Du sommeil

  • Le 23/02/2019
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Du sommeil

 

 

 

    Toutes les études le montrent, de sorte que c'est désormais un fait avéré, nous dormons de plus en plus mal! Ce qui nous le fait comprendre, c'est moins nos insomnies que notre réveil... A cet instant, nous avons l'impression de sortir d'une lessiveuse ou d'un combat de boxe! Nous nous sentons malheureusement aussi fatigués que la veille, sinon plus! Et il nous faut reprendre notre journée de travail, retrouver notre quotidien, nos idées et nos problèmes!

    Comment cela se fait-il? Nous nous interrogeons... Les meilleurs spécialistes se penchent sur la question... On utilise des cobayes... On expérimente... On cherche le remède miracle! On publie enfin des résultats, avec quelques enseignements, quelques conseils: température ni trop chaude, ni trop froide; aérer la chambre avant le coucher; le moins de luminosité possible... et pour ceux qui ont les moyens, changement de literie!

    Mais, malgré tous ces bons préceptes, nous sommes toujours hagards et sonnés au sortir du lit et nous commençons par avoir peur de notre sommeil, comme nous regardons aujourd'hui, avec méfiance, notre assiette... Rien ne nous semble plus simple! Nous analysons à perte de vue! Mais, pour espérer bien dormir, chacun développe sa méthode, qui est plus ou moins heureuse... et surtout plus ou moins nocive!

    Il y a les boulimiques, les alcooliques et les anxieux! Les premiers se goinfrent au dîner, surtout dans la crainte d'être réveillés au milieu de la nuit, avec le sentiment d'une faim lancinante... Leur fatigue est telle qu'ils ne pourraient supporter un nouveau dérangement! Il faut qu'ils sentent leurs neurones apaisés par la digestion, comme la mer berce les algues! Hélas, ils ont beau prendre du poids, la fringale, tel un éclair, surgit dans les ténèbres et les taraude, en leur distillant de l'angoisse!

    Pour la psychanalyse, l'origine de la boulimie remonterait à la mère, à la marâtre dominatrice, écrasant l'enfant perdu; comme si nous ne grandissions pas et que la domination n'était pas le monde! comme si nous vivions dans des boules qu'on renverse, pour qu'il neige!

    Le boulimique est d'abord épuisé; il ne veut que souffler, se reposer... Certes, il s'est blessé, se blesse peut-être encore, à cause de sa fragilité psychologique, mais aussi mille idées fausses l'inquiètent, le harcèlent, qui viennent des sociétés aveugles et hypocrites, car la science, elle-même, peut jouer le rôle de parasite!

    Pour l'alcoolique, les choses sont plus claires... Il y a bien longtemps que son amour est une drogue: "Jolie bouteille, sacrée bouteille, veux-tu me laisser tranquille!", comme dit la chanson... Tout au plus, aujourd'hui, celui qui boit le soir se sent toujours maître de lui-même... Il apprécie ce qui est bon, c'est tout! Pourtant, il éprouverait une certaine gêne, sans son verre! Il deviendrait nerveux et il a parfois un réveil glacé, comme s'il avait raté quelque chose! D'après ses souvenirs, il baignait dans la douceur et maintenant, il fait si froid! 

    L'individu anxieux, lui, est plein d'une dignité offensée par l'insomnie!  Comment ose-t-elle s'en prendre à lui? Il ou elle courent chez leur médecin: on va voir ce qu'on va voir! L'insomnie aura des comptes à rendre! Le médecin écoute et prescrit... On repart vengé: cela ne vient pas de nous, mais c'est une maladie, qu'il faut combattre avec des médicaments!

    Anxiolytiques et somnifères nous entraînent en enfer, pourrait-on dire! On devrait toujours avoir recours aux médicaments qu'en cas de stricte nécessité! Les antidépresseurs eux non plus ne sont pas la bonne solution, car ils reposent sur un raisonnement pervers: retrouver un taux normal de monoamines nous réhabituerait au bonheur! La science est si fière de ses découvertes qu'elle n'en perçoit pas les limites! Or, la première joie, c'est l'indépendance; c'est balayer toutes les vanités! La réponse biologique est toute petite à côté de la révolte!

    Bref, nous revoilà à notre point de départ..., à nous demander comment mieux dormir, ou plutôt qu'est-ce qui trouble ainsi notre sommeil! Il n'est pas difficile de comprendre que deux sentiments gardent nos nuit: celui de notre sécurité et un autre qui lui est fortement lié, c'est l'espoir qui nous habite ou non! C'est la conscience de soi qui détermine nos rêves et qui valide notre absence nocturne, sans que nous devions goûter la salade freudienne du désir!

    Ce sont les bosses de notre carrosserie qui nous empêchent de dormir! C'est la dureté du monde! Ce sont les piétinements! Ce sont mille fantômes rencontrés dans la rue! Ce sont de vieilles querelles, jamais résolues! C'est la bêtise de la télévision! C'est l'égoïste qu'on a derrière soi! C'est le dégoût de l'un, la haine de l'autre! Ce sont les déclarations fracassantes d'un chef! Ce sont les affres d'un spécialiste! Ce sont les alarmes d'une célébrité! Ce sont les pleurs d'un enfant; l'enfermement d'un chat!

    Nous sommes dans une situation nouvelle... et il est normal qu'elle nous inquiète! Comment, les démocraties sont déjà là et on n'entend pas au loin le bruit des canons! Mais qu'allons-nous devenir? Où sont le bien et le mal? Mais que les extraterrestres enfin attaquent! Que chacun rejoigne son poste! Un ennemi et une mitrailleuse et c'est une saine fatigue physique! C'est le devoir accompli... Un rapport? On verra ça demain... Une fuite d'eau? Ah! ah! C'est amusant! Mais non, ce n'est pas grave! Allez, on va se coucher... Bonne nuit, tout le monde; c'est ça la vie: dormir quand on est bien! Et hop, éteinte la bougie!

    Mais c'est justement l'indécision qui est notre Voie lactée! C'est l'ambigüité qui veille avec nous... C'est elle qui nous apporte un café... et qui veut discuter! C'est ça, creusons! "Or, donc, tu es trop intransigeant!

    _ Ouais, ouais...

    _ Si tu mettais un peu d'eau dans ton vin...

    _ Ouais, ouais...

    _ Vois les Plantier, comme ils sont heureux!

    _ Ouais, ouais..."

    Nous avons l'air d'apnéistes entraînés par une gueuse... Nous sombrons dans les profondeurs et il nous reste tout juste assez d'air, pour refaire surface! Chaque jour, nous plongeons et nous ramenons des bouteilles vides ou des morceaux rouillés! De toute façon, c'est une vraie purée de pois là-dessous! Si seulement, on pouvait être sûr de quelque chose! C'est pas une sirène d'ambulances qu'on entend là? Encore un ou une qui viennent de tomber! Il y en a eu toute la journée!

    A côté du tourbillon du monde, l'influence des saisons continue malgré tout à se faire sentir... C'est l'hiver, la sève est rentrée et nous cherchons vainement une raison pour nous satisfaire... Notre amour-propre est un gueux qui mendie et gémit! Mais au lieu de patienter, de nous réjouir d'être dépourvus, car c'est ce qui permet de recevoir, nous décidons au contraire de nous durcir et malheur à ceux qui ne vont pas assez vite devant!

    C'est l'illusion de la tyrannie! C'est l'animal qui triomphe de la mort! C'est l'aveugle qui crie "Place! Place!" C'est le monstre immense et hurlant de la haine pour une seconde d'attente! C'est le bulldozer qui sursaute sur un gravillon! C'est la moue, le masque, le dégoût parmi les victuailles à l'infini! C'est la maussaderie le chariot plein! C'est l'énervement avec du saumon fumé! C'est l'irritation et les larmes devant le SUV flambant neuf!  

    C'est le sexe tout azimut! C'est la tristesse de refouler! C'est l'amertume de la solitude, de l'effort! Pire, c'est la suffisance de l'orgueil; sa domination qui le fait jouir et qui humilie! La technique du sexe? L'orgasme? C'est le sentiment de sa supériorité! Voilà la santé du sexe! La fusion, l'espoir? C'est pour les enfants!

    Le sexe, pour échapper à l'angoisse, a son réveil! On découvre l'autre, la faim apaisée... On savait qu'il ne fallait pas, que c'était piégeux... On a une machine à trancher devant soi, ou un mécanisme très délicat de bombe... Faut-il couper le fil jaune ou le bleu? C'était le vert, mais c'est trop tard! On court dans l'appartement avec un bras en moins! On perd tout son sang, mais l'autre va bien, merci! On a couché avec un fauve! On a aimé un cobra! On aura de la chance si on s'en sort vivant! La chair, c'est fantastique, mais elle n'existe pas sans nous, sans notre tête!

    Vaut mieux apprendre à calmer ses peurs...; c'est plus sûr... et infiniment plus constructif! Car on s'ennuie aussi... Quoi? Qu'est-ce que tu as dit? Tu te demandes qui va gagner les Oscars? Mais, non, le rouge te va très bien!

    C'est un tableau trop sombre? Mais il y a encore les Thénardier modernes! Le couple modèle!  celui qui hache menu ses voisins! qui salue son banquier, qui va au ski, qui parade! qui ne meurt jamais! Ce sont les gens sérieux, impassibles, les voix graves! Ce sont les poses de la richesse, le théâtre des notables, les figures de la cité!

    Que veulent-ils? D'où viennent-ils? Dans quelle dimension sont-ils? Peut-on leur parler, si on ne les admire pas? Seul le cancer apparemment leur ouvre les yeux! Ils sont sévères pour l'étranger! Leurs femmes sont sèches, aigres et les hommes impatients, capricieux tels des enfants en costume!

    Ceux-là sont dangereux, car ils ont un train de vie luxueux, sans contraintes, et si la situation se détériore, ils seront les premiers à se montrer agressifs, fermés, tant leurs besoins sont nombreux! Ils sont les plus hostiles au changement, bien qu'ils soient vides...

    Mais qui patiente, qui est doux, qui regarde, considère, aime? Qui essaye de comprendre, qui veut comprendre? Qui écoute, qui a du temps, qui favorise la vie, qui la reconnaît chez les autres? Qui ne se raconte pas, ne s'admire pas, ne se contemple pas? Qui a les yeux ouverts? Qui apaise, qui calme, qui tranquillise? Qui est en paix? Qui est source d'espoir? Qui voit les larmes et la douleur?

    Qui grandit? Qui a du sens? Qui est ouvert? Qui n'est pas noyé? Qui a du courage? Qui est vrai? Qui endure et persévère? Qui ne crie pas, ne maudit pas, n'aboie pas, ne distille pas son fiel, qui ne hait pas?

    Apparemment personne! Nous faisons de la vie un désert, âpre, dur, semé de pierres tranchantes; nous empoisonnons les puits et nous nous étonnons d'être amers, inquiets et de dormir mal!

    Mais pire, nous n'apprenons rien! Pourtant, la nature, la vie nous éduquent, nous enseignent incessamment et parfois durement, cruellement, par les accidents, la maladie ou la mort de proches. Mais sitôt que nous pouvons souffler et reprendre du poil de la bête, nous recommençons les mêmes erreurs, nous retombons dans nos travers! Qu'est-ce qu'il faudrait pour que nous changions? Nous sommes raides comme du bois; sourds; nous vivons tels des voleurs ou même pareils à des vautours: malgré notre laideur, nous nous précipitons sur le moindre morceau, qui peut nourrir notre vanité, notre égoïsme!

    Qui est détaché de soi? Qui est généreux? Qui ne fatigue pas? Qui rafraîchit? Qui est humble? Qui aime les fleurs et les oiseaux? Qui sourit aux nuages et au chant de l'eau? Qui sait vivre?

    Nous manifestons pour la planète ou contre l'antisémitisme et c'est encore du trouble, du bruit, de l'empressement, du rendement, même dans le bien!

    Qui se repose et repose? Qui ne juge pas? Qui attend? Qui a confiance? Qui cherche? Qui embrasse? Qui étend sa vue? Qui prend soin du silence? Qui écoute le vent dans les cimes? Qui marche? Qui ne profite pas? Qui ne prend pas?

    Nous sommes lourds parce nous ne donnons pas! Nous sommes tourmentés parce que nous ne nous libérons pas! Nous nous croyons responsables, matures, dignes, informés, adultes, actifs, travailleurs et nous ne sommes qu'une marée perdue, incohérente, grossière, sans discernement et usante!

    Nous nous blessons, nous nous piétinons, nous nous méprisons; nous voulons nous réjouir de la faiblesse de l'autre, de sa défaite; nous voulons du sang, qui est pour nous la couleur de la victoire et nous voudrions bien dormir? Mais les hommes des cavernes, près du feu, la nuit, ne tressaillaient-ils pas en entendant les cris des bêtes sauvages? Nous sommes pareils à eux, le confort en plus!

    A chaque fois qu'un individu, dans le monde, ouvre les yeux et prend le chemin de la sagesse, il sème les étoiles de nos futurs rêves!  

 
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