Sur Vichy

  • Le 01/09/2018
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Sur vichy

 

 

 

 

    L'exemple de Vichy va nous servir pour rappeler une vérité que nous oublions trop souvent, notamment parce que nous sommes influencés par la psychologie ou la psychanalyse; même si à l'égard de ces savoirs je ne voudrais pas paraître tel Molière au sujet des médecins!

    Mais, avant de retourner dans le temps, il nous faut considérer ceci... Les faibles, les fragiles, les sensibles, les inquiets sont dominés par les forts et malmenés par eux! Les forts exercent leur pouvoir, imposent leur rythme, veulent des hommages et qu'on leur obéisse! Ils écrasent, meurtrissent et prennent la patience, la bonne volonté des doux pour de l'impuissance ou de l'hypocrisie, et bref, ils ne voient le monde qu'à travers leurs désirs, et c'est ce qu'on appelle la tyrannie!

    Dans ces conditions, les forts n'évoluent pas et les sociétés ne changent pas ou peu! C'est pourquoi, malgré la modernité de la nôtre, nous sommes toujours aussi perdus et... malheureux! Nous ne comprenons toujours pas que notre soif de domination est instinctive, qu'elle est à l'origine de notre égoïsme et que celui-ci ne peut que nous conduire dans une impasse! Car nous ne pouvons pas vivre tels des animaux, même si nous sommes habillés à la dernière mode!

    Nos angoisses doivent trouver une autre réponse que celle de notre domination et c'est la spiritualité ou le développement de la conscience qui sera le futur de notre équilibre! Toujours est-il que pour l'instant les victimes des tyrans sont toujours aussi nombreuses! Et l'un des symptômes de la dépression est notamment de se sentir exclu! (Même si pour la science on est affecté d'une tel sentiment par l'opération du Saint-Esprit!)

    Ceux qui dès l'enfance se retrouvent dans un monde hostile et se voient rejetés appartiennent à la catégorie des faibles et ils nourrissent rapidement un complexe quant à la vie des forts! Malgré leur résistance, ils se jugent inférieurs, inadaptés, ignorants et même idiots, quand ceux qui apparaissent comme supérieurs, semblent à l'aise, heureux et clairvoyants!

    Il n'est donc pas étonnant que le faible se désintéresse de l'actualité, de la politique et encore de l'histoire de son pays! N'est-ce pas l'affaire des responsables, dont il ne fait pas partie? Le faible se recroqueville sur lui-même et croit fermement que la sphère des adultes, celle qui prend des décisions, n'est pas pour lui! Notez que l'on a tout fait pour cela, car aux forts il faut des faibles!

    Cependant, ce n'est que bien plus tard que le faible, si par hasard il survit, peut ouvrir les yeux! Il a suivi son chemin, atteint lui-même la maturité et il constate alors une chose incroyable: les forts sont aveugles! Leur soi-disant savoir n'est rien d'autre que le pouvoir qu'ils exercent sur les plus faibles! Dès que leur domination s'arrête, ils sont vides, anéantis et peureux comme des enfants! Le fort reste immature!

    Pour le faible, qui l'est de moins en moins, les choses progressent! La société est de plus en plus claire et aussi de plus en plus petite! Elle devient le fruit d'une histoire, à laquelle le faible maintenant s'attache! Car rien n'est figé! Ni la croûte terrestre, ni l'humanité! Ni la condition du faible, ni le pouvoir du fort!

    Mieux comprendre l'histoire permet au faible de se développer davantage, de diminuer le sentiment de son exclusion, de guérir en mesurant toujours plus l'ignorance et le mensonge du fort! Il gagne des armes pour combattre la tyrannie de l'égoïsme, car le voilà en plein dans le monde des adultes, celui qui lui paraissait fermé! Et il y est encore plus sûr que la plupart! Le faible qui grandit ne perd pas son temps, le fort si!

    Donc, imaginons-nous au printemps de 1940, parmi les forts, les acteurs de leur temps, et que découvrons-nous? Les forts de France sont balayés par les forts d'Allemagne! Ceux qui chez nous se disaient avertis, compétents; qui trouvaient normal leur pouvoir, qui méprisaient les faibles, qui vivaient dans les ministères; le gratin, les ronds de cuir, l'élite, qui avait la charge de diriger le pays, de le protéger; celle-là même est mise en déroute et prend la fuite! C'est une faillite totale et la panique a gagné la population!

    Notez que tous ces chefs responsables de la défaite n'admettront jamais leur erreur, leurs fautes! Qu'ils aient eu pour nom Reynaud, Gamelin, Waygand ou Lebrun, et la liste serait quasi interminable, ils resteront persuadés d'avoir agi au mieux et s'efforceront après la libération d'en convaincre l'opinion; comme si la victoire allemande avait échappé à toute logique, ainsi qu'un phénomène paranormal!

