Sur Rimbaud

  • Le 09/06/2018
  • 0 commentaire

Rimbaud

 

 

 

 

 

    "Reprenons les chemins d'ici, chargés de mon vice...", disait Arthur Rimbaud et oui, reprenons cette chronique, mais pour parler justement du poète légendaire!

    On a bien entendu beaucoup dit sur le personnage, car il est fascinant (quoique l'oubli accomplisse son œuvre...) et surtout on trouve à son sujet beaucoup de bêtises! Certains, pour expliquer son insuccès, l'ont qualifié de génie impatient, car la société est juste et nous brûlons tous de reconnaître le vrai talent!

    Nous ne sommes pas guidés par notre égoïsme, comme je l'ai déjà maintes fois démontré, et si Rimbaud, ma foi, avait bien voulu attendre, se contenir un tant soit peu; s'il s'était montré raisonnable, comme tout citoyen qui se présente aux portes de la vie et qui prend le nom d'homme, eh bien, nul doute que serait venue la reconnaissance, les honneurs, la célébrité! La justice n'est qu'une question de temps; elle n'a pas à lutter contre l'avidité générale, et bref, dormez braves gens, tout va bien! Le mal est une invention des fanatiques et "quand on veut, on peut"!

    Certains sont tellement hypocrites, qu'ils bâillent assis sur le faible!

    D'autres, plus sévères, plus responsables aussi, accusent, montrent du doigt et traitent Rimbaud de déserteur! Ils se placent ainsi d'emblée dans une position supérieure au poète! Mais à quel devoir aurait manqué celui-ci? Mais, monsieur est parti en Afrique, alors qu'il y avait la société de demain à construire ici! Monsieur a préféré mettre son intelligence au service de je ne sais quel négoce! Il a renié son génie pour l'aventure!

    Egoïste, va! Le confort de nos pays ne favorise-t-il pas les affres de la conscience? La recherche de notre identité, une fois notre ventre rempli, ne requiert-elle pas tous les talents? Oh! Rimbaud, n'aurais-tu pas voulu siéger au parlement européen, en compagnie de MAM ou de Rachida Dati?

    Et Houellebecq, et d'Ormesson, et France culture?

    Ceux qui traitent Rimbaud de déserteur auraient été les premiers à le mépriser et à vouloir le détruire, s'il avait rejoint leur rang! "Ses ailes trop grandes" auraient fait éclater leur médiocrité! Comment peut-on être aussi aveugle sur soi et sur le monde? Mais "quand le loup n'y est pas", on passe pour courageux, pour avertis!

    Toutefois, ceux encore qui croient que Rimbaud a été plus heureux en Afrique qu'en France; ceux-là ont bien découvert la terre sèche et la pauvreté noire; mais ils ne s'y sont pas "jetés" entièrement: leur passeport est resté propre et leur bourse bien cachée!

    Vouloir réussir dans le commerce, où les lois sont celles du plus fort, et a fortiori pour une nature d'abord sensible, se révèle forcément un chemin de croix: il faut être né pour ça! Il faut être plus dur que les autres, sans pitié: la réussite est à ce prix!

    C'est bien simple: la dernière photo de Rimbaud pourrait être celle de Seznec à Cayenne!

    Mais là encore on a des voyageurs et des admirateurs du poète, comme de grandes oies blanches, et dont l'affectation n'est pas loin de celle des milieux littéraires des capitales!

    Rimbaud blessé souffre bientôt le martyr... Sur le paquebot qui le ramène en France, sa gangrène est comme en croisière... A Marseille, on lui coupe la jambe et il meurt en s'écriant: "Pourquoi vivons-nous?" Qui voudrait d'une telle fin?

    Allez, on va rafraîchir tout ça! On va en profiter pour en extirper quelque chose d'intéressant, d'utile! On va se servir de notre expérience anonyme, car la perversion ou la cécité ne viennent-elles pas avec la satisfaction?

    Cela commence par "un caprice" de la nature, un "casse-tête" pour la science! Dans un "trou" de province, Charleville-Mézières et dans une famille "rurale" naît un étrange garçon, rêveur, secret et d'une imagination débordante!

