D'obéir

  • Le 25/08/2018
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D obeir

   

 

 

 

 

     Quand nous étions enfants, notre monde s'arrêtait à l'autorité des parents; d'où notre sentiment de sécurité, malgré nos peurs ou nos drames, car il y avait une limite, un terme à nos choix! A partir d'un certain stade, il n'y avait qu'à obéir, qu'à suivre un ordre, qu'à respecter certaines règles et cela nous semblait naturel, indiscutable, bien qu'à l'occasion nous puissions renâcler ou nous révolter, ce qui montre par ailleurs que nous ne demandions pas mieux que de conquérir notre liberté et combien nous étions impatients d'en jouir, car alors on aurait pu être et faire ce qu'on voulait! Notre personnalité se développait ardemment et on rêvait d'entrer dans la vie active, d'échapper à la tutelle des parents!

    Si cette soif d'indépendance est en chacun de nous, on peut se demander si elle n'est pas amplifiée à mesure qu'elle est contrariée, si elle ne devient pas d'autant plus vivace qu'elle rencontre des restrictions, comme si l'esprit se plaisait à imaginer toutes sortes d'aventures, à condition qu'elles ne soient pas réellement sérieuses, puisque l'autorité des parents les empêcherait; comme si la sécurité pouvait servir tel un trampoline, pour sauter plus haut! Car dès que les portes de la vie s'ouvrent en grand, un courant d'air glacial semble souffler sur la majorité et nos destins deviennent compliqués, comme un champ de fleurs bouleversé par le vent! Où sont passées nos aspirations si vives qu'elles devaient nous faire pousser droits?

    C'est qu'au fond nous sommes tous devant l'inconnu! Et c'est même là peut-être le grand miracle de la vie! Des milliards d'êtres nous ont précédés et pourtant nous n'en savons pas beaucoup plus qu'eux; notre présence sur Terre a toujours un caractère d'étrangeté, mais cela veut dire aussi que nos vies peuvent être inventées, devenir une création! En somme, notre individualité garde toute sa chance de prendre toute sa dimension! Nous n'avons pas à suivre le chemin des autres, à mettre nos pieds dans leurs traces, à moins que nous ne le voulions! Autrement dit, l'homme est toujours nouveau, car son questionnement demeure! Certes, l'expérience de l'humanité grandit sans cesse; la science apporte des réponses; les arts changent notre regard, mais la mort et la majesté des nébuleuses gardent leur secret!

    A priori donc, nous disposons d'un terrain de jeu infini! Bien entendu, la société a des lois, des règles, elle exige de nous des devoirs et en échange elle nous offre une protection, un cadre de vie; mais il n'en demeure pas moins que notre conscience reste libre et qu'on peut même s'aménager un quotidien qui soit le moins contraignant possible, afin justement d'avoir plus de temps pour réfléchir! Mais veut-on vraiment cela? L'inconnu n'est-il pas précisément ce qui nous effraie, ce qui nous rebute?

    Si nous avons des questions, des peurs, des tensions, ne cherchons-nous pas le plus rapidement possible des réponses, un soulagement, de la distraction? N'évitons-nous pas autant qu'on le peut ces moments qui justement sont flottants, incertains, ténus, apparemment dénués d'intérêt, qui semblent même maussades, tristes, au point de nous mettre mal à l'aise? Mais comment pourrions découvrir sans trouble, sans émotion, sans gêne, sans anxiété? Pourrait-on ne pas quitter la tranquillité des sentiers battus et trouver en même temps une chose nouvelle? L'invention, l'idée n'a-t-elle pas un prix; c'est-à-dire peut-elle être obtenue sans difficultés? 

    Où est l'enfant qui "rêvait de tout casser"? qui brûlait d'être? qui voulait les étoiles? Devenu adulte, il a le champ libre, mais il n'est plus là! Il n'est pas au rendez-vous et chacun ici a une explication, une histoire, un prétexte! Ecoutons-les!

    " Rêvez, c'est bien! Faut rêver! Mais vous verrez, quand vous s'rez grands! Y faudra gagner sa vie! avoir un métier! Et là couic, faudra marcher au pas! Plus question d'battre la campagne! C'est ça, la réalité, les p'tits gars!"

    Et en effet ce raisonnement a sa part de vérité: "Faut bien gagner sa croûte!", mais on peut se demander à quoi sert une vie livrée à un travail qui ennuie, qui n'est qu'une corvée! Imaginez plus de quarante ans à se contenir, à s'efforcer de "tuer le temps"! On donnerait le vertige si on répertoriait tous les moyens trouvés pour que la journée passe, quand il n'y a rien à faire! J'ai connu une équipe qui tournait trois fois de suite autour du même rond-point, afin de ne pas arriver trop tôt au dépôt! C'est l'homme qui apprend à devenir une tortue, et qui même rentre comme elle la tête! Tout ça, pour la sécurité!

    Inutile de dire que ces conditions sont propices à l'alcoolisme, à une sexualité morbide et aux énervements! La moindre tentative des employeurs pour changer les choses est sentie comme une perte et provoque une crise!

    Mais voici un autre discours: " Profite de ta liberté, mon garçon! Quand tu auras fondé une famille, tu n'auras plus une minute à toi! Les enfants te prendront tout ton temps! Il y a leur éducation, leur santé; ils te donneront des cheveux blancs et même te conduiront à la tombe! Le rêve, c'est bon pour les célibataires! Les égoïstes autrement dit! Enfin, la famille reste quand même une aventure!"

    Ces dernières paroles sont généralement dites avec regret, comme s'il fallait être quand même content de son sort; question d'orgueil sans doute! Cependant, il est vrai que nul ne peut prévoir où le mènera une famille et c'est sûrement bien des soucis et peu de libertés! Nous voilà responsables des autres!

    Mais au lieu de s'en réjouir ou d'en être absolument fiers, nous présentons la chose comme une prison, un devoir et on oublie un peu vite que seul le plaisir a normalement dû guider nos pas; car c'est bien par amour que nous nous sommes unis à quelqu'un, et c'est bien par espérance que nous avons souhaité des enfants! Rien ne nous forçait sur ce chemin, à part peut-être toute l'horreur que nous avons perçue à vivre solitaire!

    Car toutes ces explications, qui tendent à nous faire croire que nous n'avons jamais eu le choix, ont tout de même un dénominateur commun, une cause récurrente, à savoir un désir inavoué d'obéir, de "rentrer dans le rang", d'être privé de sa liberté par des devoirs, un fonctionnement indiscutable!

    En fait, quoique adulte, nous n'avons pas quitté la situation de notre enfance, alors que nous n'avions qu'une seul hâte, celle d'en changer! Mais nous nous retrouvons de nouveau avec une tutelle et des règles que nous ne pouvons transgresser! L'autorité de nos parents est devenue celle de la personne avec laquelle on vit, ou bien celle de notre employeur, ou bien même celle produite par les obligations de notre quotidien!

    Mais si nous avons voulu obéir, c'est bien entendu par peur de l'inconnu! Pour certains, d'ailleurs, il n'est même pas été question d'entrevoir quoi que ce soit: la quête de sécurité est si forte qu'on "glisse" d'un "système" à un autre, d'un joug à un autre; comme on évite de regarder le fond d'un précipice, en longeant ses bords, par peur du vertige! 

    Pour d'autres, l'inconnu a été comme de mettre le pied dans une eau glacée; il a provoqué un dégoût, une épouvante qui a marqué à vie, et l'on passe le restant de ses jours dans la chaleur du foyer, avec le travail en semaine et la promenade dominicale!

    Mais il y a une autre raison que la peur ou l'angoisse qui nous fait fuir l'inconnu! C'est qu'apparemment il est sans grades! Loin des hommes, il n'a pas l'air de conduire à la réussite! Il ne flatte pas l'orgueil, ni l'égoïsme! Tout au contraire, il a tous les symptômes de la maladie; il paraît aussi inutile qu'anormal! N'est-il pas opposé à la chaleur humaine, au simple bon sens, à la notion de devoirs, de responsabilités!

    Nous, qui sommes dans la normalité, dans la chose reconnue, approuvée par tous, n'avons-nous pas fait le bon choix? Ne sommes-nous pas les gens vraiment responsables, courageux, qui affrontons la vie comme une figure de proue, dignement, fièrement?

    Et le faible qui doute opine, reconnaît son erreur! Celui qui cherche est fragile et parfois il ne demanderait pas mieux que de rejoindre le plus grand nombre, d'être lui-même asservi par quelque fonctionnement! Il est alors la dupe des autres, car tout le monde ici a oublié sa peur de l'inconnu et même la réalité! Car la société est bien différente de ce qu'elle prétend être!  

    D'abord, nous ne sommes pas heureux! Nous traînons notre ennui dans la rue, quand ce n'est pas notre dégoût! Malgré tout notre confort! Nous n'arrivons même pas à être en meilleure santé, car nous sommes victimes de troubles de toutes sortes! Mais comment pourrait-il en être autrement?

    Nous ne regardons pas nos peurs en face! Nous les refoulons, au profit de notre orgueil! Car en plus la rue est un théâtre! où il s'agit de s'afficher comme les plus beaux, les plus forts! Nous ne calmons, ni ne comprenons donc nos inquiétudes et notre environnement, produit par un mélange de craintes et d'égoïsme, ne peut pas ne pas être agressif, épuisant, destructeur!

    Mais ce n'est pas le pire! Il y a en effet un signe qui ne trompe pas sur nos états d'âme! C'est que si nous rencontrons quelqu'un qui nous paraît plus heureux, plus libre, quelqu'un qui justement a eu le courage d'explorer l'inconnu, son inconnu, alors nous le haïssons, nous le jalousons, nous lui faisons connaître tout notre mépris, au lieu de lui demander les clés de son éclat, de son épanouissement! car encore une fois une telle démarche, une telle demande déplairait à notre orgueil! à notre amour-propre ou notre soif de domination!

    Cette attitude témoigne sans conteste de notre misère! de notre pauvreté d'esprit, de notre profonde insatisfaction, de la souffrance de notre vanité et par là de notre ignorance crasse, dont nous voulons quand même être fiers! Un homme heureux, à l'aise, content de son sort, ne perd pas ses forces; il peut se montrer curieux des autres, car il est disponible! Il possède surtout son propre trésor, celui qui le nourrit et lui fait savoir qu'il est sur la bonne route, et il ne jalouse donc pas (pourquoi le ferait-il?) et la différence chez lui suscite un intérêt sincère, très rarement un rejet!

    Notre mépris à l'égard des "sages" a une conséquence tragique! Nous répétons les mêmes erreurs! Comme nous ne voulons pas de l'inconnu, ni de ceux qui en rapportent une connaissance, un enseignement, qui pourrait être à l'origine d'un nouveau progrès, nous recommençons des parcours qui ont déjà fortement saigné l'humanité et on peut ici prévoir sans se tromper d'autres guerres à venir, avec leur lot de souffrances infinies!     

    Cependant, il est vrai que faire face à l'inconnu chaque jour est une épreuve! Cela demande des efforts constants! Etre différent exige d'être un monde tout seul, car il faut répondre à toutes ses questions! Il est nécessaire de s'appuyer sur une logique générale; une véritable création en somme, car sinon ce sont les opinions des autres, celles qui sont le plus souvent fausses, parce que nées de l'hypocrisie, qui gagnent, qui dévorent, qui délitent, qui emportent l'esprit à vau-l'eau!

    Il faut donc chaque jour combattre pour son indépendance, sa vérité, ses convictions, et cette lutte va même dans les petits faits journaliers, ce qui peut paraître épuisant! Obéir apparaît alors comme une planche de salut, un Eldorado, un paradis! On remet les clés, on suit les ordres et on ne pense plus! On s'endort, non? On sommeille debout! La quille, enfin! Vive le somnambulisme! Et surtout qu'on ne me réveille pas! Parce que moi, j'bosse! moi!

    Non! Le véritable travail, c'est bien d'affronter l'inconnu! C'est celui-là qui est vraiment difficile et exigeant! Ne serait-ce que parce qu'il s'oppose a priori à notre égoïsme, parce qu'il nous contrarie dans ce que nous avons de plus profond! C'est lui qui nous fait risquer le plus, qui nous engage totalement! Car, je le répète, c'est un parcours sans grades, c'est une aventure sans public! Ce sont des victoires sans témoins, c'est une hostilité de la part des autres pour récompense!   

    C'est aussi une découverte spirituelle; car notre développement est celui de notre conscience! Et c'est pourquoi encore le message religieux n'est jamais loin, il est inspirateur! Il y a bien sûr la science à prendre en compte et l'athéisme existe, mais je doute que celui-ci nous rende heureux et même nous mène quelque part! 

    Toutefois, aussi rebutante que puisse sembler cette recherche, elle est la seule capable de nous donner la paix! la tranquillité d'âme! Et on comprend bien pourquoi: tous ceux qui refusent de se regarder tels qu'ils sont, qui restent attachés à leur "gloriole", et qui haïssent pour la défendre, ceux-là demeurent comme le cul entre deux chaises! Et ils ne peuvent trouver de certitudes! Ils sont toujours à la merci des angoisses et du jugement des autres!

    Or, nous sommes uniques, absolument uniques! Même si des caractères se ressemblent, les différences d'époques et de conditions font de nous des êtres sans pareils! La vie est la chance pour que notre personnalité grandisse et devienne entière! Il n'y aura pas d'autres opportunités! Face à l'Eternité, si vous rendez une peau de chagrin, quelque chose d'informe, qui n'est ni chair ni poisson, vous serez le premier à en avoir honte! Qu'est-ce qu'un chiffon, pétri de jalousie, peut réclamer à la grâce merveilleuse de ceux qui sont morts pour elle!

    PS: il existe tout de même des "trucs" pour vivre mieux votre combat au quotidien, notamment le stretching, et je vous conseille à ce sujet le très beau livre de Craig Ramsay, Stretching, anatomie et mouvement, aux éditions du Courrier de livre. Il est clair comme de l'eau de roche et dès les premières séances, vous serez un autre vous-même! Vous retrouverez la magie de votre corps et vous verrez que les autres n'ont aucune excuse, à se traîner comme ils font, telles des limaces! Car ce moyen est quasiment gratuit et ne demande qu'une trentaine de minutes de son temps!

    Bien sûr, le sage ni ne boit ni ne fume; il n'a pas besoin de l'ivresse pour oublier, car il aime ce qu'il fait, sinon il serait un hypocrite! Il ne veut pas non plus que son cerveau soit comme une chaudière, car la patience est sans doute sa plus grande vertu!

    Je vous invite encore à jeter un œil sur ma dernière peinture, vous en prendrez plein les mirettes et un voyage dans l'espace n'est jamais inutile!

 
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