    C'est que l'apanage des forts, ce qui fait leur sève, c'est l'orgueil! qui n'est en l'occurrence que notre instinct de domination poussé à l'extrême! Le pouvoir pour l'orgueil est un dû! Il n'est pas question pour lui d'occuper quelque poste subalterne, mais néanmoins utile! L'anonymat, la simplicité, la patience, la douceur, la modestie et a fortiori l'humilité sont ses ennemis! Le décorum, le luxe, la pompe, la déférence dont il est l'objet sont ses amis! De même, marcher sur un serpent lui inspire moins d'horreur que s'il devait écouter, respecter et surtout s'excuser, car il a dans ce cas l'impression de déchoir, de se faire injure et curieusement encore d'être manipulé!  

    L'orgueil a une idée si haute de lui-même qu'il est parfait! Il est face à la critique comme une forteresse imprenable! sauf pour les Allemands, bien entendu! qui dévastent le pays! Pourtant, un homme avait averti les forts! Tel un prophète, il a voulu changer leur mentalité! Il voyait la guerre à venir comme Hitler! Il avait compris toute l'efficacité de la force mécanique! Il était de la nouvelle ère!

    Mais il a été raillé, méprisé, tourné en ridicule, car on n'impressionne pas l'orgueil, on ne lui apprend rien, car c'est lui qui sait! N'est-il pas au pouvoir? Cet homme, on s'en doute, c'était Charles de Gaulle, qui était mieux considéré outre-Rhin! Non seulement il soutient sa théorie, mais encore il la met en pratique! Car il est l'un des seuls à opposer aux agresseurs une défense valable, en utilisant la même arme qu'eux, à savoir une division de chars, de blindés! Cela lui vaudra d'être promu général!

    Il accompagne aussi le gouvernement dans sa fuite et il tente de convaincre le généralissime Weygand, son supérieur donc, qu'une installation en Afrique du Nord permettrait de continuer la lutte! Il explique que le conflit va devenir mondial, par l'entrée en guerre des Etats-Unis! Mais le fort Weygand hausse les épaules, il ne donne pas une semaine à l'Angleterre pour se rendre, et plus tard il dira à Reynaud et à Pétain que de Gaulle est un enfant! Car c'est là encore une des caractéristiques du fort: tout ce qui le contrarie ou lui est étranger se résume à de l'enfantillage, de la rêverie! Le mépris est la transpiration de l'orgueil!

    Par deux fois, le futur est montré aux forts et ils ne veulent pas le voir! Après la guerre, Weygand niera avoir eu cette discussion avec de Gaulle, car l'orgueil fait sa lessive: il oublie tout ce qui pourrait gêner la perfection de son image! On connaît la suite: Pétain, au nom de la France, demande l'armistice et de Gaulle s'enfuie, telle une luciole dans la nuit! Puis, comme tous les prophètes, il sera condamné à mort!

    On en arrive à Vichy, cette monstruosité! On commence par donner au Reich tous les opposants allemands qui se sont réfugiés chez nous et qui faisaient confiance à la réputation de notre pays d'être une terre d'asile! de libertés, de droits! Plus tard, on livrera les Juifs, plusieurs milliers, dont seules quelques centaines survivront! Pétain, pour sa défense, dira à son procès qu'il a évité le pire, qu'il a été un bouclier contre les coups de l'oppresseur et qu'il avait chaque jour un couteau sous la gorge! Mais là encore c'est l'orgueil qui parle! qui ne se rappelle plus son rêve, son ambition, son plaisir! C'est l'orgueil tel qu'il est! pauvre, mesquin, sec, malhonnête, sans grandeur d'âme!

    Car la réalité est toute autre! Montoire, c'est Pétain qui veut plaire à Hitler, car il a un cadeau pour lui! La France nouvelle! celle qui remplace la France républicaine, minée, affaiblie par la guerre des partis politiques, pervertie par l'enseignement laïque, fragilisée par l'exode rural! La France nouvelle, c'est la France d'autrefois, mais à l'heure allemande! C'est la campagne solide, l'ordre dans les esprits grâce à la religion; c'est une jeunesse dynamique et pur; c'est un pays sain, dévoué!

    Evidemment, si la France nouvelle séduit Hitler, il pourra compter sur elle, lui faire confiance, et il retirera ses troupes, et Paris sera de nouveau la capitale de la France, et les Français obéiront au dominant allemand! Par son offre, Pétain espère faire d'une pierre deux coups! retrouver la France qu'il aime, avec l'assentiment d'Hitler! Il a les yeux qui brillent, mais il rêve!

    Car le Führer n'est pas seulement un névrosé obsessionnel, un mystique, un nerveux irascible, une personnalité complexe! C'est aussi un voyou sans scrupules, dont la haine, l'égoïsme et le dégoût sont portés au paroxysme! La France nouvelle ne l'intéresse pas! Pour lui, le cas de la France est réglé: elle a perdu et n'est plus qu'une vache à lait! Il faut qu'elle paye! N'est-ce pas elle qui a déclaré la guerre? Elle sera pressée comme un citron!

    A cause de Vichy, la France va devenir sans le vouloir le meilleur allié de l'Allemagne! Elle va lui donner des millions! de la main d'œuvre en veux-tu en voilà, par le STO! Elle va dresser ses enfants les uns contre les autres, à Dakar, en Syrie! Sur son sol, ce sera la milice opposé au maquis! Elle combattra durement ses futurs libérateurs et son égarement pèsera sur tous les esprits libres!

    Car Vichy a perdu de vue la vérité essentielle: c'est qu'il y a un ennemi et que c'est l'Allemagne! Comment une telle chose a été possible? D'abord, les circonstances sont exceptionnelles! L'Allemagne a gagné, mais si rapidement qu'il n'y a pas eu de destructions! Le choc est bien là, mais chacun peut désirer regagner sa place! reprendre sa vie d'avant! Et comme les forts ne cherchent qu'à retrouver le sens de leur importance, ce qui garantit leur équilibre, ils sont de nouveau pleins d'ambitions et Vichy se crée!

    Qui sont les enfants? De Gaulle et ses va-nu-pieds, ou bien Pétain et ses ministres? Qui sont les rêveurs, les aveugles, les irresponsables? Les résistants, les révoltés, les rebelles, les fauteurs de troubles, ou bien les bien-pensant, les doctrinaires, les ambitieux, les dominants? Qui voit? Le sage ou le tyran? Qui est lucide? Celui qui rit de son égoïsme ou celui qui en est l'esclave?

    De même que Vichy a oublié son ennemi, nos sociétés ignorent le leur! Somme toute, c'est Vichy qui continue! Nous vivons en collaborant avec ce qui nous détruit! Et notamment la psychologie et la psychanalyse nous induisent en erreur, nous masquent la réalité; car elles nous font croire que si nous n'allons pas bien, la solution, le remède est seulement en nous; ce qui est faux! Il y a bien quelqu'un qui nous veut du mal! Mais ne dit-on pas à celui qui nous gêne: "Va consulter!"

    Qui est notre ennemi? C'est le même que celui qui a produit Hitler ou le nazisme! C'est celui qui hait, qui méprise, qui bouscule, qui presse, qui écrase, qui dévore! C'est l'animal qui est en nous quand il est choyé, favorisé, le maître! C'est celui qui jalouse, qui ment, qui triche, qui défie, qui use! C'est le dominant qui veut des dominés, des esclaves, des serviteurs, des admirateurs, une cour!

    Qui est notre ennemi? C'est celui qui exclue, qui ne voit que ses plaisirs, qui fait tourner le monde autour de lui, qui ne grandit pas, qui reste un bébé, qui crie, qui est coléreux, violent! Cet ennemi-là, nous ne le combattons pas, puisque apparemment il n'existe pas! Au contraire, nous le flattons! Nous rêvons avec lui d'une France nouvelle, nous aussi! Nous serons un partenaire exemplaire de notre égoïsme, de notre soif de dominer!

    C'est Vichy qui continue et qui nous entraîne dans sa misère! C'est nos vies lourdes, la tristesse de notre incompréhension! Ce sont nos maladies, notre angoisse, nos inquiétudes, notre peur de la mort, car notre ennemi nous mène, nous assèche, nous casse, nous brise, nous vide! C'est le prix de notre collaboration! C'est nous la vache à lait!

    Des résistants? Il y en a, quelques uns! Ils voient le drame, mais ne peuvent intervenir! L'ennemi règne en maître! Il est dur comme l'acier, il forme un bloc! Il ne veut que sa propre logique, sa seule vision, son monde unique; celui qu'il connaît et qui le favorise! Peu importe que ce soit aussi celui qui le condamne!

    L'ennemi est voué au désert, à la soif inaltérable! Mais nous continuons, nous ne changeons pas, car nous rêvons, comme Vichy! Nous voulons être heureux à côté du monstre, avec la bête! Nous voulons dominer dans la joie, ce qui est impossible!

    Seul le sage voit son bonheur grandir! Lui seul connaît la paix! Lui seul apprend que chaque jour est une éternité! Lui seul peut être léger comme l'oiseau, doux comme le bon pain! Lui seul a vaincu l'ennemi!

 
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