Les enfants Doms (T2, 166-170)

  • Le 13/05/2023
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Doms58

 

 

   "Tu peux pas comprendre! C'était mon pote..."

                    Le Pacha

 

                                166

     Anar discute avec son pote… « Moi, c’ que je veux, c’est ma liberté !

_ Bien sûr !

_ Sans la liberté, la vie n’a pas d’ sens ! Elle vaut pas la peine d’être vécue !

_ J’ l’ai toujours dit !

_ Un jour, j’ s’rai libre comme l’oiseau, comme le vent !

_ Eh ouais !

_ Ah ! La liberté !

_ C’est queq chose !

_ Y n’auront pas ma liberté !

_ Ça non !

_ Y a rien de plus beau !

_ Sûr !

_ Je veux ma liberté !

_ Hon, hon !

_ Ouh !

_ Ouh !

_ Une liberté d’ dingues !

_ Tant qu’à faire !

_ Tu veux que j’ te dise ce que c’est qu’ la liberté ?

_ Allez, vas-y !

_ Ben, c’est chanter la Terre soyeuse !

_ Soyeuse ? Pas joyeuse ?

_ Nan ! J’ suis libre, oui ou non ?

_ Libre, libre !

_ Ah ! Ah ! La flamme aussi est libre !

_ Elle danse !

_ Ouais !

_ Tu voudrais pas foutre le feu, des fois ?

_ Eh ! J’ suis pas débile ! J’ veux juste être libre, sans contraintes, ni lois !

_ Sans bagnole, sans canne à pêche ! Libre, quoi !

_ Exact !

_ T’auras même plus envie de pisser !

_ Tu m’ cherches ?

_ Non, mais tu sais qu’il y a un animal en toi et qu’il a des besoins !

_ Normal !

_ Normal, normal ? Mais l’animal qui est en toi, il veut être le plus fort ! Tu le savais, ça ?

_ Ben oui, il veut être libre !

_ Non seulement, il veut être libre, mais il veut encore avoir raison sur les autres ! Il peut pas rester tout seul, sans rien faire ! Et ça, vouloir avoir raison, être le plus fort, c’est un sacré esclavage, non ?

_ Qu’est-ce que tu racontes ? Moi, je veux juste être libre et en harmonie, avec la Terre ! Sinon, on la détruit !

_ Bien sûr ! Mais, moi, j’ te parle d’instincts, comme la pulsion de faim ou la pulsion sexuelle ! On a besoin instinctivement de se sentir supérieur à l’autre…

_ Euh…

_ Dame ! Il s’agit de s’imposer, pour pouvoir se nourrir et s’ reproduire ! d’où ton idée de liberté, car elle te permet de te sentir différent, comme si les autres étaient esclaves et toi leur maître, leur libérateur! Tu songes à les commander !

_ Mais non ! La liberté, c’est le partage, la reconnaissance de l’autre ! Chacun est libre et personne n’est chef !

_ Mais on a besoin de dominer ! C’est pourquoi tu veux renverser la société ! Quand tu n’auras plus d’adversaires, tu t’en créeras !

_ Nan, j’ veux juste être libre !

_ Hum ! T’as pas envie de t’affranchir de ton égoïsme ? Tu pourrais être libre, sans vouloir changer les autres ! Car, tu comprends, détruire la société, c’est asservir les autres, c’est les faire obéir à ton point de vue !

_ Mais c’est pour leur bien, puisque je les rends libres !

_ Voooui, vooui, mais imagine, toi libre et comprenant qu’on ne change vraiment les autres qu’en les aimant ! C’est un truc qu’on pige avec le temps…, sinon il faut les détruire !

_ Tu m’embrouilles avec toutes tes histoires !

_ Excuse-moi, mais j’ croyais que tu voulais être libre ! Être libre, c’est être en paix avec soi, non ?

_ Nan ! C’est quand y a plus d’ lois et d’ chefs !

_ Autrement dit, t’es incapable d’être libre tout seul ! Il faut que les autres changent ! On en revient à la domination nécessaire ! Tu remarques que j’ai le triomphe modeste ! Tiens, repasse-moi l’ pâté, veux-tu ? J’adore ces discussions apéritives…

_ Tu sais, j’ t’ai jamais vraiment kiffé ! C’ soir, on va chanter la liberté du feu… et t’en s’ras pas !

_ C’est dégueulasse ! »

                                                                                                     167

     Cariou se regarde de nouveau dans la glace… Il tâte ses pansements : c’est pas bien joli, mais ça guérit tout de même ! Une idée lui a été soufflée par l’étudiante : la môme Espoir, toujours désireuse de bien faire, aurait été offrir ses services à un certain Malik, un vrai pauvre paraît-il, et ça tombe bien, car Cariou depuis longtemps désire rencontrer un vrai pauvre : il a un compte à régler avec eux !

Mais cette fois-ci, en plus de son trench et de son chapeau, Cariou prend son LAL (la Lumière appelle la lumière), car il ne veut plus être pris pour un punching-ball et grâce au LAL, la vérité éclate, ce qui évite un tas de discussions oiseuses et de cruels malentendus !

Dehors, il pleut comme vache qui pisse et RAM paraît encore plus morne que d’habitude, comme si une grisaille de deuil recouvrait la ville ! Cariou évite cependant les flaques, où des néons se reflètent, ainsi que des rêves perdus, et le quartier a de quoi faire frémir : aucune lumière ne tombe vraiment dans les fenêtres, qui ont l’air d’orbites creuses !

Les logements sont donc sombres et exigus et la télé y fonctionne incessamment ! Cariou grimace en se rapprochant de la misère et pourtant certains et certaines ici lui sortent par les trous de nez, et Malik est peut-être de ceux-là ! Une colère sourde ne quitte pas Cariou, depuis qu’on le bassine avec la justice sociale, car les premiers à être égoïstes et hypocrites, ce sont bien les braillards qui la prônent ! Ils sont affreux en diable, car ils ne voient même pas les autres en tant qu’individus, ce qui crispe Cariou en l’obligeant à se calmer, quand il appuie sur la sonnette de Malik, car aussi l’injustice existe bien et il y a toujours beaucoup de souffrances !

Malik est un type de taille moyenne, mais il est costaud, avec un visage agressif : « C’est pourquoi ? demande-t-il.

_ Voilà je cherche cette fille, répond Cariou, en montrant la photo de la môme Espoir.

_ Ouais, elle est passée par ici… Elle voulait nous aider qu’elle disait, mais je l’ai rembarrée ! On n’avait pas besoin d’elle !

_ Est-ce qu’on peut en parler à l’intérieur…, car il se trouve qu’elle a disparu…. »

Malik, à contrecœur, laisse entrer Cariou et une odeur un peu rance saisit celui-ci ! Tout ici paraît usé, jauni par le temps et Cariou se dit encore que la misère, c’est la pauvreté sans poésie ! Quand la ville n’est pas une vitrine resplendissante, elle est alors laide, il ne peut en être autrement, c’est le béton qui veut ça !

Cependant, Cariou est aussi là pour résoudre une énigme et c’est pas seulement retrouver Belle Espoir! Il prend place autour d’une petite table, recouverte d’une toile cirée, et il jette un coup d’œil sur l’évier blanchâtre, au dessous du chauffe-eau ! « Qu’est-ce que vous voulez savoir ? fait Malik sans aménité.

_ Vous m’ dites que vous avez rembarré la môme Espoir, alors qu’elle voulait vous aider… Pourquoi ?

_ Parce que c’est toujours la même histoire ! Ces riches qui veulent s’occuper d’ nous ! On n’en a rien faire d’ leur pitié ou d’ leur condescendance !

_ Vous n’auriez pas non plus essayé d’abuser de la môme Espoir ? Vous savez, le phantasme de la bourgeoise, en tailleur Chanel et qu’on viole pour la dessaler, question de lui apprendre la vie, d’autant qu’elle sent bon et qu’on l’imagine forcément frustrée !

_ Oh ! Oh ! Pour qui vous m’prenez ! J’ suis un progressiste, moi, pas un voyou ! J’ respecte la femme !

_ D’accord, mais y a quand même quelque chose qui m’ turlupine ! Comment vous faites, vous, les vrais pauvres, pour vous passer de Dieu ! Tout de même, travailler pour vivre, puis mourir et rien d’autre, c’est sacrément costaud ! C’est accepter le sort de l’animal, mais avec la conscience !

_ Ah ! Mais nous, nous combattons l’exploiteur, pour que chacun ait la même richesse et comme ça on s’ra heureux, sans inégalités sociales !

_ J’ comprends qu’on puisse lutter pour se défendre ! Il y a encore trop de conditions de travail pénibles et dévalorisantes, mais l’égalité ne peut pas être un but en soi !

_ Ah non ? Et pourquoi ?

_ Mais parce que la différence, c’est la vie ! C’est elle qui détermine notre individualité ! Tout le monde à un mètre cinquante, ce n’est pas seulement impossible, mais c’est même pas souhaitable ! Du reste, les communistes l’ont essayé et on connaît la suite !

_ N’empêche, y a des exploiteurs !

_ Oui et si vous les voulez au même niveau, c’est pour les détruire et vous sentir les maîtres ! Là, que vous n’ayez pas besoin de spiritualité s’explique ! Car vous êtes comme les animaux, vous ne vivez que pour votre domination !

_ Et tu crois que je vais me laisser insulter dans ma propre maison !

_ Et moi donc ? Chaque jour, on doit vous entendre brailler au nom de la justice sociale, alors que c’est votre égoïsme qui gueule ! Pas pour vous la patience, l’effort, la compréhension, la nuance ! Vous ne respectez personne, sauf vous-mêmes ! De véritables salopards !

_ Grrr ! »

Malik se lève et se prépare à bondir, mais avec la vitesse de l’éclair, Cariou dégaine son LAL et sans hésiter tire ! Il a une surprise : Malik a disparu, mais soudain un grognement terrifiant retentit sous la table ! Cariou se baisse et voit une hyène baveuse, les crocs à l’air, qui le fixe avec ses yeux de cendre ! Réprimant son effroi, il se place derrière sa chaise et recule vers la porte ! Il subit deux attaques, que repousse la chaise et ouf ! il ouvre la porte et referme derrière lui ! Les hyènes ne connaissent pas l’usage des poignées, c’est bien connu !

                                                                                                   168

     Mais où est Sullivan ? Dans le programme de Macamo sûrement, mais où exactement ? Sullivan se voit vêtu comme un infirmier et au milieu d’un couloir, qui paraît celui d’une maison de santé ! Il est au pied d’un escalier assez sombre et soudain il perçoit une plainte qui vient d’en haut ! Il s’apprête à monter, mais une femme, elle aussi en tenue d’infirmière, sort d’une porte et lui dit : « Mais qu’est-ce que vous faites ? Il faut faire cette chambre, puis les autres !

_ Il m’a semblé entendre une plainte, venant du haut de cet escalier !

_ Il n’y a rien là-haut ! C’est juste le toit ! Vous avez dû entendre le vent ! »

Sullivan acquiesce et va aider l’infirmière… Ils font le lit, rangent la chambre, nettoient la salle de bains, puis ils passent à la suivante et quand tout l’étage est terminé, c’est la pause, utilisée par Sullivan pour revenir sur ses pas, car il en est persuadé : il a bien entendu un gémissement !

Le voilà de nouveau au pied du petit escalier, qui mène sous le toit, et sans plus attendre il monte les marches ! Effectivement, on arrive à un couloir mansardé, dont un côté, plongé dans l’ombre, semble inoccupé, mais de l’autre une porte est entrouverte, laissant passer la lumière du jour et quand Sullivan s’approche, il voit que quelqu’un s’agite dans la pièce ! Il ouvre un peu plus grand la porte et découvre une vieille dame, en fauteuil roulant et qui grimace pour installer une bouilloire électrique !

« Laissez-moi vous aider ! » s’écrie Sullivan. La vieille dame se fige un instant, surprise, puis elle opine et laisse Sullivan mettre l’eau à chauffer. « Vous êtes toute seule ici ? demande Sullivan. L’infirmière de l’étage au-dessous m’a affirmé qu’il n’y avait personne ici !

_ Oh ! Oui, je crois qu’on m’a oubliée…

_ Mais comment vous faites ? Vous n’avez même pas de fenêtres pour voir dehors ! s’étonne Sullivan, qui ne voit qu’une tabatière pour ouverture.

_ On s’ débrouille… On s’habitue…

_ Mais… mais c’est impossible ! On ne peut pas vous laisser vivre comme ça !

_ Vous êtes charmant, vous savez… Voulez-vous une tasse de thé ? Je n’ai pas souvent de visites… En fait, vous êtes le premier qui vient me voir depuis bien longtemps… Mais asseyez-vous, je vais vous préparer ça ! »

Sullivan prend place en effet sur l’unique chaise et il observe la petite vieille, qui, grâce à quelques gestes d’experte, lui propose bientôt une tasse de thé... Ils se regardent l’un l’autre durant un instant, sans rien dire, puis Sullivan reprend : « Je ne comprends toujours pas… »  Il est accablé par l’abandon de cette femme, mais elle lui répond : « Vous savez, il n’en a pas toujours été comme ça ! A une époque, j’étais en pleine lumière et on me courtisait à l’envi ! Je rayonnais et j’avais un tas d’adorateurs ! (Elle sourit!) Oh ! Je n’étais pas seulement belle et on écoutait ce que je disais ! Ma beauté était aussi source de sagesse ! Mais, un jour, des hommes sont venus et ils étaient froids et hautains !

_ Mais qui étaient ces hommes ?

_ Des matérialistes ! Des scientifiques, des philosophes ! Ils m’ont dit que je n’étais qu’une illusion, voire une escroc ! (Elle sourit de nouveau !) Ils ont rajouté que je les gênais, pour qu’ils soient libres ! Ils m’ont ridiculisée, traînée dans la boue, avant de me conduire ici ! Je pense d’ailleurs qu’ils ont passé le mot, pour qu’on en vienne à m’oublier !

_ Mais… mais vous ne pouvez pas rester ainsi ! Ce n’est pas une existence ! Écoutez, c’est le printemps ! Dehors, les jardins sont en fleurs ! Je vais vous descendre, car il n’y a pas d’ raisons, pour que vous ne puissiez pas profiter vous aussi du soleil !

_ Vous croyez… ?

_ Mais bien sûr ! Je ne sais pas qui étaient ces hommes, mais ils se sont comportés à votre égard avec la dernière brutalité ! Pour qui se prenaient-ils ? Alors, voilà, je descends d’abord votre fauteuil, à l’étage inférieur et je viens vous chercher !

_ Vous allez me prendre dans vos bras ?

_ Certainement ! Et après on prend l’ascenseur et hop ! on est dehors, à respirer l’air pur !

_ Hi ! Hi ! Chic alors ! »

Sullivan fait comme il a dit et lui et la vieille dame sont bientôt dans le jardin, où un phénomène extraordinaire a lieu ! Toutes les fleurs, toutes les feuilles semblent prises de folie, en s’agitant dans tous les sens ! Tout se passe comme si elles saluaient la vieille dame, telle une ancienne connaissance ! Elle-même paraît avoir rajeuni subitement : son visage a l’air d’un soleil, que prolonge ses longs cheveux d’or ! C’est une véritable fête à laquelle assiste Sullivan, bien qu’il la mette sur le compte de l’effet du vent et du bonheur retrouvé !

« Je ne vous ai même pas demandé votre nom ! dit-il en riant à la vieille dame.

_ Je m’appelle Poésie ! »

                                                                                                 169

     Mai 53 : les pylônes du nord, survoltés, se révoltent ! Ils n’ont pas assez de courant, disent-ils, et ils marchent sur Paris ! Des échauffourées ont lieu et la police disjoncte ! Le pylône Garcin s’écroule et il devient le symbole de la lutte ! Le gouvernement fait bientôt marche arrière et c’est le décret 2074, qui autorise les pylônes à posséder 2074 boulons (d’où le nom du décret) sur un seul côté !

Avril 57 : les poissons de l’Essonne en colère ! On a autorisé l’élargissement d’un barrage en amont ! « C’est la fin du petit poisson ! » jette le syndicat Arrête ! La préfecture est prise d’assaut ! A l’intérieur, plus de quatre ordinateurs sont saccagés à coups de nageoires ! Une enveloppe de deux millions est débloquée ! Un leurre pour les syndicats ! « On n’a plus la pêche ! » renchérit le poisson !

Juin 60 : la production de cheveux atteint 60 %! Du jamais vu, pour Charles le Chauve, patron du TIF ! Mais le contre-coup pour les ciseaux est énorme ! Les coupes dans le budget sont très sévères ! Les ciseaux à une lame sont proposés à l’Assemblée, par le groupe Shampoing ! Tollé de l’autre côté, dans le parti Acier ! Devant l’état d’urgence, la loi Pellicule est promulguée, montrant toute la fragilité du système !

Décembre 72 : le secteur du pictogramme est menacé ! La concurrence chinoise est mise en cause ! Plus de trois pictogrammes sur cinq seraient chinois, selon une récente étude de l’AMRA ! Des mesures protectionnistes sont prises, mais insuffisantes selon les syndicats ! Un militant tente de s’immoler par le feu ! Ému, le gouvernement lance le programme « Ton pictogramme et toi ! » Cependant, la saison est désastreuse et de fortes pluies accentuent encore la précarité des pictogrammes ! « Nous ne céderons pas ! » disent Pierre et Jacques. Au lendemain de la manifestation du 3, le pays est sous le choc !

Septembre 85 : les escargots en ont marre ! Ils accusent la haute restauration ! « Ils profitent de nous ! » crient-ils et les chiffres sont éloquents : à cause du remembrement, le déficit extérieur s’élève à plus de vingt milliards ! « On est dans une situation de fou ! » déclare La Coquille, qui a des antennes dans toutes les cuisines ! « Ça fait des années qu’on en bave ! Le gouvernement ne nous écoute pas ! » constate amère La Coquille. Les limaces se soulèvent à leur tour, suivies des punaises et des pucerons ! Le malaise est celui de toute une génération : on parle de fracture sociétale ! Le groupe Limace aveugle fait son apparition et les dégâts sont considérables ! En novembre, la parcelle de Saint-Ouen est le théâtre d’affrontements violents ! Démission du premier ministre La Bêche en janvier !

Octobre 91 : les crapauds du Sud en ébullition ! Ils ne veulent plus être transformés en princesse ! « Non aux baisers, oui à la laideur ! » entend-on dans les cortèges. En fait, la colère gronde depuis que les grenouilles ont été privilégiées ! Celles-ci ont demandé deux nénuphars par centimètres carrés, or la législation européenne n’en autorise que trois aux millimètres carrés ! « En donnant satisfaction aux grenouilles, on a évidemment lésé les crapauds ! explique Couac, qui se baigne depuis toujours dans le même étang. Vous voyez le jonc là-haut ? A l’origine il venait jusqu’ici ! Puis, on se reproduisait par là ! Maintenant, on fait comment ? » Devant les mares, on voit des crapauds qui cachent leur misère, mais les besoins sont évidents ! Deux têtards sont tués à Melun et deux batraciens sont arrêtés ! « A mort ! A mort ! »  est tagué un peu partout ! En mai, la sécheresse est vécue comme une trahison ! L’apaisement ne viendra qu’en juin avec les premiers nénuphars en plastique, ce qui provoque l’indignation des écolos !

Années 2000 : années noires ! Les moulins à café ne tournent plus ! Largement déficitaires depuis longtemps, ils doivent cesser toute activité ! Les employés fustigent le directeur Jacques le Manchot. « Il a coulé volontairement la boîte, disent les syndicats, car ils ne pouvaient pas s’en servir ! » « Handicaphobie ! » alertent les associations ! Les pourparlers avec le groupe Marc échouent ! Malgré l’occupation de l’usine, les licenciements sont nombreux ! « Tout le monde sera recasé ! » assure le ministre Grain, mais le scandale éclate : le Manchot aurait falsifié les comptes à tour de bras !

Avril 2030 : crise des calendriers ! Ils réclament un mois supplémentaire, au regard de l’inflation !

Mai 2045 : « Nous n’en pouvons plus ! » disent les lapins.

Années 3000 : pénurie de botox, des salons ferment, des femmes se suicident ! Le lobby des rouges à lèvres est montré du doigt !

Août 4010 : « Tous des salauds ! »

8 mars 5060 : un homme est heureux, enfin satisfait ! Il est abattu immédiatement !

Soleil naine rouge, clap de fin !

                                                                                                 170

     Andrea Fiala écrit : « Hier, Jack, Owen et moi, nous avons rebaptisé notre association l’OCED, anciennement OED, en SED : « Sauvons les enfants Doms ! » En effet, dès le départ, nous dire : Ennemi de… ou contre » nous gênait ! Nous ne voulons aucune haine, ni aucune violence, mais il s’agit bien de sauver des enfants d’eux-mêmes, car ils sont d’abord des enfants, pas totalement responsables de leur personne, et ensuite ils sont surtout les victimes d’une situation, d’un monde créé par les adultes ! Espérons que ce nouveau nom durera, la SED, et qu’un jour il sera connu, puisque cela voudra dire que nous avons été entendus et compris, quoique pour l’instant ce soit tout le contraire et que nous travaillions dans l’indifférence la plus totale !

Il y a une raison à cela et nous allons encore l’expliquer, d’autant que nous rappellerons qui sont les enfants Doms et pourquoi ils sont des victimes (ce qui ne les excuse pas complètement cependant...) ! Mais nous savons que la domination animale nous anime et que notre égoïsme nous pousse naturellement à nous développer et à nous satisfaire ! Nous voulons donc une liberté complète et nous nous faisons fort de nous débarrasser de tous les obstacles, et c’est pourquoi nous parlons volontiers de justice sociale ou d’égalité ! L’histoire de l’humanité est celle d’une domination qui se combat elle-même ! Car toute domination engendre une autorité, un contrôle, des règles, des dogmes qui étouffent les autres dominations, déterminées à s’en défaire ! Ainsi, nous nous sommes libérés de l’influence religieuse et plus tard de celle du communisme et aujourd’hui, apparemment aucune idéologie ne pourrait nous conquérir ! Elle serait aussitôt relativisée et classée comme une opinion ! La vérité nous est suspecte !

Pour nous rendre libres, nous avons naturellement fait appel à la raison et aux faits ! Nous avons eu recours à la logique et seule l’objectivité nous a paru acceptable ! La science moderne est né de ce mouvement et elle ne peut être que matérialiste, car aucun a priori ne doit être en mesure de fausser ses recherches ! Mais ce n’est pas uniquement la science qui a créé notre époque, c’est encore une forme de pensée, qui s’est demandé, quasiment avec acharnement, de quoi peut-on être sûr et comment vivre en s’appuyant sur son libre-arbitre, comme un homme essaierait de tenir sur un triangle ! Nous voilà donc perdus dans l’Univers, spectateurs de notre exploit, gouvernés par la raison, alors que l’océan de nos refoulements et de nos traumatismes nous taraude !

Nous sommes devenus des étrangers au monde et à nous-mêmes ! Notre conscience nous embarrasse et nous ne savons au fond qu’en faire, à moins d’avoir une foi aveugle dans le progrès ! Aveugle, car l’impasse est bien là, comme le réchauffement climatique, qui nous condamne et que la science se révèle absolument incapable d’enrayer, car elle a beau présenter ses chiffres et sa logique, nous ne changeons pas vraiment nos habitudes, nos comportements ! Elle ne sait pas plus nous parler que les militants écologistes radicaux, qui par leur violence ne font que renforcer les haines et le rejet de leurs adversaires ! C’est que l’homme n’a jamais été et ne sera jamais que raison ! Il a besoin de rêver, d’espérer, d’être rassuré et même de croire ! Il n’est pas un titan de fer, heureux de son malheur ! Il sent instinctivement qu’il est sur Terre chez lui et qu’on s’occupe de lui ! Peu importe que ce sentiment soit obscur, irraisonné, il est ! D’ailleurs, qui pourrait vraiment résister à l’idée qu’il est absolument abandonné et que tous ses efforts sont vains ?

Le matérialisme nous a été nécessaire, pour nous donner notre liberté, mais lui-même n’a pas échappé à la domination et il s’est même délecté, on peut le dire, d’abaisser, de ridiculiser toute subjectivité ! Ce n’est pas la seule raison qui l’a mené, mais quand il n’obéissait pas à la peur, car il ne veut pas être trompé, il a éprouvé une sorte d’ivresse à déchirer les anciennes croyances, comme le fauve sent sa puissance en terrassant sa proie ! Cependant, en chemin il a oublié quelque chose d’essentiel… Il s’est amputé de lui-même et s’est perdu, ce qui fait que notre époque produit des monstres, tels que les enfants Doms ! Si le ciel est vide, si nous sommes un accident dans l’Univers, si notre destin est de disparaître, sans laisser plus de traces qu’une pierre jetée dans l’eau, si nous comprenons que la raison triomphante est une illusion, alors notre seule planche de salut, c’est nous-mêmes, notre égoïsme, notre domination animale ! Comment ne pas être écrasé, anéanti par l’étrangeté du monde, sa différence, sinon en se construisant une bulle qui nous fait les maîtres, qui nous conduit au déni, au rejet de l’autre, à la violence et au chaos !

A un stade ultime, notre bulle est notre tente à oxygène ! Sans elle, nous ne pouvons respirer et comment dans ces conditions la raison saurait nous atteindre ? Voilà pour l’impuissance de la science, face aux monstres qu’elle a en partie engendrés ! Les enfants Doms sont dans une bulle quasi complète et tuer d’autres enfants ne leur paraît pas condamnable ! L’égoïsme est tel que l’autre est abstrait ! Ceci explique aussi pourquoi on est aujourd’hui capable de nier les plus grandes évidences, au profit de théories complotistes ! Nos bulles ne veulent aucun courant d’air ! Mais qu’est-ce qui peut arranger la situation, si la raison devient inutile ? Qu’est-ce que le matérialisme a ignoré ou méprisé sur sa route et qui pourrait ouvrir les bulles ? Comment nous réconcilier avec nous-mêmes ? Comment redevenir bons, doux, et confiants ? Comment apaiser les enfants Doms, en leur montrant qu’il est possible de ne pas avoir peur ? Comment offrir de l’espoir, ce qui libérerait les enfants de demain ? Comment leur rendre leur innocence et leur légèreté ?

Revenons en arrière…, car dès le départ les hommes, en admirant la nature, ont eu le sentiment qu’un dieu les avait créés, les aimait et les protégeait ! C’est ce message essentiel de foi et de confiance, que suscite la beauté, qui a été perdu et même raillé ! L’artiste a en effet été vu comme un malade, un inadapté, au point même que le scientifique pense pouvoir le remplacer, en s’imaginant le talent résultat de la volonté ! Le matérialisme s’oppose à la beauté en ce sens qu’il faut de l’innocence pour s’émerveiller de celle-ci et comprendre son message ! Autrement dit, l’enfant est sensible à la foi et il en garde toute sa force ! Le voilà capable de rassurer et de libérer les enfants Doms ! Inutile de dire que celui qui admire la beauté respecte aussi la nature et cesse de la détruire ! Retrouver le sens de la beauté est notre avenir, mais encore faudrait-il que le matérialisme reconnaisse son échec ou sorte de sa bulle et c’est loin d’être gagné !

 
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