RAM ROUGE!

  • Le 15/05/2021
  • 0 commentaire

Ramrouge

 

 

 

                                   "La lumière tamisée, mais pas trop! Le champagne frappé, mais pas trop!

                                    Mozart, mais pas trop!"

                                                                                                                  Le Guignolo

 

 

   Journal de Jack Cariou, monde de RAM, lundi 10 mai: RAM étouffait, enrageait! Il ne se sentait pas libre et en était même en colère! Tout l'exaspérait! le froid, le chaud, le dehors comme le dedans! trop de lumière, pas assez d'ombre!

    La moindre contrariété et il explosait! On lui conseilla le sexe, mais il leva les bras au ciel! Le prenait-on pour un imbécile! D'accord, c'était agréable, mais combien de niaiseries accompagnant l'acte! Il faudrait encore rester béat! Et puis, il y aurait tellement d'idiots dans ses souvenirs, une fois qu'il serait dans le lit!

    N'avait-on pas quelque chose de plus aéré, de plus fort, de plus vaste! un espoir plus profond! un souffle plus puissant! Il aurait voulu rêver au-delà de toute limite! Il était las de tout! Ses nerfs voulaient de la fraîcheur, se revigorer comme jamais!

    On lui parla alors d'un magicien, qui était en ville et qui enchantait petits et grands! "Pourquoi après tout! répondit RAM. Il est même possible que ce... saltimbanque fasse mieux que mes ministres!" L'homme entra et il était vêtu pauvrement! Mais il avait le corps droit, léger et paraissait sans soucis!

    Il fit l'obscurité dans la pièce et le cosmos apparut, traversé par une rivière d'étoiles! Puis, soudain, tout s'illumina, aveugla, sous la force du soleil! On vit encore la course des nuages, avec leur liséré de lumière et les vagues australes, mornes et monstrueuses! Une fleur blanche termina la séance et son pétale était comme un drap immaculé et soyeux, tandis qu'une poussière d'or affleurait!

    Mais RAM n'avait pas bougé et même bâilla, ce qui fit rire le mage! "Je vois ton mal, RAM, dit-il. Tu ne veux pas être libre, cela te fait bien trop peur! Ce dont tu as besoin, c'est ta haine! C'est elle qui te tient chaud et te rassure!

    _ Exact! L'ancêtre! Et qu'on me vire ce cul-terreux! ordonna RAM à ses gardes, en désignant le mage. Bon! Où sont mes ennemis? Que dit-on de moi? Dominer, triompher, casser du bougre ou de l'arrogant! Là voilà ma santé! La discorde, le venin, la dent dure, ô vous mes remèdes! Les affaires reprennent!"

    Pourtant, cette nuit-là, RAM fit un étrange rêve! Une voix lui murmura: "As-tu faim? Es-tu à la rue? Dois-tu échapper aux bombes? Ne disposes-tu pas des meilleurs soins médicaux? Alors, tu vas me dire que ça va?

    _ Plutôt crever!"

    Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 11 mai: "Non, non, Friant, je ne peux pas être à la station! Ce n'est pas possible!

    _ Mais enfin où pensez-vous que nous puissions être?

    _ Je... et comment suis-je arrivé ici, dans ce lit?

    _ Mais on vous a retrouvé dans la neige, inconscient, et on vous a ramené dans votre chambre! Evidemment, je me suis calmé, depuis que je vous poursuivais avec une arme! Je suis désolé..."

    Je regarde autour de moi, n'en croyant pas mes yeux! Ainsi, le monde de RAM n'aurait été qu'un rêve, qu'un long cauchemar! Il est vrai que lui-même était déjà étrange! Mais c'est bien ma chambre que je retrouve... Je commence à suer, à cause de l'angoisse!

    "Non, non, ne vous levez pas! s'écrie Friant. L'infirmier, qui remplace Gestin, a recommandé que vous ne quittiez pas le lit! Vous êtes sous le joug d'une intense fatigue, à laquelle le vaccin apparemment ne serait pas étranger!

    _ Vous parlez d'effets secondaires?

    _ Exactement! A propos, maintenant que nous ne sommes plus ennemis, vous pourriez me dire où vous l'avez caché, le vaccin?

    _ Mais il n'a jamais été avec moi, comme je vous l'ai déjà répété!

    _ Voyons, Cariou..."

    A cet instant, un homme pénètre à reculons dans la pièce... Il porte un vêtement de ville, ce qui ne va pas du tout avec les températures de l'endroit! Mais il semble craindre un autre individu qui entre à son tour! Celui-ci porte un imper et un grand chapeau!

    Friant, qui s'est retourné, est soudain lui aussi en proie à une peur extrême, qui se lit sur son visage! L'homme au chapeau doit avoir quelque chose de terrifiant et soudain il me fixe! Je ne vois pas ses yeux, mais seulement de la nuit! Il s'approche, comme s'il était stupéfait, et je le sens particulièrement haineux!

    Mais je ne bronche pas, car j'ai compris à qui j'ai affaire! Cet homme est de la domination pure! Il fait tourner le monde autour de lui et il est partout le maître! C'est un trou noir qui a des jambes!

    Mais cela ne me concerne pas! Mon équilibre ne repose pas sur la domination! On ne peut donc pas me soumettre! J'ai traversé des épreuves, dont cette créature n'a même pas idée! Mes racines sont déjà par-delà la mort! Il y a belle lurette que je navigue dans l'océan sidéral et que le pouvoir me fait bien rigoler! Pour celui qui veut commander, être supérieur, je suis à jamais aussi imprenable qu'un poisson!

    L'homme au chapeau commence à le comprendre et s'il ne domine pas, si on ne lui est pas soumis, sa carapace se fissure et dans la brèche s'engouffre le souffle du néant et de la folie! Un abîme s'ouvre sous les pieds de l'individu, qui est gagné par la panique! La tête entre les mains, il se met à crier, comme s'il se disloquait, et il prend la fuite!

    Celui qui était entré à reculons vient alors près de moi... Il a l'air à la fois épuisé et soulagé! "Je me présente, dit-il, commissaire Brocart, de RAM! Excusez-moi, monsieur Cariou, pour toute cette mise en scène!" Il montre la pièce... "Mais nous avons reconstitué votre chambre de la station Charcot, suivant les indications de Friant...

    _ Ils m'ont menacé de m'enlever ma retraite, si je ne collaborais pas! rajoute Friant, en baissant la tête.

    _ Euh... Hum! Notre but, monsieur Cariou, était de vous mettre en confiance, pour que vous nous disiez où est le vaccin...  

    _ Mais il n'a jamais été en ma possession!

    _ Peu importe! Peu importe! Vous m'avez sauvé la vie... et cela je ne l'oublierai jamais! Mon collègue Miniers n'a pas eu cette chance... et il a été tué par cet homme au chapeau! Il s'agirait d'un monsieur Nuit et qui par ailleurs est un assassin de femmes!

    _ Cela ne m'étonne pas! Il ne peut pas supporter que les autres aient une vie propre!

    _ Mais comment avez-vous pu lui résister?

    _ Ce s'rait trop long à vous expliquer! C'est aussi le travail de toute une vie! En d'autres circonstances, je saluerais votre talent de décorateur, mais vous m'avez tout de même bien secoué, avec votre supercherie! Je peux donc m'en aller?

    _ Oui, vous êtes libre, ainsi que Friant! Je vais oublier pour un temps cette histoire de vaccin!"

    Nous sortons, moi et Friant, et sur notre passage, nous découvrons un commissariat sens dessus dessous! Puis, c'est de nouveau l'air libre... "Je pense que vous devez m'en vouloir, me dit Friant. Mais venez avec moi... J'aimerais vous faire rencontrer certaines personnes, qui pourront nous aider!

    _ Pourquoi pas? Il faut de toute façon que je marche, pour m'en remettre!"

    Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 12 mai: nous avons dormi dans un entrepôt, sur des matelas à même le sol, mais ce n'était pas si désagréable, car on entendait le vent et la pluie, qui rendaient notre intérieur d'autant plus précieux et douillet!

    Par ailleurs, des gouttes tombaient sur une rambarde, en tintant, et cela semblait le chant même du temps! Mais, enfin, une aube grise s'est levée et nous avons quitté nos lits, pour un petit déjeuner sobre, accompagné d'un bon café fumant, dont les volutes nous réchauffaient!

    Maintenant, je prends conscience que nous sommes en fait dans une salle de réunion et elle se remplit peu à peu de femmes et d'hommes. "C'est un collègue de travail qui m'a fait connaître tous ces gens, m'explique Friant. Et tu vas voir, ils sont très actifs!" J'opine, en constatant que Friant me tutoie dorénavant... Cela doit être le froid, à moins que l'ambiance qui monte...

    "Camarades! crie celui qui a l'air d'un chef. Nous voilà au complet! La séance peut commencer!

    _ Hem! fait Friant. J'ai amené une nouvelle recrue! C'est Jack Cariou! Peut-être peut-on lui expliquer en quelques mots le but de notre mouvement?

    _ C'est très simple, Jack! répond une femme. Nous sommes en guerre contre RAM! contre son pouvoir... et son système capitaliste, qui sert principalement les riches! On veut une vraie République, une vraie démocratie, une justice pour tous! Les privilèges, c'est terminé! On veut l'égalité, que le gouvernement soit entre les mains de délégués, qui pourront être révocables à tout moment! Le pouvoir, c'est le peuple! C'est nous!

    _ Ouais! Ouais! C'est ça! Bien dit, ma grande! Reste encore du café?

    _ Tu ne peux pas condamner notre idéal! reprend le chef. Car il n'en est pas de plus beau! A moins que tu ne sois un profiteur, un exploiteur! Alors, t'es avec nous?

    _ Ben non!"

    Un profond silence se fait. Tout bas, Julie me murmure: "Et voilà le grand Jack Cariou, qui nous remet d'dans!" "Et on peut savoir pourquoi?

    _ Mais oui! Nous allons à l'individualité! La preuve, c'est que vous êtes là chacun pour vous développer! Or, ce que vous voulez, c'est une fusion! C'est incompatible!

    _ J'avoue que je ne m'attendais pas à celle-là! continue Julie.

    _ Vous ignorez comment nous fonctionnons! je reprends. Si nous allons à l'individualité, c'est que la domination animale se poursuit en nous! Vous gardez l'illusion d'une fusion, parce que vous vous donnez un ennemi: RAM et les riches! Mais, dès que vous vous retrouverez entre vous, une fois vainqueurs, vous serez en lutte les uns contre les autres, ne serait-ce que pour vous évaluer et vous connaître!

    _ Mais on ne peut pas se laisser dévorer! clame la jeune femme.

    _ Non, mais RAM est déjà une république et une démocratie! Il y a une hiérarchie et des inégalités, car elles sont inévitables! Mais pourquoi jalouser et vouloir renverser des gens, qui ne savent même pas être heureux! Si vous étiez en paix avec vous-mêmes, si votre ego n'était pas souffrant, vous plaindriez même les profiteurs! Le bonheur, c'est vivre avec ce qu'on a!

    _ Je crois qu'il vaut mieux que tu partes! me dit le chef.

    _ Bien sûr, je détruis votre rêve! Mais vous faites fi de la nature, alors qu'au contraire il faudrait plutôt l'utiliser! C'est-à-dire reconnaître d'abord que nous voulons tous le pouvoir! Pour nous construire, nous avons besoin d'oppresser! Demandons-nous alors comment tenir debout, sans commander?"

      Je voudrais m'expliquer davantage, mais je n'ai devant moi que des visages haineux et je sors. De nouveau seul, je regarde le ciel et les oiseaux, qui ont l'air heureux de vivre!

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire