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  • Doms affaires!

    Doms affaires

     

     

     

     

     

                                                                                                                 "Toi, tu sais cuire un lapin, pèlerin!"

                                                                                                                                        Jeremiah Johnson

     

        Le commissaire Julian, de la brigade des Arbres, s'éveilla en plein cauchemar! Il eut l'impression d'avoir été battu comme plâtre et l'anxiété l'assombrit! Il dut se mettre à lutter, pour résister au désespoir et à la peur! Il se demanda s'il connaîtrait encore un matin joyeux, léger, mais au fond y en avait-il déjà eu? Il était six heures et il fallait aller au travail... Il se leva et laissa sa femme dormir.

        Julian approchait de la retraite et à la brigade, on l'appelait "le bougon", mais on le savait aussi matois, tenace et il avait résolu bien des affaires! Le commissaire salua quelques uns dans les couloirs et regagna son bureau. L'aménagement y était simple, quoique avec goût! Une table claire, dépouillée, sous un éclairage discret. Dès l'entrée, on était surpris par le calme de la pièce, comme si le temps s'y arrêtait, et elle reflétait la force de Julian, qui ne cédait à aucune tempête!

        Cette ambiance désarçonnait les accusés, qui arrivaient toutes griffes dehors, prêts à se défendre! Ici, ils pouvaient se reposer, souffler; ils retrouvaient leur dignité et se montraient enclins à coopérer! On les respectait, ils respectaient donc!

        Mais, ce matin-là, le commissaire était encore plus fatigué que d'habitude! Hier, à travers certaines réactions, il s'était rendu compte que rien ne changeait, que la plupart étaient indifférents à ses idées et qu'on lui faisait mal! Il soupira, le front lourd contre la fenêtre. La pluie descendait en nappes, sur les toits d'ardoise... La pluie! Il l'aimait particulièrement, quand son grondement apaisait son sommeil, comme si elle pouvait aussi "nettoyer" les hommes! "La pluie calme les abrutis!" se répétait souvent le commissaire.

        On frappa discrètement à la porte... C'était l'inspecteur Merlot, un jeune, un bon élément, sérieux, capable d'initiative... Il soulageait grandement son supérieur! "Alors? demanda Julian.

        _ Eh bien, toujours pareil! Coray se tient à son rôle de chef d'entreprise! Il parle de réalité économique! Il a juste voulu étendre son affaire, lui donner une autre dimension, pour qu'elle résiste à la concurrence du marché! Il ne comprend pas du tout ce qu'il fait ici! On est des rêveurs! Aujourd'hui, tout va très vite! Il n'y a pas de place pour les faibles, etc.!

        _ Et le maire?

        _ Brrr! Lui, c'est pire! Il est Chamois l'élu! Il dirige sa ville comme il l'entend! Nous sommes juste là pour le seconder! Il s'adresse à nous comme à des subalternes, et donc il refuse de répondre à nos questions! J'ai rarement vu une telle hauteur!

        _ Bien, je vais aller le voir... Toi, tu reprends un peu Coray... Tâche de l'amener au réchauffement climatique et aux contradictions que pose un développement sans bornes... Mais, oh! pianissimo! En artiste!

        _ D'accord! fit Merlot avec un sourire."

        Laissé seul, Julian pensa à Chamois, le maire de Clucy, 80 000 habitants! Il connaissait par cœur ce genre d'individus!  Des êtres actifs, des modèles de responsabilités! Toujours la même chanson! La bataille allait être rude, pour faire avancer le dossier! Pourtant, il y avait bien eu crime! Julian ferma les yeux, voilà que sa douleur recommençait! Il serra les dents, car il sentait le désespoir l'envahir, comme s'il avait été une bouteille d'encre! Il revoyait des arbres fiers, majestueux; des troncs verts et noueux, dressés dans le silence; une pluie douce de feuilles! Il réentendit les coups de bec du pivert et il fut de nouveau aux aguets! L'instant était suspendu... Qu'allait-il arriver? Soudain, il croisa le regard déjà inquiet d'une biche!

        La salle d'interrogatoire  était exiguë, fermée et Chamois était sur les nerfs! Julian n'en avait pas voulu dans son bureau: il y recevait des âmes simples, quoique perdues, mais un notable l'aurait souillé! "Vous n'avez aucun droit de me retenir ici, commissaire! cria d'emblée Chamois. Mon avocat arrive et on va vous faire danser, mon p'tit gars! Vous pouvez déjà réserver votre billet, pour le bas d' l'échelle!"

        Julian ne répondit rien et ouvrit son dossier. Puis, il parla à Chamois d'une voix monocorde: "Vous êtes né en 1971, à Clucy, dans une famille de la petite bourgeoisie. Comme il se doit, vous suivez bientôt les cours du meilleur lycée de la ville! Votre bac en poche, vous montez à Paris et rejoignez l'ESP, l'Ecole Supérieure de Pétrochimie! Vous voilà ingénieur et vous revenez à Clucy, où vous travaillez pour la firme Futury! Mais ça ne vous suffit pas... A l'exemple de votre père, vous vous en engagez dans le combat politique et vous devenez finalement maire de Clucy, il y a cinq ans! C'est exact?

        _ Mais oui! Mon père était un homme de convictions et je suis animé moi-même aujourd'hui de ses valeurs! J'aurais pu me contenter de mon poste d'ingénieur et j'aurais certainement eu une vie plus tranquille! Mais je soutiens à présent la population; j'aide les gens! Au diable mon égoïsme! Je donne tout ce que je peux et bien entendu, je ne compte pas mes efforts, pour assurer l'avenir de ma ville!

        _ Vous reconnaissez ces photos?"

        Julian plaça sous les yeux de Chamois deux ou trois clichés, qui montraient des entrepôts ultramodernes, entourés d'une terre mise à nu et devant lesquels stationnaient des semi-remorques, avant qu'ils ne prennent de vastes boucles goudronnées... "Mais oui, s'écria Chamois, ce sont les nouveaux établissements de la Camex, l'entreprise de Coray!

        _ Et celles-ci?"

        Sur ces autres photos, on voyait un bois avec ses couleurs d'automne, tel un manteau fauve reflétant la lumière. "Mais c'est le bois du Roudot, qu'on a dû enlever, pour la Camex... reprit Chamois.

        _ Vous admettez donc avoir détruit le bois..., dit Julian.

        _ Mais nous avons eu toutes les autorisations nécessaires! Ce n'est pas vrai, commissaire, c'est de ça dont je suis accusé, d'avoir donné quelques coups de bulldozer, afin d'amplifier l'activité économique!"

        Le mépris de Chamois toucha vivement Julian! Le maire n'avait jamais regardé la nature! Il l'avait toujours vue au travers de ses projets! Le monde en dehors du maire n'existait pas, même si celui-ci était persuadé de faire le bien! Le commissaire, sans quitter du regard son accusé, et pour ne pas être gagné par la colère, rêva d'une vasière... De grands roseaux bruissaient, avec le bruit de la mer, et sur l'eau plate et d'argent, des oiseaux marins glissaient silencieusement et de temps en temps, l'un s'envolait, laissant tomber de ses ailes quelques gouttes étincelantes!

        "En fait, reprit Julian, tant que vous n'attaquerez pas directement la banquise, vous ne prendrez pas conscience qu'aujourd'hui il faut respecter la nature: c'est une question de vie ou de mort!

        _ Oh! Mais nous sommes bien d'accord! Pour qui me prenez-vous? Je ne nie nullement le réchauffement climatique, mais la priorité, c'est quand même l'emploi, non? Sinon, comment vous allez donner à manger aux gens?

        _ Bien sûr, mais ce que vous ne comprenez pas, c'est que la situation nous conduit à un changement profond de notre façon de vivre! Ce qui nécessite bien entendu de combattre sa propre hypocrisie!

        _ Mais de quelle hypocrisie parlez-vous?

        _ Vous connaissez Marchevent?"

        A ce seul nom, les traits de Chamois se contractèrent! On réveillait une douleur intense et soudain, le maire eut la bouche sèche!

        "Il y a cinq ans, reprit Julian, il était le maire sortant, mais après trois mandats, il a voulu passer la main! Il vous a naturellement désigné comme son successeur, vous son fidèle premier adjoint, et vous êtes devenu le candidat officiel! Mais il est revenu sur sa décision, peut-être parce qu'il a eu peur de la retraite, et il a posé sa candidature malgré la vôtre! Vous avez demandé à la direction du parti de trancher en votre faveur, ce qu'elle a fait, mais Marchevent ne s'est pas retiré! L'affaire a eu un retentissement au niveau national, car même au second tour, alors qu'il n'était plus dans la course, votre ancien mentor n'a donné aucune directive à ses électeurs! Une telle indifférence a surpris!

        _ Certes... balbutia Chamois.

        _ Ma question est celle-ci: quels sont aujourd'hui vos sentiments, à l'égard de Marchevent!

        _ Mais ceci est du domaine privé, commissaire...

        _ Pourtant, quand vous prenez des décisions, concernant votre ville, ce sont aussi tous vos sentiments qui se manifestent! Il n'y a pas un autre Chamois qui vous attend à la maison!

        _ Mais...

        _ Je vous laisse réfléchir un peu à votre hypocrisie... dit Julian qui se leva.

        _ Mon avocat ne va pas tarder!"

        Le commissaire se dirigea vers la machine à café. "T'as réussi à en tirer quelque chose? demanda Merlot dans son dos.

        _ Non... et Coray?

        _ Il commence à être ébranlé...

        _ Bien..., mais je songe à conduire  Chamois dans un endroit, qui pourrait le faire craquer! Il devrait être possible de nous enregistrer à distance, non?

        _ Bien sûr, il suffit de t'équiper!"

        Julian et Chamois sortirent du commissariat, par une porte dérobée, et se retrouvèrent dans une rue déserte. "Commissaire, je ne comprends pas ce que nous allons faire... dit Chamois.

        _ Un petit tour! Mais vous n'avez pas l'air bien!

        _ C'est que d'habitude je conduis...

        _ Mais vous pouvez quand même marcher cinquante mètres sur le trottoir, non? Allez, venez, ma voiture est juste au bout de la file!"

        Les deux hommes roulèrent une quarantaine de kilomètres, en silence.. Julian connaissait une belle forêt, sur les pentes escarpées d'un fleuve, et il la voyait comme un sanctuaire! Chamois trébucha sur le chemin qui y menait. "Ecoutez commissaire, ça devient ridicule! Retournons d'où nous venons!

        _ Encore un peu de patience, Chamois! Je vous garantis un formidable point de vue! Evidemment, si le sol n'était pas aussi pentu, ce serait déjà labouré ici!"

        On pénétra dans le bois, qui semblait telle une cathédrale naturelle. De hauts fûts de pins montaient austères, dans l'ombre; quoique des doigts de lumière vinssent illuminer des buissons de houx! "Commissaire, je ne me sens pas bien du tout! fit le maire.

        _ Je vais vous dire ce qui vous arrive Chamois: vous avez une crise d'angoisse! Parce que vous n'êtes plus aux manettes! Vous ne dominez plus! Vous n'êtes plus précédé par votre pouvoir et l'environnement ici n'est plus le reflet de vous-même!

        Mais voilà l'hypocrisie dont je vous parlais! Vous dites que vous agissez "au nom de l'emploi", d'une manière raisonnable, mais nous, les hommes, nous détruisons la nature, pour échapper à notre angoisse! C'est la domination qui nous conduit! Mais vous niez votre peur Chamois, comme la haine que vous vouez à Marchevent!

