De l'argent

  • Le 22/06/2019
  • 0 commentaire

De l argent

 

 

 

    Nous avons vu que notre époque a ses monstres et qu'ils n'ont pas fini de nous faire pleurer! Mais nous allons expliquer maintenant beaucoup plus précisément leur origine, ce qui ne nous renverra pas à la psychanalyse, Dieu merci, pourrait-on dire! Nous serons bien plus efficace et bien plus lucide, car "nos" monstres sont d'abord produits par le comportement des adultes et nous remettons donc naturellement nos sociétés sur la sellette!

    En septembre 2008, le patron de la banque Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, appelle son prédécesseur, Henry Paulson, qui est devenu le ministre des finances du président Bush: "Je t'en supplie, Hank, fais quelque chose!" La situation est en effet très grave... Lehman Brothers, une autre banque géante américaine, vient de faire faillite et les bourses du monde entier sont en proie à la panique! Le colosse de l'assurance, AIG, menace lui aussi de s'effondrer, alors qu'il doit à Goldman Sachs près de vingt milliards de dollars!

    En fait, c'est toute la planète monétaire qui connaît un séisme de magnitude 12, ce qui place l'humanité au bord d'un gouffre, car il est impossible de mesurer toutes les conséquences de cette situation inédite! Mais comment en est-on arrivé là?

    Les plus grosses banques mondiales sont loin de la traditionnelle banque de dépôt! Elles n'investissent pas avec l'argent de leurs clients, mais elles agissent sur les marchés financiers, ce qui rend abstraite leur activité aux yeux du profane... Leurs opérations peuvent s'emparer des entreprises les plus puissantes et elles menacent même des gouvernements!

    En 2002, la Grèce fait appel à Goldman Sachs, pour entrer dans la zone euro... Il s'agit pour la banque de masquer le montant réel de la dette du pays, de sorte que son économie soit en accord avec les critères du traité de Maastricht! Ce n'est apparemment pas illégal, mais en 2010 le scandale éclate, les abîmes sont révélés, c'est la crise de l'euro!   

    Elle est d'autant plus violente qu'on apprend que Goldman Sachs a entre-temps spéculé sur la baisse de la nouvelle monnaie, puisque la banque, elle, savait parfaitement à quoi s'en tenir! Tout le monde a suivi les efforts énormes de l'Union européenne, pour sauver sa création... La tension qui s'est alors installée entre l'Allemagne et la Grèce a été extraordinaire, jusqu'à ce que le président Tsipras rappelle la période nazie!

    Goldman Sachs se croit le maître du jeu, sur la scène internationale, et en 2005, l'un de ses employés, le Français Fabrice Tourre, invente un produit financier séduisant et complexe, appelé Abacus; nom qui désignait à l'origine le bâton de commandement du grand maître des Templiers! (Le trader ne se surnomme-t-il pas dans ses mails: "Fab le fabuleux"!)

    En fait, Abacus n'est qu'un CDO spécialisé... Il est essentiellement constitué par des titrisations de créances, celles des Subprimes; les banques mettant même sur le marché l'argent qu'on leur doit, car ainsi elles se remboursent plus facilement! Quant aux Subprimes, ce sont ces crédits, majoritairement immobiliers, que l'on propose sans exiger de l'emprunteur une solvabilité sérieuse... Ils sont à risques, mais d'un très haut rendement, à cause de leur taux d'intérêt très élevé!

    Toujours est-il que les produits tel Abacus sont la manne du moment; ils permettent de s'enrichir vite et de nombreuses banques, quelle que soit leur nationalité, en achètent! Tout cela circule à travers des fonds d'investissements, dans une sphère réservée aux initiés... Mais en 2007, près de trois millions de foyers américains ne peuvent plus rembourser leur crédit... Qu'à cela ne tienne, leurs maisons sont saisies, pour être revendues... Comme on pouvait le prévoir, le marché de l'immobilier s'engorge et des sociétés de crédits, après avoir dépouillé leurs clients, font elles-mêmes faillite: les produits financiers, liés aux Subprimes, deviennent subitement un poison mortel!

   Les pertes sont colossales, elles se chiffrent en centaines de milliards de dollars! Goldman Sachs voit le danger et s'empresse de vendre ses titres, notamment auprès de banques européennes, fascinées pas la puissance anglo-saxonne et qui ignorent encore la réalité du marché américain! Par contre, Lehman Brothers ne peut éviter la faillite, car Washington refuse de lui venir en aide... Goldman Sachs pense être à l'abri, mais la menace qui pèse sur AIG fragilise la plus grande banque du monde, qui est prise elle-même pour cible par des spéculateurs... C'est une curée de requins ivres et c'est à ce moment que Lloyd Blankfein appelle au secours les anciens de Goldman Sachs, qui travaillent au gouvernement!

