La Révolte... (36-38)
- Le 02/08/2025
"Je veux défendre mon pays, parce que c'est le plus beau du monde!"
American sniper
36
Un ado Dom passe et crache… Une ado Dom demande à ce qu’on regarde ses seins et ses fesses ! « C’est la vie... » fait Marié.
_ Tenez ! dit Mécano, j’ai inventé un gadget pour apaiser les Doms !
_ Fais voir, demande Côlon.
_ C’est un petit appareil, comme les boîtes qu’on retourne, pour reproduire le cri de la vache ou de la chèvre ! Mais ici, tu entends : « T’as raison ! T’as raison ! »
_ Ah ouais, d’accord ! C’est drôle !
_ Et tu vois, avec ça, le Dom se calme progressivement ! C’est tout ce qu’il demande !
_ Mais on va pouvoir vendre ce petit appareil, un peu partout ! Nous voilà riches, Mécano !
_ Tu t’occupes de la distribution, c’est ça ? »
Un peu plus loin, la troupe croise les « pauvres » Doms ! Ils sont là avec de beaux habits, des bijoux et leurs belles voitures derrière eux ! Et pourtant ils ont la « manche » ! « Je vous en prie, disent-ils, donnez-nous de l’importance ! Montrez-nous comme nous sommes admirables, combien nous avons du pouvoir ! Sinon c’est l’angoisse ! Nous sommes perdus ! Un peu de soumission, s’il vous plaît ! Reconnaissez notre mépris ! Soyez sensibles à notre égoïsme ! »
_ Les pauvres Doms ! fait Propre.
_ Ouais ! Faut pas exagérer non plus ! s’insurge Côlon. Ils en prennent à leurs aises ! Et ils sont en sécurité, avec leur argent !
_ Mais ils sont incapables d’être en paix ! réplique Propre. Leur équilibre ne repose que sur leur domination… et ils sont là, toujours en train de quêter une supériorité ! Tiens, ils n’acceptent jamais leurs torts ! Pour eux, c’est une catastrophe !
_ Tu oublies qu’ils vivent au détriment des autres !
_ Tout de même, ils sont bien à plaindre ! Toujours tourmentés ! Toujours à mordre, à écraser ! »
A cet instant, Bof court vers la troupe : « Eh ! Eh ! crie-t-il. Je suis en train de disparaître ! Regardez, regardez, je ne vois déjà plus mes mains !
_ Oui, cela arrive, explique Paschic. A force de côtoyer les Doms, tu te sens minable, inexistant, et tu finis pas disparaître !
_ C’est…, c’est une blague !
_ Malheureusement non ! Tu ne trouves nulle part l’écho de tes préoccupations… et tu en arrives à croire que tu es mauvais ou fou ! A partir de là, l’invisibilité te gagne… et même les oiseaux ne te voient plus ! J’ai été percuté par un moineau comme ça !
_ Le problème avec toi Paschic, c’est qu’on sait jamais si tu es sérieux ou non !
_ Rassure-toi, Bof, intervient Mécano, tant que tu restes avec nous, tu compteras ! Nous t’aimons et tu dois en déduire que tu as une existence réelle !
_ Mer…, merci Mécano !
_ Faut pas que tu t’éloignes trop de la troupe, c’est tout !
_ Mais, mais est-ce que la troupe entière ne pourrait pas disparaître ? »
Personne ne répond à Bof, car on croise un grand blessé ! On le voit venir de loin ! Il tient à peine sur ses cannes et sa côte semble recouverte d’un large corset ! Il faut rajouter à cela quelques pansements sur le visage, de sorte que Propre s’écrie : « Mon Dieu, le malheureux !
_ Ne vous intéressez pas à lui, dit Paschic. C’est ce qu’il veut ! Il se sert de son état, pour être le centre d’intérêt, qu’on parle de lui, ce qui alimente sa domination ! Bref, un Dom de chez Dom !
_ Mais tu es sans cœur ! s’écrie Côlon.
_ Mais vas-y, Côlon, si ça te chante ! Tu vas voir que ton intérêt sera mal payé ! Il va te boire comme du petit lait ! Tant que tu seras « pendu » à ses blessures, il sera tout sourire et volubile ! Mais dès que tu feras mine de penser à autre chose, au temps qu’il fait ou au malheur en général, il se fermera et et te méprisera ! Il passera à un autre et ainsi de suite ! Ceux qui se servent de leur maladie, pour leur domination, sont stériles !
_ Tu parles d’expérience sans doute ! dit Marié.
_ Exact ! Ne perdez pas vot’ temps avec des gaziers pareils ! Ils montrent une fausse image de la vie, centrée sur leur malheur ! Au contraire, votre indifférence les fera réfléchir !
_ Tout de même il me fend l’âme ! »
Le Dom en effet semble les attendre, quêtant une attention, pendant que son équilibre est mal assuré ! « Il ne vaut pas mieux que les autres ! réaffirme Paschic. Soyez forts, ignorez-le ! Ne tombez pas dans le piège et rendez-lui service, en lui résistant ! »
La troupe ne se le fait pas dire deux fois et passe outre. Elle entre dans un nouveau champ d’expériences et il est vrai que le « grand blessé » est maintenant stupéfié par son air indifférent !
37
Soudain, la troupe est assaillie par un rire ! Il devrait être communicatif, témoigner du plaisir de vivre, mais nullement, c’est un rire qui provoque de la gêne, qui fait peur ! Il attaque la troupe sous la forme d’une rangée de dents éclatantes ! « Tenez lui tête ! crie Paschic. Ne soyez pas dupes ! Son propriétaire n’est pas honnête ! Il n’est pas détendu lui-même ! C’est encore une domination qui s’affirme, même par le rire ! Montrez que vous êtes solides ! Restez droits devant lui ! »
La troupe, sous les exhortations de Paschic, s’arrête, alors qu’elle s’apprêtait à fuir ! Chacun fait face au rire, qui ne peut plus rien devant une telle fermeté, car après tout ce n’est qu’un rire ! Enfin, il disparaît, ce qui entraîne Paschic à « enfoncer le clou » : « Ce genre de rires, dit-il, qui vous tend, vous met mal à l’aise, comme si vous étiez un minable dans la société, doit au contraire vous servir de baromètre ! Si vous êtes capable d’en être indifférents, si secrètement il vous amuse, car il témoigne d’une fausseté, alors soyez fiers, heureux : vous gagnez en force et en équilibre ! Tout ce qui émane des Doms est trompeur et destiné à faire croire qu’ils savent vivre, ce qui n’est pas le cas !
_ T’es remonté, on dirait ! dit Marié.
_ Ah ! Si tu savais comme il y en a à dire ! »
La troupe va un peu plus loin, mais deux yeux haineux lui font barrière ! « Halte ! disent-ils. On ne passe pas !
_ Et pourquoi ça ? demande Côlon.
_ Eh bien, il est onze heures du matin et nous buvons notre apéro, comme tous les jours ! Or, que voyons-nous ? Des étrangers qui se présentent, qui troublent notre quotidien, nos habitudes !
_ Mais faut bien qu’on aille de c’ côté tout de même ! réplique Côlon.
_ Je ne comprend pas pourquoi on vous dérange ! rajoute Mécano.
_ Mais notre arrivée inopinée inquiète la domination de ce regard ! explique Paschic. Le sentiment de sa supériorité lui est donné par sa routine même, par le contrôle qu’il exerce ici chaque jour ! Or, voici de la nouveauté, de l’imprévu et le regard n’est plus le maître ! Cela suffit à le rendre haineux, bilieux !
_ Ce n’est pas vrai ! s’indigne Propre.
_ Mais bien sûr que j’ai juste ! Hein, le regard ? poursuit Paschic. Oh ! Mais attendez, je suis sûr aussi que nous avons affaire à un regard épris de justice sociale, qui chante sur tous les tons l’égalité ! Car il est contre tous les pouvoirs, puisqu’il ne les contrôle pas ! Le petit égoïsme, incapable de supporter la moindre surprise et qui pourtant fustige le mépris des riches ! Peuh !
_ Il va te dévorer ! s’écrie Propre.
_ Il vaut mieux nous en aller, dit Marié à Paschic. Tu n’arriveras pas à te faire comprendre de toute façon ! »
La troupe repart, bien décidée à quitter le Cube ! Mais Paschic reprend : « Ne soyez pas dupes, dit-il, les Doms n’ont aucune solution pour vivre, si ce n’est leur domination ! Ne perdez jamais de vue qu’ils la recherchent de toutes les manières possibles, par le rapport de force ou la séduction ! Cela signifie encore que plus les Doms ont peur et plus ils veulent dominer et que si vous leur résistez, ils n’auront aucun scrupule à vous mépriser, avec l’envie de vous détruire ! C’est pour cela que les Doms se piétinent les uns les autres, ce qui rend la vie dans le Cube impossible ! »
Deux Doms filles sont sur le passage de Paschic et se moquent de lui, car il les ignore et un Dom jeune homme côtoie un instant la troupe, en étant monté sur des échasses et en fixant les lointains, ainsi qu’il serait quelque dieu, bien au-dessus de ceux qui l’entourent !
Marié, légèrement énervé, par cette suffisance et cette somme toute agressivité, entreprend de taper dans les échasses, pour ramener le jeune Dom à plus de réalité, mais alors celui-ci consulte son portable, comme si de rien n’était ! C’est le monde hypocrite des Doms et donc sans solutions, puisque les choses ne sont pas dites !
« Venez essayer votre force ! crie un bonimenteur, car on est toujours dans la fête foraine. Venez chevaucher le cheval fou de l’angoisse ! Si vous tenez dessus plus de cinq minutes, vous partez avec le gros lot ! Vous, le Dom costaud, allons essayer ! Une belle peluche fera plaisir à votre fille !
_ D’accord », fait le Dom large d’épaules et qui porte un chapeau de cow-boy.
On place le Dom sur le cheval de l’angoisse, comme au rodéo, et soudain le cheval se met à sauter dans tous les sens, à ruer et à se cabrer ! Le Dom costaud ne tient pas cinq secondes ! « Ah ! Ah ! fait le bonimenteur. L’angoisse, c’est pas trop ton truc, hein ?
_ Ben, sans ma femme, je suis un peu perdu, c’est vrai ! répond le Dom costaud.
_ Bien sûr, la famille y a qu’ ça d’ vrai ! Allez, mesdames, messieurs, qui veut essayer de dompter le cheval de l’angoisse ?
_ Tu pourrais tenter le coup, Paschic, s’exclame Mécano. J’ai envie de la grosse peluche, en forme de singe !
_ C’est vrai ça, Paschic, rajoute Propre, montre à tous ces Doms que t’as pas perdu ton temps ! »
38
Paschic s’approche du cheval de l’angoisse et lui dit : « Tout doux, tout doux ! » Paschic le connaît par cœur ! Il sait que c’est un cheval effrayant, délirant même ! Il peut se transformer en dragon destructeur, par exemple ! Mais, à la surprise générale, Paschic se met en selle, sans que le cheval ne s’agite et voilà que tous les deux trottinent tranquillement ! « Ce… Ce n’est pas possible ! » s’écrie le bonimenteur.
_ Vous ne connaissez pas Paschic ! » fait Marié.
Paschic décide de passer à la vitesse supérieure et il lance le cheval au galop ! En pleine course, il le fait s’envoler vers le ciel, de sorte qu’un instant le duo disparaît même aux yeux des spectateurs ! « Ce n’est pas possible ! lâche encore le bonimenteur.
_ Vous l’avez déjà dit ! rectifie Marié.
_ A moi la grosse peluche ! » exulte Mécano.
Paschic atterrit soudain, le cheval docile sous lui ! Il rit en offrant son lot à Mécano ! « Je savais que t’allais le mâter ! assure celle-ci.
_ Oui, mais ce n’est possible que si on se débarrasse de sa domination ! Sinon, on utilise toujours les autres pour calmer son angoisse ! C’est-à-dire qu’on écrase un plus petit, ou on le méprise, ce qui fait qu’on ne comprend pas les choses ! »
Derrière la troupe qui s’en va, le bonimenteur jette son cigare et donne un coup de pied au cheval, qui le mord sévèrement ! Il ne fait pas le poids !
La troupe est enchantée de cette petite victoire, mais elle est suivie par une ombre ! « On dirait que qu’un Dom nous a pris en chasse ! fait remarquer Côlon.
_ Oui, approuve Paschic, c’est un Domubik !
_ Un quoi ? s’écrie Bof.
_ Un Domubik ! De Dom et d’ubiquité ! C’est un Dom qui croit qu’on s’adresse toujours à lui, même quand on veut parler à une autre personne ! Il est si plein de lui-même qu’il est difficile de s’en débarrasser !
_ Il va débarquer parmi nous, comme ça ? continue Bof.
_ Non, il faut l’enclencher, en lui adressant une première fois la parole, mais après, comme je vous l’ai dit, il sera impossible de nous parler les uns aux autres, sans qu’il intervienne ! Il a bien sûr un avis sur tout ! Il connaît tout et se sent indispensable !
_ Hum ! fait Propre. Il vaut mieux le laisser tranquille alors !
_ Tant qu’on n’a pas besoin de lui, c’est ce qui est le mieux ! opine Paschic. Mais il est lui-même un grand destructeur de ses semblables, comme tous ceux qui croient que le monde tourne autour d’eux !
_ Encore un qui n’a pas la clé de son repos ! » avance Marié.
La troupe est maintenant arrêtée par la chaîne des cubes roulants ! C’est un flux continu, bruyant, polluant, rageur et abrutissant ! Pourtant, la chaîne se met à chanter : « Il est 17 heures ! Il est 17 heures ! C’est nous la chaîne des cubes roulants ! Colorée et vrombissante ! Il est 17 heures, c’est la fin du travail et nous voilà solidaires ! 17 heures sur Terre ! 17 heures, à nos maisons ! Nous sommes les travailleurs, nous formons une équipe, même si on s’ connaît pas ! Attention le piéton, t’es pas dans la chaîne ! Nous te regardons ! Attention piéton, t’es suspect ! T’es pas dans la chaîne ! T’es pas solidaire ! C’est la chaîne de 17 heurs ! La bonne chaîne ! Celle qui bosse ! »
A ce moment, Côlon, bouleversé, s’élance : « Mais vous ne comprenez rien ! crie-t-il à la chaîne. Pourquoi vivez-vous ? Vous n’êtes même pas heureux ! Et votre haine, qu’est-ce que j’en ai à faire ? Encore si vous cherchiez ! Vous dites que vous travaillez, mais vous ne faites rien en réalité !
_ Reviens Côlon ! lance Paschic. Vite Marié, va le chercher ! On ne peut pas attaquer les Doms de front comme ça ! C’est du suicide ! »
Marié se précipite, mais c’est trop tard : Côlon a disparu dans le vacarme et les fumées ! La chaîne l’a comme englouti ! La troupe est sous le choc, mais elle n’a pas le temps de penser, car elle est interpelée : « Oh là ! lui fait un Dom, je suis le contrôleur de la rue !
_ Et alors ? répond Bof.
_ Ben, la rue m’appartient ! J’ai à l’œil tous ceux qui ne me plaisent pas !
_ On vient de perdre un ami ! jette Propre.
_ M’étonne pas ! Vous avez une drôle d’allure !
_ Crétin ! » lâche Mécano.