        Mais vous voyez les nuages, là-haut, qui défilent... Ils sont ma consolation, car ils me disent que nous ne sommes pas les patrons!"

  • Doms bases!

    Doms bases

     

     

     

     

     

                                                                                             "Je suis le dernier des romantiques!"

                                                                                                                                   Blague OED

     

        Fédor Andropov faisait la classe à Dan Curtis et Diane Castillon et si le premier était d'origine américaine, la seconde avait grandi parmi les vignes qui bordent la Dordogne! Elle connaissait leurs matins doux et parfumés, leur ordre plein de promesses, sous le soleil cuisant, et leurs soirs roses sur la rivière, qu'effleurent avec grâce les hirondelles!

        L'Américain était jeune et beau et Diane ne passait nulle part inaperçue! Une idylle semblait naître entre eux, ce qui fit tousser Andropov, avant qu'il ne commençât! "Il faut toujours revenir aux bases, dit-il, car nous n'en finissons jamais de connaître la vie et l'ignorance du plus grand nombre entraîne également une usure, qui mène au doute! Or, le problème est aussi profond que clair!   

        Mais j'ai envie de dire: "A présent, oubliez tout ce que vous savez!", car nous allons raconter des choses tellement étranges, qu'elles vont apparemment menacer votre raison! Toujours est-il qu'il n'y a qu'une seule manière d'expliquer pourquoi les hommes vivent sans être perturbés par leur isolement dans l'espace, ni par leur mort! C'est qu'ils sont aveuglés par leur domination! C'est la seule cause! Il n'y en a pas d'autres! Ce n'est même pas la peine de chercher!

        Comment pouvons-nous être aussi catégoriques? Mais parce que la domination, c'est l'instinct! C'est un héritage du règne animal; cela vient de nos origines, au même titre que la pulsion sexuelle ou celle de la colère! Rappelons en quelques mots le mouvement! L'histoire de la matière est une histoire de sa complexification! Les éléments les plus simples se combinant, pour en donner de plus en plus complexes! L'Evolution va toujours dans ce sens: plus les individus  apparaissent tard sur son échelle et plus leur organisme est sophistiqué et donc distinct!

        Or, plus on est individualisé et plus il faut s'imposer, pour se nourrir et se reproduire! L'individualité entraîne inévitablement la domination! Sentir notre valeur, notre importance, autrement dit satisfaire notre égoïsme, c'est d'abord ce que nous voulons, et c'est ce qui garantit notre équilibre! Evidemment, avec l'humain, la domination est l'affaire de la conscience et elle varie donc à l'infini!

        Ceci est valable pour les deux sexes! La domination féminine prend aujourd'hui le relais de la domination masculine, car celle-ci est de moins en moins nécessaire, puisque la défense du territoire est de moins en moins menacée! Si je tiens à préciser ce point, c'est parce que le bon combat est contre la domination des deux sexes et non seulement contre l'égoïsme des hommes! Mais, bon, pour l'instant, il faut que les femmes se vengent! On retrouvera la mesure plus tard...  

        Tant que la domination est notre seul repère, que nous en restons esclaves, nous vivons comme les animaux, qui effectivement n'en ont rien à faire que l'Univers ait quatorze milliards d'années ou que les étoiles déforment l'espace-temps! Voilà notre sécurité, contre le vertige, c'est la domination; il n'y en a pas d'autres! C'est elle qui nous fait trouver normal notre quotidien, alors que nous pourrions le voir, depuis Mars, absolument absurde!

        Cependant, notre raisonnement, au regard d'une histoire qui accumule les millions d'années, rien que pour la Terre, peut sembler à juste titre anthropocentrique et faire tousser le Muséum! Mais c'est parce que nous méprisons toujours l'importance de la conscience et que nous ne mesurons aucunement son incroyable dimension! Mais nous y reviendrons!

        Toujours est-il que tous ceux qui ignorent la domination sont soit des naïfs, soit des hypocrites! En fait, tant qu'on est mené par sa domination, on ne la voit pas! Mais le scientifique, qui bénit la raison, est un cuistre! Le philosophe stoïcien, qui se réjouit d'être imperturbable, est un fumiste! Le psychanalyste, qui vous écoute pour paraître plus intelligent, est un escroc! Et le militant de gauche, qui crie: "Macron dégage!", est un farceur! Pincer l'orgueil de tous ces gens et leur haine vous frappera, encore plus vivement que celle du bénéficiaire du RSA, dont la domination n'a pu qu'être malmenée!

        Nous ne pouvons pas vivre sans vouloir dominer, même si nous avons un amour sincère pour nos proches! D'ailleurs, en fondant une famille, les parents deviennent naturellement des dominants, par rapport à leurs enfants, et ils assurent ainsi leur équilibre! Tout irait bien dans le meilleur des mondes, si la conscience nous permettait de rester des animaux, ce qui n'est pas le cas! La réflexion mène au choix et donc aussi au doute et à l'angoisse! L'inconnu frappe à notre porte incessamment! La peur pèse sur nous sourdement! La conscience est notre richesse, mais elle a un prix!

        Pour échapper à l'angoisse, notre réflexe est le recours à l'instinct, car c'est la pente! Notamment, nous utilisons le sexe, que nous avons dû inventer! Oui, le sexe est une invention de l'homme, car les animaux, eux, ne s'accouplent que pour se reproduire! Nous nous sommes affranchis de cette limite, sous le joug de la tension qui nous habite, afin de la soulager! Mais, plus largement et même bien plus profondément, car la domination règle encore le sexe, dès que nous sommes inquiets, nous recherchons notre supériorité, le sentiment de notre valeur, qui éteint toutes nos craintes!

        Ainsi, dans la rue, où nous affrontons le monde, nous constatons le phénomène de "la couverture à soi"! En effet, chacun essaie d'attirer l'attention, de s'imposer aux autres: les femmes par la séduction, les hommes par le rapport de force! Nous voulons qu'on nous remarque, qu'on nous considère, ce qui prouvera notre importance! Les femmes demandent du désir, les hommes de la soumission!  Ainsi, nous ne sommes plus seuls, puisque nous existons dans un regard qui n'est pas le nôtre! Toute notre angoisse disparaît par l'intérêt qu'on nous porte! La réussite nous rend invulnérable!

        La télévision a une action à peu près analogue, car elle trompe notre solitude! Par sa proximité, elle nous fait croire que nous formons une immense famille et dans ce que nous voyons et éprouvons, notre domination trouve son aliment! C'est si vrai que la perspective d'être privé de télévision, chez la plupart, cause une véritable angoisse! Les réseaux sociaux nous offrent une participation bien plus réelle et nous donnons notre avis, sûrs de sa valeur! Sur Instagram, notamment, nous nous affichons en photos, comme nous avançons dans la rue, en trouvant naturel d'être le centre d'intérêt! Mais ce n'est pas ce qui se passe et pour avoir beaucoup de "J'aime", les femmes se dénudent et les hommes également s'exhibent! On excite, on force le regard!

        Inutile de dire que "la couverture à soi" perturbe notre quotidien! Il est impossible dans nos villes d'avoir une pensée cohérente! On est sollicité, harcelé à tout moment! Il faut regarder tout le monde, comme si on devait "donner à manger à dix mille petits cochons à la fois"! Même celui qui est disponible n'a plus qu'une envie: qu'un nuage lui déroule une échelle de secours! Ainsi, dans le ciel, pourra-t-il retrouver sa tranquillité et donc sa lucidité! Il vient d'échapper à un asile d'aliénés, où des malades attendent qu'on les admire!

        Cependant, "la couverture à soi" fait évidemment que chacun en est pour ses frais, car on ne croise que son semblable, c'est-à-dire un demandeur, nullement un donneur! On se dégoûte donc, comme deux pôles électriques du même signe! L'insatisfaction est permanente et la tension aussi, puisque l'angoisse persiste! Des individus deviennent alors des tyrans, pour faire céder les autres! Ils dominent par la terreur! On doit s'occuper d'eux dès qu'ils apparaissent! Ils oppriment et tourmentent! Il y a des femmes qui marchent sur la ville, comme si elles avaient les bottes de sept lieues, et il y a des hommes qui se tiennent, comme s'ils venaient chercher le condamné à mort!

        La haine est là dès que quelqu'un résiste à notre domination! On voudrait le détruire, l'anéantir! On lui montre une hauteur sans pareille, de sorte qu'il se sente pulvérisé! On ne se demande pas pourquoi il a l'air plus libre, plus à l'aise, plus fort! On ne cherche pas comment il fonctionne, quel est son secret, sa méthode! On ne veut pas s'améliorer, ni trouver une solution pour être plus heureux, non, on laisse aller sa colère! On préfère mille fois la destruction plutôt que la construction ou l'évolution! On est lâche et sans courage et pourtant nous n'avons aucune gêne, aucune honte à détester, à mépriser! En cela, nous sommes impardonnables!

        Mais nous voilà dans une impasse! avec une vie impossible!  Car plus nous semons le chaos et plus nous étendons l'inquiétude et plus nous avons recours à la domination et ainsi de suite! Ce fait-là nous a été masqué jusqu'ici, parce que la domination s'exprimait par les guerres! Notre ennemi était un étranger! Mais, aujourd'hui, nous sommes les uns en face des autres et notre incohérence, notre incompatibilité éclatent! Nous ne savons pas vivre en paix! Nous sommes incapables de guérir notre angoisse! Nous refusons même de la voir! Nous préférons la nuit et ses coups de dents! Nous gardons l'illusion d'être les plus forts! Comme s'il n'y en avait pas de plus terribles, de plus dangereux, de plus violents, de plus fous!

        Car il nous faut maintenant frotter la plaie avec du sel! On comprend bien que plus l'ordre et les idées sont clairs et moins l'angoisse trouve de prises et plus la domination garde des bornes! Mais considérons la recette suivante... Vous prenez un monde assez dodu et vous le dépouillez de toutes ses certitudes! Ce qui est normal, puisque chacun veut être libre! Vous le "farcissez" de confort, pour lui donner le temps de penser! Puis, vous l'embrochez avec une crise économique et vous le mettez au four, en lui parlant du réchauffement climatique! Enfin, quand il est cuit, vous le saupoudrez de Covid et sur la table, sa domination sera à la mesure de son épouvante: délirante, affreuse!

        Concrètement, ce sont d'abord des incivilités toujours plus violentes et nombreuses! La courtoisie est une mendiante! La prévenance une légende! Nous n'avons aucune force, pour être généreux, souples et sans peur de perdre! Au contraire, l'angoisse nous fait aboyer, exploser! Notre domination nous tient comme des épouvantails! Nous voilà prêts à réclamer nos droits! Nous sommes avares, durs! Notre sourire est exsangue et nous donnons notre gentillesse avec usure! Avons-nous faim, froid? Pas du tout! Nous habitons l'un des pays les plus riches du monde!

        Pire, nous vivons dans des bulles; notre smartphone nous servant de schnorchels! Nous fréquentons les autres, comme les U-boot cherchaient à détruire les convois alliés! Nous téléphonons, pour continuer à sentir notre importance, ce qui nous permet de plastronner en pleine rue et d'écraser tous ceux qui nous déplaisent! Le monde n'est qu'une annexe, face à notre supériorité! Pourtant, cela reste du théâtre!

        La domination peut être totale et mener à des comportements pathologiques et criminels! Nous avons déjà été surpris! Crash d'avion pour fêter son anniversaire! Destruction de la mairie, sur un coup de sang! Mutilations d'animaux, pour les Paganini du scalpel! Nous attendons la suite! Nous pourrions décerner des prix! Rien n'est désespérant comme la routine! Un grand merci à ces héros de cauchemar!

        Bien entendu, nous continuons à détruire la nature, quoique tous les voyants soient au rouge! Chaque coup de pelleteuse attaque la banquise, mais peu importe! Au nom de l'emploi, nous sommes prêts à mourir! C'est beau, c'est grand et surtout très intelligent! Mais le confinement ne nous a rien appris! Il va nous falloir un nouveau coup de Covid! La nature ne doit pas nous servir de paillasson! Il faut calmer notre angoisse autrement que par l'agitation et le béton! La beauté peut nous y aider! C'est écrit sur le paquet!

        L'un de nos malheurs, c'est que nous voyons la conscience comme un baigneur l'eau froide! Et comment pourrait-il en être autrement! Cela fait des années que la science matérialiste nous serine la même chose! Ce qui n'est pas objectif est suspect! Nous heurtons les nerfs du Muséum, dès que nous parlons de notre foi, de notre amour!

        Eh bien, nous, à l'OED, nous disons avec force que la gravitation n'existe pas sans la conscience! qu'elle n'a aucun intérêt, si elle n'est pas expliquée! que tout le monde s'en moque sans nous! que l'univers n'est rien sans notre regard! que ce sont nos yeux qui lui donnent toute sa dimension!

        L'homme est la lumière du monde! Il n'en est pas le maître, il l'éclaire!

        Il l'éclaire pour le servir! Car plus il le connaît et plus il est grand lui-même!

        Le courage, c'est la foi! Car la seule raison ne suffit pas!

        Des questions?

  • Dom fleuve!

    Fleuve dom

     

     

     

     

     

                                                                                                      "Mais c'est de la prévarication!"

                                                                                                                                          Topaze

     

        Mamadou Gnoka avait invité ses amis de l'OED, Sarah Taylor et Dieter Stein, dans son pays natal, la République du Congo, encore appelée Congo-Brazzaville! Les deux Européens, à l'aéroport, s'étaient brusquement sentis dans un autre monde! L'air était chaud, parfumé et sur la route menant à la ville, on découvrait une végétation différente, mais surtout des couleurs et des attitudes incroyables!

        Des femmes marchaient sur le bas-côté et resplendissaient tels des arcs-en-ciel! Elles avaient le corps droit et portaient au sommet de leur tête des légumes ou quasi un tronc d'arbre! Leur sourire éclatant apparaissait très vite et d'une manière générale, le visiteur allait de surprise en surprise! Un camion par exemple avait dans sa benne un autre camion, ou un bus passait sans pare-brise!

        Des cases de plus en plus nombreuses signalaient la proximité de la ville, dont le centre était constitué de bâtiments modernes, ce qui faisait bien entendu la fierté de la nation! Mais le dépaysement était extrême et il fallut un certain temps à Sarah et à Dieter, pour s'accommoder de tous les changements du quotidien! L'eau, notamment, reprenait toute son importance, ne serait-ce que par les moyens déployés pour lui donner du débit! Dans la maison de Gnoka, elle devait d'abord monter dans un réservoir situé en hauteur!

        Mais les deux visiteurs aimaient ce qu'ils voyaient! les véhicules qui cahotaient sur le chemin! les enfants qui allaient à l'école, indifférents à la poussière! des citronniers ou des papayers dans le jardin! des exploits! Comment, par exemple, un policier pouvait-il sortir de sa case, où on n'y voyait goutte, avec un uniforme impeccable? C'était tout un peuple qui chaque matin s'éveillait, avec la plus belle énergie, malgré la pauvreté!

        "Demain matin, dit Mamadou à ses invités, nous partirons pour la cambrousse! On va profiter de places libres dans un avion, qui va dans un district où j'ai de la famille! Hein, qu'en pensez-vous?"

        Les deux Européens ne se le firent pas dire deux fois, tant ils rêvaient de découvrir la nature africaine; eux qui jusqu'ici n'avait vu que les abords de la ville; et effectivement ils ne furent pas déçus!

        Le lendemain, à l'aube, le petit avion décolla et très vite le soleil dispensa ses rayons! Des marais miroitants apparurent, tels des éclats de mica! Mais le plus spectaculaire, ce qui rendit muet nos passagers, ce fut la savane qui s'étendait à perte de vue, comme la mer, et qui comme elle était vierge de toute habitation!

        Une campagne sans civilisation leur paraissait proprement sidérant et là-dessus glissait paresseusement l'ombre des nuages, amplifiant ainsi, s'il était encore possible, une impression de majesté, de grandeur imperturbables et infinies! Seuls quelques rochers, d'un ocre rouge, se détachaient, à l'instar de vieilles dents, qui rappelaient l'incroyable ancienneté de ces sols!

        Le vol durait , comme si l'avion franchissait l'océan, et les hommes n'en avaient l'air que plus petits! Mais enfin on aperçut le lit argenté d'un fleuve et on perdit de l'altitude, pour atterrir rudement sur un terrain étroit et herbeux! On était arrivé!

        Tout le village était là, car il était bien isolé et assistait à un événement, d'autant que l'avion transportait également un médecin! Celui-ci fut vite emmené vers les malades, car c'était les soins qui manquaient le plus! Mais une petite foule resta pour Sarah et Dieter: on les regardait avec une attention quasi extraordinaire, qui mêlait aussi bien la curiosité que la bienveillance!

        Il y avait là non seulement des enfants, à peine vêtus, qui ne les quittaient pas des yeux, mais aussi des infirmes, qui n'hésitaient pas à se traîner, pour avoir leur place! Jamais peut-être Sarah et Dieter n'avaient senti une telle chaleur, un tel désir de connaître, alors que la pauvreté des lieux était évidente! Les cases y étaient encore plus rudimentaires qu'ailleurs! Mais qu'importe! On accompagnait les visiteurs, en étant gonflé de vie!

        La barrière de la langue finit tout de même par les laisser plus libres et Sarah alla se promener... Elle était exceptionnellement émue, tant le village lui semblait un miracle accroché au fleuve! Il était si petit, il avait l'air si fragile, à côté de l'immensité qui l'entourait! Comme la vie ici devait être bien solidaire, pour résister!

        Sarah connaissait l'état d'esprit particulier de quelques îles, mais elles étaient déjà si civilisées! Un noyau aussi soudé et fervent, c'était une telle découverte pour l'Anglaise, qu'elle marchait à pas comptés, comme sur la lune!

        Puis, ce fut le déjeuner et le traditionnel poulet au riz, qui avait dû courir toute sa vie, pour avoir une chair aussi ferme! Mais on avait donné aux visiteurs le meilleur de ce qu'on avait et ils devaient donc faire honneur au repas! "Le chaman veut te voir, Sarah! déclara Mamadou.

        _ Le...? fit Sarah, qui se léchait les doigts.

        _ Le chaman, le guérisseur, le sorcier quoi!

        _ Ah bon! Et tu sais pourquoi il veut me voir?

        _ Non, mais il t'a remarquée à ta descente d'avion.. D'ailleurs, toi aussi t'as pas dû l' rater!

        _ Quoi?

        _ Oui, c'est l'homme qui tire sa petite caisse! Il a eu les jambes arrachées par une mine, à une autre époque!"

        L'après-midi, on entra donc dans la case du chaman, où il faisait noir comme dans un four! Mais ici des objets, que jette par tonnes l'Occident, étaient considérés tels des trophées ou des trésors! Un sachet plastique était réutilisé des milliers de fois et gardé avec un soin extrême! Une vieille armoire, fabriquée en série ailleurs, était devenue une marque de dignité! Des embouts de canalisations, qui ne pouvaient servir, semblaient briller dans un coin avec l'éclat des diamants!  

        Devant ce décor, les visiteurs devinrent plus humbles et le chaman se mit à parler. "Il utilise un dialecte, expliqua Mamadou qui traduisait. Il te dit Sarah que tu as le visage comme une fleur... et qu'en toi se développe l'"Esprit"! Il se réjouit pour toi!

        _ Ah?

        _ Il rajoute que tu dois aller voir le fleuve, ce soir, car il te parlera! C'est le fleuve qui lui a tout appris!

        _ Et les crocodiles? demanda Dieter.

        _ Y a trop de courant ici, pour eux! répondit Mamadou. Sarah, nous partons demain... Donc, tu auras le temps, si tu le veux, de faire ce que dit le chaman!

        _ Euh...

        _ Ne fais pas cette tête, Dieter! On trouvera bien quelque veuve désireuse de t'accueillir pour la nuit!"

        Sarah n'avait pas répondu à Mamadou, tellement elle était troublée: son visage donnait du plaisir au vieil homme, de sorte qu'il en riait! Mais elle, depuis longtemps, menait un combat âpre et elle se sentait perdue, vulnérable et même dolente! Ce qu'elle avait suscité lui était étrange!

        Le soir, toutefois, elle se rendit au bord du fleuve et la clarté lunaire était si vive que Sarah avait l'impression de marcher sur du givre! Le fleuve aussi avait sa blancheur, car il charriait de grandes nappes de pollen, qui lui-même brillait! Cependant, c'était le silence qui surprenait le plus l'Anglaise: il était aussi doux que profond et jamais peut-être les oreilles de Sarah  n'avaient goûté une telle sensation de velours, qui confinait à la magie!

        Seul le fleuve glougloutait à gros bouillons et soudain effectivement il parla à Sarah! Elle vit l'humanité se débattre, cherchant toujours à se développer et se débarrassant de tout ce qui l'en empêchait! C'était bien normal, mais elle restait également prisonnière de sa domination et donc de ses peurs! Elle ignorait même son égoïsme et pourtant elle haïssait dès qu'il était menacé et elle était même prête à tuer, pour le défendre!

        Ainsi, les hommes passaient devant la lumière de la vie, sans la voir, et disparaissaient dans la nuit, comme les particules du fleuve, sous les yeux de Sarah! Emportés par leur domination, leur orgueil, ils méprisaient la beauté du monde, alors qu'elle pouvait les sauver! A ceux qui savaient l'admirer, celle-ci affirmait avec force l'existence de Dieu et sa paix!

        Le fleuve courait et autour tout était parfaitement tranquille! Sarah repensa également aux nuages qui glissaient au-dessus de la savane et à leur calme majesté! Alors, elle pleura! Elle pleurait de tristesse, mais aussi de joie! Elle songeait avec douleur à l'immense gâchis des hommes, mais jamais non plus la présence de Dieu ne lui avait paru aussi proche, aussi évidente!

       Elle fut déchargée de son fardeau! Elle rayonna! Elle fut libre, à l'infini! Elle fut comblée d'amour et ses derniers sanglots étaient comme la rosée sur les roses!

       

        Cependant, en France, Dan Curtis se rongeait les sangs! Il devait louer une voiture et il savait ce qui l'attendait! La seule agence, qui ne pratiquait pas de tarifs prohibitifs, se trouvait dans un hypermarché et donc il y avait d'abord les lieux! C'était tellement grand, qu'on avait l'impression que les gens se trouvaient dans une autre ville! Evidemment, quand on était réduit soi-même à la taille d'un atome, on se sentait facilement perdu et même méprisé! Par conséquent, à l'accueil du service, chez les clients comme du côté du personnel, il y avait de la tension, de la peur et de l'agressivité! Comme l'architecture semblait écraser tout le monde, on ne respectait personne!

        C'était une véritable épreuve de force, que de louer une voiture! Il y avait surtout trois DTN (ou peu s'en fallait!) derrière le guichet! Trois femmes! L'une, massive, avec des épaules carrées, essayait d'emblée de vous détruire! Elle n'aimait pas son travail et sa haine débordait! Elle cherchait la faille du client et triomphait si une erreur, une pièce qui manquait par exemple, rendait la location impossible! On suait à grosses gouttes devant elle, alors qu'elle perçait le bateau qui la faisait flotter!

        Une autre luisait de satisfaction, comme un biscuit au beurre! Elle était la discrétion même et ne se trompait jamais! Vous pouviez lui faire un compliment et il était accueilli comme par une tombe! L'univers de cette femme était une quatrième dimension, dans laquelle il valait mieux ne pas s'aventurer! Ce qu'on en apercevait, c'était des soleils morts, une banquise éternelle, que parcouraient d'étranges traces de sang! Et toujours ce petit sourire glacial et suffisant!

        La dernière décrochait le pompon! Elle avait la tête comme une hache et pensait encore séduire! Son attitude était celle d'une directrice, mais elle perdait les clés, les dossiers et même les voitures! On partait une heure plus tard, épuisé, et on n'avait qu'une envie, se garer sur le bas-côté et dormir deux siècles! Elle avait la haine tenace, à mesure que son incurie se révélait! C'était la détresse d'un cœur solitaire, au-dessus d'un chaos de carrosseries!

        Mais Dan devait y aller, car, toujours entre deux voyages, il ne disposait pas de véhicule et il avait promis à sa nouvelle collègue, Diane, qu'il allait l'aider à protéger ses chevaux! Ceux, qui vraisemblablement se trouvaient derrière les mutilations, ne pouvaient qu'être des DTN épouvantables! Ils étaient devenus les maîtres de la nuit, même si beaucoup de questions restaient en suspens!  

        Dan prit un transport en commun et à côté de lui, un couple s'embrassait! "Pourquoi ai-je ouvert les yeux? pensa Dan. Qu'ai-je à faire des Doms? N'est-il pas là le bonheur, dans l'abandon avec un autre?"

        Dan se mit à rêver et croisa le regard de quelqu'un qui semblait lui dire: "Toi, tu perds rien pour attendre! Quand le moment viendra, on s'occupera de toi!" Cette haine réveilla Dan et il eut d'autres réflexions: "Au fond, nous sommes seuls et c'est normal! songea-t-il. Ne voulons-nous pas nous connaître, être nous-mêmes?  Il nous faut nous séparer des autres, de même que nous avons quitté le ventre maternel! Ce n'est qu'en tenant debout sur ses propres jambes, qu'on peut être lucide, voir sa domination et la neutraliser!"

        Ainsi vivaient et pensaient les hommes, quand ils ne faisaient pas le mal!

     

  • Dom tension!

    Dom tension

     

     

     

     

                                                                     "Il faut affronter le monde, car il est plein de salopards!

                                                                       Et il vaut mieux prendre le car que le demi!"

                                                                                                                         Devises OED

     

     

        Jack Cariou et Fédor Andropov étaient au sous-sol du bâtiment de l'OED et c'était là qu'on développait les équipements techniques. Certes, l'"Oued" n'avait rien d'un service secret, mais tout de même la logique qu'on y suivait amenait à construire des choses, qu'on n'avait jamais vues auparavant! D'ailleurs, avant d'entrer dans cette partie, on voyait sur la porte "Dangerous area" et si c'était une plaisanterie, on devait toutefois se faire reconnaître par un œil électronique, pour goûter les joies d'Ali Baba! 

        "Jack, dit Andropov, vous connaissez évidemment Ugo Sacripante, le responsable de ces lieux et notre inventeur en titre! Vous allez voir que le génie italien n'est pas mort!

        _ Pourquoi vous dites ça? coupa Sacripante. Qui a osé penser que notre génie national pouvait mourir? Vous avez reçu un faire-part, réservé à l'élite?

        _ Non, bien sûr que non!

        _ Qu'est-ce qu'ils ont inventé les Russes, depuis le Spoutnik? Vous avez toujours été en retard sur les Américains, en ce qui concerne l'armement!

        _ Ne m'énervez pas, Sacripante!

        _ Non, car alors vous allez me mordre comme un cobra, avec une dose de Novitchok!

        _ Expliquez donc votre dernière invention à Jack! J'ai soudain besoin de me reposer, à l'ombre de mon samovar!

        _ Ouais! Donc Jack, on a fabriqué le RD, le Radar Doms!

        _ Euh...

        _ Je sais, Jack, intervint Andropov, vous pensez qu'il n'y a pas mieux que l'homme, pour identifier les Doms, et vous êtes certainement notre meilleur spécialiste en la matière! Mais vos collègues n'ont pas toutes vos qualités et grâce à... cet appareil, ils pourront se montrer presque aussi efficaces que vous!

        _ Le Politburo a raison, reprit Sacripante, ce qui manque à mon invention, c'est une banque de données! En l'expérimentant, vous allez nous donner moult commentaires et à moi, le brevet et les biftons!

        _ Ah! Ah! d'accord!

        _ Alors, ça marche essentiellement avec la mesure de votre tension, par des capteurs sur votre corps! Le résultat s'affiche sur des lunettes spéciales, comme les informations d'un appareil photo!

        _ Très bien!

        _ On reste en liaison radio et on enregistre tout ce que vous dites! Ce qu'on veut, au final, c'est que n'importe quel agent puisse reconnaître n'importe quel Dom, au moyen même d'une image 3D détaillée!

        _ Bon, bon, mais cela restera de la technique... Il ne faudra pas entièrement s'y fier!

        _ On mettra un avertissement dans la notice! Ah! Ah! Venez, on va vous équiper, avec le doigté d'un communiste posant des micros!

        _ Sacripante!"

        Muni du RD, Cariou se retrouva dans la rue... "Comment ça va, le cobaye? demanda l'Italien dans l'oreillette.

        _ Bien jusqu'ici... Temps couvert, vent de secteur sud, humidité 70%...

        _ Ah! Ah! Bon, rappelez-vous: la dangerosité du Dom va s'exprimer sur une échelle de 0 à 10! C'est votre tension qui va établir le chiffre... Notez que nous aussi nous recevons toutes les informations des capteurs... Tiens, vous avez repéré un Dom, niveau 4!

        _ Oui, il est un peu plus loin à une heure... C'est ce qu'on pourrait appeler un Dom douanier... Il fait partie de ces gens qui se croient importants et qu'on rencontre sur les places... Ils parlent généralement à quelqu'un, tout en surveillant les alentours...

        _ Mais pourquoi un Dom douanier? demanda Andropov.

        _ Mais parce qu'ils veulent qu'on les regarde, comme si c'était un droit de passage! Ils vous fixent donc, bien avant que vous ne les ayez vus, pour attirer votre attention... A partir de là, ils s'attendent à ce qu'on les considère, qu'on les craigne même, car ils sont autoritaires! Mais je n'en ai cure, je passe outre! Je les renvoie au vent de la réalité, par mon indifférence... et ils me haïssent certainement, car, rappelez-vous, si le Dom ne domine pas, il angoisse! La peur et la haine s'entraînent mutuellement!

        _ Je vous avais dit que vous seriez une vraie mine d'or! reprit Andropov.

        _ Si seulement, face à l'anonymat, ils pouvaient réagir autrement, grandir!

        _ Oh! Oh! Un Dom dix! s'écria Sacripante.

        _ Oui, répondit Cariou, et c'est une surprise, car il est tôt et je ne suis pas encore dans une artère principale!

        _ Qu'est-ce que c'est? demanda Andropov.

        _ A vrai dire, je ne veux même pas le savoir... C'est un Dom vicieux, avec un jean crasseux! Un gouffre!

        _ Mais vous tremblez! rajouta l'Italien.

        _ Oui, il suffit d'un peu de fatigue le matin, pour être fragile sur ses jambes! Je suis moi-même étonné de me voir aussi sensible! Mais, bon passons, la tête haute... Y a rien à donner de ce côté-là, tellement c'est gluant! Ce n'est pas non plus exceptionnel, remarquez... Certains ne reculent devant aucune bassesse, pour dominer! Le plus répugnant ici, c'est pas tant le vice, mais un immense égoïsme! Une décharge amoureuse d'elle-même, somme toute!

        _ Belle image! fit Sacripante. Mais tu signales un Dom 5!

        _ C'est une Dom! Elle est inquiète et elle a mis un pantalon orange et très moulant! Evidemment, ça capte le regard et c'est une forme de domination... Il est quasiment impossible d'y échapper! Cela peut paraître séduisant et naturel, mais c'est déjà dévorant! Cette femme ne se calmera que si elle occupe toutes vos pensées! Ce n'est pas la solution, d'autant qu'ici elle montre aussi toute sa cellulite! On éprouve un peu de pitié pour cette Dom, qu'on ne peut pas réconforter, et d'ailleurs, elle rentre chez elle la tête basse... D'autres haïssent, quand on résiste à leur séduction agressive! Bon, je vais m'acheter un croissant!

        _ Et les calories, Jack?

        _ Eh, c'est Nami Sato qui parle!

        _ Oui, pense à tout ce beurre que tu vas ingurgiter!

        _ C'est pour l'expérience, Nami!

        _ Oui et je t'en remercie, Jack... le replet!

        _ T'as un Dom 10, Jack! coupa Sacripante.

        _ Oui, je suis dans la boulangerie... et c'est quasi inévitable! Il est juste derrière moi! Dès qu'il est entré, j'ai senti sa pression! En fait, je le dérange, car je suis indépendant!

        _ Qu'est-ce que tu veux dire, Jack? intervint Andropov.

        _ Mais toujours la même chose, Fédor! Je ne parais pas influencé par la présence du Dom et donc sa domination s'arrête! C'est un abîme qui s'ouvre, car toutes les peurs du Dom reviennent à la surface, en même temps que sa haine! Ce qu'il faut comprendre, c'est que le Dom avance comme dans une bulle, constituée par sa domination: c'est une forme d'immaturité, d'enfantillage! L'individu n'a pas voulu s'individualiser totalement! Mais tiens! Il regarde mes fesses!

        _ Quoi?

        _ Oui, Nami, c'est encore du mépris! On me laisse supposer que si je suis docile derrière, c'est que je suis faible devant! C'est de la domination sexuelle, mais pour nous cela reste un aveu d'impuissance... Notre Dom rame pour me détruire! Mais j'achète mon croissant... Oh! la deuxième vendeuse prend la commande du Dom et il parle d'une voix forte, comme s'il était seul au monde! Il a même un ton badin, destiné à me faire sentir que je ne suis qu'une "plaisanterie", que je n'existe même pas! C'est impressionnant, mais la haine est toujours là, car voilà que sa voix retombe, avec un écho sinistre! Evidemment, car ce n'est pas naturel tout ça! Mais je ne le regarde toujours pas, car je ne perds pas conscience que plus il déploie d'efforts et plus il montre que je suis important, comme un plomb de chasse entre ses dents! Son mépris ne m'atteint donc pas! Bon, je sors!

        _ Mais tu es toujours à dix, Jack! fit Sacripante.

        _ Oui, un type installé à une terrasse m'a fait voir tout son dégoût, dès qu'il a compris qu'il ne m'intéressait pas!

        _ C'est pas vrai!

        _ Mais si, Nami, c'est la réalité! La domination est constante, car comment pourrions supporter notre situation autrement? Il faudrait reconnaître notre petitesse dans l'espace, notre mort et même toute l'absurdité de notre quotidien!

        _ D'ailleurs, tu ne quittes plus la zone rouge, fit remarquer Sacripante.

        _ Oui, maintenant, il y a beaucoup de monde dans la rue... La plupart des femmes font des appels de phares, pour se rassurer... et les hommes continuent leur rapport de force!

        _ Tiens, tu passes à zéro!

        _ J'ai pris une ruelle déserte, où l'on trouve des arbustes en fleurs et l'on entend des oiseaux! C'est reposant!

        _ Eh ben dis donc, fit Andropov, tu es juste sorti faire un petit tour et on voit combien c'est déjà éprouvant! Après, on ne devrait pas s'étonner que nos vies soient si difficiles!

        _ En effet, Fédor! On peut même dire que nous continuerons à nous détruire, tant que nous ne maîtriserons pas notre domination; ce qui implique d'abord, bien entendu, que nous en prenons conscience!

        _ En tout cas, pour moi, c'est tip top! s'écria Sacripante. J'ai déjà une foule de données à gérer!   

        _ Oui, Jack, "l'immersion", si je puis dire, est réussie! ajouta Andropov. Vous pouvez revenir par ici qu'on... vous débarrasse!

        _ Jack! C'est Nami! Qu'est-ce qui pourrait conduire les hommes à ouvrir les yeux?

        _ Pour moi, il n'y a qu'un levier réel et c'est la foi!

        _ Et la "lutte finale"? fit Sacripante.

        _ Tu emploies toi-même le mot lutte! Or, il ne s'agit pas de dominer, mais d'aimer, de respecter, de marcher sans peur!"

  • Dom TV

    Dom tv

     

     

     

     

                                                                               "Votre étoile vous fait mal, shérif?"

                                                                                                                  First blood

     

     

        "On va faire un tour, OK?"

        "Pose ton révolver, Billy, lentement!"

        "T'as le fric?"

        "Et la fille?

        _ On a le temps, non?"

        "Le soir du meurtre, vous avez déclaré: "J'aurais la peau d' ce type! de c' fumier!" C'est exact?

        _ J'étais énervé!

        _ Non, je vous en prie, répondez par oui ou par non! Votre Honneur...

        _ Veuillez répondre par oui ou par non, à monsieur l'avocat général, s'il vous plaît!

        _ Vous avez bien dit: "J'aurais la peau d' ce type!"

        _ Oui!

        _ Bien! Et quand vous êtes passé devant le gardien, vous aviez votre veste beige! C'est bien ça?

        _ Oui!

        _ Pourtant , monsieur Wooh, du pressing, est catégorique: vous avez apporté votre veste beige chez lui, la veille du meurtre! Ne serait-ce pas plutôt la jaune, que vous aviez ce soir-là? Hein? Hum!

        _ Espèce de sale bavard! T'essaies d' m'embrouiller, hein? T'es comme l'autre, tu te crois supérieur? Lui aussi, il me narguait! Et j' l'ai fait taire! Je... Non...

        _ Greffier, qu'on emmène l'accusé!

        _ Formidable, maître, vous l'avez eu haut la main!

        _ Oui, je me suis rappelé une recette de poulpes, de mon oncle Bernie! Je ne vous ai jamais parlé de lui?"

        "Je vous en supplie! Laissez-moi! Pitié! Non!"

        "J'ai trouvé la bombe: elle indique 5 heures, 48 minutes et 25 secondes!"

        "Vous savez vous servir de cette arme?"

        "Où est la came? J 'te demande où est la came?"

        "Eh bien, je suppose que l'assassin aura repris ses clés, pour traverser le couloir, en laissant le chat dans la cuisine!

        _ L'ennui, c'est qu'on a retrouvé ses chaussures sous le lit et non au-dessus! Il ne pouvait donc pas voir que madame Crung avait changé ses habitudes!

        _ Hum!"

        "Alors, doc, qu'est-ce qu'on a?

        _ Eh bien, la lame a sectionné net la carotide! La mort a dû être quasi instantanée!

        _ Une idée sur l'arme?

        _ Peut-être une baïonnette... En tout cas, quelque chose de très aiguisé! Mais il y a une surprise! Je vais retourner le corps... Là, en bas du dos, lisez... C'est fait avec la même arme!

        _ W I A, un truc militaire?

        _ Ou bien: "Who I am?" C'est peut-être un message qui vous est directement destiné, car c'est vous le penseur! Mais toutes ces cogitations m'ont donné faim et c'est l'heure de mon sandwich au thon!

        _ Bon appétit, doc!

        _ Revenez quand vous voulez!"

        "Tu viens dans ma maison! Tu m'insultes devant mes invités, ma famille! Mais t'es complètement givré, Ricardo!

        _ Excuse-moi, Tony! Mais j'ai perdu la tête! Le FBI est après moi! Ils fouillent mes dossiers! Ils...

        _ Tu veux me rendre un service, Ricardo?

        _ Tout ce que tu voudras, Tony!

        _ Meurs en silence!

        _ Tonnyyy!"

        "Holà, la banque, vous m'entendez? Il faut que vous montriez votre bonne volonté! Vous libérez un otage et on discute, OK?"

        "Vous avez dû bien rire, quand vous l'avez vu se tordre de douleur! Il s'est traîné jusqu'au canot... Le poison lui enlevait l'usage de ses membres inférieurs... Et là vous l'avez achevé à coups de serpe!

        _ Vingt ans qu' j'attendais ça! J'en avais l'eau à la bouche! J' l'ai bien regardé dans les yeux, avant d' lui crier: "Meurs ordure!"

        "Objection, votre Honneur! L'avocat général est en train de manipuler mon client!

        _ Objection retenue! Maître, veuillez procéder autrement...

        _ Très bien, votre Honneur... Monsieur Brown, pour 25 malheureux dollars, vous avez battu à mort la victime, parce que vous êtes un ignoble rat puant!

        _ Votre Honneur!

        _ Faites évacuer la salle!"

        "Messieurs, je vous présente le TRG 28, entièrement automatique, vingt balles en rafale, avec un chargeur supplémentaire! Avant même que l'autre lève le bras, il est une passoire sanglante! Cerise sur le gâteau: l'arme est d'un alliage léger, qui passe les détecteurs de métaux! La mort de demain est en marche, messieurs! Et il y a une réduction, si vous achetez dès maintenant!"  

        "J' vais t' crever, t'entends! T'es mort! T'es mort!"

        "J' voulais pas le tuer! C'était un accident!"

        "Vous croyez qu'on a affaire à un tueur en série?"

        "Y avait une voix dans ma tête qui disait:"Tue-le! Mais tue-le!"

        "J' te donne trois secondes, après je fais feu! Un, deux, trois..."

        "J' veux pas mourir! Non, pitié!"

        "Pan! Pan!"

        "Y voulait pas s' taire!"

        "Et tu sais ce qu'il m'a dit, juste avant de mourir?"

        "Ah! parce que vous croyez qu'ils vont nous laisser en vie!"

        "Suis-le et tue-le!"

        "Vingt mille maintenant... et vingt mille après le boulot!"

        "Tous! J' les aurais tous!"

        "Ils vont mettre le chauffage en route et... boum!"

        "J'ai été obligé de tirer! C'était lui ou moi!"

        "J' veux la peau d' c' fumier! Peu importe ce qu' ça coût'ra!"

        "C'est la fin du voyage, Ron!"

        "J' veux un avocat!"

        "Mais qui es-tu?"

        "B'soir inspecteur, c'est pas beau à voir!" Etc.

        Voilà ce qu'on peut voir et entendre sur le petit écran, à peu près constamment, et cela abrutit forcément! Cependant, c'est essentiellement l'angoisse qui au quotidien crée la violence et même le sexe! Elle excite la domination, car dès que nous nous sentons mal à l'aise, instinctivement nous cherchons à retrouver le sentiment de notre valeur, de notre importance, de notre supériorité! Ainsi, la peur d'exister s'évanouit, car nous voilà apparemment avec un but, un peu comme l'aiguille d'une boussole se fixe sur le Nord!

         L'angoisse renforce notre domination et cela se traduit par une agressivité physique chez les hommes et sexuelle chez les femmes, car la domination féminine, rappelons-le, est constituée par la séduction! On voit par conséquent des hommes prêts à en découdre, méprisants, qui se frottent parfois en se croisant, dans un air plein d'étincelles, et à côté, des femmes comme des phares, qui captivent incessamment l'attention, qui n'hésitent pas à poser et qui semblent totalement dépourvues de vergogne; même si certaines tremblent de la tête au pied!

        C'est que l'angoisse commande et celui qui a les yeux ouverts peut remarquer ces jours-ci, par exemple, comment les piétons veulent traverser, quand bien même le bonhomme du feu est rouge, ou combien les voitures ont dû mal à ralentir au rond-point, puisqu'elles ne peuvent pas s'engager de suite! S'arrêter, respecter les règles sont en effet autant d'occasions de retrouver son angoisse!  

        Il est inadmissible de se calmer, en piétinant les autres, et ceci est aussi valable pour la domination féminine, car dans ce cas la relation vide l'homme comme un œuf! De plus, les comportements égoïstes créent un cercle vicieux, puisqu'ils effraient et désespèrent! A étendre le désert, on amplifie encore le mirage de la domination!

        Pourtant, l'angoisse n'est pas notre ennemie, même si sa sensation est désagréable! Elle fonctionne sur la société, comme la vague qui se retire sur la plage: elle laisse à nu l'essentiel! Elle permet donc au sage de comprendre les lois qui nous régissent et d'en être rassuré! La paix, la tranquillité, la joie sont ses remèdes! Il s'agit au fond de s'enchanter du monde, car un jour c'est un jour, ce qu'ignorent les "fantômes" de la domination!

        Mûrir, c'est perdre une peau!

  • Dom zéro!

    Dom zero

     

     

     

     

     

                                                                              "Moi, François Perrin, acclamé par la foule!

                                                                                 _ Perrin! Perrin!"

                                                                                                                    Coup de tête

     

        "C'était une drôle d'époque, ça je peux vous le dire! Une triste époque serait sans doute plus exact! D'abord, le ciel pouvait subitement devenir noir et déverser des tonnes d'eau! Il y avait des inondations en n'importe quelle saison! Certains étaient traumatisés et vivaient sur le qui-vive! Puis, soudain, c'était la canicule et une période de sécheresse! Tout le monde sentait que les engrenages là-haut étaient déréglés, mais on ne changeait pas pour autant! Non, on continuait comme avant! On construisait toujours! On était aussi agité! On avait l'air d'avoir la soif de détruire! Et puis toujours notre morgue! De vrais caïds on demeurait! De vrais ânes quoi! Eh oui, une drôle d'époque! Une sale époque en fait!

        La situation s'est corsée d'un coup! Quelque chose d'inattendu est arrivé! On a vu des gens mourir par centaines! La panique s'est installée et notre position est devenue encore plus sombre! Un virus s'est mis à se balader à travers le monde! Il faisait tousser, il empoisonnait et on y passait, s'il n'y avait pas de soins! Les pays serraient les dents, comme des sous-mariniers à l'écoute du destroyer! On n'était pas fier, on sortait plus de chez soi! Le confinement, ils appelaient ça! Certains chefs d'Etat se moquaient du virus, jusqu'à ce qu'il les mette à genoux! Il y avait déjà le préservatif et il y eut le masque! Pour cacher nos sales gueules, car on est haineux... et on n'en fout pas une ramée! Je sais, j' m'énerve! La plupart sont pris par leur travail, ils sont aussi des victimes, aimez-vous les uns les autres, etc.! Vous voyez, j' la connais par cœur la litanie! Mais on n'en fout pas une ramée, tout de même!

        Comment se fait-il qu'on ne respecte pas les autres à la boulangerie? Comment se fait-il qu'on ne réussisse pas un truc aussi simple, aussi élémentaire! Non, vous voulez que je vous dise comment on se comporte au quotidien? Mais on arrive dans le commerce et on doit nous servir tout de suite! Tout le monde doit dégager! On est ruisselant de haine! On terrorise! On est incapable de prendre sur soi, un tant soit peu! On est dégueulasse! De vrais bébés nazis qu'on est! Age mental zéro! Maturité zéro!

        On pourrait voir l'autre! le considérer, le respecter! Il est là, c'est sont tour! Il ne met pas de mauvaise volonté... Non, il faut qu'on l'écrase! qu'on lui pourrisse la vie! Et après ce sont les mêmes qui vont discuter du réchauffement climatique, des dangers de l'escalade nucléaire et qui vont se plaindre de la violence du monde, alors qu'ils sont les premiers à la créer! Des pingouins, sur un bout de glace, sont plus clairvoyants et bien entendu infiniment moins dangereux! De véritables salopards! On est entouré de véritables ordures! C'est pas exagéré, car c'est le b.a.-ba dont je parle! Regarder l'autre, prendre conscience qu'il n'est pas là pour être notre esclave! Grandir, bon Dieu!

        Hop là, madame, une seconde! Bon, vous voyez le type devant! Ouais, il achète son fromage! Il existe, hein? Vous le voyez? Respirez, madame! Détendez-vous! Calmez votre nombril! Vous pensez que vous allez pouvoir attendre tranquillement votre tour, qu'il finisse ses achats? Vous pensez que vous pouvez y arriver? Oui? Vous portez le numéro dix et il y a dix mille euros pour vous, si vous le laissez terminer en paix! Je vous avoue que j'ai misé sur vous! Vous avez une tête qui me donne envie d'espérer! Hein? Je me trompe pas? Vous êtes de la trempe de ceux qui ne déçoivent pas! Si, si, je vois une lueur d'intelligence dans vos yeux! Comment vous appelez-vous? Marguerite! Joli prénom! Eh bien, Marguerite, c'est votre jour de chance! Vous allez vous placer dans les starting-block! Oui, comme ça! Alors, c'est très simple: tant que le monsieur est devant l'étal, vous ne bougez pas! Vous pouvez même regarder ailleurs! Par exemple, vous pouvez noter que le soleil brille! qu'il y a des fleurs ici! que l'air embaume! Vous devenez enfin curieuse du monde qui vous entoure! Hein? Vous pensez parvenir à ça, Marguerite?

         Très bien! Il s'agit juste de rester calme, on est bien d'accord? Une minute pas plus! encore moins à l'école, quand vous étiez petite! Une broutille, Margie! Hi! Hi! J' américanise votre prénom! Normal, pour une future star! Alors, c'est parti, Margie! Attention, top départ! Non, Mar... maringouin, on peut pas rentrer dans le magasin! Fussiez-vous une fouine! D'abord parce qu'il y a le Covid et ensuite, vous vous rappelez, il faut respecter la personne!

        Ouh! Au secours! L'équipe de sécurité, mais foncez bon sang! La bourgeoise est en train d'assassiner le vieux! Le type au fromage, oui! Il est en train de passer à la casserole! La numéro dix lui a sauté d'ssus! Elle est en train de le piétiner! C'est pas beau à voir! Mais qu'est-ce que vous foutez à la sécurité! Vous êtes au dixième café ou quoi! J' vous dis qu'il y a le feu! Bon, j' vais être obligé d'abattre le fauve, pour sauver le type! J' vois d'ici le procès! Ce s'ra moi le monstre! Mais tant pis, c'est un cas de force majeure!

        Oui, oui, on est vraiment en dessous de tout! Comment ça se fait qu'on se demande pas si Dieu existe? Pourquoi on prend pas l'Evangile pour voir? Pourquoi on se secoue pas, qu'on lève pas la tête? On est comme des vaches en train de brouter! On va mourir, bon sang! On est perdu dans l'espace! On crève de soif! On voudrait de l'amour, d' la reconnaissance et on est dur comme la pierre! On trouve sa haine légitime! légitime, vous vous rendez compte! Alors que dans d'autres pays, ils fouillent les décharges pour s' nourrir! On baigne dans notre jus, comme de vieilles chaussettes! On vaut pas tripette! On bouge pas son cul! On mérite juste un coup de fusil en pleine poire! Pouah! Attention! J' dois cracher! Pfffiou! Encore un qu' les Russes n'auront pas! Ah! Ah!

        Mais, enfin, pour en revenir à l'époque dont je vous parlais, un nouveau cauchemar avait fait son apparition! un truc bizarre, terrible même, qu'on n'avait jamais vu..., quoique dans le genre on avait déjà expérimenté..., les camps de concentration par exemple! Mais, ici, la situation était tout de même inédite! On eût dit qu'on marchait à l'envers, sur la tête, comme les Patagoniens! Vous allez m' dire qu'ils n'ont qu' ça à foutre! Ah! Ah! Aïe! J'ai mal à ma jambe! J'ai des varices qui m' coupent la circulation!

        C'pendant, le paysage est progressivement devenu inquiétant! Ouais, m'dame! On voyait des choses qui donnaient froid dans le dos! Y avait comme un parfum d' fin du monde dans l'air, voyez ce que je veux dire! Comme si tout était baigné dans une sorte de brouillard froid, délétère! Au hasard des éclaircies, on tombait sur une tête de cheval, sanglante au bord du champ! une fille violée, en larmes! un cadavre avec un couteau dans le dos! des voitures en flammes! des granges, des porcheries brûlées! On sentait le cochon cuit à des kilomètres! Le Viêt-Nam chez soi, quoi!

        Des calvaires, des cimetières, des monuments aux morts étaient abattus ou souillés! Y avait des goules dans le secteur, semblait-il! On tuait pour un rien! Chaque jour, on avançait dans l'horreur, dans le désespoir, car il n'y avait plus de digues! On pouvait s'attendre à tout! Les criminels étaient devenus inventifs, figurez-vous! Toutes les limites étaient repoussées! Il fallait s'attendre au pire!

        C'était comme si une force étrangère avait décidé de nous détruire, en minant toutes nos bases, en sapant tous nos repères! La société devenait un vrai gruyère et révélait ses abîmes! Evidemment, les autorités juraient qu'on allait prendre les coupables et effectivement, on les prenait! Pensez, avec les moyens dont on dispose aujourd'hui! Ouch! J'ai cette vieille blessure de Corée qui s' réveille! Un cadeau communiste! Cette idéologie, une absurdité dès le départ! Même sous la plume de Karl Marx!

        Mais revenons à nos moutons! On capturait, on jugeait, on condamnait, mais le mal continuait de progresser! C'était une véritable gangrène! Tout le monde gueulait et criait au scandale, pourtant y avait une explication à tout ça! Quoi! On croit qu'on va pouvoir vivre comme ça, sur notre planète, sans Dieu! sans spiritualité! sans développer notre âme! sans chercher un sens supérieur! en laissant la beauté sur le bord de la route, pour la seule raison qu'elle est une invention de l'homme! 

        Mais ce qui nous tient, nom de nom, c'est la domination! c'est notre égoïsme! Et comment alors pourrions-nous vivre en paix, en harmonie? Mais encore faudrait-il s'en rendre compte! Et dire qu'il y a encore des scientifiques qui sont devant la Raison, comme devant l'enfant Jésus! Ils vous disent que la Raison garantit leur liberté... et qu'elle éclaire le monde et qu'elle fera son futur! Et ils ont des têtes de saindoux, quand ils disent ça! Ils sont ruisselants de malice, comme s'ils avaient trouvé un équilibre, rien qu'à eux, supraterrestre! Alors qu'ils ont un balai dans le cul, qui les fait tenir droit et qui s'appelle Domination!

        C'est par leur petite vanité, leur position sociale, leur importance au labo ou dans les revues, qu'ils arrivent à supporter le quotidien! C'est pour ça qu'ils n'y voyaient goutte en ce temps-là Des taupes! Quasiment des parasites! Avec leur message d'apôtres en vacances! Pouah! Attention faut que j' crache! Pffiou! Encore un qu' les Chinois vont r'gretter! Ah! Ah! 

        Ouais, la clé, c'est qu' les dingues s'attaquaient à tout c' qui représentait la normalité, l'ordre! Leur domination était telle que toute chose paisible représentait un obstacle et devait être mise par terre! Ainsi, ils devenaient le centre de tout! C'étaient eux le pouvoir, les décideurs! Ils créaient la peur! La science ne mérite qu'un gros coup de pied au cul! Quoi? On croit qu'on va pouvoir vivre comme ça, avec nos petits salaires, nos bisness, notre laïcité! Mais Dieu n'est pas un maître, ni encore moins un bourreau! Il nous libère de notre égoïsme! Il nous donne la paix! Il nous enchante, sacré nom de nom!

        Il nous enlève le poids de la connerie! Mais il peut pas forcer les crétins qui nous entourent! ce qui fait qu'on souffre et qu'on a mal! Tout le jour, on est harcelé par la haine, le mépris de gens qui n'ont qu' ça pour vivre! On est zéro, moins que zéro! Et on continue de baratiner! Alors que le plus simple, le plus facile, on chie d'ssus! Merde! et remerde! V'là que j' tousse à présent! Peuh! peuh! Après ça, on pourra pas dire que j'ai pas été patient!

        On crève de soif à cause de la haine! Zéro effort, j' vous dis! Rien ne rentre! La moindre politesse, on la connaît pas! Des hyènes, ce sont des hyènes! Et puis, comme si ça suffisait pas y a eu la "dom" psychique! Des individus fonctionnaient comme des piles électriques et voulaient vous commander! Normal, dans un monde sans Dieu! L'égoïsme est le seul moteur! C'est l'essence! Y a pas un scientifique dans l' coin, que j' lui tape dessus! Je veux me faire du bien, j' l'ai mérité! C'est que j' suis plus tout jeune, moi! La grande faucheuse aiguise déjà son couteau et sifflote, quand elle entend mon nom! Elle a un air gourmand, même si je ne veux pas m'accorder une importance exagérée! Allez m' chercher un de ces penseurs à la noix, qui s'exprime dans les journaux! J' lui enlèverai doucement la peau!    

        Vous m' trouvez cruel? Et eux, y sont pas cruels envers l'honnêteté, l'intelligence? Et vous les trouverez dans la rue à haïr! à être pincés, car on les a pas vus! Rien qu' ça! Et ils vont après jacter sur l'alpha et l'oméga! Ces deux-là viennent  d'ailleurs dîner c' soir! Et j'aimerais qu'on soit correct à c't' occasion! Bon, on a eu en plus toute une flopée de branleurs et de poupées toxiques, pour reprendre une expression de Marie Claire! Des petits monstres ont investi le marché du travail! On s'rait cru dans l'univers de Bob Morane, avec les créatures grouillantes de l'Ombre jaune!

        Fallait s'méfier des dingues, mais en plus y avait ces drôles d'ados, à côté, qui semblaient sur le point d'éclater, si on leur donnait pas leur sac de son! Des types épuisants, qui vous enlevaient toute la cervelle, à force d'essayer de vous dominer, de vous supplanter! Des pharaons en culottes courtes! Les filles pareilles, mais avec la séduction! Un truc crevant! Il fallait et faut toujours les regarder à tout prix! admirer leurs beaux cheveux, leur magnifique profil, sinon elles vous agacent comme des mouches! Vous finissez par vous donner des claques, pour les chasser, alors qu'elles ne sont plus là depuis longtemps! Une époque de dingues, j' vous dis! Résumons, le Covid, le réchauffement climatique, une violence incroyable et des jeunes comme des factures impayées!

        Comment on s'en est sorti? J' sais pas! Et à la limite j' m'en fous! J'ai rendez-vous avec la beauté! avec Dieu, c'est mon amour! Loin de tous ces fumiers, tous ces salauds! qui sont même pas foutus d' se corriger un peu! Soit ils dominent, soit ils angoissent, les pauv' choux! La beauté, ça c'est merveilleux! Les grands arbres qui s'agitent dans la lumière, ça c'est bath! C'est fort! Là, on respire! Et puis les animaux, les fleurs, la magie de l'eau! C'est plus intelligent qu'un scientifique! On peut pas survivre, avec le matérialisme! C'est pas possible!

        Le b.a.-ba! Ils y arrivent même pas! Et y jactent quand même! Y s' croient lucides! Autant faire parler les baleines! Des larmes, j' vois des torrents d' larmes! Et la haine, mais comme de la lave! Et des paroles comme la pluie! Faut couper le son! Quelle tristesse! Quelle bêtise! Quelle suffisance! Et encore s'ils prenaient l'Evangile, pour s' le claquer sur la joue! J' demande pas qu'on le lise! Seulement qu'on s'en donne un coup! Au moins on aura fait quelque chose dans sa vie! Allez, bonsoir!"

  • Sarajevo Dom!

    Sarajevo dom

     

     

     

                                                            "Alors, comme ça, madame Molyneux est absente! Le jour de ma visite!

                                                              Elle est chez des amis; des amis que je ne connais pas! Bizarre!

                                                               _ Je vous assure, mon cher cousin, que vous avez dit: "Bizarre"!

                                                               _ Moi, j'ai dit: "Bizarre"? Comme c'est bizarre!"

                                                                                                                                                            Drôle de drame

     

     

        Dan Curtis était caché par un poteau électrique, mais il se dit qu'il serait bien plus en sécurité dans le parking souterrain, qui se trouvait en face! Le problème, c'était qu'il fallait justement traverser la rue, à découvert, en pleine lumière!

        Dan respira, puis s'élança! La première balle fit exploser une vitre de voiture derrière lui! La seconde chassa une poubelle sous ses yeux, mais Dan fonçait! Il était parfaitement lucide et il s'engouffra dans le parking! Une dernière balle fit pleuvoir du ciment sur son épaule, mais il se sentait maintenant à l'abri et il apprécia la nouvelle fraîcheur des lieux.

        Soudain, il se figea, car un homme venait de surgir devant lui! C'était un vieux monsieur, qui regarda à peine Dan et qui se mit à parler: "Toutes les civilisations gardent la mémoire du déluge... En Chine, en Inde, des textes attestent le fait! Ce sont les philosophes des Lumières qui se sont acharnés à le nier!

        _ Mais...

        _ Laissez-le! Il n'est pas dangereux!"

        Dan vit alors apparaître une deuxième personne, une femme. "Il n'a plus toute sa raison, reprit-elle, et on ne peut pas l'arrêter! Par contre vous, vous m'avez l'air en pleine forme et vous pourriez constituer une menace! Je vais donc vous demander ce que vous faites ici!"

        Dan sursauta, car la jeune femme brandissait maintenant un gros calibre! "Je sais m'en servir, si c'est ce que vous voulez savoir! reprit l'inconnue. C'est un 9 mm, qui a appartenu à mon père!

        _ Hum, ça doit faire de jolis trous!

        _ En effet, la balle passe dans le corps comme dans du beurre et elle est presque toujours mortelle!

        _ Mais je ne suis pas un ennemi! Je suis venu me réfugier ici, car on veut ma peau!

        _ Ah! Alors, apparemment, nous sommes dans la même situation!

        _ Ah bon?

        _ Oui! Mais vous saignez du bras! Un peu plus loin, il y a un robinet... Venez!

        _ Ce sont les philosophes des Lumières, qui par leur rage ont répandu l'athéisme!

        _ Tiens, il est reparti! fit Dan en regardant le vieux et il prit le pas de la jeune femme."

        A côté du robinet, il lui demanda: "Comment vous appelez-vous?

        _ Diane!

        _ C'est un joli prénom!

        _ Et quel est le vôtre?

        _ Dan! Mais vous m'avez laissé entendre qu'on en a aussi après vous...

        _ Oui, c'est à la fois absurde et horrible!

        _ Racontez...

        _ Ce week-end, j'ai demandé à deux campeurs, un couple, de quitter le champ où je fais paître mon cheval, car ils l'effrayaient!

        _ D'accord!

        _ Ils ont refusé! Ils étaient agressifs et comme je ne faisais pas le poids, je leur ai dit que j'allais appeler la police!

        _ Vous l'avez fait?

        _ Oui, mais personne n'a répondu... Apparemment, ils sont débordés!

        _ J'ai aussi cette impression...

        _ Les campeurs sont venus jusqu'à ma maison et j'ai tout de suite fermé à clé, mais ils sont entrés quand même, en cassant un carreau! Lui voulait s'amuser avec moi, alors qu'elle, elle a commencé à tout mettre à sac! Elle m'appelait la bourgeoise! Je leur ai proposé à boire et c'est comme ça que j'ai pu prendre le Glock de mon père! Je les ai alors tenus en joue, pour m'enfuir et monter dans ma voiture! Mais ils se sont lancés à ma poursuite et... je ne sais même plus comment je suis arrivée ici! rajouta Diane, qui se mit à pleurer.

        _ Vous avez raison, c'est affreux! fit Dan, qui caressa doucement l'épaule de la jeune femme.

        _ Ils disent que nous ne sommes pas plus intelligents que les dinosaures!

        _ Et vous, quelle est votre histoire? demanda Diane, qui ignora le vieux.   

        _ Oh! J'ai simplement eu le malheur de dire à deux cyclistes que de rouler de front, devant une voiture, était dangereux! Très vite, l'un m'a agoni d'injures! Il m'a traité de porc et de gros porc! Je croyais pourtant l'incident clos, mais, la semaine dernière, j'ai trouvé un rat crevé dans ma boîte à lettres! Je suis sûr que ce sont eux, même si je ne comprends pas comment ils ont eu mon adresse! Et tout à l'heure, je me suis rendu compte que je n'avais plus d'eau! Je suis donc sorti, pour vérifier le compteur, mais il a éclaté quasiment entre mes mains! J'ai compris qu'on me tirait d'ssus et je me suis réfugié derrière un poteau électrique! J'ai aperçu mon tireur sur le toit d'en face, qui n'attendait visiblement qu'une seule chose, que j'essaye de rentrer chez moi! J' l'ai donc surpris en courant vers ce garage et me voilà!

        _ Mais qu'est-ce qui se passe, Dan? Qui sont ces gens qui deviennent fous?

        _ Je vais peut-être vous surprendre, mais j'en ai une petite idée! Il se trouve que je travaille pour une organisation, qui lutte précisément contre ce genre d'individus! Pour faire court, je vous dirais que ce qui nous motive en premier, c'est notre égoïsme, le sentiment de notre valeur, de notre supériorité! C'est un instinct qui nous vient de la domination animale! Mais à notre époque, qui est sans repères, certains ont recours à leur égoïsme, au point qu'il forme une bulle, un monde uniquement régi par eux! C'est ce qui leur permet de garder un équilibre et d'échapper à l'angoisse!

        _ Ils ne croient en rien! Ils ont le cœur dur!

        _ De cette façon, poursuivit Dan sans regarder le vieil homme, si une autorité ou une contrariété viennent fissurer cette "bulle", elles peuvent causer une explosion de violence, car c'est toute la pression du dehors qui entre dans le monde de l'individu, avec tout ce qu'elle contient d'angoisse!

        _ Mais vous ne les voyez tout de même pas comme des victimes? fit Diane.

        _ Bien sûr que non! J'explique, je n'excuse pas! Mais notez que le plus grand nombre n'a pas d'autres comportements! Lui aussi est haineux, dès qu'on menace son égoïsme! Cependant, lui, il respecte la loi!

        _ Mais votre organisation pourrait nous aider, vous ne pensez pas?

        _ Evidemment et j'aurais déjà téléphoné à mes collègues, si je n'avais pas laissé mon portable chez moi!

        _ Mais le mien aussi est resté chez moi! Je ne pensais qu'à m'enfuir!

        _ En ce cas, il ne nous reste plus qu'à prendre votre voiture, pour rejoindre mes amis!

        _ Ceux qui brillent tombent bientôt dans la nuit!

        _ Et lui? fit Diane en désignant le monsieur. On ne peut pas l'abandonner là! Il faut le conduire dans un établissement spécialisé!

        _ Très bien, nous embarquons donc tous les trois!"

        La voiture se présenta bientôt à la sortie... "Ecoutez, dit Dan tourné vers Diane, je ne pense pas qu'on cherche à nous canarder, car mon nom n'est tout de même pas inscrit sur la carrosserie! Alors, on y va?"

        Diane acquiesça et la voiture s'engagea dans la rue. "Vous voyez!" fit Dan, mais soudain les trois passagers furent projetés vers l'avant: un véhicule venait de les percuter violemment par l'arrière!

        "Ce sont les campeurs! hurla Diane en se retournant. Ils m'attendaient!" Dan jura, accéléra et vit dans le rétroviseur deux visages hilares! Puis, soudain, le chauffeur s'écroula sur son volant! Le véhicule monta alors sur le trottoir et traversa la vitrine d'un magasin, ce qui déclencha son alarme!

        "Apparemment, mon tireur s'est affolé! expliqua Dan.

        _ C'est leur manque de foi qui les perd!

        _ Dites, demanda Dan à Diane, vous êtes sûre qu'il n'a plus toute sa tête?"

        Au siège de l'OED, l'ambiance était tout autre... On fêtait une victoire, même si elle était amère! "Mes amis, dit Fédor Andropov, à la petite assemblée qu'il avait devant lui, tout ce que nous avons prédit est en train d'arriver! Nous savions que la domination excessive allait conduire à la pire des violences et aujourd'hui, on tue, on blesse, on frappe ou on injurie à la moindre observation! On explose, on sort de ses gonds, on ruisselle de haine, pour la moindre peccadille!

        Certes, nous rêvons tous d'un autre monde, mais nous avons eu raison! Et apparemment, nous sommes les seuls à comprendre ce qui se passe! Ainsi, nous devons êtes fiers, car notre savoir, notre lucidité et notre combat sont aussi les fruits de nos choix et de notre courage! Je vous propose donc de lever nos verres, pour dire: "Gloire aux antidoms!"

        _ Gloire aux antidoms!

        _ Reste à savoir, rajouta Jack Cariou, comment déferlera l'immense vague de domination psychique de la jeunesse! Elle ne vas pas tarder à atteindre tous les niveaux..."

        Ce fut à ce moment qu'entrèrent Dan Curtis et ses nouveaux amis! "Tiens Dan! fit Sarah Taylor. On se demandait justement ou t'étais passé?

        _ On a été attaqué par des DTN, figurez-vous! Sarah, je te présente une nouvelle recrue, Diane!

        _ Mais... fit l'intéressée.

        _ Bienvenue chez nous Diane! enchaîna Sarah, qui prit la jeune femme, pour la présenter aux autres.

        _ Et ce monsieur? dit Dieter Stein. Il me semble qu'un siège lui ferait le plus grand bien!"

        On fit asseoir le vieux monsieur et Jack demanda à Dan: "Qui c'est?" Le jeune homme ne put que hausser les épaules... "La paix est le bien le plus précieux!" déclara soudain le vieil homme et tout le monde se tourna vers lui!

  • Te Deom!

    Te deom

     

     

     

     

                                                               "Et si on allait voir le type qui a le cœur qui saigne!"

                                                                                                        Peur sur la ville

     

        "Bienvenue chers auditeurs de France à terre, pour cette soirée exceptionnelle aux arènes de Nippes! La nuit est douce et le public nombreux, même si les distances réglementaires sont respectées! Au programme le fameux Te Deom de Caramempier, remis à l'honneur par le patient travail de l'OED et grâce à l'aide financière de la région Narquoise!

        On connaît l'œuvre, mais il est quand même bon de rappeler que le chœur est constitué de dix femmes, toutes des voix de dessus et qu'on trouve dans l'orchestre une viole, un violone, un serpent, un clavecin et des timbales, à côté des violons, des flûtes, des hautbois et autres trompettes! Car c'est toute la richesse de la Renaissance, tout un faste digne de Versailles que nous allons retrouver ce soir!

        Alors le Te Deom est bien entendu un chant de louanges, d'adoration, mais il est dédié au Dom, dont nous découvrons peu à peu le personnage! Celui-ci est joué par le ténor Adrian Corban, qui, à cause d'une foulure, n'a pu se rendre à Milan; ce qui a fait l'affaire de Nippes, car le spectacle milanais chevauchait presque celui-ci! Nul doute que Corban, qui est guéri, aura de cette façon un brio incomparable, après ce repos forcé! 

        Pour lui donner la réplique, la soprano Maria Scheim, qu'on ne présente plus, tant elle est prisée par les connaisseurs! Disons simplement que Maria, qui était l'épouse du tempétueux chorégraphe Barinsky, eh bien , elle a vu son mariage battre un peu de l'aile... Il y a eu des choses pas très propres, qui ont beaucoup blessé Maria, ce qui fait que sa carrière s'en est trouvée ralentie! Allez, maintenant ça va mieux! Maria est revenue au premier plan et va encore nous régaler!

        Que dire d'autre chers auditeurs, si ce n'est que le silence s'installe à présent et que la fête commence! Je dois l'avouer, j'en ai des frissons! Jamais peut-être les arènes de Nippes n'ont été aussi belles! On entend déjà le magnifique roulement de timbales, qui prélude cette œuvre merveilleuse et qui est d'une brûlante actualité, comme vous allez le comprendre! Mais chut! La beauté commande, la majesté s'exprime... et le matérialisme obéit! Le Ciel est femme! (Qui a crié lèche-cul? Qui?)"

        Les timbales résonnent joyeusement et sur la scène, des filles et des garçons jouent naturellement à la balle... Puis, les trompettes explosent, pour annoncer la splendeur et les adolescents se retirent devant un carrosse doré, qui avance mécaniquement! Des feux de Bengale s'allument sur les côtés, tandis que le chœur apparaît dans l'ombre... Le Dom sort alors du carrosse, avec un habit étincelant et un chapeau à plumes! Il offre le bras à sa femme, qui descend à son tour, dans une robe somptueuse, tandis qu'un diadème scintille à son front! L'orchestre diminue en intensité et c'est la voix du ténor qui s'élève!

        "Je ne sais rien! Je ne vois rien!   

     Ni la petitesse de la Terre, ni ma mort! 

     Alors comment je tiens? 

     Mais grâce à mon nombril, c'est lui mon confort!    

     C'est lui mon chien! 

     C'est lui mon effort!

     Je suis le Dom!  

     Et partout je domine! Je dome!   

     Je bombe le torse et mon paquet!     

     Je suis ta chaîne! 

     Car c'est moi le meilleur, OK? 

     Sinon tu subiras ma haine!       

         La soprano: "Je suis la Dom! 

     Et je veux que les hommes soient fous

     Des courbes de mon corps!

     Je veux mille rendez-vous 

     Et qu'on me crie encore et encore!

     C'est moi la Dom!  

     Et tout le jour je dome!   

     Car je ne sais rien! Je ne vois rien! 

    Ni la petitesse de la Terre, ni ma mort! 

     Alors comment je tiens?

     Mais grâce à mon nombril, c'est lui mon confort!

     C'est lui mon chien!  

     C'est lui mon effort!

        Le chœur, accompagné des violons: " Nous te saluons le Dom! Nous te louons la Dom! Vous êtes le doux parfum des séraphins! Gloire à vous Doms! Gloire à votre puissance éternelle! Que votre royaume vienne enfin! Que votre égoïsme se répande sur la Terre! Que votre justice soit faite!

        Nous te saluons le Dom! Nous te louons la Dom! Les anges vous entourent et les lumières du paradis scintillent derrière vous! Votre égoïsme foudroiera le fourbe, chassera le méchant, consolera l'opprimé! Il est le rédempteur, la clarté! Que les trompettes du Ciel résonnent, les Doms vont nous sauver! 

        Aie pitié le Dom! Pardonne la Dom! Regardez votre peuple perdu dans la nuit des souffrances! Aie pitié le Dom! Pardonne la Dom! Regardez l'homme dans la nuit du péché! Scintille ô tabernacle de l'égoïsme!

        La musique continue, sans le chœur, mais pendant ce temps-là les Doms se sont changés et c'est le ténor qui revient en premier, la tête sous une capuche! La musique se transforme elle aussi et devient beaucoup plus cadencée, plus dure, martiale!                                                                       

        Le Dom: "Je suis le Dom voyou! Je n'aime que l'ombre, la fermeture! 

    Je n'ai que moi! Je me défends et j' combats! 

    La haine, le désordre, c'est ma pointure!

    Je mets l'harmonie, la paix, la bonne volonté à bas!

    Car ce n'est pas moi! Car ce n'est pas moi! 

    J' crève un youyou! J' tonds un golf! J'attaque la police!  

    Je brûle, je vole, j' rançonne sans émoi!  

    J' suis mon propre délice! 

    J' tue même! Car ce n'est pas moi! Car ce n'est pas moi! 

    J' suis le cœur! le centre du monde! 

    J' suis le Dom voyou! 

    La machine immonde! 

    Qui est You?

    A jamais je mords!

    Car ce n'est pas moi! Car ce n'est pas moi! 

    C'est la mort!

    Et l'effroi! 

    Voilà mon tag!

    Voilà mon bag! 

    J' vis en autarcie!  

    Voilà ma scie!

        La musique est à nouveau plus douce, mais elle inquiétante, menaçante!

        La Dom: "Je suis la Dom bourgeoise!

    Je suis connue, le commerçant me salue! 

    Mais au fond je suis sournoise! 

    Et la haine est ma glu!   

    Partout je presse, je terrorise même!

    Je veux qu'à mes désirs on s'emploie!                                                                                                               Je veux voir qu'on m'aime! 

    Chacun est sous ma loi!                                                                                                                    L'affranchi me hérisse!

    Je veux qu'il soit détruit!                                                                                                              C'est moi l'actrice!  

    C'est pour moi les fruits!                                                                                                                               Mon maître est mon orgueil!

    Pour lui je répands le sang!                                                                                                                           Je multiplie les cercueils!

    A la pitié jamais je ne consens!                                                                                                                                Je suis la Dom bourgeoise!

    Le commerçant me salue!                                                                                                                         Mais au fond je suis sournoise!  

     Et la haine est ma glu!

        Le chœur: "Nous te louons le Dom! Nous t' honorons la Dom! Vous êtes la lumière des cieux! Vous êtes le chant éternel! le soleil radieux! Que votre égoïsme tout puissant vienne, avec tous ses anges! Gloire aux Doms! Gloire aux sauveurs! 

         Nous te louons le Dom! Nous t' honorons la Dom! Votre éclat est sans pareil! Vous êtes la justice, l'infini, l'espoir! Que les hommes se prosternent, car vous êtes la vérité! L'eau de vie coule par vos lèvres! Vous êtes la douceur, la consolation!

          Aie pitié le Dom! Pardonne la Dom! Voyez nos erreurs, nos péchés! Redresse-nous le Dom! Aime-nous la Dom! Tous, nous vous adorons! Les anges vous couvrent de fleurs! Vous illuminez nos jours! Sans vous que ferions-nous?

        Trois personnages rentrent en scène, vêtus de collants scintillants: "Qui êtes-vous? demande le Dom.

        _ Nous sommes la beauté, la patience et la bonté! (Ils donnent leur nom chacun à leur tour!) Nous sommes les trois mains, les trois oiseaux, les trois flammes! (De nouveau ils parlent à la suite et ils dansent!) C'est nous qui donnons la paix, la joie, la liberté! C'est nous le secret, la lumière, le chemin! C'est nous qui aimons, respectons et consolons! C'est nous qui rendons fort, doux et humain!

        _ Ouais! fait le Dom! Vous m'avez plutôt l'air de guignols!

        _ Ils m'ennuient, rajoute la Dom! Ils me donnent même envie de vomir! Oh! là! là!

        _ Elle a raison la bourgeoise! Allez, caltez de là, avant que je vous étripe! (Il menace les personnages, qui rentrent dans l'ombre!) Ouais, c'est beaucoup mieux comme ça! Je suis le Dom!

        _ Je suis la Dom!

        _ Je ne sais rien!

        _ Je ne vois rien!

        _ Ni la petitesse de la Terre!

        _ Ni ma mort!

        _ Alors comment je tiens?

        _ Mais grâce à mon nombril!

        _ C'est lui mon confort!

        _ C'est lui mon chien!

        _ (Ensemble!) C'est lui.... mon efff... fffort!"

        "Voilà! Le public est debout! C'est une formidable standing ovation pour les deux interprètes! Elle est méritée, car le spectacle a été extraordinaire, chers auditeurs de France à terre! Je suis abasourdi, vaincu, bluffé! Et il n'y a pas que moi! Ecoutez-moi ces hourras! C'est maintenant une ola à couper le souffle! On jette des fleurs sur la scène! Maria les ramasse, car elles sont pour elle, la sublime!

        Oui, Maria, je t'aime! Qui a crié pauvre fou? Qui?"