    Question: peut-on laisser le marché financier partir à vau-l'eau? Chacun a vu, en 2007, cette file de clients pressés de récupérer leur argent à la banque Northern Rock, qui sera nationalisée par le Royaume-Uni, afin d'éviter la panique! Qui voudrait voir ce genre de comportements multiplié par mille? La rue ne s'embraserait-elle pas? Est-ce que ce ne serait pas le chaos? Washington se décide donc à agir et le groupe AIG est placé sous perfusion... On accorde à Goldman Sachs le statut de banque de dépôt, afin qu'elle puisse bénéficier des aides publiques...

    La place boursière internationale ressemble à une vaste salle d'hôpital, après un bombardement! On panse les plaies, on rassure les uns, on opère les autres parmi les gémissements... En France, en Allemagne, en Angleterre, les états sont devenus des urgentistes, alors que les ambulanciers ne cessent d'amener de nouveaux blessés! Et tout ça parce que de sales gosses, qui se croyaient des hommes, ont joué avec les allumettes, jusqu'à provoquer un incendie!

    A force de manœuvrer avec de l'argent, les gouvernements stabilisent la crise et nous voilà comme des sous-mariniers, qui guettent les structures de leur bâtiment, qui a cessé de s'enfoncer! On entend des craquements, mais ça tient! On va pouvoir refaire surface; le monde est sauvé!

    Mais, à peine un an plus tard, rien n'a changé! Goldman Sachs et AIG annoncent des bénéfices records et des bonus mirobolants, ce qui déclenche la colère, la haine de Main Street, de l'homme de la rue; car c'est bien l'argent du contribuable qui a permis ce redressement, tandis que le plus grand nombre continue sa vie laborieuse! Mais de nouveau on se sucre, sans même la reconnaissance du ventre!

    Une inimitié particulière naîtra d'ailleurs entre le nouveau président Obama et Lloyd Blankfein; le premier voulant une réglementation stricte des marchés! Mais, aujourd'hui, on n'entend plus personne, ni les banques, ni les agences de notation, qui ont pourtant si longtemps défrayé la chronique! Nul doute que les mêmes activités continuent dans l'ombre, en amont de la prochaine catastrophe!

    Goldman Sachs a voulu améliorer son image auprès de l'opinion et la banque a multiplié les dons, mais son président a toujours refusé de s'excuser et de reconnaître ses erreurs... Cela ne devrait pas nous étonner, car nous connaissons maintenant la logique de la domination!

    En effet, en dehors de permettre d'acheter à manger, l'argent donne deux choses: le pouvoir et le sentiment de la sécurité! Mais nous savons encore que dominer est continuer la vie animale, ce qui constitue une fuite en avant, puisqu'il est impossible dans ces conditions d'apaiser  fondamentalement l'angoisse qui nous est propre, à nous, les humains, et qui découle évidemment de l'existence de notre conscience!

    Le tyran, qu'il soit un homme ou une femme, se tient en réalité dans une "bulle"... Il faut que partout et incessamment il se sente le centre d'intérêt, le personnage le plus important! Le but de sa vie est qu'il se voit supérieur aux autres; c'est la seule source de son soi-disant équilibre!

    Il faut donc au tyran toujours plus d'argent! C'est la barrière qui le sépare des inférieurs! Vous pesez combien de dollars? Vous habitez dans quelle ville, dans quel quartier? Vous fréquentez qui? Appartenez-vous à tel club? Votre femme s'habille dans quels magasins? Dans quelle école vont vos enfants? Où allez-vous en vacances? Avez-vous un yacht? Si oui, à quel ponton est-il amarré? Est-ce qu'il y a un petit drapeau, avec un soleil souriant, à l'arrière..., à la poupe, pardon! Oui? Alors, bienvenue, nous sommes vraiment du même monde! Je vous avoue qu'à un moment j'ai cru avoir affaire à un imposteur, à un de ces bons à rien qui fouine sur le port! Mais, bon, me voilà rassuré! Martha! Martha! Viens voir qui est là; c'est les assurances Block!

