Du tyran vorace

  • Le 16/12/2018
  • 0 commentaire

Du tyran vorace

 

 

 

    En 1789, à la demande de l'aristocratie, qui s'oppose à l'absolutisme du roi, sont réunis les Etats généraux: la noblesse, le clergé et le Tiers état, qui représente le peuple. Cette réunion témoigne de l'évolution de la société, qui répond à notre besoin de nous affirmer, de sentir notre personnalité se développer et dominer, ce qui se traduit d'abord par plus de libertés et plus de droits... et cette nouvelle Assemblée fait renaître l'espoir dans tout le pays!

    Ainsi, paradoxalement, ce sont les aristocrates qui commencent la révolution... Cependant, on s'interroge sur l'importance du Tiers état: combien de sièges de députés lui seront-ils attribués et votera-t-on par ordre ou par tête? La monarchie, bien entendu, ne veut pas voir augmenter le pouvoir du peuple et elle essaie de dissoudre le Tiers état, qui s'est proclamé Assemblée nationale! En vain, c'est le serment du Jeu de paumes!

    Le peuple sent qu'il a fait un pas en avant vers la justice, que la voie est ouverte à un avenir meilleur, mais il s'effraie, il craint le recours à des troupes étrangères, pour mater toute révolte, ce qui le replongerait dans la nuit! Il cherche donc à se défendre, mais où trouver des armes? A la Bastille!

    Celle-ci n'est plus qu'une prison vieillissante... Si on en a les moyens, on peut y faire venir ses meubles et ses repas! On y reçoit aussi ses amis et on y prend sans trop de peine son mal en patience! La forteresse est commandée par un homme de valeur, Jourdan de Launay, qui a sous ses ordres une trentaine de Suisses, mais surtout des invalides... On le somme cependant de se rendre au nom de la nation; ce qu'il ne peut accepter... Aux assaillants se joignent des gardes-françaises, avec des canons... La situation semble sans issue et de Launey capitule, à condition que lui et ses hommes seront épargnés... Il est finalement massacré dès sa sortie, ainsi que quelques invalides... Il se sera défendu "comme un lion" selon des témoins!

    On le voit, cet événement montre plus de lâcheté et de cruauté que de courage et de grandeur d'âme! Mais peut-on demander à la foule de la mesure, de la sagesse? Cependant, ceci n'est qu'un hors-d'œuvre! On trouve bientôt Foulon... C'est un vieillard, secrétaire d'Etat et qu'on soupçonne de spéculation sur les grains!

    On le pend à la lanterne... La corde casse deux fois et le malheureux se brise les genoux! Comme la troisième pendaison est la bonne, on lui coupe la tête, qu'on bourre de foin, avant de la tendre au bout d'une pique! Ce spectacle affreux est infligé au gendre de Foulon, Bertier, qui est un honnête homme et dont pourtant on finit par arracher le cœur! Même l'Assemblée constituante, qui ne travaille que pour le bien du peuple, ne pourra rien y faire: la foule est incontrôlable, paranoïaque et sanguinaire!

    Est-ce à dire qu'elle ne peut pas évoluer? Aujourd'hui, des gilets jaunes soutiennent que le gouvernement complote contre eux, au profit des riches! Les hantises de 1789 sont donc toujours actuelles, plus de deux cents ans plus tard! Qu'est-ce qui peut expliquer un tel aveuglement, une telle immaturité? Qu'est-ce qui empêche notre connaissance, notre clairvoyance?

    Le sentiment qu'on nous méprise, quand, malgré nos efforts, nous nous voyons toujours aussi limités, parce que nous devons payer plus, est naturel! L'impression qu'on se sert, qu'on profite de nous est inévitable et la haine nous envahit! Mais comment croire à un coupable?

    L'égoïsme qui nous blesse n'est-il pas le reflet d'une attitude générale? L'injustice n'est-elle pas partout? Ne voit-on pas que chacun "se sucre"? Comment peut-on s'abuser, au point de désigner un responsable, comme si on vivait soudain dans un monde dominé par un démon?

    Ah! Mais, tant qu'on ne prend pas conscience du mal qu'on fait, on s'imagine innocent! Et dans ce cas, tous les contes, toutes les "fariboles" sont possibles! Il s'agit donc d'ouvrir les yeux!

    Au fond, plus on se détache de soi-même et plus on découvre la réalité! Ainsi, comme nous allons le voir, il existe un lien très étroit entre l'amour-propre et l'ignorance: vaincre le premier, c'est aussi vaincre la seconde! Un secret: c'est la patience qui fait grandir! C'est la maturation qui provoque l'Eveil!

    Mais voici une jeune tyran, c'est G! Elle est boulangère... Enfin, elle vend du pain le matin, travaille dans une agence immobilière l'après-midi et les jours fériés, elle tient le guichet dans une patinoire! On le voit, G est issue d'un milieu modeste et elle doit cumuler les emplois pour pouvoir vivre; mais est-ce là tout?

   " Oui, diraient les gilets jaunes, G a le profil pour rejoindre nos rangs... Sa situation, quoique courageuse, reste précaire!" Mais nous, allons au-delà des apparences! Regardons qui est vraiment G... Découvrons ce qui réellement la motive et ce qui l'empêche d'être heureuse... "Changeons le système!" crient les gilets jaunes! "Changeons plutôt nous-mêmes!", devrait-on dire! Car c'est nous qui faisons le système! (En fait, les gilets jaunes avouent ingénument qu'ils voudraient être en haut et non plus en bas! Nul changement de système en cela!)

    Quand G prend son poste de boulangère et qu'on lui explique sa tâche, nous sommes là. G nous regarde, ravie, et nous comprenons que nous lui plaisons..., mais son expression est tellement suffisante que nous nous sentons déjà la propriété de G, comme si de nous faire tomber dans ses bras ne serait qu'une formalité, et nous nous fermons, bien que G soit jolie! En fait, son incroyable égoïsme nous est révélé et nous ne voulons pas non plus être transformé en saucisses!

    G domine le monde! Nous sommes ici dans la vie réelle et non plus en face de la dialectique simplifiée et même hypocrite des gilets jaunes! L'instinct est bien présent et il gouverne G! D'ailleurs, devant notre résistance, elle cherche bientôt à nous blesser de son mépris: bien que nous soyons planté devant elle, pour avoir notre pain, elle demeure plongée dans ses écritures! Puis, soudain elle lève la tête et s'écrie: "Oh! Bonjour! Je ne vous avais pas entendu arriver!" Autrement dit, nous sommes encore moins remarquable qu'un courant d'air!

    D'autres pourraient s'offusquer d'un tel traitement (surtout G si elle le subissait!), mais il est tellement grossier, enfantin, que nous préférons nous en amuser et rester aimable, et nous faisons bien, car nous apprenons des choses! G voudrait suivre un BTS d'agent immobilier, mais ce serait dans une autre ville et ça pose problème... G en effet ne peut avoir droit à l'APL... Comme nous nous en étonnons, G nous avoue involontairement que c'est l'homme avec qui elle vit qui paie le loyer et qu'il gagne trop! Ainsi donc, G nous méprise parce que nous lui résistons, alors qu'elle n'est pas seule, mais qu'elle vit déjà en couple! Nous en restons pantois! Une légère rougeur sur le visage de G nous indique qu'elle a pris conscience de sa gaffe, tandis que son portrait deviens de moins en moins honorable... Apparemment, G utilise les hommes comme des chevaux: elle en change dès qu'apparaît la perspective d'aller plus vite vers la réussite! Ouf! Nous l'avons échappé belle, mais avec G nous ne sommes pas au bout de nos surprises!

    Un autre jour, elle nous fait part de ses craintes, si elle devait vendre des maisons aux plus riches..., car, nous explique-t-elle, ce sont eux qui ont le plus d'exigences! A cet instant, G reste rêveuse, comme si elle avait parlé d'une région secrète des dieux... et l'effarement nous envahit! Comment? G prend donc au sérieux les riches? Elle les respecte et même peut-être les vénère? Elle ne comprend pas que c'est seulement par leurs exigences que les riches peuvent goûter le sentiment de leur supériorité et qu'ils révèlent par là, paradoxalement, combien ils sont pauvres! Elle ne comprend pas que leur seule raison de vivre est justement qu'on les envie et que cela les rend malgré tout esclaves de ceux qu'ils tyrannisent! Qu'on nous montre un riche heureux ou libre, et nous traverserons l'Atlantique en courant!

    Quel aveuglement, quelle naïveté chez G, comme chez les gilets jaunes! Car que nous disent-ils en substance sinon qu'ils ne veulent plus "être les dindons de la farce"! qu'ils endurent quand d'autres en profitent au soleil, comme si ces autres-là connaissaient la joie, étaient satisfaits, en paix, étaient forts, radieux, disponibles, bons! comme s'ils n'étaient pas au contraire inquiets, durs, haineux, jaloux, querelleurs et même vides! Il suffit de regarder le monde la télévision pour s'en convaincre: ses vedettes n'ont-elles pas tout, argent et influence, pour être au paradis et que font-elles de leur journée, à part se disputer, se dénigrer, se détester?

    Ayons le courage d'aller au-delà des apparences, car, rappelons-le, le "système" n'est pas mauvais, il n'est pas né d'une "tocade", ni machiavélique, mais il est le fruit de plusieurs siècles de combats, d'expériences, de révoltes, de tâtonnements! Sa logique s'inspire de la nature, de notre nature! D'autres pays ont essayé le communisme et ont connu un échec, car on ne peut nier l'instinct et durer! D'ailleurs, si on s'efforçait encore de niveler les inégalités, les gilets jaunes seraient sans doute les premiers à vouloir les remettre en place, puisqu'elles sont a priori les seuls critères qui montrent notre supériorité, notre réussite!

    Il y aura donc toujours des inégalités, des hommes en haut et d'autres en bas! et il vaut mieux voir les choses autrement, en comprenant que le bonheur n'est nullement la domination, mais la paix de l'esprit! C'est elle qui permet d'être libre, quelles que soient les conditions; car, on le comprend bien, l'amour-propre crée des besoins et rend esclave! Mais ici justement il renâcle... Il craint un piège... Il confond sagesse et sacrifice, et il se hérisse, car précisément il se sent déjà victime! Le comble serait de donner encore plus! Et l'orgueil peut être si âpre qu'il peut même refuser le bonheur! Il veut tellement ne rien perdre qu'il fait son propre malheur et celui des autres! N'est-ce pas Jésus qui disait à ceux qui le suivaient: "Pourquoi m'appelez-vous maître et ne faites pas ce que je dis!" Mais la voie de la sagesse est réellement joyeuse et ne conduit pas à la destruction; même si beaucoup se sont trompés par là!

    Cependant, revenons à G... Comme nous lui faisons remarquer que, si elle toussote avant chaque phrase, ce n'est pas parce qu'elle a froid, mais parce que c'est probablement un TOC, pour calmer son émotion, G s'en inquiète et nous le voyons à sa glotte qui monte et descend rapidement! Comme nous ne voulons pas non plus blesser G en aucune manière, nous la rassurons en ajoutant qu'il est parfaitement normal d'avoir peur de la vie et nous lui tendons ainsi une sorte de perche, on ne peut plus franche et amicale, afin que, si elle le désire, elle demande à en savoir plus, ou tout du moins elle enchaîne là-dessus, car la connaissance, la confrontation avec la réalité est la seule façon de guérir de ses TOC!

    Notre déception est donc certaine quand G nous affirme qu'elle n'a pas peur et qu'elle doute que son toussotement soit vraiment un TOC! Il fallait s'y attendre, c'est l'amour-propre qui réagit, qui se défend et qui se ferme! Pourtant, G ne toussotera plus jamais en notre présence, ce qui prouve que nous avions raison!

    Mais G continue à s'abuser... Elle nous annonce bientôt qu'elle cesse son travail de boulangère, car, dit-elle, il lui faut à tout prix un trente-cinq heures, sinon elle ne peut pas sans sortir! Et G va devenir vendeuse dans un magasin de vapotage... Nous pourrions parler à G de son instabilité, lui expliquer qu'elle choisit un nouvel emploi plus contraignant et moins intéressant, non par nécessité, puisque son ami subvient à ses besoins, mais bien parce que son temps libre l'inquiète, ce qui la conduit à "se mettre des fers aux pieds" sans plus tarder, mais à quoi bon? G niera encore ses sentiments et ne sera même nullement gênée, si plus tard elle en vient à pester contre la lourdeur de son travail!

    Mais voilà pourquoi il est si difficile de se faire comprendre des gens et notamment des gilets jaunes! L'hypocrisie protège l'amour-propre et empêche la connaissance et donc le progrès! Ainsi, le RIC (le Référendum d'Initiative Citoyenne) n'est qu'une manière détournée pour demander plus de pouvoir, de reconnaissance... et ne servira sans doute aux gilets jaunes qu'à faire une sortie honorable, car ils ne sont pas plus intéressés par la politique que la plupart! Ce qu'ils veulent, c'est gravir les échelons!

    C'est le cas aussi pour Mélenchon, qui veut une Assemblée constituante à la place d'un président fort... Ce retour en arrière lui permettrait de pêcher en eau trouble, comme on dit aux échecs, quand le mat est inéluctable et qu'on attaque n'importe où, dans le secret espoir de déstabiliser son futur vainqueur!

    Le seul mérite, selon nous, du mouvement des gilets jaunes, est de montrer que nous ne pouvons pas continuer à vivre comme nous le faisons, sans donner un véritable sens à nos vies! Ceux qui sont nantis ne sont pas heureux, mais ils le font croire! Cela n'est pas possible aux revenus les plus modestes et les gilets agissent comme des fusibles!

    La question est maintenant celle-ci: allons-nous en rester aux faux-semblants, ou bien, avec l'apaisement, une petite brèche se sera-t-elle ouverte, une petite lueur se sera-t-elle allumée? C'est à chacun de changer en profondeur, car c'est la sagesse qui est l'avenir!

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire