Du doute

  • Le 18/08/2018
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Du doute

    Le doute est un de nos adversaires quotidien... Chaque jour, il nous attend sur l'aire de combat... Parfois, il dresse sa stature monstrueuse et il nous enserre immédiatement par une méchante prise... Nous suffoquons, nous demandons grâce et quand il relâche enfin son étreinte, nous ne sommes plus que l'ombre de nous-mêmes, et nous voilà à nous traîner, sous les huées, vers un coin sale du ring!

    D'autres fois, c'est tout le contraire! Nous regardons calmement le doute et il tremble déjà! Non sans raison! Car nous l'envoyons dans la foule d'un simple mouvement de bras! Devant le public médusé, nous nous demandons même comment peut-on nous opposer pareille lavette! Et dans le vestiaire, nous martelons à notre manager, dont le cigare tombe, que c'est bien la dernière fois que nous devons offrir un tel spectacle!  

    Entre ces deux extrêmes, c'est plutôt une guerre d'usure... Le doute profiterait de la moindre fissure, pour nous pénétrer et nous ronger, comme s'il exerçait sa propre pression... et de même nous le chassons suivant notre moral, qui est plus ou moins "gonflé"!

    On comprend bien que le doute dépend de la conscience que nous avons de nous-mêmes... Plus celle-ci est forte et plus elle s'impose et rejette le doute, et il importe donc de revenir sur ce qui nous constitue, nous construit et nous rend sûrs de nous-mêmes! Cependant, nous allons aussi voir que ce travail, que cette lutte avec le doute nous est somme toute nécessaire, et que ceux qui ne la connaissent pas et qui même la refusent sont les vrais poisons de la Terre!

    Mais personne n'ignore le test psychologique qui demande de dessiner un arbre! Si les racines sont bien plus petites que le feuillage, une main lourde s'abat sur l'épaule du dessinateur! Il est catalogué comme fragile et il est emmené dans un camp spécial, où il pleure loin de sa maman!

    Mais il nous faut bien entendu revenir aux origines, car c'est d'abord durant l'enfance que s'établissent nos fondations... et principalement ce sont nos rapports avec nos parents qui vont constituer notre équilibre. S'il y a respect mutuel, si nous avons le sentiment d'avoir notre place, il n'y a a priori aucune raison pour que nous perdions un œil avec son ressort, ou une jambe avec son mécanisme coulissant! Et le doute dans ce cas nous regarde comme un "partenaire fiable"; il nous propose un tas de contrats et c'est un bras de fer commercial qui commence; nullement un affrontement de chars!  

    Par contre, si nous sommes grevés de chagrin, le doute vient nous voir en fredonnant et prend nos mesures, car il ne s'y trompe pas: nous "sentons déjà le sapin"! En effet, nous voilà dans cette partie obscure de l'humanité, celle des "perdants", des introvertis, des souffreteux, des dolents; de ceux qui se traînent et qui se plaignent toujours! de ceux qui ralentissent la société, des éteignoirs, de ceux qui devraient consulter et que même les psychologues morigènent, agacés qu'ils sont par tant de léthargie, de mauvaise volonté! La vie n'est-elle pas une fête?

     Mais ce n'est pas fini! On n'est pas seulement piétiné au départ! On n'émerge pas dans la vie active, comme à la suite d'un mauvais rêve, tel Belmondo au mieux de sa forme! Non, le doute, la fragilité en somme, va nous entraîner dans un fabuleux voyage! Son petit train entre dans le château des mille épouvantes! C'est le lot du raté! Et ici un masque affreux surgit, avec un affreux ricanement! Mais c'est de la pacotille! Voici le numéro de la scie circulaire... Un volontaire dans la salle? Oui, vous le type éteint au troisième rang! Venez!

    _ Non, je ne peux pas... En ce moment, mon sciatique...

    _ Et hop, je vous tire sur scène! Et on le remercie bien fort, par de chaleureux applaudissements! Merci! Alors je vous explique le truc...

    _ Oui...

    _ Vous êtes fragile... Vous doutez donc!

    _ Je goûte?

    _ Non, vous doutez! Encore un qui ne pense qu'à manger! Mais, mon pauvre monsieur, qui croyez-vous paie la boulimie? Nous, les contribuables, les gens sérieux! Je reprends donc, vous doutez! Comme vous êtes aussi plein de bonne volonté et un gentil garçon, vous faites des efforts et du fait de votre fragilité, vous pensez que jamais ils ne suffisent! Conclusion, vous vous... détruisez! Ah! Ah! C'est là toute l'astuce! Car non seulement vous avez déjà du chagrin, mais on va vous en donner encore! Allongez-vous sur la table!

    _ Mais non!

    _ Vous êtes bien tous les mêmes! Sécurité! A chaque fois, il faut faire appel à la force! Un numéro du tonnerre, j'vous dis! J'mets en route la scie circulaire...

    _ Mais vous êtes fou!

    _ Ne renversez pas les rôles, s'il vous plaît!"

    Ci-gît le "mollusque", le doute et la fragilité l'ont tué! Passant, qui que tu sois, prie pour les faibles!

    Mais qu'est-ce qui peut conduire des parents à "meurtrir" leur progéniture? Il y a des faits graves, comme l'abus sexuel, qui brise l'intégrité... Il y a aussi le grand film de la psychanalyse, en cinémascope, avec comme vedette le complexe d'Oedipe! L'enfant suit plus ou moins mal la notice freudienne! S'il est maladroit et qu'il se met de la colle sur les mains, il assemblera des pièces dans le mauvais sens! Il présentera une chaumière informe et restera bloqué à une étape du rallye! avec souvent une furieuse envie de faire pipi, ou pire! En se dandinant, il pourra réfléchir à ses petits plaisirs de pervers polymorphe, non mais! 

    Hélas! hélas! L'épopée hollywoodienne est passée, faute de crédits! Et nous allons nous montrer bien plus réaliste, bien plus pragmatique même que tout le peuple américain réuni! Car on peut en vouloir à un enfant, on peut l'écraser pour une raison simple, très logique, et qui se rencontre tous les jours, sous nos yeux, partout, et qui pourtant semble absolument ignorée, en particulier par la psychologie! (Qui a crié: "Les psy au poteau!"?)

    Et si un "môme" pouvait aider à se remettre en forme, hein? C'est qu'la vie, elle est bien injuste! Elle s'occupe pas toujours de nous! Moi, l'bourreau, j'aime bien qu'on soit aux p'tits soins pour moi! J'le mérite! Mais y a des moments où les autres y rigolent entre eux! J'me sens subitement seul et puis j'vois dans son coin une belle victime, genre enfant doux, attentif et sage; c'est ceux qu'je préfère !

    La docilité, y a qu'ça de vrai pour un bourreau! La bonne volonté, c'est comme un mur quand on joue au tennis! T'as beau frapper le môme, y revient y goûter! Le c...! C'est qu'il aime ses parents!

    L'enfant paillasson, vous connaissez? Non? On "s'essuie les pieds" dessus pour retrouver un peu d'allant! On le conduit avec autorité, on le presse, on l'humilie, on le fait pleurer pour se sentir à nouveau chef! On retrouve le sentiment de son importance, par l'exercice du pouvoir! Peu importe les dégâts, faut qu'ça fume!

    Vous pensez que j'évoque là un cas particulier, extrême, anormal; le fruit véreux de quelque parent monstrueux! Mais les rapports de l'enfant avec ses parents sont généralement ceux qu'il aura avec la société et si vous regardez autour de vous, vous verrez que constamment les plus faibles servent de faire valoir aux plus forts!

    Tout s'éclaire dès qu'on prend conscience de notre instinct ou de notre soif de domination! Le tyran n'est rien d'autre qu'un individu qui ne voit que la satisfaction de son égoïsme; le doute il ne le connaît que les années bissextiles!

    Le tyran est le type le plus courant, car c'est le plus facile; celui qui fait plaisir immédiatement: on a du succès parmi les hommes! On peut s'admirer, mais quand le public manque; quand on n'a personne pour se mettre en valeur; il reste l'oppression, le mépris, la haine que l'on peut faire subir à tous ceux qui justement sont hésitants, gauches, fragiles à cause du doute!

    Ces scènes-là ont lieu chaque jour! On toise, on commande, on pousse, on moque, on écrase, on avilit, on injurie, on bat même les doux, les patients, les timides, les silencieux, les pauvres! On accentue le travail du doute chez eux, sa destruction! On fournit des victimes à la dépression! On les jette dans son feu en grognant!

    Pour certains, le doute prend des proportions colossales! Il occupe toute la maison, tout l'esprit! Il conduit à se blesser cruellement! Il peut mener au suicide! à la boulimie, à l'anorexie! à toutes sortes de maux qui transforment la vie en chemin de croix!

    Et que fait le tyran pendant ce temps-là, mesdames et messieurs? Il se goberge, il s'en "met plein la lampe"! Il accumule tous les plaisirs, il ne perd jamais une occasion de paraître, de dominer, de montrer sa supériorité, sa superbe!

    On pourrait me croire manichéen, simpliste; mais le tyran a le nez dans son amour-propre comme un cochon dans sa bauge! Rien ne le dérange et invariablement il revient sur lui-même; vous n'existez que si vous le flattez, que si vous vous occupez de lui!

    Le tyran trouve votre attention parfaitement naturelle! Il n'y voit aucun effort et si vous y manquez, vous aurez droit à son mépris! même si cela fait plus de dix ans que vous nettoyez sa voiture! Car le tyran a tous les droits! Quand il veut haïr, il hait! C'est juste! C'est son monde qui compte, c'est le seul qu'il connaît!

    Le doute supplie le tyran de l'écouter! Il lui parle des arbres, des fleurs, des torrents, du bleu de la mer, de l'écume immaculée, des nuages, des papillons! Mais le tyran fulmine, il bout, car on a osé lui dire qu'il avait un ongle peut-être trop long! Il reste sourd aux appels du doute, qui lui rappelle l'histoire, les millions de morts, tous ces jeunes tués, massacrés, loin de chez eux, comme ça, comme on souffle une bougie! tous ces crimes, toutes ces souffrances, tous ces cris, tout ce désespoir produits par les guerres!  

    Mais on a osé "effleurer" le tyran! Il est plein de rage, de mépris; c'est un mur, son ombre se dresse jusqu'au ciel! Il médite sa vengeance! Elle sera terrible! Déjà des corbeaux , des vautours survolent le tyran! On sait combien il est dur, cruel, qu'il ne fait pas de quartier et que son sillage est facilement encombré de cadavres!

    Le doute revient à la charge! Il rappelle au tyran la mort, la triste fin, le trou dans la terre! Il enchaîne sur la misère, les enfants squelettiques, la poussière, les mouches; le confort de nos sociétés, l'eau à volonté, les boulangeries illuminées!

    Mais la haine du tyran est implacable! Qu'est-ce qui pourrait le dérider, sinon des plaintes et des gémissements montant vers lui? Et le doute s'en va! Il rejoint le plus faible, celui qui boite, celui qui tremble! Le doute creuse l'âme fragile, comme une coquille d'huître; il en fait un vase, prêt à se remplir de la sagesse!

    L'esprit du tyran est comme un château fort; celui du sage est vide, humble, pour recevoir l'eau limpide du savoir! celle qui est comme la rosée sur les fleurs, celle qui rafraîchit éternellement, celle qui apaise! qui console et qui donne de la joie! celle qui fait danser! qui donne la victoire! la seule qui soit sans morts, sans victimes!

    C'est la récompense du doute, de celui qui cherche! Le doute marche dans la nuit, trouve les portes closes et doit lutter contre le froid! Le doute gémit, pleure, maudit, boit le sel du chagrin! Le doute pense qu'il est fou, abandonné, méprisable; il mange des pierres!

    Le tyran, lui, festoie; il n'en a jamais assez! Il s'ennuie! Il n'est pas satisfait, il veut toujours plus de distractions! de plaisirs! On lui doit tout! Il ne comprend rien et ne veut rien comprendre! Il tape sur la table s'il se sent lésé; il terrorise! Il veut des comptes! Il menace, il crie; il pèse sur les autres! Son égoïsme l'accompagne comme son chien!

    Le doute a mené le sage au puits intarissable, à la source qui rend clairvoyant! Le sage reconnaît, devine, prévoit, tend vers l'infini, vers le regard de Dieu et ainsi se forme sa paix!

    Le tyran gronde encore, son cercueil est trop petit!

    Le sage rejoint la lumière!

   

 
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