    On comprend que le mépris est nécessaire au tyran, puisqu'il rabaisse et même détruit ce qu'il y a autour! Il maintient donc la "bulle" du pouvoir! S'excuser paraît au tyran une chose impossible; c'est comme demander à un unijambiste de sauter! Les mots restent dans la bouche... S'il venait à reconnaître son erreur, le tyran verrait son monde s'écrouler! La réalité de l'autre est pour lui terrifiante! La mer s'engouffrant dans une coque lui ferait moins peur! Mais le mépris peut être tellement fort qu'il fait ignorer cette fragilité!

    Un autre exemple de cette attitude nous est donné actuellement par Didier Lombard, l'ancien patron de France Télécom... En 2005, il rêve de faire la une de Forbes, d'être l'égal des patrons américains, qu'il admire tant, et même de susciter leur jalousie! France Télécom devient donc une usine à rendement, un modèle du genre, où les employés sont forcément considérés comme des suspects, avant d'être poussés dans leurs derniers retranchements!

    Le résultat est que dix-neuf d'entre eux se suicident et que douze autres font une tentative! On ne peut pas changer brutalement la culture de quelqu'un, surtout quand on prend la pire face de celle qu'on veut imposer! Accusé de harcèlement moral, Didier Lombard nie absolument les faits, même s'il déplore bien entendu (base de la com.!) le départ de ceux qui ne reviendront jamais!

    Au contraire, l'ancien patron, pour se défendre, se présente comme l'homme providentiel, qui a redressé l'entreprise: c'est dans la lignée de son personnage! S'il devait demander pardon, admettre ses torts, c'est toute sa vie qui partirait au gré du courant et plus rien n'endiguerait son angoisse!

    A la même époque, 2007, Nicolas Sarkosy est le premier président de la République à croire que l'on peut gouverner un pays comme une grande entreprise! Lui aussi a les yeux qui brillent quand il regarde outre-Atlantique! Il gagne les élections et il va fêter sa victoire, avec ses amis, au Fouquet's, en pleine lumière! C'est normal, c'est le travail d'une équipe qui est récompensé!

    Plus tard, Sarkosy est en vacances sur le yacht de Bolloré! Mais une nouvelle fois, c'est mérité! Il est comme un patron du CAC 40, qui se détend après de bons résultats... Mais il ne lui viendrait même pas à l'esprit qu'il y en a qui travaillent davantage et qui pourtant n'ont jamais pu prendre de vacances! Mais là encore, c'est le mépris qui aveugle!

    En fait, l'argent et le pouvoir forment un monde à part! On s'y choie, s'y place, s'y caresse, s'y protège, s'y goinfre! Ce sont des passe-droits, des copinages, des carnets d'adresses, des listings, des comptes obscurs, des affaires, des non-lieux inexplicables, des secrets d'état!

    Ce sont des fauves qui montent, des gens sans foi ni loi, prêts à tout pour réussir! des équilibristes, des rats d'égout! C'est une mafia politique, qui encaisse le montant de sa protection! C'est une nomenklatura avec ses valets! Ce sont des parvenus qui crient haro sur le baudet, en désignant les chômeurs et les bénéficiaires du RSA! C'est un Wall Street à la française! C'est une cour de Versailles en pleine république!

    Voilà pourquoi les gilets jaunes dénoncent un monde des riches et son complot! Voilà pourquoi ils se comparent si volontiers aux sans-culottes!

    Mais comment les adolescents, eux, perçoivent-ils tout cela? Qu'éprouvent-ils en découvrant toutes ces crises, cette violence, qui sont essentiellement les fruits de l'égoïsme? Que font-ils de l'angoisse dont les adultes se déchargent sur eux; d'autant qu'on leur murmure que la planète est perdue?

    Nombreux sont ceux qui s'abrutissent avec de l'alcool, pour ne plus voir leur environnement! Nombreux encore sont ceux qui jouent à des jeux dangereux, mettant leur vie en péril! D'autres deviennent des délinquants précoces et notamment, à peine pubères, des violeurs!

    Et puis il y a "nos" monstres, qui méprisent déjà le monde entier, qui se vouent un culte! Comment peuvent-ils sentir toute leur supériorité, s'ils ne veulent pas non plus jouer des coudes? Et s'ils allaient tuer leurs camarades de classe? Ils seraient d'un coup plus forts que leurs aînés! Et la mort pour eux? Mais elle est aimable, comme tout ce qui est extrême à cet âge!

    N'est-ce pas aux Etats-Unis que les tueries de ce genre sont les plus nombreuses? Et les kamikazes du djihad n'ont pas d'autres raisonnements, même si leurs chefs leur font la promesse absurde qu'Allah aime les assassins!

    Ah oui! Le joli monde que voilà!

    (Nous vous invitons à découvrir les photos de la semaine!)

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire