L'Enfant Lumière (XXX)
- Le 12/02/2022
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XXX
LE CHAOS
L'enfant Dom regarda dans son smartphone et s'admira! Dans la rue, des voitures s'élevaient à la hauteur des yeux, comme si elles avaient voulu "happer" le paysage! Mais personne n'était content! Partout, il y avait des heurts, des cris, des révoltes, de la colère! Chaque jour, une profession "sortait de ses gonds", déversait sa rancœur, manifestait, saccageait, détruisait! Des "Antitout", par là dessus, sillonnaient le pays, comme s'il eût été le pire de tous!
Mais avait-on faim? Etait-on malade? Avait-on des douleurs physiques insupportables? Une comète fonçait-elle sur la Terre et allait-elle la pulvériser, tout anéantir? Manquait-on de médicaments? N'avait-on pas les appareils pour examiner le corps, voir les maladies? Les soins n'étaient-ils pas remboursés? N'y avait-il pas de médecins?
Vivait-on dans la crasse, les détritus? Devait-on aller chercher de l'eau au puits? Devait-on faire du feu, pour cuisiner à midi? N'avait-on pas de chaises, de tables? N'y avait-il pas le choix entre deux mille fromages, cinq mille lampadaires, huit mille marques de lessives? Ne croulait-on pas sous le nombre de yaourts, de voitures, de scoots, de chaussures, de vêtements, de montres, de lunettes, de chocolats, de pharmacies, de banques, de boulangeries?
Habitait-on des huttes de boue séchée? Les routes étaient-elles pleines de trous? Ne pouvait-on pas tout acheter d'un simple clic? Ne pouvait-on pas se laver à volonté, sentir bon? Y avait-il des mines explosives dans la campagne? L'horizon était-il fermé par des barbelés? Souffrait-on du froid? Mourrait-on sous la botte de quelque bourreau? Ne pouvait-on pas lire, rêver, contester même? Etait-on emmené vers des camps, synonymes de l'enfer? N'avait-on pas tout en fin de compte?
Mais le chaos triomphait! Même les chefs d'Etat perdaient la tête! On reparlait de guerre, comme si tous les morts des précédentes voulaient de la compagnie, comme s'ils n'existaient pas, comme si leurs milliers de petites croix blanches n'étaient pas suffisantes! Mais on n'en avait jamais assez, même du sang! Quel mal nous taraudait? Pourquoi n'étions-nous pas heureux? Nous n'étions pas assez payés, selon les uns! Pas assez de reconnaissance, selon les autres! Une maladie nous entraînait, nous accablait, et pourtant nous ne cherchions pas les vrais remèdes! Nous nous contentions de crier, ça, nous savions faire!
La reine Beauté vit que le chaos jouait contre elle et son royaume et elle se décida à rendre visite aux Pierres, pour les aider, les soulager! Elle s'approcha d'abord d'une jeune Pierre, un grand garçon qui buvait sa bière sur le trottoir et qui la jeta vide dans une poubelle jaune, comme si celle-ci n'était pas privée! Mais la jeune Pierre semblait traîner tout le malheur du monde et vouloir défier la Terre entière!
La reine Beauté dit: "Pourquoi parais-tu si abattu? Regarde la blancheur de ce goéland, n'est-elle pas immaculée? Et les nuages là-haut, ne sont-ils pas animés par un souffle puissant? Vois encore ces fleurs sur cet arbuste: leur rose n'est-il pas délicat? Sent leur parfum: n'est-il pas frais et enivrant? Et leurs branches, ne forment-elles pas un dédale des plus savants? Comme les oiseaux aiment leur ombre, qui les protège et leur permet la paix!
_ Mais qu'est-ce que tu racontes?
_ Ce que je raconte, c'est que si tu prenais un peu conscience de la beauté qui t'entoure, tu saurais alors combien tu es aimé et tu cesserais alors d'en vouloir à tout le monde ! Ta vie changerait du tout au tout! Tu n'aurais plus peur et...
_ Mais je n'ai pas peur!
_ Mais si tu as peur, quoique tu sois costaud! Et c'est d'ailleurs la peur qui te fait agressif et méprisant! Mais tu ne l'avoueras pas, à cause de ton orgueil!
_ La vieille, tu me gonfles! J' vais rejoindre mes potes... On va prendre une bonne cuite et malheur à ceux qui n' fileront pas doux!
_ Je ne suis pas vieille, bien au contraire! Je suis d'une force infinie, même pour le plus petit grain de matière! Je suis un torrent d'amour, mais tu es fermé!
_ On me hait, parce que je suis un étranger... Alors tes boniments!
_ Ceux qui te haïssent sont comme toi! Ils ne me voient pas, ni ne veulent me voir! Ils vivent dans la crainte, le rejet! Ils se croient seuls et qu'ils ne doivent compter que sur eux-mêmes! Ils ne se libèrent pas!"
