? Comment le captiver, le retenir, jusqu’à ce qu’il oublie même le monde qu’on juge réel ? Comment faire pour que le psychisme devienne autonome, dans un monde uniquement à lui, mental ?
_ Vous êtes fou ! Vous ne pouvez le séparer du corps !
_ En effet ! Vous avez remarqué ? Ah ! Ah ! Mais cela est vrai jusqu’à présent… Imaginez toute la logistique, la production alimentaire réglées par l’IA et des droïdes, si vous voulez… et même, le cerveau, nos pensées donc, sur des supports technologiques, dépourvus de corps bien entendu ! Le résultat : une sphère psychique immortelle !
_ Vous devez savoir comme moi, coupe Paschic, que les plaisirs charnels sont nécessaires à l’équilibre psychique ! Et puis la beauté de la nature est plus importante que vous ne croyez !
_ Vraiment ? C’est passionnant ! répond Web qui bâille. Remarquez que je n’ai jamais dit que j’avais toutes les solutions… et c’est pourquoi vous êtes encore en vie, comme cobayes !
_ Qu’est-ce que vous allez faire ? demande soudain inquiète Mécano.
_ Eh bien, je vais d’abord injecter dans la veine du petit gueulard ma dernière drogue, que j’ai baptisée la Like !
_ C’est ce qu’on va voir ! fait Marié, qui se tortille sur son siège.
_ Oh ! Mais c’est tout vu ! Fais un sourire à papa Web ! »
Le docteur Web se lève avec une seringue à la main et il pique le bras de Marié ! « La suite va être pleine d’enseignements ! » se réjouit-il.
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La Révolte... (55-58)
- Le 06/09/2025
"Tu crois quand même pas qu'on va se faire des papouilles sous la douche!"
Le Maître de guerre
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Paschic se concentre pour ne pas sombrer… Que sait-il ? Il sait que, quoi que dise le Dom, le problème, ce n’est pas le gouvernement, l’inflation ou mille autres choses, mais l’ego du Dom lui-même ! Il n’est pas possible de perdre ses inquiétudes, sans se séparer de sa volonté de dominer ! C’est elle qui rive l’anxiété et la vie est bien faite pour se développer spirituellement !
Chacun veut se libérer, sentir un attrait à son existence, mais on ne fait qu’accuser l’autre de nous empêcher d’atteindre ce but ! On voit la solution à l’extérieur de nous, alors qu’elle est essentiellement en notre possession ! Comment guérir de sa peur et se montrer disponible à la différence ? Comment transmettre sa paix, en gardant ses forces ? Qu’est-ce qui peut donner le sentiment de la sécurité ? Ce n’est pas l’argent, car nos craintes n’ont pas de fondements, mais elles viennent de nos blessures, de la fragilité de nos personnes ! Elles sont irrationnelles et pourtant destructrices !
Mais Paschic, dans la « grotte » de la Machine, ne peut pas s’expliquer ! Les Doms sont tellement effrayés autour de lui qu’ils sont sourds et haineux ! Déjà la plupart d’entre eux ne sont pas prêts à reconnaître leurs peurs ! Ils sont persuadés d’être parfaitement maîtres d’eux-mêmes, pleinement lucides, car c’est une attitude défensive, qui préserve l’amour-propre ! Il n’est pas question de déchoir, d’avoir l’impression de se rabaisser ! Tout plutôt que d’être humilié ! On a sa dignité, voire son rang, à protéger ! Et cette multitude est perdue et s’agresse !
Pourtant, c’est sans issue ! Paschic se concentre et il devient comme un œuf d’or, sous le flot grondant ! Le Cube n’est fait que de conventions et de haine, de poses et d’hostilité ! C’est un théâtre méprisant ! On n’a pas la solution pour être à l’aise, mais on fait comme si ! C’est la partie artificielle, où l’on ne prend aucun risque et on voudrait tout de même des hommages, être salué pour son mérite ou son courage, tandis qu’on n’obéit qu’à des codes !
Comment s’attendre à une vérité, une assurance, alors qu’on ne cherche pas ? Comment croire, quand on ne quitte pas sa sécurité ?
A côté de ce « spectacle » de bienséances, il y a les « gardiens ou gardiennes » ! C’est-à-dire tous ceux qui haïssent et veulent détruire, dès que la différence apparaît et que le « troupeau » semble menacé ! Non seulement ils sont aveugles, mais en plus ils refusent toute lumière ! La peur les dresse sur leurs ergots, mais aussi ils défendent leurs privilèges, leur position sociale forte ou leurs prétentions, car même certains d’entre eux sont des misérables, des sans-grades ! Mais on peut avoir le sentiment du pouvoir, en étant marginal, en faisant impression auprès du bourgeois, par sa tenue débraillée et des manières de clochard ! Bien que sous la guenille, l’ego ou la domination se trouvent au chaud et s’enkystent !
Que de haine Paschic ne doit-il pas affronter, simplement à cause de son détachement, de sa quasi indifférence, face au pouvoir du Dom, à sa demande de reconnaissance ! Le Dom croit toujours que c’est sa personne la solution ! que c’est son statut qui va le rendre heureux ! Qu’est-ce que Paschic en a affaire ? Lui, il connaît la beauté et son infini et le mérite du Dom, sa réussite le fait bien rigoler !
Si encore celle-ci guérissait la peur, mais il n’en est rien ! C’est le Dom qui est immature et qui ne sait même pas où il est ! Paschic soudain reprend conscience de la richesse de la beauté… Il croyait en être assez familier, mais de nouveau il est touché par son immensité ! C’est comme si son esprit passait un palier supplémentaire ! Cela va de pair avec les forces acquises, car nul ne pourrait résister à l’infini ! Il est accueilli à mesure que soi-même on est plus fort, qu’on a les ailes plus grandes ! Et là encore, on est frappé par sa nouvelle ampleur et par la conscience qu’on est encore loin d’en voir beaucoup, mais juste un petit bout !
Mais cela suffit, pour que l’être soit rempli de lumière, tellement qu’elle se dégage à l’extérieur, qu’elle est perceptible et renversante pour l’autre, de sorte que le Dom en est étonné, désorienté, abasourdi, car on lui montre un tout autre univers, dont il n’a même pas idée !
Ainsi, d’un coup, Paschic fait exploser la grotte de la Machine ! Sa lumière chasse tous les Doms, tel un tsunami ! Les gardes de la Machine et elle-même sont pulvérisés ! Car l’éclat de Dieu est si fort qu’il est insoutenable pour un Dom ! Une vérité s’impose : les Doms ne verront pas Dieu !
A côté, il ne reste que les amis de Paschic, qui sont tremblants, mais sauvés, car de bonne volonté !
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La petite troupe a une nouvelle fois échappé à l’emprise de la Machine, mais elle n’a pas le temps de se réjouir, car on s’aperçoit que Propre ne suit pas, qu’elle a disparu ! On cherche et on découvre une Dom agitée, qui fait des signes ! « Qu’est-ce qui se passe ? lui demande-t-on.
_ Comment ça qu’est-ce qui s’ passe ? Mais le malheur est partout dans le monde ! La souffrance est à son apogée et vous m’ demandez c’ qui n’ va pas ! Ah ! Ah ! »
La Dom semble hystérique et son faux rire a quelque chose de dément ! « Vous n’auriez pas vu une jeune fille, yeux verts, chevelure blonde, avec de délicieuses taches de rousseur ? questionne Paschic, qui garde son calme.
_ Bien sûr que j’ l’ai vue ! Et j’ai tout d’ suite informée la p’tite de la gravité, de l’urgence de la situation ! Elle en a été touchée, pas comme vous apparemment !
_ Et où est-elle à présent ?
_ Mais elle est entrée dans ma maison ! »
Ce n’est qu’à cet instant que la troupe s’aperçoit que la Dom est bien sur le perron d’une maison, qui a la particularité d’être roulante ! « Eh oui ! reprend la Dom, avec cette maison j’enrôle du monde, pour aller sauver les malheureux !
_ Donc, la jeune fille, nommé Propre, est dans cette maison ! poursuit Paschic. Vous pouvez aller la chercher ?
_ Eh ! C’est qu’ c’est une maison un peu spéciale ! C’est moi qui l’ai conçue ! On n’y entre et on n’y sort pas comme ça !
_ Qu’est-ce que vous voulez dire ?
_ Écoutez, je sensibilise, j’ recrute , mais je ne force personne ! Si vous voulez récupérer la p’tite, faut y aller vous-même ! Eh ! Eh !
_ Tout ça est bien étrange ! fait Marié.
_ N’importe faut récupérer Propre ! réplique Mécano.
_ J’ vous dis qu’elle est convaincue ! coupe la Dom. Elle ressortira pas comme ça !
_ J’ y vais ! » dit Paschic.
Il passe devant la Dom, qui le regarde d’un air goguenard, et entre dans la maison… Il y a d’abord une grande pièce avec des miroirs… Paschic s’y voit en même temps qu’il entend des voix, qui lui disent : « T’es un nanti ! un nanti inutile ! », « Ça va ? La santé est bonne ? Pas faim ? J’ l’aurais parié ! », « Et tu dis que t’es pour la justice ? que tu veux faire le bien ? que tu aimes Dieu ! Pfff ! Laisse-moi rigoler ! », « Engage-toi ! Bats-toi ! Remue-toi ! Bon sang ! », « T’es rien, t’es qu’un minable ! »
Les voix continuent sur le même thème et Paschic passe toujours devant les miroirs, mais apparaît une ouverture, qui conduit dans une autre pièce tout aussi grande ! Cependant, aux murs ce sont des images, qui montrent toute la souffrance humaine : des enfants affamés ou pleurant sous les bombes ! des habitants près de leur maison en ruines, des femmes battues, des vieux derrière des barbelés, puis des animaux massacrés, etc. !
C’est une surenchère de malheurs et de violences, avec des messages lumineux au-dessus : « Que fais-tu ? Rien ! », « N’as-tu pas honte ? », « Bouge-toi ! » Paschic avale sa salive : il aurait moins d’expériences, il perdrait la tête ! Mais il connaît ce chemin, pour l’avoir emprunté, à ses dépens ! Il sait où ça mène et comment agit la dépression, qui fait qu’on se sent bon à rien ! Et comment elle peut créer la panique et l’angoisse, face à l’horreur !
La suite, Paschic la pressent ! On doit entrer dans la pièce surmenage, où on dépasse ses forces, où on est broyé ! où on ne sait plus où on est ! quand on ne connaît plus la paix ! où même l’envie de suicide peut apparaître ! « Là, on devient enfin utile ! » songe ironiquement Paschic !
Effectivement, il est maintenant devant un couloir sombre et il appelle : « Propre ! Propre ! », mais il ne reçoit aucune réponse ! Il faut y aller et Paschic reçoit les murs du couloir qui l’écrasent ! C’était prévu ! Il étouffe, serre les dents, résiste de toutes ses forces, en gardant la tête froide et c’est ce qui le sauve, car il finit par déboucher sur un sol jonché de corps ! Là gisent tous ceux qui se sont épuisés pour la bonne cause ! Ils ne sont plus que des lambeaux d’êtres ! Ils ne peuvent plus se mettre debout !
« Propre ! Propre ! C’est moi, Paschic ! Allez viens, je suis venu te chercher ! » Propre n’oppose aucune résistance : elle est amorphe, plongée dans une hébétude sans bornes ! Paschic la tire derrière la maison, sous les yeux de Marié et Mécano, qui ont eu l’idée de faire le tour… Propre reprend peu à peu ses esprits, ce qui fait dire à Marié : « Bon sang, Propre, tu nous a fait une belle peur ! Mais qu’est-ce qui t’a pris d’aller dans cette maison ?
_ Ce qui m’a pris ? répond Propre. Mais nous sommes des lâches ! Voilà ce qui m’a pris ! Vous êtes des lâches !
_ Comment peux-tu nous parler comme ça ? s’insurge Mécano.
_ Laisse Mécano ! intervient Paschic. Elle a dépassé ses forces et elle est pleine de haine ! Il faut bien que quelqu’un paye l’addition !
_ Toi, le donneur de leçons, tu ferais bien d’ la fermer ! » jette Propre à Paschic.
Paschic sourit et embrasse Propre : « Si tu savais comme je t’aime Propre ! Tu es formidable !
_ Tu… tu trouves… ?
_ Bien sûr ! Allez, viens, on s’en va ! »
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La petite troupe repart, toujours en quête d’une sortie du Cube ! A un moment, Marié passe devant un Dom qui lui vomit dessus ! « Eh ! Mais ça va pas la tête ! s’écrie Marié.
_ Ben quoi tu m’ fais vomir ! répond le Dom, qui s’essuie la bouche. C’est pas ma faute !
_ Espèce de sale dégueulasse ! enchaîne Marié, qui veut se saisir du Dom.
_ Inutile, Marié ! fait Paschic, qui retient son ami. Tu es en train de rentrer dans son jeu ! S’il t’a vomi dessus, c’est parce que tu l’ignorais ! Et je te rappelle que l’équilibre psychique des Doms repose sur leur domination !
_ Mais, mais je ne peux pas laisser faire ça !
_ Non, mais plus tu veux répliquer et plus tu t’intéresses à lui, et c’est ce qu’il veut ! C’est ton indifférence qui a provoqué sa haine !
_ Alors qu’est-ce que je dois faire ?
_ Souris ! Tu as la connaissance de son esclavage, de sa petitesse ; alors que lui est dans le brouillard complet !
_ Tu veux vraiment que je souris !
_ Mais oui, prends de la hauteur ! Réjouis-toi de sa bassesse, car elle te donne raison ! sur les Doms et leur domination !
_ Un paletot que je n’ai même pas fini de payer ! »
Plus loin, Marié, toujours indigné, reprend : « Mais on ne peut quand même pas tout pardonner aux Doms !
_ Mais je ne les excuse même pas ! répond Paschic. Car ils ne cherchent même pas ! Leur malheur, c’est bien de leur faute ! Pourquoi n’essaient-ils pas de trouver Dieu ? Il n’y a pas d’autre bonheur ! Mais ils font pire que de ne pas chercher : par leur inertie et leur égoïsme, ils laissent croire que le ciel est vide et que la Lumière n’existe pas ! d’où nos maladies mentales entre autres !
_ Alors t’aurais dû m’autoriser à corriger ce malotru !
_ Mais regarde le Cube ! Vois les Doms s’écraser entre eux ! Considère leur ignorance infinie, leur aveuglement sans bornes ! Même si cette misère nous affecte, elle n’est pas moins digne de pitié ! Ils ont tous soif et s’abreuvent à des puits empoisonnés ! »
Comme pour confirmer les propos de Paschic, la troupe est soudain arrêtée par un étrange défilé ! Derrière de nombreux spectateurs passent des chars, puis des bottes géantes ! Elles ont toutes le même pas et chantent : « Nous sommes les bottes géantes !
Nous sommes les plus fortes !
Nous allons conquérir l’Univers !
Nous sommes les plus fortes !
Nous écraserons nos ennemis !
Eh ! C’est que le cosmos est vide !
Comme nos cœurs !
Et nous avons peur !
C’est pourquoi nous voulons la force !
Pour nous protéger !
Pour donner un sens à nos vies !
Nous sommes les bottes géantes et vides !
Comme nos cœurs !
Car nous avons peur !
Vive l’ordre et la force !
L’ennemi est invisible,
Mais nous le vaincrons !
Car nous sommes les plus fortes ! »
La petite troupe est plongée dans l’hébétude ! Qu’est-ce que c’est que cela ? Les Doms sont-ils devenus fous ? Ne sommes-nous pas tous frères, dans la même « galère » ? Le ciel brusquement s’assombrit… « Il va pleuvoir…, dit Marié.
_ Oui, des bombes, enchaîne Mécano.
_ Ne vous inquiétez pas ! fait Paschic. Il y a plus de force dans une goutte de rosée que dans toutes les bottes géantes ! »
58
Pourquoi les Doms ne cherchent-ils pas la Lumière ? Essentiellement par peur ! Ils héritent des peurs des générations précédentes ! L’urgence d’assurer sa sécurité les pénètre au plus profond ! Ils courent carrément à « l’esclavage », pour avoir l’impression d’être libres, ce qui commence par gagner son pain bien sûr ! Mais ainsi rien d’étonnant à ce qu’ils ne soient pas heureux et que bientôt ils se révoltent contre le joug, qu’ils se sont imposé eux-mêmes !
Les crises suivent toute la même logique : on n’aime pas ce que l’on fait, on ne voit aucune amélioration et on attaque le gouvernement ! On garde même l’illusion que c’est lui la clé de note bonheur et que s’il change, on changera soi-même ! Et les gouvernements se succèdent et les crises aussi !
A-t-on fait un pas de côté, pour chercher la Lumière ? Non, car la peur revient de suite ! On parle de convictions, d’athéisme, de spiritualité sans Dieu, de philosophie, mais jamais de la peur ! Or, c’est elle qui nous dirige en premier et qui nous pousse à dominer ! Tant qu’on reste dans ce fonctionnement, il n’y a aucune évolution ! Pire, on finit par aller la guerre, qui justifie la domination qui tue et les totalitarismes !
Comment se débarrasser de sa peur ? Cela ne se fait pas du jour au lendemain ! Ce qui est au fond de nous et qui appartient à nos blessures ne va pas s’en aller comme ça ! C’est un apprentissage, un cheminement, que seule la foi au fond permet ! Celui qui se confie à la Lumière de plus en plus apprend à quitter sa peur et donc sa domination ! En fait, il devient un être humain, tandis que le Dom reste au stade animal ! Notre destinée est de nous élever spirituellement ! C’est ce qui achève notre individualité ! (« Celui qui aime plus sa mère ou son père que moi n’est pas digne de moi ! » Évangile.)
Rappelons que l’argent n’abolit pas la peur ! L’anxiété est quelque chose de très profond, de quasi incontrôlable, et même si nous avons la sécurité financière, nous sommes bientôt atteints par d’autres inquiétudes, notamment celle du temps qui passe, de la mort qui met un terme à nos vies, avec la maladie, etc. ! Se réjouir de la journée (« A chaque jour suffit sa peine ») est une « sacrée » performance ! C’est déjà un petit exploit, une victoire sur la peur ! La plupart des Doms en sont absolument incapables et n’expriment que le chaos de leurs soucis !
La nature, ou la « Chose », n’est pas seulement ce qu’on en croit, ce n’est pas seulement une source de nourritures ou d’énergies ! C’est bien plus que cela ! Car la nature témoigne, par sa beauté, de l’infini de Dieu et donc de sa force et de sa gratuité ! C’est la beauté qui peut nous rassurer, aussi fragile et subjective puisse-t-elle paraître ! Bien sûr, nous sommes aussi les représentants de cette beauté et en particulier les enfants !
Mais tant que la beauté nous semble secondaire, nous passons à côté du divin et nous gardons nos peurs, ce qui nous conduit à détruire la planète ! La nature est aussi un temple, où tout le génie de Dieu s’exprime ! C’est un enchantement sans limites pour celui qui sait voir ! C’est encore une rencontre, un apaisement, une réflexion, un cheminement ! Malheureusement, la domination, fouettée par la peur, va très vite et nous massacrons la nature, notre planche de salut !
Cependant, elle est toujours là, pour le disciple, l’enfant, le chercheur humble ! Comment croire si on ne confie pas ? Comment aimer si on méprise ? De toute façon, celui qui veut la foi devra tout porter ! Il devra subir toutes les peurs des Doms, toute leur haine, leur folie, leur désespoir, mais encore leurs mensonges, leur hypocrisie, leur athéisme, leurs moqueries, leur soit-disant lucidité ! Il ne peut en être autrement, car on ne peut pas croire vraiment, si on vit sous une cloche de verre, dans un monde qu’on voudrait à son image !
Malheur à ceux qui utilisent la religion, pour défendre leur foi, leur monde, avec leurs règles et leurs dogmes ! Ceux-là ne croient pas vraiment ! Ils restent des Doms, avec leur logique : peur et domination ! Ils ne connaissent de Dieu que le nom, qu’ils ont au bout des lèvres, mais nullement dans le cœur !
Toute haine, toute colère, toute envie sont bannies de l’esprit confiant ! Celui-ci est surpris, par la simplicité et l’infini de Dieu ! C’est ineffable ! C’est une source d’espoir et de tranquillité inégalée ! C’est une merveille là, au bord du chemin, là où tout le monde passe en bavassant ! Celui qui voit cela est surpris, car Dieu est aussi simple que grand !
C’est aussi une joie sans bornes, car c’est être aimé comme on ne peut même pas l’imaginer ! C’est une force dont tous les braillards de la planète n’ont absolument aucune idée ! C’est une source de paix intarissable ! Mais c’est encore une promesse, celle de voir Dieu !
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La Révolte... (51-54)
- Le 30/08/2025
" Où est passée ma chienne Canada! Canada!"
Drôle de drame
51
La troupe est reconduite en prison et comme le soir tombe, peu à peu le silence s’installe… « Eh ! Psst ! Psst ! fait pourtant une voix, de la cellule d’à côté.
_ Oui, j’entends, répond Marié à travers les barreaux. Vous êtes un autre prisonnier ?
_ Eh, eh, oui ! Hi ! Hi !
_ Vous êtes là depuis longtemps !
_ Eh oui, hi ! hi ! Ça doit faire plus d’ trente ans !
_ Mon Dieu !
_ Z’avez un miroir ? Vous pourriez m’ voir avec ! »
Marié demande un miroir à Propre et le tend par delà les barreaux, ce qui lui fait voir un Dom décharné, avec une barbe touffue ! « Pourquoi vous êtes là ? demande Marié.
_ Eh, eh, c’est à cause des super-profiteurs ! des super-riches !
_ Ah bon ?
_ Eh oui, hi ! hi ! Ils sucent le monde, le vampirisent ! Ce sont les super-pollueurs ! Ils ont envahi la terre et veulent la détruire !
_ Mais…
_ Il faut faire la révolution ! Nettoyer tout ça ! pour nos enfants, pour l’avenir ! On va changer les choses, renverser le gouvernement ! »
Marié est soudain très fatigué… Il comprend que son voisin est figé dans une pensée, dans un discours, ce qui produit cet anéantissement dans l’esprit de Marié ! Il est quasiment face à une autre « Machine » !
Paschic vient poser sa main sur l’épaule de Marié et lui dit, en parlant du voisin : « Il ne sait pas que les Doms sont tous pareils ! que même les pires ont leurs peurs, leurs espoirs, leurs goûts ! Il rejette toute différence, en restant dans son univers ! Il veut voir l’autre comme un ennemi aveugle, une sorte de monstruosité !
_ Mais pourquoi n’essaie-t-il pas de comprendre ? C’est bien la force que d’accepter la différence ?
_ Et il faudrait alors qu’il se remette en question lui-même, qu’il renonce à sa domination, qu’il diminue son orgueil et son égoïsme ! Et ça, il ne le veut pas, par peur essentiellement ! La solution qu’il a trouvée le rassure ! Allez, viens, tâchons de trouver un peu de repos...
_ Il a tout de même l’air persuadé de combattre pour la justice... »
Nos amis se préparent pour la nuit, mais soudain leur arrive un chant de batraciens, car les cellules se trouvent sans doute non loin d’une étendue d’eau… C’est apparemment un crapaud, qui joue sur une guitare et qui dit : « J’suis l’ Dom bien dans son jus !
J’ suis l’ Dom bien dans son jus !
J’ dis qu’il n’y a ni bien ni mal !
Assis sur ma malle !
J’ suis pour le plus fort !
C’est pour mon confort !
J’ suis peureux
Et pas preux !
Comme ça j’ suis pas exclu !
J’ suis l’ Dom bien dans son jus !
J’ai ma p’tite affaire !
Une santé a priori d’ fer !
Des amis sur les réseaux
Pour sentir mes os !
Que veux-tu de plus ?
J’ suis l’ Dom bien dans son jus !
C’est toi qui m’agresse
Dans ma forteresse !
Avec ta justice
Criée par l’interstice !
Que me veux-tu ?
J’ suis l’ Dom bien dans son jus !
J’ t’ entends plus !
J’ suis l’ Dom bien dans son jus !
J’ai ma p’tite affaire !
Un santé, merci, d’ fer !
Je me ferme !
Je mets un terme !
Car tu me déranges !
Avec ton barda d’ange !
J’ suis l’ Dom bien dans son jus !
Je n’en peux plus
Dès qu’ j’ suis plus l’élu ! »
52
Le lendemain, nouvelle épreuve organisée par la Machine ! « Mon cher Paschic, assieds-toi à cette table… Garde, déversez le contenu du sac ! » A la grande surprise de Paschic, un flot de diamants coule sur du velours noir ! « Voilà la réplique exacte de ton cerveau, Paschic, réduit en poudre par mes soins, afin que tu ne m’échappes pas ! Eh ! C’est que tu m’as donné du fil à retordre ! D’ailleurs, je ne comprends toujours pas quel démon t’anime ! Il a toujours fallu que tu m’emmerdes ! que tu défies mon autorité ! Oh ! Comme j’ai dû me battre ! chercher la moindre faille ! J’ai frappé sans relâche, ça tu peux m’en croire ! J’ai essayé de te briser de toutes les manières, de te réduire en miettes et tu as là sous les yeux le résultat de mon travail, de ma peine, du calvaire que tu m’as fait endurer ! »
Paschic regarde tous ces petits morceaux avec consternation, chagrin et même la haine monte en lui, car quel gâchis, quelles blessures, quelles souffrances, et tout ça pourquoi ? pour qu’une seule personne puisse jouir, se sentir en sécurité, puisse satisfaire sa soif de pouvoir ? Quelle injustice ! Quelle tristesse ! Serait-il possible qu’un Dieu existât, devant tant de massacres et de cris ? Paschic n’était qu’un enfant, il ne pouvait se défendre, d’autant qu’il aimait naturellement sa mère !
Mais, malgré son innocence, sa bonne volonté, son petit cœur dévoué, il avait été détruit, on l’avait passé sous un rouleau compresseur… et il restait cette poudre, affreuse à force d’être blessante, car là résidaient tous les poisons, tous les outils pour s’anéantir soi-même ! « Alors voilà l’épreuve, Paschic, tu remontes ton cerveau à la normale, en moins de vingt minutes ! Et tu auras gagné ! Mais je doute que tu y arrives ! Crois-moi, j’ai toujours eu une main de fer ! Ah ! Ah ! »
La Machine avait-elle des circonstances atténuantes ? Certainement ! Elle avait eu à gérer une famille, ce qui cause bien des inquiétudes et même elle avait sûrement été troublée par l’attitude de Paschic, qui paraissait mou, inadapté, paresseux ! Elle en avait été touchée pour le bien de Paschic lui-même, mais cela n’excusait pas son orgueil démesuré, son besoin impératif de notoriété, son égoïsme forcené, qui l’avait conduit à vouloir écraser Paschic, à en faire sa chose, à le rendre esclave, afin que la seule personne qui compta fût la Machine !
Paschic avait été victime d’un culte ! sans même s’en rendre compte, car il n’avait jamais voulu affronter sa mère ! C’était elle qui l’avait d’abord méprisé, puisqu’il était apparemment du côté des faibles ! Il gênait en boitant, sur la route du pouvoir ! Pire, on pouvait s’en servir, en l’humiliant pour se remonter le moral ! C’est cela la tyrannie, se réjouir d’accabler ceux qui sont plus fragiles ! Et maintenant, il faut reconstruire ce cerveau meurtri…
Paschic pense encore : « La Machine n’a jamais vraiment voulu perdre sa « domitude » ! Elle est restée une Dom jusqu’au bout ! Elle ne s’est pas ouverte au monde, telle une fleur ! Elle n’a fait confiance qu’à son importance, son pouvoir ! Dans ce cas, on se retient à sa domination, avec une sorte de rage, qui confine à la folie et bien sûr, on laisse derrière soi un carnage, dont on n’a même pas conscience ! On a détruit pour éviter de sentir le gouffre de ses angoisses ! C’était plus fort que soi, mais on en paye le prix : l’absence de paix, le cri, la haine des victimes, la petitesse d’une vie recroquevillée ! »
Paschic examine la poudre… Il la connaît bien, puisqu’il a dû en affronter chaque taille, chaque facette, chaque pointe ! Il y a des tranchants qui mènent au cœur même de l’être, qui sont capables de casser en deux toute raison, sous le ciel le plus bleu, sans prévenir !
Paschic a considéré dans un premier temps certains reproches, certaines attaques de la Machine comme justifiées ! Il a donc essayé de changer, de se plier selon les souhaits de la Machine, avec toute sa bonne volonté ! Il s’est nié absolument, s’est perdu dans une nuit sans fin, en abandonnant sur la route sa sensualité, ce qui signale le déséquilibre ! Si au moins la Machine avait pu en faire autant au moins pour un millième, elle aurait compris combien elle avait été épouvantable, mais elle s’était contentée de vouloir, de frapper, de se protéger elle-même !
Le nouveau défi paraît insurmontable, tant les blessures sont profondes et redoutables, mais, sous les yeux ébahis de tout le monde, le cerveau se reconstitue autour d’un pôle, comme si la poudre était aimantée et que chaque diamant trouvait sa place, ainsi que les pièces d’un puzzle !
« Mais qu’est-ce… ? s’écrie la Machine.
_ Je n’ai jamais changé, ma mère, fait Paschic. Je n’ai voulu que la vérité, la paix et l’amour ! La domination, me sentir supérieur m’a toujours été étranger ! Et vois, malgré tes coups, mon unité a été conservée ! Ma vérité est là, tranquille, infinie et me réjouit ! »
53
Le lendemain la Machine est encore plus excitée que la veille : cette fois-ci elle va vaincre Paschic, le mettre à genoux, comme au « bon vieux temps », quand il la suppliait, douce musique ! « Alors voilà Paschic, dit-elle, j’ai construit un tunnel, où tu seras comme dans un jeu vidéo ! Des Doms de toutes sortes vont t’attaquer ! A toi de te défendre, mais vu leur nombre et leur férocité, tu succomberas ! Je veux que tu m’implores, Paschic, pour que je te sorte de là ! Je veux entendre tes gémissements de petit garçon ! C’était mon ancien encens, mon ancienne drogue !
_ Monstre ! s’écrie Propre.
_ Toi, la poupée, tu écrases ! Sinon j’ te mets dans la boîte avec Paschic !
_ Euh…
_ C’est bien ce que je pensais ! Allez, en avant Paschic, une deux, une deux, vers la porte de… l’enfer ! »
Paschic est placé devant la porte d’un sas, qui s’ouvre en tournant des manivelles et on le pousse dans un tunnel qui a tout l’air d’une grotte ! « On te voit sur les écrans, Paschic, dit la Machine par un haut-parleur. C’est moi qui tiens les commandes et j’envoie la sauce ! Attention, mon garçon, je connais des Doms atroces !
_ Quelle surprise ! »
Paschic est sur le qui-vive et avance prudemment, puis une forme surgit des rochers du décor et vient subitement se coller à sa rétine ! Il ne faut pas paniquer ! La forme est là, dans un coin de l’œil de Paschic et il ne peut l’enlever d’un geste ! Au contraire, cela ne fera qu’aggraver les choses ! C’est un Dom chewing-gum et plus on s’énerve et plus il a tendance à coller ! Le seul moyen de s’en débarrasser, c’est de se concentrer sur un autre point, de continuer à progresser et de fixer un nouvel élément du décor ! A ce moment, le Dom chewing-gum n’insiste pas, il s’en va de lui-même, sans doute vaincu par l’indifférence !
« Bravo, Paschic ! fait la Machine. Le Dom chewing-gum vient de renoncer ! Tu connais la musique et t’as pas perdu ton temps, on dirait ! Mais ce n’était là que broutilles ! Attends la suite ! »
Paschic se prépare à nouveau et il sent une présence derrière lui ! Ce n’est qu’un souffle, mais qui pèse pourtant, qui tend les nerfs ! C’est la Dom égoïste ! celle qui ne supporte pas d’attendre dans les magasins, qui veut être servie tout de suite, qui n’a aucune patience, aucun respect ! L’immaturité faite femme !
Elle n’est pas dangereuse physiquement, mais elle pourrit la vie, empoisonne le quotidien et veut les autres en esclave ! Paschic, sans rien montrer, recule soudainement et marche sur le pied de la Dom égoïste ! « Oh ! Pardon ! s’écrie-t-il. Je suis horriblement confus ! Je ne savais pas que vous étiez derrière moi !
_ Grrrrrr ! »
La Dom égoïste est folle de rage, car on lui fait une double injure : non seulement on lui marche sur le pied, mais en plus on a l’air d’avoir ignoré sa présence, alors que justement elle ne vit que pour l’imposer ! Un instant, elle hésite à sauter à la gorge de Paschic, toutes griffes dehors, mais, « malheur de la femme », elle n’aura pas le dessus et elle disparaît !
Paschic s’en veut un peu, car sa réaction n’a fait qu’envenimer les choses ! C’est ce qui arrive quand à la haine on n’oppose que la haine ! Seule celle-ci est gagnante et nul doute que la Dom égoïste est encore pire maintenant !
Il faut bien comprendre comment nous fonctionnons : c’est d’abord la peur qui nous conditionne ! Il ne peut en être autrement, car vivre est étrange et les sources d’inquiétudes abondent ! Notre principale réponse, la plus naturelle, c’est la domination, supplanter l’autre ; c’est rassurer notre ego ! Pour « casser » ce cercle vicieux, il faut apaiser, enlever la peur et ainsi la volonté de dominer cesse elle aussi !
Mais les Doms sont trop nombreux, trop agressifs surtout ! On peut en apaiser un, deux, voire trois, mais après c’est fini : on est épuisé soi-même ! Il vaut mieux les ignorer, se « blinder » contre eux, ce qui maintient la confiance en soi et évite que la haine se répande !
Mais la Dom égoïste fait toujours mal : elle peut surgir à n’importe quel moment et toujours avec cette bassesse, cette pauvreté d’âme !
« Pas mal, Paschic ! intervient la Machine. Mais, tu sais comme moi, qu’elle reviendra ! Elles sont des milliers comme ça ! Aucun progrès ! Et plus elles sont riches et plus elles veulent le monde à leurs pieds ! Brrr, Paschic ! J’en frémis ! Pas toi ? »
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Paschic, toujours dans le jeu de la Machine, croise des Doms surpris ! Ce sont généralement des Doms bien intégrés dans le Cube, qui ont un salaire décent, voire élevé. Ils sont persuadés de faire partir d’une élite, d’être comme il faut, de remplir tous leurs devoirs et ils sont donc très surpris (d’où leur nom), quand ils voient qu’ils ne plaisent pas à Paschic, qui ne les salue pas !
Ils n’en reviennent pas, mais Paschic demeure ferme, car il ne faut pas confondre le Cube avec la Lumière ou la vérité ! Le premier a sa cohésion, c’est entendu et il est nécessaire, pour des raisons évidentes, comme celle de l’identité de chacun, mais ses limites sont vite atteintes : s’il est toujours en crise, c’est parce qu’il n’a aucune solution à proposer !
Si son expansion, elle, paraît incessante, c’est parce qu’elle est motivée par la peur ! Le Cube « ne sait pas s’arrêter », car il est incapable de calmer ses inquiétudes ! Il est au fond vide, comme ceux qui s’y sentent bien, tels les Doms surpris ! Il ne faudrait surtout pas croire que le Cube puisse être un but en soi !
Le Dom surpris pourtant tient à cette illusion et il tourne vers Paschic, non seulement un visage étonné, mais quasiment suppliant, comme s’il ne voulait pas être oublié ! Mais ceux qui ont « adopté » le Cube, ne sont pas les amis de la Lumière ! Ils restent des hypocrites, des peureux et des égoïstes ! L’élite du Cube laisse indifférent Paschic, qui tout de même doit supporter ces personnages falots, qui font croire au décor de la société !
Chacun veut se développer et pourtant chacun reste esclave de son ego ! Qu’on l’abandonne comme une mue et la liberté, la joie, la vérité seront là !
Du Dom surpris au Dom méprisant, il n’y a qu’un pas ! Et maintenant, Paschic doit affronter toutes sortes de regards haineux ! Ils sont partout et surgissent sans crier gare, dans l’univers de la Machine ! Tous destinés à détruire, à miner, à faire rentrer sous terre Paschic !
Pourquoi ? Mais tout simplement parce que Paschic apparaît comme différent et que de cette façon il fait bouger les choses ; il dit qu’un autre monde est possible ! Au fond, il semble heureux et cela est inacceptable pour le Dom méprisant ! Car cela veut dire que Paschic gêne la domination du Dom ! Celui-ci n’est pas heureux lui-même, mais il ne veut pas qu’un autre le soit ! Seul compte pour le Dom son pouvoir, son importance et le bonheur qui n’est pas le sien le dégoûte et doit être supprimé !
C’est dire les peurs du Dom méprisant, qui a le visage fermé du prisonnier, de l’esclave, mais nul ne l’enferme, si ce n’est son propre ego !
Paschic connaît bien le Dom méprisant et il passe outre : il ne s’agit pas de s’assombrir pour si « peu » ! Mais plus loin, c’est un flot de Doms en tempête qui vient submerger le tunnel ! « Hi ! Hi ! On passe à la vitesse supérieure, Paschic ! fait la Machine. Tu vas en baver !
_ Mais, mais sortez le d’ là ! s’écrie Marié. C’est vot’ fils tout d’ même !
_ Toi l’affreux, la ferme ! Et puis qui aime bien châtie bien, Hi ! Hi ! »
Paschic voit la vague arriver, couleur de boue, faite de Doms en folie ! Il s’accroche à la paroi et s’y maintient de toutes ses forces ! Il sait ce qui se passe ! C’est le Cube dans toute sa fureur, fouetté par toutes ses inquiétudes : les salaires, la retraite, le chômage, la nécessité de manger, les factures à payer, les luttes sociales, la haine à l’égard du gouvernement, de tout pouvoir, le vide des esprits, leur lâcheté, leur hypocrisie, leur aveuglement, leur soi-disant combat pour la justice, l’écologie, alors que l’égoïsme et la haine les accompagnent !
C’est l’évolution zéro ! La responsabilité de papier ! Tous les efforts demandés à l’autre, mais jamais à soi ! Le changement, mais jamais celui de sa personne ! La haine à la place de la compréhension, de la mansuétude ! Le chaos plutôt que la cohérence et la patience ! La fuite en avant bête, sans spiritualité, vide !
Tout cela déferle brusquement sur Paschic ! « Où est maintenant ton rêve, Paschic, hurle la Machine. Où est ton monde, ta foi ? Ah ! Ah ! Tout cela est emporté, pas vrai Paschic ? Où sont toutes tes salades sur la beauté ? Entends gémir le Cube, Paschic ! Ecoute ses plaintes innombrables ! On dirait un enfant pleurant dans le noir du cosmos ! Rien de plus déstabilisant que toute cette colère ! Elle anéantit ! Elle broie ! Ah ! Ah ! Adieu, fils ingrat, rebut de la société, ma plaie, ma honte ! »
Pashic noyé sent qu’il se désagrège ! La pression rouvre ses blessures et le visage immonde de la peur vient l’embrasser !
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La Révolte... (47-50)
- Le 23/08/2025
"J'appâte et je ferre!"
L'Incorrigible
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Le jour maintenant est pleinement levé et le groupe traverse une zone pavillonnaire ! Le Passeur laisse de petites croix discrètes sur certaines maisons, ce qui pousse Marié à l’interroger : « On peut savoir ce que vous faites ?
_ Vous ne connaissez pas la tromperie de ce genre de quartiers… Les pavillons se déplacent après notre passage et on a tôt fait de s’y perdre ! Une fois, j’y suis resté bloqué une semaine ! C’est Léo qui est venu m’ chercher, avec des cordes !
_ D’où les petites croix, pour indiquer que nous sommes bien déjà passés par là !
_ Oui, le Cube est malin, vous savez !
_ Attention, voilà quelqu’un ! »
Une Dom géante, ou du moins qui le paraît telle, apparaît au bout de la rue ! Elle est joufflue, porte un petit chapeau et manifestement va faire ses courses ! Elle ne regarde cependant pas le groupe, mais droit devant elle, semblant ignorer le monde qui l’entoure !
« Pas de problèmes ! lâche le Passeur. C’est madame Dignité !
_ Madame Dignité ?
_ Oui, c’est une Dom artificielle, montée sur rail ! Son circuit passe par le marché et revient ici ! Remarquez sa tête fixe, car elle n’est occupée que par sa dignité, d’où son nom !
_ Elle a effectivement l’air fière…
_ On s’habitue, vous verrez ! »
Le groupe ne s’en est pas rendu compte, mais Propre a engagé la conversation avec une Dom assise sur une chaise roulante ! « Non, mettez-la un peu plus à droite ! demande la Dom.
_ Comme ça ? interroge Propre, qui déplace un petit pot de pensées, afin de satisfaire la vieille Dom.
_ Oui ou peut-être un peu plus haut… Il ne faut pas les mettre trop bas, car sinon elles n’auront pas assez de soleil ! Quoique plus haut, ce n’est pas l’idéal non plus !
_ Alors, où ? fait Propre, qui commence à suer.
_ Votre copine s’est mise sous la coupe de la Glu ! dit le Passeur à Marié. Va falloir la sortir de là !
_ La Glu ?
_ Oui, une vieille qui n’ voit plus d’ raisons de calmer son égoïsme ! Elle trouve tellement épatant qu’on s’occupe d’elle qu’elle croit que c’est mérité et qu’elle épuise ses aides ! Si vous n’intervenez pas, Propre va se consumer ici ! »
Marié et Mécano se saisissent donc de Propre, mais, à leur grande surprise, elle est comme collée à la vieille Dom ! « Il faut la tirer violemment en arrière ! leur jette le Passeur. Tiens, Léo, aide-les, car on n’échappe pas à la Glu comme ça ! »
Léo vient à la rescousse et on récupère Propre, encore choquée ! « Mais, mais je rendais service, dit-elle.
_ Le Cube est plein d’ pièges ! lui lance sèchement le Passeur. Pas bon pour une jouvencelle !
_ Non, mais dites donc ! » fulmine Propre, mais le groupe est reparti !
On quitte le lotissement, sans trop savoir comment, puisque ses plaques derrière se referment, mais le Passeur doit en connaître les clés ! Toujours est-il qu’on arrive devant un passage souterrain… « On va faire une pause, dit le Passeur. On ne peut pas s’engager là dedans, avant que les Existentiels n’en soient sortis !
_ Les Existentiels ? fait Marié. C’est une farce ou quoi ?
_ Non, pourquoi ? D’ailleurs, ils ne vont pas tarder ! »
En effet, de l’obscurité s’égrène maintenant une étrange défilé : des Doms plongés dans un abîme de pensées ! Qui dira le poids qui pèse sur leurs épaules ? Voilà les damnés de la terre ! Même le cosmos ne pourrait contenir leurs tourments ! Ils avancent, mais ce n’est pas le bon terme ! Ils se traînent, marchent douloureusement, avec des questions inextricables !
« Combien de cerises il y a dans un kilo ? » « Si je suis dans le brouillard, puis-je dire que le brouillard existe ? », « Elle m’a dit de sortir le caniche, mais ce n’était pas mon tour ! », « J’ai bien fermé la porte, oui ou non ? », « Et-ce que ma nouvelle robe sera prête ? Sinon, je prendrais la noire ! Mais en ai-je les moyens ? »
Tristes figures, rongées par la réflexion ! Esclaves de l’hypothèse et de la philosophie ! Âmes isolées et jouets de la tempête de l’injustice ! « Les pauvres gens ! s’écrie Propre, toujours sensible aux malheurs des autres.
_ Vous comprenez qu’on ne peut pas les croiser dans l’ noir ! explique le Passeur. On les réveille et ils hurlent de terreur ! C’est la panique et ils nous piétineraient ! »
Le groupe à présent reste silencieux, figé par cette tragédie !
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Mais enfin la voie est libre : les Existentiels vont faire leur parcours de la journée ! Le petit groupe entre dans l’ tunnel ; « Tiens, l’ Passeur, ça fait un bail ! dit une voix venant du mur.
_ Oui, l’Emmurée ! répond le Passeur. Alors comment ça va ? Et cette épaule ?
_ Mais ça va… Il faut prendre son temps….
_ Et les affaires ?
_ Ça va aussi ! De toute façon, on n’a pas l’ choix, faut bosser ! Hi ! Hi !
_ Bon, on y va… A une autre fois, l’Emmurée !
_ Ouais… Bonne jourrrnée ! »
Le groupe reprend sa progression, éclairé par des néons au-dessus… « Non mais je rêve ou quoi ? fait Propre à la hauteur du Passeur. Cette femme est bien figée dans le mur ! On voyait juste son visage et l’extrémité de ses membres !
_ Vous n’avez pas rêvé : elle est bien comme ça !
_ Mais c’est affreux !
_ Oui, mais le problème, c’est qu’il est impossible de le faire comprendre à l’intéressée elle-même !
_ Comment ? Elle ne voit pas qu’elle souffre ?
_ Si, mais son orgueil est plus important ! Il faut toujours qu’elle donne l’image de la réussite ! Donc, elle ne bouge pas, ni ne demande d’aide… et peu à peu elle meurt dans le ciment ! »
Ici, le Cube fait valoir toute sa culture : les murs sont recouverts de graffitis grotesques, bizarres, haineux, épouvantables de narcissisme et à la fin, on n’y voit plus qu’un seul message : « Moi ! Moi ! Moi ! »
« La bonne santé du Cube ! fait ironiquement Marié. C’est assez désespéré ! Mais qu’est-ce que… ? » Un bruit énorme retentit, comme si le souterrain s’écroulait. « Le Turbo rail ! explique le Passeur aux visages inquiets du groupe. Il passe juste au-dessus !
_ C’est… un enfer ! lâche Mécano.
_ Un peu oui ! On s’en sert parfois, pour faire parler les prisonniers !
_ Vous plaisantez ! s’exclame Marié.
_ Pas du tout ! On installe les prisonniers dans une cage de verre, au bord de la voie ! Pendant une heure, ils n’entendent que quelques chants d’oiseaux ! Puis arrive le Turborail ! L’abri de verre tremble, les lunettes tombent, les dents se déchaussent, les esprits deviennent fous ! Après deux ou trois passages, les prisonniers n’en peuvent plus et disent tout ce qu’on veut savoir !
_ Et à bord du Turborail, les Doms qui voyagent ne s’aperçoivent de rien !
_ Non, le train va tellement vite qu’ils sont en apesanteur ! Ils glissent silencieusement à leurs occupations ! L’ambiance est aseptisée, vous savez... »
Chacun médite là-dessus ! « Bon, à partir de maintenant, prévient le Passeur, pour des raisons de sécurité, on avance dans le noir absolu ! On se tient par la main et on se fait confiance !
_ Entendu ! » répond Propre.
Le petit groupe se serre et suit son guide… On a l’impression que le tunnel lui aussi devient plus petit et qu’on passe même une porte, mais cela n’est peut-être pas exact ! Pourtant, on sent un nouveau courant d’air, comme si l’espace autour s’était soudain élargi ! Puis, c’est une lumière crue, brutale sur les yeux écarquillés ! Il y a encore une voix et quelle voix, reconnaissable entre toutes !
« Bienvenu à toi, Paschic ! fait-elle. Ah ! Ah !
_ La…, la Machine !
_ Mais oui, elle-même, la Machine ! Ah ! Ah ! Tu croyais quand même pas pouvoir m’échapper !
_ Qui.., qui est-ce ? demande Mécano faiblement à Paschic.
_ Mais la maman du monsieur ! s’écrie la Machine. Tiens, le Passeur, voilà ton dû ! (Elle lui jette une bourse!)
_ C’est pas vrai, Paschic, cette horrible créature ne peut pas être ta mère ! dit encore Mécano.
_ Salopard ! lance Marié, en se jetant sur le Passeur, mais il en est empêché par les gardes de la Machine. Sale traître ! Fumier !
_ Allez Passeur, laisse-nous ! reprend la Machine. Dis donc, Paschic, te voilà entouré de deux jolies filles ! T’es p’têt moins loser qu’on l’ croit !
_ Paschic n’est pas un loser ! s’insurge Propre.
_ Oh ! Mais si, ma belle ! C’est le raté même ! D’ailleurs, qu’est-ce que vous faites ici, sinon être pris comme des rats ? On est au rendez-vous des losers ! Ah ! Ah ! »
49
La Machine lance des éclairs, avec ses yeux d’un bleu d’acier ! Sa mâchoire elle aussi est du même métal ! Sa tête est vive comme celle du serpent et la troupe est tétanisée par cette puissance ! « Qu’ai-je fait, moi, la Machine, pour avoir un raté dans la famille ? Qui a décidé que je porterai une telle honte ?
_ Ce n’est pas vrai ! s’écrie Mécano. Paschic est un doux, qui nous donne de l’espoir… et il est bien le seul !
_ Qu’est-ce qu’il est dans le Cube ? réplique la Machine. Rien ! Paschic a toujours été un assisté, un faible !
_ Mais ce n’est pas le Cube qui est important ! Le Cube est malade…
_ Suffit ! Qu’on conduise Paschic au Marché ! »
Les gardes se mettent à pousser la troupe vers une autre salle… « Tu vois, Paschic, reprend la Machine, ici a été reconstitué un marché traditionnel du Cube, avec ses vendeurs, ses clients, etc. ! Il n’y manque rien et c’est la même ambiance que dans la réalité ! Ta tâche, Paschic, est d’acheter ce qu’il y a sur cette liste de courses, en moins de vingt minutes ! Si tu refuses, mes hommes s’occuperont des donzelles !
_ Monstre ! jette encore Mécano.
_ Gardes, faites-la taire ! Alors, Paschic, on y va ? J’ai pensé que cette épreuve était dans tes cordes, vu qu’elle n’est pas trop physique ! Ah ! Ah ! »
Paschic prend la liste de courses et s’engage sur le marché… Il bute soudain contre un autre client et crie sous l’effet de la douleur ! Il vient de subir une violente décharge électrique ! « Attention Paschic ! avertit la Machine, par un micro. J’ai dit que mon marché était comme les vrais ! Donc chaque client ici est tendu et bourré d’électricité ! Ah ! Ah ! Chacun est prêt à te sauter à la gorge, Paschic, à la moindre erreur ! C’est leurs entrailles qui parlent et qui ne supportent plus rien ! Tu croyais quand même pas que c’ serait facile, hein, Paschic ? Ah ! Ah ! Allez, l’aiguille des minutes tourne ! Un peu d’nerf, mon garçon ! »
Paschic se masse là où il a encore mal ! Il reprend pourtant ses esprits et s’approche du boulanger… « Je voudrais un pain, dit-il.
_ Complet ? semi-complet ? aux graines ? aux noix ? à l’épeautre ? tranché ?
_ Euh… Celui-là !
_ Bien !
_ Y a un peu d’air, c’ matin…
_ Mais moi, j’aime bien ! C’est mieux que la canicule !
_ Mais…
_ Erreur, Paschic ! coupe la Machine. Il a cru que tu te plaignais de la fraîcheur ! Cette incompréhension te coûte encore une décharge !
_ Mais… Aaaaah !
_ Oui, c’est douloureux, mais on va au fromage, Paschic, où la situation est particulière ! Un client y est tellement tendu qu’il n’arrive pas à terminer ses achats ! Il en a déjà pour 50 € ! Comment vas-tu faire pour le calmer et prendre sa place ! L’aiguille tourne ! »
Paschic découvre effectivement un Dom qui ne peut plus quitter l’étal à fromages et qui est figé par l’angoisse de manquer ! Son cerveau n’est plus en état de fonctionner et Paschic doit avoir recours à la magie… Au-dessus du Dom, le ciel s’assombrit et une pluie fine commence à tomber ! La fraîcheur est là et on perçoit la rumeur de peupliers bercés par le vent et qui perdent même leurs premières feuilles !
Quelque chose s’éveille chez le Dom : la notion du temps lui revient, avec la perspective du retour de l’automne ! Il finit par dire que c’est tout à la vendeuse ! Il a retrouvé la raison et s’en va ! Paschic commande son fromage et de nouveau la voix de la Machine retentit : « Pas mal, Paschic ! Tu vois, quand tu veux tu peux ! Il ne reste plus que le kilo de moules sur ta liste, mais attention, la poissonnière a un sérieux problème ! Ah ! Ah ! Plus que cinq minutes ! »
Paschic file à la poissonnerie et il tombe devant une petite femme, qui vomit en le voyant ! « Excusez-moi, explique-t-elle, mais les clients me dégoûtent ! C’est plus fort que moi !
_ C’est dommage, parce que vous êtes jolie à regarder !
_ Vous vous moquez d’ moi !
_ Non, il ne suffirait pas d’ grand-chose pour faire renaître la beauté qui est en vous ! Elle affleure !
_ Vous croyez ?
_ Regardez mes yeux…
_ Voilà vot’ kilo d’ moules !
_ Grrrr ! fait la Machine. Il était moins une, Paschic ! Je me demande si tu n’as pas triché, auprès de la poissonnière ?
_ Ne l’ai-je pas convaincue ?
_ Gardes, enfermez-les tous ! Tu ne perds rien pour attendre, Paschic ! Grrr ! Je suis la Machine et c’est moi la meilleure ! »
50
Le lendemain, les prisonniers sont de nouveau conduits devant la Machine, qui leur annonce : « Seconde épreuve pour le raté de la famille ! le loser ! ma honte ! le dénommé Paschic ! l’éternel emmerdeur ! le suprême éteignoir ! celui qui n’a jamais rien fait d’ sa vie et qui juge ! Ah ! Ah ! Bon, regarde ce jeune Dom, Paschic ! Il ne veut plus manger ! Il n’a même plus faim apparemment ! Si t’arrives à lui donner de nouveau de l’appétit, t’as gagné ! Attention, pas plus de vingt minutes, comme hier ! Allez, top départ ! Ah ! Ah ! »
La troupe regarde un jeune Dom assis à une table, face à une assiette bien garnie, mais il a l’air morose, absent, triste… « Il est tellement déprimé qu’il ne voit plus l’intérêt de se nourrir ! fait Marié.
_ Je pourrais me mettre en bikini ! dit Mécano, provoquant la surprise de Propre.
_ Tu as raison, Mécano, approuve Paschic. La vue d’une belle femme, en maillot de bain, est toujours réjouissante ! Mais ici, je crains que le mal ne soit pas plus profond ! Je connais la Machine !
_ Qu’est-ce que tu veux dire ?
_ Pour asseoir son pouvoir, la Machine utilise la peur ! Elle inspire une crainte continuelle, qui endommage le système digestif et en particulier le côlon ! Celui-ci devient hypersensible, avec des contractions anormalement fortes, qui produisent des distensions douloureuses et des ballonnements enlevant tout appétit ! C’est la conséquence d’un fond dépressif ! Autrement dit, notre Dom a perdu tout espoir depuis longtemps !
_ Il a été brisé par la Machine ! résume Mécano.
_ Exact ! Elle a dû le traquer dans tous les coins !
_ Comme toi…, fait Propre doucement. Il y a quelque chose de perdu chez toi, Paschic.
_ Oui, Propre, comme moi…
_ Tu t’en es bien sorti quand même ! rectifie Marié. Tu dois avoir une solution pour ce jeune Dom !
_ La seule chose que je peux lui dire, c’est pourquoi on l’a mis dans cet état et qu’il ne pourra se rétablir qu’en combattant les Doms ! »
Paschic s’assoit devant le jeune Dom et commence : « Écoute, ce qui t’arrive, ce n’est pas parce que tu es mauvais…
_ Si, je suis un bon à rien, un paresseux et un menteur !
_ Non, ça c’est que la Machine a voulu te faire croire ! Tu sais ce qui intéresse la Machine au plus haut point ? Non ? C’est son orgueil, son pouvoir, sa domination ! C’est même la seule chose qui donne un sens à sa vie ! Elle a donc eu besoin de toi pour éprouver le sentiment de sa supériorité ! T’humilier, te contrôler a été vitale pour elle, et pour cela elle a essayé de te terroriser de toutes les manières !
_ Mais elle était aussi inquiète de mon avenir ! Elle m’a redressé quand c’était nécessaire !
_ Oui, mais c’est anecdotique ! Personne n’est juste de toute façon ! Mais qui est malade ? Qui est rempli de chagrin, qui est anéanti ? La Machine ou toi ? Regarde-la ! Est-ce qu’elle te paraît souffrante ! Ne jubile-t-elle pas ? Elle a tout ce qu’elle a désiré ! le pouvoir et la sécurité ! Que peut-elle vouloir de plus ? Elle en a jusqu’à la gueule !
_ Elle est pourtant toujours en train de se plaindre ?
_ Qui a dit que l’orgueil rendait heureux ? Mais c’est toi qui dois te rétablir, reprendre espoir ! Pour manger, retrouver des forces, pour survivre, il faut que tu comprennes qu’on t’a détruit à dessin ! Rien à voir avec tes soi-disant défauts ! Au contraire, la Machine t’a fait peur, parce que tu la menaçais, dans ta recherche de la vérité !
_ C’est…, c’est vrai ?
_ Bien sûr ! Tu as quelque chose en toi qui échappe irrémédiablement à la Machine et à son contrôle et tu la renvoies donc à ses angoisses ! Elle t’a frappé parce que tu l’effraies et qu’elle ne veut pas en perdre une miette ! Elle ne te vaut pas ! Elle ne vaut même pas un dixième de toi ! Laisse les Doms derrière toi, ils sont morts de toute façon ! Vis ! Loue la Création ! Réjouis-toi de ce que tu manges ! Salut l’infinie beauté !
_ Mais les Doms sont partout…
_ Certes ! Mais libère-toi ! Retrouve les forces de la foi, celle qui sont dans ton sang depuis le début ! »
Le jeune Dom prend sa fourchette et avale vigoureusement ! Il sourit à Paschic et derrière on entend la Machine enrager !
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La Révolte... (43-46)
- Le 16/08/2025
"Je suis un être humain!"
Elephant man
43
Elle trouve refuge dans un carré de verdure et c’est une nuit agitée, on s’en doute, après la perte de Bof ! Mais même la tristesse, dans le Cube, n’a pas lieu d’être, car dès l’aube des têtes de faucheuses électriques viennent débusquer la troupe !
« Mmmmmmm ! » meuglent-elles, comme si elles s’alertaient entre elles, sur la présence d’intrus ! « Mmmmmm ! Mmmmmm ! » Elles semblent vouloir attraper les pieds de ceux qui ont bien du mal à se réveiller ! « Mmmmm ! Mmmmm ! » Leur son quasi plaintif accompagne la danse de leur tête fouineuse !
La troupe se remet en marche, esclave du bruit ! « J’ai faim ! » gémit Mécano et comme tout le monde est du même avis, on entre dans une épicerie. Elle est tenue par une femme forte, qui s’approche des nouveaux arrivants, les dominant de toute sa hauteur ! « Alors pour eux, qu’est-ce que ce sera ? » demande-t-elle, avec une voix menaçante !
_ Ben, je sais pas ! fait timidement Marié, qui est déjà incapable de réfléchir, vu la pression qui s’exerce sur lui !
_ Mais on va pas y passer la journée !
_ Non, non, bien sûr ! Euh… Donnez-moi un peu de ce pâté…
_ Ce pâté-là ?
_ Oui, c’est ça, ce pâté !
_ Et combien je mets ? interroge l’épicière, en proposant une coupe avec son couteau.
_ Oui là, très bien ! approuve Marié, qui n’a plus qu’une seul hâte, celle de quitter l’épicerie, mais qui juge aussi qu’on lui met une part énorme et qu’il aura bien du mal à manger !
_ Voilà ! Et c’est tout ? demande encore l’épicière, qui a l’air de dire que si c’est tout, on lui a fait perdre son temps !
_ Non, non, répond Marié, qui ne veut fâcher personne. De la salade ! Un peu de macédoine… Non, non, plutôt du taboulé !
_ Faudrait savoir ! Macédoine ou taboulé !
_ Taboulé, taboulé !
_ Ouais… »
L’épicière souffle en versant la salade dans un récipient et la troupe s’en va, mécontente de ses achats, car elle n’a pas pu respirer ! « Qui es-tu ? demande Paschic à Marié.
_ Ben, Marié !
_ Combien de doigts j’ai là ?
_ Trois !
_ C’est bien, tu as encore toute ta tête ! J’avais l’impression que l’épicière t’avait décérébré !
_ C’est un peu le cas !
_ Oui… et après elle se plaindra de la fin du petit commerce ! Mais, dans le Cube, on est traité comme des chiens et on traite comme des chiens !
_ J’ai mal au ventre ! se plaint Mécano.
_ La macédoine n’était peut-être plus très fraîche… dit Marié. Eh ! Mais voilà une plaque de médecin ! Entrons ! »
Seuls Marié et Mécano franchissent la porte du médecin, mais dans le couloir ils buttent contre une longue file d’attente ! Il y a là toute la misère des Doms ! Visage crispés, égarés, méfiants, haineux, méprisants ! Corps cassés, souffrants, obèses, boiteux, tremblants ! La salle d’attente en est pleine, en regorge, de sorte que Mécano se trouve soudain beaucoup mieux ! Elle a l’impression que, si elle restait là, elle deviendrait comme ceux qui l’entourent : dolente, morne, sans espoir, toujours attachée à ses maux !
« Vite, partons ! Retrouvons l’air libre ! fait-elle à Marié.
_ Et ton ventre ?
_ Ça passera ! Mais tout sauf attendre ici ! »
Avec soulagement, le duo rejoint Paschic et Propre… « C’était rapide, dis donc ! s’exclame Propre.
_ Je suppose que vous n’avez pas pu voir le médecin, dit Paschic.
_ En effet ! Mais de toute façon Mécano n’a pas voulu rester… Une vraie cour des miracles là-dedans ! Je croyais que le Cube était la modernité même ! la solution à notre bien-être ! »
Marié n’a pas besoin de réponses et ce qui demeure de la troupe se remet en marche !
44
Elle passe devant une poissonnerie, où un Dom a été jeté à terre ! Il tend vers le poissonnier un billet de banque et gémit : « Mais j’ai de quoi acheter mon poisson ! Regardez !
_ Trop tard ! répond le poissonnier. Quand on vient chez moi, il faut faire son choix rapidement ! Or, vous avez hésité une seconde entre le merlan et l’églefin ! Il y a du monde derrière vous qui n’a pas qu’ ça à faire !
_ Je vous en supplie ! »
Le Dom se met à pleurer, mais le poissonnier ne s’en occupe plus et il sert maintenant une bonne cliente : « Alors madame, qu’est-ce que je peux faire pour vous ? Un kilo de moules ? Tout d’ suite, tout d’ suite ! Monsieur va bien ? Le chien aussi ? Et ce départ en vacances, ça se prépare ? Dis donc, j’ai vu le plus grand hier, il était tout heureux !
_ Bien sûr, il va devenir étudiant…
_ Ah ! Une autre vie commence ! Mais c’est aussi bien des frais ! etc., etc. ! »
La troupe ne s’attarde pas, mais très vite elle est surprise par un bruit assourdissant ! Bang ! Bang ! Inquiète, elle en cherche la source ! Bang ! Bang ! Finalement, la troupe découvre un Dom qui fait claquer les ouvertures de sa camionnette !
« Bonjour ! dit Mécano. Serait-ce indiscret de vous demander pourquoi vous faites autant de bruit ?
_ Pourquoi je fais autant de bruit ? répond ironiquement le Dom. T’en as d’ bonnes, toi ! Ah ! Ah ! Mais si j’ fais claquer mes portes… Bang ! C’est parce que je suis en colère !
_ Ah ?
_ Eh ouais ! Y en a marre ! Bang !
_ Euh… Vous voulez attirer l’attention sur votre colère, en faisant du bruit, c’est ça ?
_ Disons que je tiens à la manifester… Bang !
_ Et vous pensez qu’on va s’y intéresser, alors que vous agressez ?
_ J’ m’en fous de c’ qu’on pense ! J’ suis en colère, c’est tout ! Bang !
_ Pour moi, vous êtes en colère, parce qu’on ne s’occupe pas d’ vous, pas vrai ?
_ Allez tire-toi ! Tire-toi, tu piges ? Bang ! Bang ! »
« Le Dom dans toute sa bêtise ! lâche Marié un peu plus loin…
_ Eh ! Psst ! Psst ! Par ici... »
La troupe tourne la tête, vers un individu louche, dans un coin sombre… « Eh, approchez-vous, discrètement ! » reprend le Dom étrange, que la troupe rejoint dans une venelle… « On m’a dit que vous vouliez quitter le Cube… C’est vrai ? fait le Dom, qui porte une balafre sur la joue.
_ Hein ? Mais qui t’a dit ça ? demande Marié soudain inquiet.
_ Y a des rumeurs…
_ Des rumeurs ? Des rumeurs sur nous ?
_ Faut croire ! Dans l’ Cube, tout finit par se savoir !
_ Admettons, enchaîne Paschic, mais c’est quoi ton plan ?
_ Ben, j’ connais l’ Cube comme ma poche ! J’ connais les passages, pour rejoindre la Chose !
_ Quoi ? Tu connais la Chose ? s’écrie Marié, brusquement envahi par l’espoir. Tu sais comment rejoindre la nature ?
_ N’est-ce pas ce que j’ai dit ? Mais, évidemment, c’est pas gratuit !
_ Qui nous dit que tu nous mènes pas en bateau ? demande Paschic.
_ Euh… J’ suis passeur !
_ Passeur ?
_ Ouais, j’ fais passer des riches dans la Chose, pour… pour qu’il la pollue !
_ Quoi ? Mais c’est illégal !
_ Chais bien, mais les riches sont prêts à payer le prix fort pour ça !
_ J’ comprends pas ! coupe Marié.
_ C’est pourtant simple… Le riche est avide de sensations fortes… Je l’amène jusqu’à la Chose et là il déverse son sac de déchets ! Il a l’impression d’avoir fait quelque chose d’interdit… et il est heureux !
_ Espèce de salopard ! crie Marié, qui se saisit du passeur.
_ Mais il faut bien qu’ je fasse vivre ma famille ! réplique d’une voix vacillante le passeur.
_ Laisse-le ! dit Paschic à Marié. La violence ne sert à rien, surtout avec ce genre d’individus !
_ Mais tu n’ vas quand même pas marcher dans sa combine ! s’insurge Marié.
_ Je sais pas… Il sait comment sortir du Cube… et on a déjà perdu pas mal des nôtres…
_ Si ça s’ trouve, coupe Mécano, il va nous abandonner à un échangeur !
_ Je vous assure que non, répond le passeur. Ma parole est sacrée !
_ Comment peux-tu parler d’ sacré, alors que tu saccages la Chose ? intervient Marié.
_ Pas moi ! Mes clients !
_ C’est pareil !
_ Et c’est combien la sortie du Cube ? demande Paschic.
_ 500 par personne !
_ Salopard ! s’insurge de nouveau Marié.
_ On a juste de quoi tenter le coup, fait Paschic. Qu’est-ce que vous en pensez ?
_ Moi, j’ suis assez pour, dit Propre. Si on reste ici, le Cube aura not’ peau de toute façon !
_ Elle n’a pas tout à fait tort, approuve Mécano. On ne respire pas ici !
_ Bon, passe devant passeur ! conclut Marié. Mais, à la moindre entourloupe, j’ t’assomme !
_ La moitié des biftons maintenant ! » lâche le passeur.
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La troupe suit le passeur, qui dit : « Il faut d’abord qu’on aille voir mon associé ! Une expé de ce genre, ça ne se fait pas à la va-vite !
_ Très bien, on te lâche pas des yeux ! » répond Marié.
La troupe finit par pénétrer dans un hangar, où se trouvent maints appareils de musculation et un Dom baraqué vient d’ailleurs à sa rencontre… « Je vous présente Léo, fait le passeur, mon bras droit… Léo était autrefois dompteur de cubes roulants !
_ Dompteur de cubes roulants ? s’étonne Mécano.
_ Oui, ma p’tite dame ! Ah ! C’était une autre époque ! explique Léo. Fallait m’ voir au centre du cirque, avec toute cette foule qui criait : « Léo ! Léo ! » Puis, on faisait entrer le cube roulant, le plus méchant qu’on ait pu trouver !
_ Vous vous battiez contre un cube roulant ?
_ Me battre ? Non, ça, tout l’ monde peut l’ faire ! Non, moi, je domptais le cube ! C’était d’ l’art ! Le cube faisait d’abord rugir son moteur, pour impressionner… et ça marchait, la foule était soudain silencieuse… Puis, il fonçait, de toute sa vitesse et j’ l’attendais !
_ Bon sang !
_ Ah ! Ah ! Oui ! Mais au dernier moment, quand il ouvrait sa gueule béante, pour me dévorer, j’esquivais ! Un formidable bond sur le côté ! Et il n’était pas rare que le « monstre » en perdît déjà son embrayage ! C’est qu’il était dans une rage folle ! Puis, il remettait ça ! Vraoum ! Vraoum !
_ Et Léo le fatiguait, coupe le passeur, jusqu’à…
_ Jusqu’à ce que le cube ne bouge plus, épuisé ! reprend Léo. A cet instant, on est tout proche de la fin ! La foule le sent et se tait… et effectivement, la portière du cube s’ouvre et le Dom conducteur en sort ! C’est généralement un type quelconque, voire malingre, et il se laisse tomber sur le sol ! Là, j’ai gagné et de nouveau la foule scande mon nom : « Léo ! Léo ! »
_ Vous parlez au passé… fait remarquer Propre.
_ Oui, ma p’tite dame… Un jour, un cube roulant m’a surpris par derrière et pan, il m’a bousillé la hanche ! Ça a été fini pour moi !
_ Dis donc Léo, on part en expé avec ce petit groupe ! On prépare le matériel et on n’oublie pas les cordes, comme la dernière fois !
_ Les cordes ? s’étonne Marié.
_ Oui, il peut y avoir des passages difficiles ! »
On attend jusqu’au soir et la troupe, encadrée par le passeur et Léo, commence à marcher entre les bâtiments… C’est déjà la nuit et on ne rencontre que peu de gens… Puis, les habitations s’espacent et on pénètre dans une zone vague, qui ne ressemble plus vraiment au Cube, mais qui lui appartient bien pourtant !
« Couchez-vous ! » crie d’une voix étouffée le passeur et la troupe se jette sur le sol. « Qu’est-ce qui s’ passe ? demande Paschic au passeur.
_ Les camions bosseurs !
_ Les camions bosseurs ?
_ Oui, ils patrouillent et ils ramassent tous ceux qui ont l’air de ne pas bosser ! On dit qu’ils sont conduits à un camp… En tout cas, on n’ les revoit plus ! Attention ! »
La troupe se tapit encore plus, car des phares balaient l’obscurité juste au-dessus de leur tête ! « Si vous sortez pas d’ là, on ouvre le feu ! jette une voix.
_ Ils nous ont repérés ! explique le passeur à la troupe. Laissez-moi faire, j’en connais quelques uns... »
Le passeur se lève en plein dans les phares et dit en riant : « C’est moi Karl, ne tire pas !
_ Ah ! C’est toi, passeur ! lâche le dénommé Karl. Baissez un peu les phares, les gars ! Alors, passeur, toujours avec tes clients ?
_ Eh ! Faut bien mettre du beurre dans les épinards, pas vrai Karl ? surtout par les temps qui courent ! répond le passeur, qui est maintenant tout proche de Karl. Tiens, voilà un billet d’ cent, pour le dérangement !
_ Merci, passeur ! Ça va faire du bien à ma femme ! Et puis les gars seront contents d’ boire un coup !
_ J’ pense bien ! Heureux d’ t’avoir revu, Karl !
_ Moi aussi, passeur ! Allez, les gars, on reprend la route ! »
Les camions bosseurs s’en vont et la troupe se retrouve de nouveau dans le silence de la nuit, où l’on perçoit tout de même l’immense rumeur des cubes roulants !
46
Un peu plus loin, il y a une petite colline désertique, sur laquelle se détachent, vision d’horreur, des crucifiés ! « Bon sang ! s’écrie Marié. Qu’est-ce que c’est qu’ ça ?
_ La colline aux crucifiés, répond dans un murmure le passeur. Va falloir qu’on passe par là… Alors regardez pas trop ces pauvres bougres !
_ Mais pourquoi sont-ils là ?
_ Ben, ils ont tous été pris parce qu’ils bossaient pas ! Et on a voulu faire un exemple ! Tenez, le plus proche à droite, j’ le connais bien ! Enfin, façon de parler ! Mais ça fait longtemps qu’il est là et j’ai pris l’habitude de lui causer en passant… Lui, a été crucifié les mains dans les poches, comme on l’a arrêté ! C’est pourquoi sa vilaine tête me demeure sympathique !
_ Mais…, mais c’est affreux ! s’insurge Propre.
_ Vous avez raison… et d’ailleurs les autorités elles-mêmes ont cessé ses exécutions… Il y avait trop de plaintes ! »
Le groupe traverse ce champ de mort, alors que les squelettes suppliciés ont l’air de gémir encore, sous l’effet du vent ! « On doit joindre une éclaireuse, précise le passeur. Ne vous étonnez pas de la trouver un peu bizarre ! »
Le passeur allume sa lampe torche suivant un code et une autre lumière lui répond ! On arrive devant une femme vieillie prématurément ! Elle est de petite taille, les cheveux blancs, avec de grosses lunettes ! « C’est moi, l’inspectrice ! dit-elle. C’est moi qui surveille !
_ Bonjour, l’inspectrice, fait le passeur. Alors, rien à signaler ?
_ Non, RAS ! C’est moi, l’inspectrice !
_ Vous êtes inspectrice de quoi, si c’est pas indiscret ? interroge Propre.
_ De tout ! Je suis l’inspectrice de tout ! C’est moi qui corrige, qui surveille !
_ Je vois…
_ Vous aussi, vous perdrez votre beauté ! Vous deviendrez comme moi ! Car c’est moi l’inspectrice et je sais ce que je dis !
_ Lâchez-moi, s’il vous plaît !
_ Je vois tout ! Je surveille tout ! C’est moi l’inspectrice ! »
Propre ne peut réprimer un frisson de dégoût et elle s’éloigne, comme tout le groupe à présent, observé comme il se doit par la frêle silhouette de l’inspectrice, qui finit par disparaître !
L’aube pointe… « On arrive à la terrasse mécanique ! jette derrière lui le passeur. Là encore restez calmes !
_ La terrasse mécanique ? s’étonne Mécano, qui s’est mise à la hauteur du passeur.
_ Oui, c’est une vieille invention du Cube… Ils ont reconstitué toute une terrasse de café, mais avec des automates ! Tout y est ! La gars qui s’esclaffe, les filles qui se font des confidences, le type qui s’ennuie, etc. ! On voit même le mouvement des lèvres, c’est bluffant !
_ Mais pourquoi une telle invention ?
_ C’est un piège ! Vous voyez les deux boules sur le banc, là-bas ?
_ Les deux Doms, un peu gros… ?
_ Oui, ce sont des espions du Cube ! Dès que vous montrez que vous savez que la terrasse est artificielle, ils font un rapport aux autorités… et il est généralement salé !
_ C’est pas vrai ?
_ Si, alors faites comme si la terrasse était bien réelle ! comme si tout le monde ici avait trouvé le bonheur ! Vous pouvez saluer quelqu’un en souriant, si ça vous chante ! Ce sera du plus bel effet ! Mince, voilà la Mouche !
_ Hello Passeur ! fait un Dom avec de grosses lunettes noires sur le nez.
_ Hello la Mouche ! Beau temps c’ matin !
_ On peut pas s’ plaindre !
_ Encore un espion ? demande Mécano, alors que la Mouche s’éloigne.
_ Chais pas ! Personne n’a jamais vu ses yeux ! Mais, attention, voilà le Donneur de notes ! »
Un autre Dom, un peu rondouillard, est assis sur une chaise figée dans le sol et à la vue du groupe, il lève un sourcil, l’air songeur ! Le Passeur s’avance et dit : « Salut Donneur ! Alors combien tu nous mets ? »
Le Donneur ne répond pas tout de suite, il se gratte le menton et finit par répondre : « Ben, c’est difficile : je vois beaucoup de gens nouveaux… et des gens intéressants ! J’ peux pas noter chacun, comme ça, mais j’ dirais quinze de moyenne !
_ Vache, c’est beaucoup ! Qu’est-ce qui nous vaut ta générosité ?
_ Y a les filles déjà ! A mes yeux, elles valent plus que les garçons ! Mais y a l’ type pas banal là, avec un grand front (il montre Paschic) : il fait monter la moyenne !
_ Bon, OK, on y va ! A une autre fois !
_ Bon sang ! Mais pourquoi il donne des notes comme ça ? demande Mécano, quand le groupe ne peut plus être entendu.
_ J’en suis venu à m’ dire que c’est pour s’ croire intéressant ! répond le Passeur. Il doit être bien seul…, mais attention, il est un peu comme un passage obligé, car lui aussi, si on l’ignore, pourrait nous causer des ennuis !
_ Dieu ! » lâche encore Mécano.
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La Révolte... (39-42)
- Le 09/08/2025
"C'est toujours les bourgeois qui trinquent!"
Le Sang à la tête
39
« Il faut retrouver Côlon ! supplie Propre.
_ Suivons le cours des cubes roulants… », suggère Paschic.
La troupe se met en marche et ferme son esprit, pour ne pas être abrutie par le vacarme et la pollution ! Puis, elle découvre l’impensable ! Devant elle s’étend à perte de vue l’océan des cubes roulants ! des toits de carrosseries à l’infini ! Cela monte, descend, accélère, se retire, glisse, tout en fumant !
« Comment sauver Côlon là dedans ? » demande Marié. Propre et Mécano longent le bord, essayant d’apercevoir un signe de leur ami, mais brusquement un cube roulant sort du flot et tente de dévorer Propre ! Mécano la tire en arrière, mais elle-même est la proie d’un autre cube roulant, qui rugit et ouvre une gueule béante ! Marié, Paschic et Bof se portent au secours des filles et la troupe parvient à se retirer, abasourdie par tant de voracité !
« Il vaut mieux s’éloigner ! fait Paschic. C’est trop dangereux !
_ Et Côlon ? gémit Propre.
_ Il a peut-être réussi à s’en tirer… lâche Marié.
_ Ou pas ! réagit Propre. D’abord Santé et maintenant Côlon ! Nous ne sortirons jamais du Cube ! Nous allons tous y mourir !
_ Mais non ! jette Bof. On est les plus forts et… Mais qu’est-ce que… ? »
Bof lève la tête inquiet, car il a senti qu’on le menaçait et il voit un géant qui le fixe méchamment et qui brusquement essaie de l’écraser ! Bof se met à crier et s’efforce de s’échapper, en allant d’un côté à un autre !
Cela agace le géant, dont la main à chaque fois se referme sur du vide ! Son énorme visage ne reflète que du dégoût et du mécontentement ! Il tape à présent avec le pied ! « Au secours, Paschic ! s’écrie Bof. Il me prend pour une araignée ! »
Paschic lance sur la tête de Bof un peu d’Infini ! C’est une poudre qui permet d’échapper à toute domination, telle une gaine protectrice et voilà Bof tout heureux, comme s’il était devenu invisible ! Le géant se voit impuissant et finalement s’en va, se demandant encore, sous son air globuleux, comment on a pu lui résister !
« Place ! Place ! fait un Dom en trottinette à la troupe, avant d’en descendre. Bonjour, je suis le roi Paudicar, de la planète Macano ! Ne suis-je pas magnifiquement beau ! Bonjour les filles ! Sur ma planète, j’ai dix mille sujets, qui veillent à mes plaisirs ! Le saviez-vous ?
_ Ça ne nous intéresse pas beaucoup…, répond Propre.
_ Je comprends, mon éclat vous fait mal aux yeux ! Eh ! Eh ! C’est l’effet que je produis un peu partout ! grâce à mon rayon Fragta 200 ! Il m’auréole d’une lumière d’or, afin de rehausser mon aspect divin !
_ C’est artificiel alors ! jette Mécano.
_ Disons que cela correspond à mon statut, à mon standing ! Quand j’arrive à trottinette, j’aime que les gens aient l’impression que je suis un prince en visite chez eux ! Je pourrais leur jeter des pièces, afin qu’ils louent mon nom, mais l’amour de la vitesse et de la liberté prend le dessus !
_ C’est plutôt à votre honneur !
_ Je sens qu’on pourrait s’entendre tous les deux ! Tu pourrais m’admirer, car je le mérite !
_ Bon, tu es un des clowns du Cube ! Autre chose ?
_ Mais tu me fâches ! Moi et ma majesté !
_ Mais non, reprends ta trottinette… Nous te regarderons avec envie et tristesse, car tu nous auras accorder que peu de temps !
_ En effet ! Combien d’autres ne vont pas être soufflés par ma venue !
_ Adieu donc !
_ Séchez vos larmes : je reviendrai ! »
Le Dom à trottinette s’en va… « Tu y crois ? demande incrédule Propre à Mécano.
_ T’as bien vu et bien entendu comme moi, non ? »
La troupe est de nouveau en chemin, mais elle ne va pas bien loin, à cause d’un barrage ! Des Doms en uniforme lui font signe de s’arrêter, puis l’un d’entre eux demande à Marié : « Permis d’exister, s’il vous plaît ! »
Marié ne sait que faire… C’est la première fois qu’on lui parle d’un tel permis… Il fouille vaguement ses poches, avant de consulter en coin Paschic, qui lui aussi hausse les épaules, parce qu’il ne comprend pas ! « Le permis d’exister, hein ? répète Marié impuissant.
_ C’est cela, répond le Dom, pour exister, il faut un permis : le permis d’exister !
_ Bien sûr ! Mais…, mais j’existe de toute façon !
_ Ah non ! Faut l’ permis, monsieur ! Et apparemment vous n’ l’avez pas ! Donc, vous et vos amis, vous allez nous suivre !
_ Mais... »
Les Doms en uniforme se montrent maintenant pressants et voilà la troupe qui entre dans un poste de douane !
40
Elle y est accueillie par un petit homme sec, apparemment le chef ! « Alors comme ça, on s’ balade sans permis ? fait-il.
_ Mais c’est quoi c’ permis ? demande Marié agacé.
_ Un comble ! Tout l’ monde sait ce qu’est c’ permis !
_ Nous sommes étrangers…
_ Pfff ! Le permis d’exister doit clairement stipuler qui vous domine ! Il y a forcément quelqu’un qui vous dit que faire et qui vous bousille, si vous bronchez !
_ Ben…
_ C’est cette personne-là qui valide, authentifie le permis ! Remarquez, plus elle vous empoisonne la vie et plus le permis a de la valeur, car plus la personne vous donne le droit d’exister !
_ Dingue !
_ J’ai connu certains cas extrêmes, où la personne accorde le permis juste avant que sa victime ne meure ! Évidemment, on pourrait alors dire que le permis ne sert à rien, mais pour les collectionneurs, il n’a pas de prix, car la valeur du permis est absolue ! On est quasiment dans le domaine de l’art !
_ J’imagine…
_ Pour moi, un bon permis, c’est la destruction psychologique ! Celui qui la subit possède bien l’ permis, mais doit en souffrir toute sa vie ! Nul doute que le permis reste valable, même si le bourreau disparaît entre-temps !
_ L’argument est intéressant…
_ Mais foin de ces considérations ! Alors, c’ permis, vous l’avez ou vous l’avez pas ?
_ On pourrait peut-être l’avoir par votre intermédiaire, vu que vous nous oppressez !
_ Vous n’êtes pas sérieux ! Ce que je vous demande n’est que broutilles ! Rien qui ne soit pas réglementaire ! Non, il faudrait que moi et mes gars, on vous casse la gueule dans la cave, pendant une semaine, pour avoir l’autorité nécessaire ! Et encore ! »
Voyant que la discussion est dans l’impasse, Paschic remarque que le chef est un DTN, un Dom trou noir, et qu’il diffuse des ondes psychiques insupportables ! Il a un rayonnement dominateur dont il est quasiment impossible d’échapper ! Il va falloir avoir recours à la magie !
Paschic se concentre et une étrange patte se glisse dans le poste de douane ! C’est une patte extrêmement fine, pareille à un fil et pourtant rigide ! Son segment ultime interroge d’ailleurs en ce moment le chef, en le tâtant, pour l’identifier ! Le chef en est apeuré et il danse sur ses jambes arquées, qui font penser à une figurine de cow-boy !
Puis, une tête, pas plus grosse qu’une graine, passe la porte du poste et s’adresse à Paschic : « Désolé, Paschic, mais y a qu’une de mes pattes qui entre ! C’est trop étroit pour les autres !
_ Pas grave, Faucheux ! C’est suffisant ! J’ crois qu’ le monsieur a compris ! Pas vrai ?
_ Mais qu’est-ce qu’il y a ? fait le chef. Qui vous êtes ? Des terroristes ?
_ Je vous présente Faucheux ! répond Paschic. Un bon ami à moi ! Est-ce qu’il peut signer pour vous un permis d’exister, car vous n’avez pas l’air très à l’aise ! Vous transpirez et vous êtes tout pâle !
_ Dites à cette… cette créature de s’en aller !
_ Bien sûr ! Mais on va partir avec elle, si vous n’y voyez pas d’inconvénients ! Vous ne dites rien ? Je dois prendre ça pour un consentement ! C’est bon d’avoir peur, n’est-ce pas ? Allez, la troupe, on en a assez vu comme ça ! »
La troupe se retrouve à l’air libre, où Faucheux est visible en entier ! Son corps est extraordinaire, car ses pattes sont aussi fines qu’elles semblent démesurées ! Et au centre se trouve cette petite boule, qui tient pourtant tout ça ! « Oh ! Je sens un autre mâle pas loin, Paschic ! Je vais devoir défendre mon territoire !
_ Bien sûr, faucheux ! Chacun ses affaires ! Je te remercie pour ton aide !
_ A bientôt les amis !
_ Incroyable ! fait Propre en regardant partir Faucheux.
_ Le permis d’exister ! lâche plein d’amertume Marié. Non, mais où on est ici ?
_ Dans le Cube ! répond Paschic. Et on n’est pas près d’en sortir ! »
41
« Oh ! Regardez ! s’écrie Mécano. Une jeune fille en difficultés ! » En effet, un peu plus loin, une jeune fille blonde est pressée par deux Doms, comme si elle était prise en sandwich et elle étouffe visiblement ! « Ce sont deux Domubiks qui l’écrasent ! explique Paschic. Ils sont tellement pleins d’eux-mêmes, qu’ils ne la voient même pas ! Vite, allons la délivrer ! »
La troupe court vers les Domubiks, une femme et un homme doms, et les détache de la jeune fille ! Mais les Domubiks ne se sentent pas coupables : ils sont juste dans leur monde et trouvent leur égoïsme parfaitement naturel ! Il faut refaire leur éducation, ce à quoi s’emploie Paschic, qui leur dit : « Vous voyez la jeune fille ? C’est une personne tout comme vous ! Vous devez la respecter !
_ Ouais, ouais ! fait le Dom, légèrement abasourdi, qu’on puisse le reprendre.
_ Mais on ne fait rien de mal ! répond la Dom. Faut bien qu’on vive nous aussi !
_ Mais pas au détriment des autres ! Il n’y a pas que vous dans le Cube !
_ Ouais, ouais !
_ J’ai des besoins, moi ! C’est pas ma faute, si cette jeune fille est éteinte !
_ Elle est éteinte, parce que vous la dévorez ! Allez, filez ! »
Les Domubiks sont fâchés, mais néanmoins ils s’en vont ! « Ne vous laissez pas faire ! dit Paschic à la jeune fille. Vous valez mieux qu’eux ! Si vous êtes fragile, c’est que vous avez des doutes et que vous êtes sensible ! Si vous souffrez, c’est parce que vous ne piétinez pas! »
La jeune fille hoche la tête, même si elle ne comprend pas vraiment les propos de Paschic. La troupe s’éloigne et Paschic rajoute : « Elle va méditer sur ce que je lui ai dit… La route sera longue pour elle, mais c’est la seule intéressante !
_ Pourvu que les p’tits cochons ne la mangent pas ! » renchérit Marié.
Bof, qui marche devant, s’arrête brusquement ! Il est figé par une colonne de pigeons, portant des valises et qui avance la tête basse ! « Qu’est-ce qui se passe ? demande Paschic. Où vous allez, les pigeons ?
_ Où on va ? répond l’un des pigeons. Mais on a détruit not’ maison, Paschic ! Vingt ans qu’on habitait là ! Oh ! C’était pas très beau ! Un immeuble abandonné et que la ruine menaçait ! Mais c’était chez nous et plusieurs générations y sont nées ! Mais nous voilà sur la route, déboussolés, sans abri !
_ Mais vous allez bien trouver quelque chose ! s’écrie Propre. Il doit y avoir d’autres bâtiments vides…
_ Pas à cette hauteur, avec ce point de vue ! Ah ! Il fallait nous voir voler le matin, dorés par le soleil levant ! Quelle ordonnance ! Une flotte unique ! On était paré pour la journée ! Mais on se moque de nous ! Il faut boboïser le quartier, le rentabiliser et nous ? On ne compte pas ? »
La troupe se tait et regarde la colonne continuer son exode ! Mais déjà des paroles étranges lui arrivent aux oreilles… « On est extra ! dit une Dom au Dom qui l’accompagne.
_ Oui, on est au-dessus du lot ! approuve le Dom.
_ Nous sommes tellement beaux !
_ Et intelligents !
_ C’est clair ! Nous sommes largement supérieurs ! Il est normal que les autres nous admirent !
_ Nous sommes des dominants !
_ Je me demande quel hommage je vais mépriser !
_ Gourmande ! »
La troupe n’en revient pas et a même envie de vomir, mais le soir tombe et on n’y voit plus trop… Il faut chercher un coin où dormir, quant tout à coup une torche éclaire le visage de Marié, avec une voix qui murmure : « Traqueur de gens heureux ! J’ suis l’ traqueur ! N’êtes pas heureux, vous ?
_ Non pas trop, répond Marié tétanisé.
_ Bien, bien ! J’ déteste les gens heureux ! De toute mon âme ! J’ les hais !
_ C’est vrai qu’ils ont l’air... suffisant ! approuve hypocritement Marié.
_ Xactement ! Moi, j’assombris l’ monde, parce qu’il pense pas à moi !
_ Faut bien faire quelque chose...
_ Eh ! Une p’tite minute ! M’avez l’air bien serein, tout de même ! J’ me demande, j’ me demande, si votre joie s’rait pas sur le point d’éclater ! Riez pour voir !
_ Ah ! Ah ! Voyez, c’est un rire pauvre ! D’ailleurs, je pleure déjà !
_ Ah bon ? La perte d’un parent proche ?
_ Non, la bêtise du Cube ! »
42
C’est le soir, mais la journée n’est pas finie pour autant ! D’ailleurs, le temps reste magnifique ! « Ouch ! s’écrie Bof.
_ Qu’est-ce qu’il y a ? demande attentionnée Mécano.
_ J’ai pris un coup d’ seins, dis donc ! J’étais là, à regarder les nuages roses, quand pan ! deux seins m’ont donné un coup !
_ Montre ! Bon, c’est pas trop grave… Tu auras une petite rougeur, pendant un certain temps…
_ Elles pourraient faire attention tout de même, avec leurs seins !
_ A mon avis, c’était voulu ! » rajoute Propre, avec un sourire…
On passe à côté d’un Dom effrayant ! Il est assis, sans rien faire… Il regarde seulement, mais son corps massif trahit un désir malsain ! « Un pervers ! » fait Mécano et la troupe s’éloigne pour croiser un autre Dom très étrange !
Il avance vers la troupe dans une combinaison qui semble protéger des radiations nucléaires ! « Est-ce qu’il y a eu une catastrophe dans l’ coin ? demande Bof. Ça fait vraiment peur! » Le Dom passe devant la troupe, en ayant l’air de vivre dans un cauchemar permanent !
Puis, c’est le tour d’un autre Dom, qui regarde par dessus toutes les têtes, ainsi qu’il aurait perdu quelque chose et qu’il serait toujours sur le point de le retrouver ! Ses cheveux semblent rabattus par un irrépressible courant d’air, reflet de la hauteur où il se situe et de son éternelle recherche ! Bien sûr, apparemment, il ne distingue rien de la troupe, tellement il est occupé !
« C’est une technique pour paraître à l’aise ! explique Paschic. Il y en a autant qu’il y a d’individus ! » La troupe n’a pas le temps de méditer là dessus, car dans une ruelle sombre elle est figée par un bruit inquiétant ! C’est un grincement humide, un grouillement à glacer le sang ! Puis, sous une lumière, l’horreur devient visible ! Des milliers de crabes, pinces dressées, se répandent en un flux monstrueux ! Leurs mandibules baveuses expriment pourtant des choses : « Nous sommes prioritaires ! crient-elles. Les magasins sont à nous ! Servez-nous tout de suite, sinon on vous déchire ! »
« Vite, par là ! » fait Marié et la troupe se jette dans un bâtiment, qui a soudain l’air très curieux ! « Nous sommes dans un musée... murmure Propre, le Musée du Cube et du patrimoine !
_ Vous là-bas ! crie un Dom en uniforme. Z’avez vos billets ? La visite va commencer !
_ Ben…, non… répond Bof.
_ Et alors ? Vous attendez quoi ? Vous croyez peut-être que la visite est gratuite ? »
La troupe paie ses tickets, car elle ne veut pas retrouver les crabes dehors et sous la houlette du guide, on commence à pénétrer dans une vaste salle, avec des scènes éclairées, des images, des textes, etc. « Toute l’histoire du Cube a été reconstituée ici ! explique le guide de sa voix sévère. Il faut savoir qu’en ce moment même le Cube se développe à la vitesse de deux kilomètres par seconde ! Il n’en a pas toujours été ainsi, bien entendu ! Par exemple, à votre droite, vous pouvez voir le Cube a ses débuts, encore balbutiant ! Il n’est pas encore formé ! Il sort du nid pour ainsi dire ! »
Sous les yeux stupéfaits de la troupe, le guide écrase une larme ! Mais Paschic est préoccupé par autre chose, son voisin, un Dom assez jeune, qui a l’air de se transformer ! Il y a comme une sorte de toile qui le recouvre et sa peau se flétrit, comme si elle vieillissait d’un coup !
« Psst ! Psst ! » fait doucement Paschic à Marié, qui lève les sourcils pour demander ce qui se passe. Paschic montre de la tête son voisin, qui a encore changé ! Non seulement la toile autour de lui est plus épaisse, évoquant un cocon, mais le Dom lui-même a maintenant des pattes rappelant celles des araignées ! Marié avale sa salive !
« Alors, sur ce grand tableau, poursuit le guide, l’artiste a représenté le Cube tel un grand cœur, alimenté par les artères et les routes qu’empruntent chaque jour les habitants ! Nous serions ainsi, nous les Doms, le sang du Cube ! Évidemment, c’est une vision d’artiste qu’on peut ne pas aimer, mais moi, je dois vous dire qu’elle me touche particulièrement ! »
A cet instant, on entend un grand cri, puisqu’une jeune Dom est attaquée et engloutie par le voisin de Paschic, dont la métamorphose est terminée, car il n’est plus qu’un Dom araignée, à la tête hideuse ! « Bon sang ! fait Marié.
_ Il faut partir ! lance Paschic. Mais attention, ne marchez pas dans la toile ! »
En effet, le Dom araignée, a eu le temps d’étendre un véritable piège, dans lequel Propre se prend ! « Au secours, Paschic ! crie-t-elle.
_ J’arrive ! lui répond Paschic, alors que Marié et Mécano se protègent mutuellement. Ne te débats pas, Propre ! Reste calme ! Sinon, ce sera pire !
Voyant la panique de Propre, Bof, toujours chevaleresque et sans doute amoureux, s’élance pour la sauver, mais il est encore sans expérience et le Dom araignée s’en saisit et le roule dans un cocon ! Cependant, Paschic a réussi à libérer Propre et ils s’éloignent ! « Bof ! Bof est pris ! gémit Propre, qui se met à pleurer.
_ Je sais, répond Paschic, mais hélas, il est trop tard pour lui ! »
Comme pour confirmer son avis, le Dom araignée vide Bof de sa substance, ce qui le fait hurler affreusement ! La troupe baisse la tête, comme pour ne plus rien entendre et s’enfuit !
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La Révolte... (36-38)
- Le 02/08/2025
"Je veux défendre mon pays, parce que c'est le plus beau du monde!"
American sniper
36
Un ado Dom passe et crache… Une ado Dom demande à ce qu’on regarde ses seins et ses fesses ! « C’est la vie... » fait Marié.
_ Tenez ! dit Mécano, j’ai inventé un gadget pour apaiser les Doms !
_ Fais voir, demande Côlon.
_ C’est un petit appareil, comme les boîtes qu’on retourne, pour reproduire le cri de la vache ou de la chèvre ! Mais ici, tu entends : « T’as raison ! T’as raison ! »
_ Ah ouais, d’accord ! C’est drôle !
_ Et tu vois, avec ça, le Dom se calme progressivement ! C’est tout ce qu’il demande !
_ Mais on va pouvoir vendre ce petit appareil, un peu partout ! Nous voilà riches, Mécano !
_ Tu t’occupes de la distribution, c’est ça ? »
Un peu plus loin, la troupe croise les « pauvres » Doms ! Ils sont là avec de beaux habits, des bijoux et leurs belles voitures derrière eux ! Et pourtant ils ont la « manche » ! « Je vous en prie, disent-ils, donnez-nous de l’importance ! Montrez-nous comme nous sommes admirables, combien nous avons du pouvoir ! Sinon c’est l’angoisse ! Nous sommes perdus ! Un peu de soumission, s’il vous plaît ! Reconnaissez notre mépris ! Soyez sensibles à notre égoïsme ! »
_ Les pauvres Doms ! fait Propre.
_ Ouais ! Faut pas exagérer non plus ! s’insurge Côlon. Ils en prennent à leurs aises ! Et ils sont en sécurité, avec leur argent !
_ Mais ils sont incapables d’être en paix ! réplique Propre. Leur équilibre ne repose que sur leur domination… et ils sont là, toujours en train de quêter une supériorité ! Tiens, ils n’acceptent jamais leurs torts ! Pour eux, c’est une catastrophe !
_ Tu oublies qu’ils vivent au détriment des autres !
_ Tout de même, ils sont bien à plaindre ! Toujours tourmentés ! Toujours à mordre, à écraser ! »
A cet instant, Bof court vers la troupe : « Eh ! Eh ! crie-t-il. Je suis en train de disparaître ! Regardez, regardez, je ne vois déjà plus mes mains !
_ Oui, cela arrive, explique Paschic. A force de côtoyer les Doms, tu te sens minable, inexistant, et tu finis pas disparaître !
_ C’est…, c’est une blague !
_ Malheureusement non ! Tu ne trouves nulle part l’écho de tes préoccupations… et tu en arrives à croire que tu es mauvais ou fou ! A partir de là, l’invisibilité te gagne… et même les oiseaux ne te voient plus ! J’ai été percuté par un moineau comme ça !
_ Le problème avec toi Paschic, c’est qu’on sait jamais si tu es sérieux ou non !
_ Rassure-toi, Bof, intervient Mécano, tant que tu restes avec nous, tu compteras ! Nous t’aimons et tu dois en déduire que tu as une existence réelle !
_ Mer…, merci Mécano !
_ Faut pas que tu t’éloignes trop de la troupe, c’est tout !
_ Mais, mais est-ce que la troupe entière ne pourrait pas disparaître ? »
Personne ne répond à Bof, car on croise un grand blessé ! On le voit venir de loin ! Il tient à peine sur ses cannes et sa côte semble recouverte d’un large corset ! Il faut rajouter à cela quelques pansements sur le visage, de sorte que Propre s’écrie : « Mon Dieu, le malheureux !
_ Ne vous intéressez pas à lui, dit Paschic. C’est ce qu’il veut ! Il se sert de son état, pour être le centre d’intérêt, qu’on parle de lui, ce qui alimente sa domination ! Bref, un Dom de chez Dom !
_ Mais tu es sans cœur ! s’écrie Côlon.
_ Mais vas-y, Côlon, si ça te chante ! Tu vas voir que ton intérêt sera mal payé ! Il va te boire comme du petit lait ! Tant que tu seras « pendu » à ses blessures, il sera tout sourire et volubile ! Mais dès que tu feras mine de penser à autre chose, au temps qu’il fait ou au malheur en général, il se fermera et et te méprisera ! Il passera à un autre et ainsi de suite ! Ceux qui se servent de leur maladie, pour leur domination, sont stériles !
_ Tu parles d’expérience sans doute ! dit Marié.
_ Exact ! Ne perdez pas vot’ temps avec des gaziers pareils ! Ils montrent une fausse image de la vie, centrée sur leur malheur ! Au contraire, votre indifférence les fera réfléchir !
_ Tout de même il me fend l’âme ! »
Le Dom en effet semble les attendre, quêtant une attention, pendant que son équilibre est mal assuré ! « Il ne vaut pas mieux que les autres ! réaffirme Paschic. Soyez forts, ignorez-le ! Ne tombez pas dans le piège et rendez-lui service, en lui résistant ! »
La troupe ne se le fait pas dire deux fois et passe outre. Elle entre dans un nouveau champ d’expériences et il est vrai que le « grand blessé » est maintenant stupéfié par son air indifférent !
37
Soudain, la troupe est assaillie par un rire ! Il devrait être communicatif, témoigner du plaisir de vivre, mais nullement, c’est un rire qui provoque de la gêne, qui fait peur ! Il attaque la troupe sous la forme d’une rangée de dents éclatantes ! « Tenez lui tête ! crie Paschic. Ne soyez pas dupes ! Son propriétaire n’est pas honnête ! Il n’est pas détendu lui-même ! C’est encore une domination qui s’affirme, même par le rire ! Montrez que vous êtes solides ! Restez droits devant lui ! »
La troupe, sous les exhortations de Paschic, s’arrête, alors qu’elle s’apprêtait à fuir ! Chacun fait face au rire, qui ne peut plus rien devant une telle fermeté, car après tout ce n’est qu’un rire ! Enfin, il disparaît, ce qui entraîne Paschic à « enfoncer le clou » : « Ce genre de rires, dit-il, qui vous tend, vous met mal à l’aise, comme si vous étiez un minable dans la société, doit au contraire vous servir de baromètre ! Si vous êtes capable d’en être indifférents, si secrètement il vous amuse, car il témoigne d’une fausseté, alors soyez fiers, heureux : vous gagnez en force et en équilibre ! Tout ce qui émane des Doms est trompeur et destiné à faire croire qu’ils savent vivre, ce qui n’est pas le cas !
_ T’es remonté, on dirait ! dit Marié.
_ Ah ! Si tu savais comme il y en a à dire ! »
La troupe va un peu plus loin, mais deux yeux haineux lui font barrière ! « Halte ! disent-ils. On ne passe pas !
_ Et pourquoi ça ? demande Côlon.
_ Eh bien, il est onze heures du matin et nous buvons notre apéro, comme tous les jours ! Or, que voyons-nous ? Des étrangers qui se présentent, qui troublent notre quotidien, nos habitudes !
_ Mais faut bien qu’on aille de c’ côté tout de même ! réplique Côlon.
_ Je ne comprend pas pourquoi on vous dérange ! rajoute Mécano.
_ Mais notre arrivée inopinée inquiète la domination de ce regard ! explique Paschic. Le sentiment de sa supériorité lui est donné par sa routine même, par le contrôle qu’il exerce ici chaque jour ! Or, voici de la nouveauté, de l’imprévu et le regard n’est plus le maître ! Cela suffit à le rendre haineux, bilieux !
_ Ce n’est pas vrai ! s’indigne Propre.
_ Mais bien sûr que j’ai juste ! Hein, le regard ? poursuit Paschic. Oh ! Mais attendez, je suis sûr aussi que nous avons affaire à un regard épris de justice sociale, qui chante sur tous les tons l’égalité ! Car il est contre tous les pouvoirs, puisqu’il ne les contrôle pas ! Le petit égoïsme, incapable de supporter la moindre surprise et qui pourtant fustige le mépris des riches ! Peuh !
_ Il va te dévorer ! s’écrie Propre.
_ Il vaut mieux nous en aller, dit Marié à Paschic. Tu n’arriveras pas à te faire comprendre de toute façon ! »
La troupe repart, bien décidée à quitter le Cube ! Mais Paschic reprend : « Ne soyez pas dupes, dit-il, les Doms n’ont aucune solution pour vivre, si ce n’est leur domination ! Ne perdez jamais de vue qu’ils la recherchent de toutes les manières possibles, par le rapport de force ou la séduction ! Cela signifie encore que plus les Doms ont peur et plus ils veulent dominer et que si vous leur résistez, ils n’auront aucun scrupule à vous mépriser, avec l’envie de vous détruire ! C’est pour cela que les Doms se piétinent les uns les autres, ce qui rend la vie dans le Cube impossible ! »
Deux Doms filles sont sur le passage de Paschic et se moquent de lui, car il les ignore et un Dom jeune homme côtoie un instant la troupe, en étant monté sur des échasses et en fixant les lointains, ainsi qu’il serait quelque dieu, bien au-dessus de ceux qui l’entourent !
Marié, légèrement énervé, par cette suffisance et cette somme toute agressivité, entreprend de taper dans les échasses, pour ramener le jeune Dom à plus de réalité, mais alors celui-ci consulte son portable, comme si de rien n’était ! C’est le monde hypocrite des Doms et donc sans solutions, puisque les choses ne sont pas dites !
« Venez essayer votre force ! crie un bonimenteur, car on est toujours dans la fête foraine. Venez chevaucher le cheval fou de l’angoisse ! Si vous tenez dessus plus de cinq minutes, vous partez avec le gros lot ! Vous, le Dom costaud, allons essayer ! Une belle peluche fera plaisir à votre fille !
_ D’accord », fait le Dom large d’épaules et qui porte un chapeau de cow-boy.
On place le Dom sur le cheval de l’angoisse, comme au rodéo, et soudain le cheval se met à sauter dans tous les sens, à ruer et à se cabrer ! Le Dom costaud ne tient pas cinq secondes ! « Ah ! Ah ! fait le bonimenteur. L’angoisse, c’est pas trop ton truc, hein ?
_ Ben, sans ma femme, je suis un peu perdu, c’est vrai ! répond le Dom costaud.
_ Bien sûr, la famille y a qu’ ça d’ vrai ! Allez, mesdames, messieurs, qui veut essayer de dompter le cheval de l’angoisse ?
_ Tu pourrais tenter le coup, Paschic, s’exclame Mécano. J’ai envie de la grosse peluche, en forme de singe !
_ C’est vrai ça, Paschic, rajoute Propre, montre à tous ces Doms que t’as pas perdu ton temps ! »
38
Paschic s’approche du cheval de l’angoisse et lui dit : « Tout doux, tout doux ! » Paschic le connaît par cœur ! Il sait que c’est un cheval effrayant, délirant même ! Il peut se transformer en dragon destructeur, par exemple ! Mais, à la surprise générale, Paschic se met en selle, sans que le cheval ne s’agite et voilà que tous les deux trottinent tranquillement ! « Ce… Ce n’est pas possible ! » s’écrie le bonimenteur.
_ Vous ne connaissez pas Paschic ! » fait Marié.
Paschic décide de passer à la vitesse supérieure et il lance le cheval au galop ! En pleine course, il le fait s’envoler vers le ciel, de sorte qu’un instant le duo disparaît même aux yeux des spectateurs ! « Ce n’est pas possible ! lâche encore le bonimenteur.
_ Vous l’avez déjà dit ! rectifie Marié.
_ A moi la grosse peluche ! » exulte Mécano.
Paschic atterrit soudain, le cheval docile sous lui ! Il rit en offrant son lot à Mécano ! « Je savais que t’allais le mâter ! assure celle-ci.
_ Oui, mais ce n’est possible que si on se débarrasse de sa domination ! Sinon, on utilise toujours les autres pour calmer son angoisse ! C’est-à-dire qu’on écrase un plus petit, ou on le méprise, ce qui fait qu’on ne comprend pas les choses ! »
Derrière la troupe qui s’en va, le bonimenteur jette son cigare et donne un coup de pied au cheval, qui le mord sévèrement ! Il ne fait pas le poids !
La troupe est enchantée de cette petite victoire, mais elle est suivie par une ombre ! « On dirait que qu’un Dom nous a pris en chasse ! fait remarquer Côlon.
_ Oui, approuve Paschic, c’est un Domubik !
_ Un quoi ? s’écrie Bof.
_ Un Domubik ! De Dom et d’ubiquité ! C’est un Dom qui croit qu’on s’adresse toujours à lui, même quand on veut parler à une autre personne ! Il est si plein de lui-même qu’il est difficile de s’en débarrasser !
_ Il va débarquer parmi nous, comme ça ? continue Bof.
_ Non, il faut l’enclencher, en lui adressant une première fois la parole, mais après, comme je vous l’ai dit, il sera impossible de nous parler les uns aux autres, sans qu’il intervienne ! Il a bien sûr un avis sur tout ! Il connaît tout et se sent indispensable !
_ Hum ! fait Propre. Il vaut mieux le laisser tranquille alors !
_ Tant qu’on n’a pas besoin de lui, c’est ce qui est le mieux ! opine Paschic. Mais il est lui-même un grand destructeur de ses semblables, comme tous ceux qui croient que le monde tourne autour d’eux !
_ Encore un qui n’a pas la clé de son repos ! » avance Marié.
La troupe est maintenant arrêtée par la chaîne des cubes roulants ! C’est un flux continu, bruyant, polluant, rageur et abrutissant ! Pourtant, la chaîne se met à chanter : « Il est 17 heures ! Il est 17 heures ! C’est nous la chaîne des cubes roulants ! Colorée et vrombissante ! Il est 17 heures, c’est la fin du travail et nous voilà solidaires ! 17 heures sur Terre ! 17 heures, à nos maisons ! Nous sommes les travailleurs, nous formons une équipe, même si on s’ connaît pas ! Attention le piéton, t’es pas dans la chaîne ! Nous te regardons ! Attention piéton, t’es suspect ! T’es pas dans la chaîne ! T’es pas solidaire ! C’est la chaîne de 17 heurs ! La bonne chaîne ! Celle qui bosse ! »
A ce moment, Côlon, bouleversé, s’élance : « Mais vous ne comprenez rien ! crie-t-il à la chaîne. Pourquoi vivez-vous ? Vous n’êtes même pas heureux ! Et votre haine, qu’est-ce que j’en ai à faire ? Encore si vous cherchiez ! Vous dites que vous travaillez, mais vous ne faites rien en réalité !
_ Reviens Côlon ! lance Paschic. Vite Marié, va le chercher ! On ne peut pas attaquer les Doms de front comme ça ! C’est du suicide ! »
Marié se précipite, mais c’est trop tard : Côlon a disparu dans le vacarme et les fumées ! La chaîne l’a comme englouti ! La troupe est sous le choc, mais elle n’a pas le temps de penser, car elle est interpelée : « Oh là ! lui fait un Dom, je suis le contrôleur de la rue !
_ Et alors ? répond Bof.
_ Ben, la rue m’appartient ! J’ai à l’œil tous ceux qui ne me plaisent pas !
_ On vient de perdre un ami ! jette Propre.
_ M’étonne pas ! Vous avez une drôle d’allure !
_ Crétin ! » lâche Mécano.
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La Révolte... (33-35)
- Le 26/07/2025
" A trois, j'avoine!"
Il faut pas prendre les enfants du bon Dieu....
33
La troupe arrive dans ce qui ressemble à une fête foraine… « Chic ! On va bien s’amuser ! » s’exclame Côlon. Paschic, avec Mécano derrière lui, s’arrête devant une tête souriante, en carton-pâte… « Il y a une fente pour mettre de l’argent, mais on ne dit pas à quoi ça sert ! dit Paschic.
_ Il faut sans doute en mettre un peu, pour le savoir, répond Mécano.
_ Bon, fait Paschic, qui lâche une pièce, mais il ne se passe rien !
_ Une seule ne suffit peut-être pas...
_ Pfff ! soupire Paschic, qui pourtant rajoute une pièce, mais la tête continue de sourire comme avant.
_ Et si c’était ça le truc…, suggère Mécano.
_ Quoi ?
_ Mais on continue à mettre de l’argent et la tête sourit toujours, pour nous montrer combien elle nous méprise, tellement nous sommes idiots !
_ Mais ce serait affreux !
_ Tu vois autre chose ? »
On s’arrête plus loin devant un autre jeu, intitulé Dis bonjour ! Là encore, on ne comprend pas de quoi il retourne, mais on met quand même une pièce et une tête artificielle apparaît sur le côté de la machine ! Elle a l’air souriante, sympathique et ses lèvres s’entrouvrent, comme pour dire naturellement bonjour ! « Bonjour ! » répond Côlon, mais alors le mot Perdu clignote dans la machine !
« Perdu ? Et pourquoi j’ai perdu ? s’indigne Côlon.
_ Mmm, répond Marié, il est possible que c’est parce que t’as dit bonjour…, alors que la tête ne l’a pas fait !
_ Mais elle a dit bonjour !
_ Non, dit Propre, elle n’a pas dit bonjour !
_ Mais elle allait le faire ! J’ai agi par politesse !
_ Et c’est pourquoi t’as perdu, rajoute Marié. Vas-y recommence, mais retiens-toi de dire bonjour ! On va voir ce qui se passe !
_ Pfff ! » soupire Côlon, qui comme Paschic remet une pièce.
La tête glisse de nouveau sur le côté de la machine, tel un serpent, et elle semble encore plus affable. Elle regarde droit dans les yeux Côlon et montre tout le respect possible ! Sa bouche s’ouvre et il paraît inévitable qu’elle dise bonjour et il faut à Côlon toute sa force pour rester muet ! Il en transpire même, mais il tient bon et soudain la tête change de physionomie : elle perd son sourire, qui se transforme en une grimace affreuse ! « Gagné, Gagné ! « fait la machine.
« Tu vois ? On a pigé le truc ! se félicite Marié.
_ Mais alors…, ce serait une machine pour apprendre à être impoli !
_ Disons qu’elle favorise le pouvoir, au détriment du plus faible !
_ Le faible est poli ?
_ Et le fort méprise ! Ou plutôt le mépris ne donne-t-il pas le sentiment d’être supérieur !
_ Mais c’est vache ! insensé même !
_ Bienvenue dans le cube ! »
On poursuit la visite, quand Mécano appelle : « Venez voir, j’ai trouvé un jeu hyper rigolo ! » On s’approche et Mécano met une pièce, en disant : « Attention... » Une camionnette arrive à toute bringue, sur des rails ! Dans un nuage de poussière, elle s’arrête ! Un Dom robot en sort, hors de lui, et il fonce vers la troupe : « Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? braille-t-il.
_ Ben rien…, fait Mécano avec un sourire.
_ Merde de merde ! crie le robot en jetant sa casquette par terre. Je boooooosse, moi !
_ Nous aussi… répond Mécano, en gardant son sourire.
_ Tas d’ beatniks ! Qui va payer les factures ?
_ Ben, pas nous… rajoute Mécano provocatrice.
_ Bande de fumiers ! Tas d’ordures ! continue le robot, qui s’assoit et qui se met à pleureur.
_ Là, là, apaise Mécano, qui caresse la tête du robot. On va remonter tranquillement dans sa camionnette et reprendre la route, ainsi que ses esprits ! »
Le robot opine et effectivement repart sur ses rails ! La partie est terminée ! « Moi aussi, je veux jouer ! s’exclame Propre enthousiasmée.
_ Moi aussi ! » fait chacun et c’est une petite cohue devant le jeu !
34
« J’en ai marre ! » crie Bof, un autre de la troupe des Doms émeraude ! Il est appelé Bof, parce qu’il paraît toujours désabusé ! « J’en ai marre ! » répète-t-il et la troupe s’arrête ! « Qu’est-ce qu’il y a, Bof ? demande Marié.
_ Y a, y a qu’ tout ça, ça sert à rien ! Tout c’ qu’on fait ça mène nulle part !
_ Pourquoi tu dis ça ?
_ Non mais, regardez les Doms ! Est-ce qu’ils cherchent ? Est-ce qu’ils se remettent en question ? Non, ils sont figés dans leurs haines et leurs préjugés ! Ils ne sortent pas de là ! Et c’est pourquoi il faut leur répéter mille fois les mêmes choses ! Toute la base, il faut la reprendre à chaque fois ! Alors, moi, j’ suis fatigué ! J’ veux plus aller plus loin !
_ Et tu vas faire quoi ?
_ Chais pas ! Fonder une famille…, ou vendre des confitures ! J’ sais faire des confitures… et j’ les vendrai ! Au moins j’aurais un p’tit pécule ! J’ s’rais là au marché, devant ma dizaine de pots et j’ dormirais !
_ Mais not’ job, fait Paschic, c’est d’ réveiller les consciences, au nom de l’amour ! Si tu t’ sens pas plus heureux, en étant éclairé, effectivement, tu es plus à plaindre que celui qui gagne un salaire ! Aimer n’est pas un travail qui devrait rebuter, mais nourrir, apaiser ! C’est justement cela le scandale : que la sagesse soit un plaisir !
_ Sans doute, mais j’ suis fatigué, c’est tout ! Quand je vois tant de bêtises, je respire plus ! »
A ce moment, une superbe Dom avance vers Bof, qui en reste bouche bée et qui suit la moindre ondulation de la créature ! Il sourit et veut dire bonjour, mais la Dom de rêve passe à travers lui !
« Mais qu’est-ce que... ? fait-il.
_ C’est sans doute un hologramme… répond Marié.
_ Un holo… mais j’ai vraiment cru qu’elle était vraie ! Et même si c’était un hologramme, pourquoi venir vers moi avec un tel rayonnement, si c’est pour m’ignorer ?
_ Une manière de t’humilier ? Ne te sens-tu pas minable ?
_ Voilà pourquoi j’en ai marre ! »
« Tac, tac ! » Bof s’interrompt une nouvelle fois et comme tout le groupe, il cherche d’où vient ce nouveau bruit ! « Tac, tac ! » C’est encore une attraction de la foire ! Un ouvrier artificiel tape sa pelle sur le sol, en regardant la troupe ! « Qu’est-ce qu’il a celui-là ? » demande Marié, qui s’approche, les autres derrière lui. « C’est pour nous que vous faites ce bruit ? demande-t-il à l’ouvrier.
_ Ben, p’têt ben qu’oui, p’têt’ ben qu’ non !
_ Vous essayez bien d’attirer notre attention, non ?
_ Ouais, si on veut…
_ C’est pas si on veut ! C’est oui ou c’est non ?
_ Ben, moi j’ bosse… et vous non apparemment !
_ Qu’est-ce que vous en savez ?
_ Vous avez plutôt l’air de vous promener…
_ Donc, si je comprends, bien, vous n’êtes pas content de travailler... et vous tenez à ce qu’on le sache !
_ Ben, faut d’ la justice !
_ Donc, si j’avais une jambe en moins, j’ s’rais en droit de vous reprocher d’être valide ?
_ Hein ? Trop compliqué pour moi, m’sieur !
_ Vous croyez que transmettre votre haine va arranger les choses ?
_ Ben, y a encore aut’ chose…
_ Ah bon ? Et quoi ?
_ Ben, le garçon là, il me plaît bien… Je peux le soulager, s’il est d’accord !
_ Quoi ? Quoi ? fait Bof, qui a été désigné. Mais ça m’intéresse pas du tout !
_ Ouais, on dit ça…
_ Vous méprisez vot’ monde, pas vrai ? reprend Marié. Un p’tit caïd !
_ Ben, vous devriez pas l’ouvrir autant ! Eh ! Les gars ! Y a du bourgeois qui nous insulte ! »
D’autres ouvriers se tournent vers la troupe, avec leurs outils ! « Bon, ben, Marié, intervient Côlon, ça sert à rien d’ rester ici ! Y sont tarés de toute façon !
_ Oui, on s’en va ! C’est la sagesse même !
_ C’est une honte, oui ! jette Propre.
_ Voilà comment on est traité ! rajoute Bof. Voilà pourquoi j’en ai marre ! »
35
« Il faut faire quelque chose pour Bof ! fait Marié à Paschic. Il est à bout… et je t’avoue que j’ le comprends !
_ Et qu’est-ce que tu veux qu’ je fasse ? demande Paschic.
_ Ben, y a toujours ta magie... »
Paschic arrête la troupe et, grâce à une formule, la conduit dans un chemin creux, sous l’ombrage ! Le feuillage est tellement épais qu’il y fait presque nuit, mais la lumière y perce de sorte qu’elle a l’air de semer des diamants ! « On est bien ici ! dit Propre.
_ Pourquoi tu murmures ? lui demande Côlon.
_ Chais pas ! J’ai l’impression que de parler fort ici serait indécent !
_ En tout cas, c’est reposant ! rajoute Mécano.
_ On n’entend rien…, lâche Bof.
_ On pourrait dormir ici… », convient Marié.
La troupe, par ce chemin, arrive à une grande prairie bordée d’arbres, où coule au centre un ruisseau, parmi les joncs et sous le vol des insectes ! Là encore, il n’y a que le silence pour accueillir nos amis ! « Pourquoi on est là ? interroge Bof. Il n’y a rien ici ! Allez, moi, je m’en vais ! » Et il s’en va sous les yeux désemparés des autres, mais une forme sort de terre, celle d’une femme, qui s’élance derrière Bof et qui parvient à l’enlacer !
« Je suis l’Attente, explique-t-elle à Bof.
_ Et alors, que me veux-tu ? Tu es plutôt la mort !
_ Ah ! Tu veux du combat avec les Doms ! Ta domination a soif, comme la leur ! Tout plutôt que mon silence et mon néant apparent !
_ Exactement, j’en ai marre des échecs et de l’abandon !
_ Laisse-moi vider ton cœur, pour mieux le remplir ! Tu verras mieux ! »
Bof pousse un gros soupir et tout le monde se retrouve à nouveau dans la fête foraine : la magie de Paschic a cessé ! Et à quoi assiste-t-on ? Il y a là une attraction qui s’appelle : « Grandissez-vous ! » Il s’agit de se sentir supérieur, en montant sur une pyramide de Doms, des salariés sans doute ! On prend un ticket et l’animateur crie : « Allez, montez sur le dos de ces vauriens ! Ouais ! Ah ! Ah ! C’est ça ! Ah ! Ah ! N’hésitez pas à les salir avec vos chaussures ! Vous pouvez leur cracher d’ssus ! Ouais, on nettoiera plus tard ! Bon sang, ressentez tout votre mépris ! C’est vous le meilleur ! De toute façon, c’est vous ou eux… et il vaut mieux que ce soit vous ! Votre égoïsme vous rend vot’ jeunesse ! Ah ! Ah ! »
« Alors, Bof, qu’est-ce t’en penses ? demande Paschic.
_ Je me demande si c’est pas un coup monté, pour me dire qu’il n’y a pas d’échappatoire !
_ Un coup monté par qui ?
_ Par toi ou ta magie ! On est prisonnier de la façon dont tu penses ! »
Ils sont interrompus par un Dom, qui leur lance : « Vous savez où j’étais ce week-end ?
_ Euh… Ben non, répond Bof, soudain dérangé.
_ J’étais au festival du Grand champ ! On s’est pris une saucée, je vous dis que ça !
_ Non, mais attendez… C’est ça qui vous intéresse, qu’on sache que vous êtes allé à tel festival ? Comme c’est petit !
_ Doucement, Bof, fait Paschic.
_ Tu t’ crois meilleur p’têt ! jette le Dom. Pauvre taré, va !
_ Non mais dis donc ! s’emporte Bof, mais il est retenu par Paschic.
_ Eh ! Venez voir ! s’exclame Marié. On a là un drôle de spectacle ! »
Une Dom femme est collée à un mannequin, qui lui débite un discours pointu : « Certains médicaments sont peu remboursées ! explique-t-il. Et encore je dois les commander avec des années d’avance ! Mais même dans ce cas, il est nécessaire d’effectuer quelques préparations !
_ Mais qu’est-ce qu’il raconte ? fait Propre.
_ C’est bien barbant ! » reconnaît Mécano, étonnée que la Dom ne bouge pas ! Mais soudain celle-ci panique : elle fouille dans ses poches et ne trouve pas de monnaie ! Le mannequin finit par s’arrêter et sous les yeux médusés de la troupe, la Dom s’envole en tourbillonnant, tel un ballon de baudruche qui se dégonfle !