    C'est l'enfance, l'adolescence, l'éveil des forces et des sens, comme les jeunes animaux se découvrent, et le poète apprend à connaître son bizarre instrument: c'est assez rigide à cause des mots, de la grammaire, mais par contre, oh là, l'idée fuse! La vison est infinie! Elle est ici sur la fleur et attention! elle est maintenant sur Mars! dans un cratère! Ou bien elle accompagne les morts, qui marchent péniblement! Ou bien elle sourit à la baleine!

    Elle a la vitesse de la lumière! Elle est même peut-être plus rapide qu'elle! Toutes les fêtes sont possibles! Le poète s'émerveille de son don: "Oh là là! Que d'amours splendides j'ai rêvées!" C'est une danse de l'esprit! Un enchantement! Une valse!

    L'énergie semble inépuisable! La verdeur de la vie foisonne! On fait tourner le vers autour de son doigt: on est comme un forgeron des mots! On frappe l'incandescence! On la trempe et on la jette en pâture, comme un diamant qui roule! Allez, dégustez! Je suis le plus fort! Tu veux quoi, mon bonhomme? Des topazes, des rubis, des émeraudes? Tiens, prends!

    Ivresse!

    Le printemps, c'est la fête de la lumière! C'est le bourgeon qui éclate en fleur! Et puis...

    Et puis, brusquement, tout est gris! Il y a des bruits de cachots! des murmures! Il y a le vent contraire, qui n'en finit pas! On peine à marcher! On ne comprend pas! Pourquoi soudain toute cette misère? cette pesanteur? Hier, on volait! Aujourd'hui, on a froid, on boit sa soupe, en silence, sous l'œil goguenard de quelques uns!

    Que s'est-il passé? Voyons voir: "Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin...", mais maintenant? Quelle marche ai-je loupé? J'ai pourtant donné le meilleur de moi-même! Comprends pas!

    Qu'est-ce que je suis fatigué? J'ai l'impression d'avoir mille ans! "Moi qui me suis dit mage ou ange, me voilà avec un devoir à chercher!" C'était si bon là-haut! C'était si fort!

    En fait, chacun est appelé à mûrir et à découvrir les autres... Le monde ne tourne pas autour de nous! Il est là, ici, là-bas... Il est constitué des aspirations de tous; il est le fruit de tous les égoïsmes et de toutes les sagesses! Il est impossible de le transformer tel qu'on le voudrait... C'est plutôt à nous de nous adapter!

    Et d'abord, qu'est-ce qui nous blesse, nous use, nous détruit? C'est bien sûr nos névroses, nos failles, nos peurs , nos traumatismes! Qui viennent d'où? Mais de toute la chaîne de l'évolution humaine! Chaque homme est conduit à se développer et s'il refuse de s'améliorer, parce qu'il préfère jouir de ses appétits, nier ses peurs, il est pour les autres "à charge"! Il est une source de blessures, de désordre, de chaos, de peines!

    Nos tourments nous épuisent et nous font penser ou écrire des bêtises...: "Par l'esprit, on va à Dieu! Déchirante infortune!" s'écrie Rimb, qui n'avait pas son pareil pour la formule!

    Mais pour qui prend-il Dieu? Pour un usurier, un sadique, un esclavagiste? Celui qui se pacifie voit très bien qu'il n'y a pas d'opposition entre la chair et l'esprit! On peut renoncer au sexe, ou tout du moins s'en méfier, mais parce qu'on comprend qu'il peut conduire à l'égoïsme, à la domination! Mais alors, cela n'a rien de "déchirant"! C'est voulu, compris, senti comme un progrès! Il n'y a là rien de forcé!

    Rimb refuse la morale, l'effort "chrétien", "Patience et science, le supplice est sûr!" dit-il. Mais la sagesse n'est pas une souffrance! C'est une harmonie! C'est une joie, une paix, ce que désirait justement Rimbaud, être heureux!

    La vie est faite pour nous, pour qu'on "s'y sente bien". Les animaux s'y épanouiraient et pas nous? Cela n'a pas de sens!

