Du Grand jeu!

  • Le 02/03/2019
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Breles 1465 modifier

 

 

    Nous avons lu dans la presse, ces jours-ci, un article intitulé "Climat: la force d'un grand projet" (journal Ouest-France du mercredi 20 février). Habituellement, nous ne trouvons aucun intérêt à ce que disent les journalistes, car ils se font l'écho d'un monde dont les inquiétudes et les agitations, pour être nullement légitimes, perturbent inutilement! D'ailleurs, l'article en question ne fait pas exception, bien au contraire, comme nous allons le voir, mais nous avons acheté le journal par faiblesse, comme s'il pouvait diminuer un tant soit peu notre isolement, nous "réchauffer" pour ainsi dire; ce qu'il ne fera pas plus qu'une liaison nouée dans le fol espoir qu'elle va changer notre vie! Il n'y a pas de révélation subite et ce que nous sommes correspond à un lent travail intérieur, que nous devrions toujours respecter! La panique et l'instabilité sont de mauvaises conseillères!

    Cependant, l'auteur de l'article, propose un vaste mouvement en faveur du climat, à l'instar de celui pour la conquête spatiale, en Amérique, du temps de Kennedy, et ce d'autant que nos sociétés n'ont pas ou plutôt non plus de motivations générales, de grands combats fédérateurs!

    A priori, ce genre de discours est raisonnable et se pare de toutes les vertus, mais, si on y regarde de plus près, on voit que Ouest-France est toujours un journal lénifiant et pontifiant, ce qui ne remet pas en cause son sérieux, qui est moins fatigant somme toute que les déclarations partisanes et fracassantes d'autres feuilles de choux! Toutefois, notre journaliste montre tout de même soit son hypocrisie, soit son ignorance crasse, quant à ce que nous sommes, ou plus justement les deux à la fois (car l'une entraîne l'autre!)!

    En effet, qu'est-ce qui a permis aux Américains de se mobiliser et de refaire leur retard dans le domaine de l'espace? C'est bien d'abord que les Russes les ont piqués, dépassés, enfoncés même, avec le succès de Gagarine! C'est l'orgueil qui se réveille, qui retrousse ses manches, qui veut sa revanche! Moralité: seul un projet qui intéresse notre amour-propre est fédérateur!

    Or, on voit mal en quoi lutter contre le réchauffement climatique intéresserait notre vanité ou notre domination? "Mais c'est notre survie même qui est en jeu!", pourraient rétorquer certains! Vraiment? L'homme est à la fois plus qu'un animal et un animal et il ne réagit pas fondamentalement d'une manière contraire à celui-ci! Il y a une réaction quand il y a une attaque; il y a un réflexe quand il y a une stimulation et nous n'avons pas le couteau sous la gorge, ce qui fait justement que nous laissons aller les choses et que nous pouvons débattre de notre investissement! La nature est ainsi faite que nous nous engagerons à fond, quand la nécessité nous le demandera... ou que notre plaisir nous le commandera! Autrement, nous changeons nos habitudes, il est vrai, mais sans que nos vies en soient bouleversées et si nous nous alarmons, c'est que nous sommes fragiles et les victimes de nos inquiétudes!

    Considérons tout de même le cas où la France, grâce à la mobilisation de sa population, deviendrait un modèle d'écologie aux yeux du monde... Cela nous donnerait sans doute satisfaction, mais jusqu'à quel point? Ne subirions-nous pas un respect teinté de railleries de la part de nos voisins? Ne passerions-nous pas pour les dindons de la farce, d'autant que nous ne verrions guère de changements, dans la situation générale? Notre vertu ne serait-elle pas excessive, de sorte que, pour payer nos efforts, nous montrerions du mépris et de l'agressivité à l'égard de ceux qui ne suivraient pas notre exemple, comme se comportent déjà des extrémistes écologistes, ce qui rend haïssable leur cause?

    Toujours est-il que Macron lui-même, sur le sujet, fait machine arrière, qu'il rabat de ses ambitions et qu'au fond il apparaît tels ses prédécesseurs: intransigeant avec les autres, notamment avec les plus faibles, et de plus en plus accommodant, quand parlent ses appétits et les milieux qui les favorisent! Il est possible que nous nous trompions, mais c'est Trump qui doit bien rigoler, puisque Macron, en ardent défenseur de la planète, il y a peu encore, n'hésitait pas à le montrer du doigt!

    Mais nous sommes donc devant un projet, qui sonne creux et que pourtant son auteur voit comme un "formidable antidépresseur" et cela ne nous gênerait pas plus qu'autre chose, si tout de même on n'y trouvait pas quelque poison! Car notre journaliste, qui ne réfléchit pas beaucoup, croit toutefois en ce qu'il dit et nous lisons à un moment ceci: " Car entre la menace de la fonte des glaces et le risque de régression démocratique, la tentation peut être grande aujourd'hui de se replier, de se mettre aux abris, de baisser le regard. De cultiver son jardin, en attendant que la tempête passe. Mais dans quel jardin, puisque, cette fois, c'est l'environnement lui-même qui est le sujet? Nous sommes cernés, autant agir!"

    Vous noterez, en passant, l'affectation dans la ponctuation, puisqu'on coupe une énumération par un point, ce qui ne laisse pas de troubler, car peut-on "jouer les cygnes",  quand on est "cerné"? A-t-on jamais vu des cowboys s'admirer, alors que les Indiens les plus féroces leur tournent autour?

    Mais, comme nous l'avons dit, quand nous sommes directement menacés, nous n'écrivons plus, nous nous défendons et l'urgence que le journaliste veut nous faire sentir, lui-même ne l'éprouve pas! De là à penser qu'il nous verrait bien s'inquiéter à sa place, de sorte que nous réglions le problème pour lui...

    Mais remarquez encore le style: ne nous parle-t-on pas ex cathedra, comme en chaire? "Entre les glaces ruisselantes, où dormiront éternellement les tièdes, les mous, et la fournaise ardente du péché des villes, la tentation est forte! La tentation est forte de céder à la peur et d'enterrer son talent! Mais peut-on échapper à l'œil du Seigneur?"

    On dirait un sermon et comme tous les sermons, cela reste superficiel, dans la convention... Mais y a-t-il vraiment un risque de régression démocratique? Fait-on là référence aux attaques des gilets jaunes, à l'égard des journalistes? C'est possible, mais la diminution de la banquise et les émeutes ne nous prennent certainement pas en sandwichs! Un durillon nous semble bien plus préoccupant!

    Malheureusement, ce genre d'articles est typique de notre paysage médiatique... Du côté des journalistes, on est aveugle, parce que très fier de soi, et on n'hésite pas non plus à transmettre ses inquiétudes, ce qui rajoute bien entendu au stress général et ne témoigne pas d'un grand sens des responsabilités..., d'autant que c'est bien en restant tranquille chez soi qu'on peut le mieux lutter contre le réchauffement climatique, comme nous allons le prouver et sans doute le répéter!

    Certes, il faut une prise de conscience, des décisions politiques, une législation contraignante pour le pollueur et des gestes adaptés au quotidien, mais ce n'est pas suffisant! Un changement profond des mentalités est nécessaire, car il s'agit de modifier radicalement et durablement nos habitudes!

    Rappelons que sommes en partie des animaux et que nous voulons donc d'abord faire valoir notre domination et que c'est cela qui produit le développement de notre personnalité!  Cela entraîne également que la première chose qui nous anime, instinctivement, est la satisfaction de notre égoïsme ou de notre amour-propre ou de notre vanité; ce ne sont pas les mots qui manquent à ce sujet!

    Mais notre besoin de dominer a construit et construit toujours nos sociétés! Il est aussi à l'origine du degré de notre consommation, car et ce n'est pas difficile à comprendre, car plus nous sommes dominants et plus il nous faut de choses et de biens, ne serait-ce que pour "tenir notre rang", pour ainsi dire!

    Or, c'est bien les excès de notre consommation qui menacent notre planète, par les déchets sans nombre et les industries censées nous satisfaire! Cela est d'autant plus vrai que, si notre équilibre ne repose que sur la domination, nous serons tôt ou tard conduits à la tyrannie... En effet, la conscience ne nous donne pas seulement une capacité d'adaptation extraordinaire, mais elle suscite encore en nous des angoisses, auxquelles il est nécessaire de répondre... Si nous nous contentons "d'épater le voisin", pour ne plus sentir nos tourments, nous sommes dans une fuite en avant: non seulement nous voulons toujours plus, mais également la haine et le mépris nous habitent, ce qui est encore une manière d'assujettir les autres... Le résultat est évident, nous avons là un pollueur forcené, un assassin de la planète!

    Autrement dit, moins nous avons besoin de dominer et plus nous nous rapprochons de l'état d'humain et moins nous consommons et abîmons l'environnement! Et que l'on ne nous dise pas que baisser la consommation menacerait l'économie..., car c'est l'ensemble qui changerait, y compris l'importance de nos revenus, puisque c'est encore l'amour-propre qui a besoin d'un gros salaire!

    En fait, pour sauver la planète, il suffirait qu'un grand nombre commence à jouer au "Grand jeu"! De quoi s'agit-il? Mais de faire l'élastique entre l'animal et l'homme! de tendre vers celui-ci, en maîtrisant de plus en plus l'animal! comme on étire un muscle en somme!

    C'est de lutter contre tout ce qui découle de la domination: l'envie, la haine, le mépris, la violence; tout ce qui constitue chez nous la suprématie de l'animal (le cannibalisme en faisait partie!) ! C'est de privilégier tout ce qui est spécifique à notre conscience: la raison, la patience, la beauté, la sagesse, dans le sens où nous comprenons au-delà de l'instinct!

    Au reste, il y a déjà pléthore de manuels sur les exercices que l'on peut pratiquer, notamment les textes religieux! Le jeu s'effectue chaque jour: on sent l'animal, on le dompte et on voit l'homme apparaître! L'intérêt est vite évident: on s'écarte du mal et on souffre de moins en moins! La paix est la joie!

    Il y a pourtant une règle d'or: à aucun moment on ne doit se blesser, on ne doit ressentir de l'amertume, de la tristesse, de l'aigreur! Jamais on ne doit s'écrier comme Rimbaud: "Par l'esprit, on va à Dieu, déchirante infortune!"

    Dès que vient la douleur, on relâche le "muscle"! C'est-à-dire qu'on satisfait de nouveau l'animal, y compris dans ses haines, pas seulement dans sa sensualité, car on est allé trop vite! Si nous n'aimons pas la vie, nous ne sommes pas sur le bon  chemin! Si nous sommes malades, nous ne pouvons aider personne!  Il n'y a que les gens heureux qui sont disponibles! La sagesse ne peut s'étendre que si elle est source de plaisirs! On renonce à l'animal, non par devoir, mais parce qu'on comprend son impuissance, sa nocivité; parce qu'il ne libère pas, mais qu'au contraire il enferme, il éteint et condamne!

    Voilà le grand projet que nous proposons et que nous voudrions fédérateur! Le "Grand jeu" pour tout le monde! Evidemment, il faudrait en expliquer simplement les règles, mais sa logique n'est pas imperméable! Avec un peu bon sens, on en voit la valeur et le bien-fondé! C'est même imparable! Animal égale tyrannie! Tyrannie égale misère et injustice!

    Quelle est la vie de l'animal, du dominant? Des victoires certes! La réussite, le confort social! La considération! Mais surtout de la parade, de l'apparence! Les inquiétudes persistent, minent, dévorent, rendent agressifs, acrimonieux, jaloux! Beaucoup de mal pour peu de bien, avant le gouffre de la mort, dans lequel on tombe comme un aveugle! C'est sans discernement et entre les éclaircies, c'est quasiment la vie du rat: on se cache!

    Quelle est la vie du sage? La paix, la patience, la joie simple! On discerne l'autre, on l'épargne, on le respecte et même on lui pardonne! C'est la compassion, la compréhension à son plus haut degré! C'est une vie dans la beauté, lumineuse et qui fait goûter l'infini!  On ne piétine pas, on travaille pour le bien commun, on prend toute la mesure du temps!

    Voilà l'enjeu de notre projet: n'est-il pas plus attrayant que la vertu écologique? Ah! mais excusez-nous, on nous appelle depuis la régie... Quoi? Comment? Le tyran... Hein? Le dominant? Mais le tyran et le dominant, c'est la même chose, c'est l'animal! Hein? Il ne veut rien entendre? Il a tellement d'orgueil qu'il refuse d'écouter?

    Mais... mais dites-lui que c'est pour son bien..., que c'est pour son bonheur, ses plaisirs vous voulez! Hein? C'est la levée de boucliers! Mais... nous ne comprenons pas... Nous ne voulons pas la place du dominant... Il le sait ça? Ben, dites-le-lui alors! Ce qu'on veut, c'est juste lui expliquer certaines choses, une certaine logique... Hein? Qu'est-ce que vous dites? Bon sang, la liaison est mauvaise! On peut remballer? Comment ça éteindre les lumières? Puisque nous vous assurons que c'est pour le tyran.... le dominant, excusez-moi! que c'est pour lui, pour qu'il soit heureux, qu'il se libère!

    Comment ça, il nous méprise! Il est plus fort que nous? Il est plus beau que nous? Il est plus important? Il sait mieux que nous? Apprendre le rabaisserait? le ferait dominé? C'est rédhibitoire? Ah bon? Mais le réchauffement climatique? Des coups de boutoirs de la nature de plus en plus nombreux? Oui, certainement! Des catastrophes et des victimes? Oui, évidemment... De la solidarité tout de même... La fin temporaire des intérêts personnels? Le "Grand jeu" alors, malgré tout! Mais sans le savoir!

    Bon, bon, vous avez entendu les gars... On ferme! Le tyran est plus dur que la pierre! L'animal est sans pitié! Quelqu'un a un journal? C'est pas pour le lire, mais pour faire du feu! Il fait froid, c'est tout!

 
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