Pour toute réponse, la jeune Pierre urina contre une maison, en rotant, et la reine Beauté s'en alla plus loin! Elle trouva bientôt des agriculteurs en colère, qui jetaient du beurre pris dans un supermarché! La reine Beauté s'adressa à eux:"Est-ce que je vous ai un jour trahis? L'épi ne pousse-t-il pas ses barbes, tels les rayons du soleil? Le pommier ne croute-t-il pas sous ses fruits? Le maïs ne se dresse-t-il pas fier? Le chou n'est-il plus pommé? La vache ne fait-elle plus son lait paisiblement? Les champs ne sont-ils plus gras sous la rosée?
_ Hein? Mais la grande distribution est en train de nous gruger! On va pas y arriver! Qui nous donnera du pain pour demain?
_ Mais moi! Ma générosité sans limites n'est-elle pas un gage de sécurité? Comment pourrais-je vous abandonner? Mais vous ne me regardez, ni ne m'aimez plus! C'est vous qui m'avez abandonnée! Où est mon rythme, ma sagesse dans vos travaux! Vous ne quittez plus vos tracteurs! Vous-mêmes êtes obsédés par le rendement et vous voilà dans la peur, la révolte!
_ Eh! Oh! La fleur bleue! On vit dans un monde de requins! Pousses-toi de là, on va mettre le feu aux palettes!
_ Si vous êtes autant en colère, ce n'est pas parce que vous avez faim! C'est bien parce que vous vous sentez méprisés, exploités! C'est votre ego, votre amour propre qui gémit et qui crie!"
Mais personne ne répondit à la reine Beauté et elle partit! Elle fut bientôt en face d'infirmières qui manifestaient aussi et qui criaient: "Pas seulement des primes, mais du respect!" Là encore on était plein de violence et la souffrance était palpable! La reine Beauté les arrêta et leur tint ce discours: "Vous demandez du respect, mais où y en a-t-il plus que dans les yeux du malade? Ne vous est-il pas reconnaissant de vos soins? Ne montre-t-il pas combien il est soulagé? N'est-il pas plein de gratitude, quand vous le rassurez? Quel est donc ce respect qui vous manque?
_ Nous travaillons comme des chiens, jusqu'à plus d'heures! Nos moyens sont dérisoires! Nous avons l'impression qu'on se moque de nous! Personne ne s'intéresse à nos problèmes?
_ Comment? Je vous ai parlé des yeux du malade, mais ne suis-je pas la fraîcheur qui entre par la fenêtre, la lumière qui réchauffe la chambre? Ne suis-je pas le drap immaculé, le silence de vos chaussons? Ne suis-je pas la peau bronzée sous la blouse, l'œil bleu sous le cil? Ne suis-je pas l'odeur des cuisines, l'ombre apaisante des couloirs, l'arbre du parking, le nuage brillant ? Ne suis-je pas le regard complice parmi vous, votre sourire, vos cheveux parfumés, aux mille couleurs?
_ Personne ne nous aime? Nous sommes des laissées pour compte!
_ Mais vous ne me regardez plus! Vous m'ignorez! Vous êtes en furie, car c'est votre égoïsme qui souffre! Venez à moi et vous rirez de ceux qui vous méprisent et vous exploitent! Car je vous apporterai la paix et vous verrez qu'ils ne sont pas heureux! Qu'importe la richesse, si le bonheur n'est pas là?
_ Nous n'y arrivons plus! Nous ne savons plus comment finir le mois!
_ Je comprends, mais comment pourriez-vous déjà avoir assez d'argent, alors que vous ne savez même pas apprécier les choses? Il vous en faut toujours plus, parce que vous n'êtes pas en paix! C'est ce que vous poursuivez qui vous épuise! Je vous montrerai comment vous enchanter du monde et vous économiserez sans peine, sans avoir honte, avec joie! Votre but ne sera plus votre ego!
_ Et on sera trompé jusqu'à l'os! On continuera à être des esclaves et les autres s'en mettront plein les poches!
_ Qu'est-ce que ça peut faire, si vous, vous êtes heureuses?
_ Oh! Mais elle nous pompe cette mégère! Nous, on veut se défendre et pas être des moutons! Ecarte-toi de là, la bourgeoise!"
Elles repoussèrent la reine Beauté et leur cortège continua, avec les mêmes cris! "Elles ont peur! fit une voix près de la reine Beauté. Tu sais ce que c'est!" La Dom était là, contre un mur, comme un caïd de quartier! Il roulait des mécaniques et rajouta: "Ils ont peur et plus ils ont peur et plus c'est le chaos... et plus ils sont à moi!
_ Je sais! Ils m'ignorent et ils sont perdus! Seulement, en allant vers toi, ils se donnent une vie de misère! Ils vont manger des cailloux! L'amertume les comblera!
_ Peuh! Ils ne vont quand même pas croire à ton miracle!
_ Pourtant, je suis partout, à l'infini! Il suffit de me regarder!
_ Ils en sont incapables!
_ Je suis comme l'eau qui pèse!
_ Ils résistent!
_ Est-ce qu'on résiste au soleil?"
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