    Et la sagesse n'est pas le seul fruit de la religion! Tout le monde peut y avoir accès, à condition de le vouloir, et cela ne demande que de l'observation et un peu de jugeote! Les lois sont simples! Si nous voulons satisfaire notre égoïsme, c'est-à-dire dominer ou nous montrer supérieurs, nous ne pouvons pas ne pas devenir un tyran et ne pas faire le mal! (car chacun bien entendu veut être le chef!)

    Mais comment alors être en paix ou heureux, si on veut calmer les vagues, les aplatir, les diriger, les contrôler?

    Comment ne pas être gagné par la haine et le mépris, quand on veut dominer le monde?

    L'orgueil souffrant, l'amour-propre blessé, calculateur; la parade, ce sont les gangrènes de nos sociétés!

    Rimbaud est sans doute impatient, mais partir en Afrique n'est pas, comme il croit, un chemin vers l'arc-en-ciel; ce n'est pas le refus du dur labeur quotidien; mais c'est encore un coup de cravache, d'éperon qu'il se donne! Il continue à se faire mal!

    Il veut montrer qu'il peut être un bon commerçant, que ses employeurs pourront être fiers de lui! Oui da, le poète sait aussi travailler avec ses mains! Vous allez voir! Passez-moi la faux et vous verrez que j'arriverai avant vous au bout du champ! Le paysan regarde le phénomène... et le prend en pitié!

    Il s'agit de se connaître, de s'accepter tel qu'on est! On est une personnalité, pas mille! On est fait pour certaines choses, pas pour d'autres!

    D'accord, au début, on est dans le brouillard... et on peut même se tuer sur le parcours, tellement on est malheureux! Et j'ai dit que chaque homme qui refuse d'évoluer ajoute au chaos!

    Mais la vie n'est pas faite pour souffrir, elle ne nous est pas hostile par essence! Bien au contraire! La nature est généreuse au-delà même de tout ce que nous pouvons imaginer!

    Je le répète, la beauté est infinie! Et cela devrait être pour nous plein d'enseignements!

    C'est pas le malheur que fuit Rimbaud, c'est le bonheur!

    Son rêve ne devient plus que celui des hommes vides: gagner de l'argent!

    Pourquoi agit-il ainsi? Mais parce qu'il se blesse encore!

    Il y a ceux qui se persuadent que le bonheur est dans leur tyrannie, et s'ils s'ennuient ou sont déçus, ils veulent encore plus de tyrannie! Ils se disent qu'il faut encore en "mettre une couche"!

    _ Le char ne passe pas, mon commandant!

    _ Essayez encore! Appuyez sur l'accélérateur!

    _ On dirait qu'on est passé sur quelque chose!

    _ Oui, des faibles! Ils ont failli nous engluer! A force de fayots sans doute! Ah! ah!

    _ Vous êtes génial, mon commandant!

    Et puis il y a ceux qui, comme Rimbaud, essayent, cherchent, mais qui sont détruits en route!

    L'apaisement a manqué à l'auteur du Bateau ivre... et sa vie et sa mort ont été bien amères! Mais il n'y a pas de fatalité, le malheur n'est pas irrémédiable! Le rêveur génial pouvait continuer à rêver... Il eût suffi que sa gamelle ne fût pas vide! Il n'était nullement nécessaire d'un succès littéraire ou autre...

    De même que la beauté, la découverte de la vie est infinie! La sagesse est certainement la plus formidable aventure qui soit! Les surprises y sont incroyables! Aussi consternantes que grandioses! Cela dépend si elles concernent le gâchis humain, la paresse du plus grand nombre, ou bien si elles portent sur la profondeur, l'exactitude et même la simplicité des lois, de la logique qui nous régissent!

    Et il n'y a là nul enfermement, mais un plaisir qui nous convient parfaitement, une reconnaissance joyeuse et lumineuse!

    La tristesse, l'impasse, c'est la haine, le mépris, la jalousie! C'est la glace, tandis que l'homme paisible n'envie personne, mais s'enchante!

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire