VIET RAM!

  • Le 08/05/2021
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Vietram

 

 

 

                                            "Dire que les meilleurs sont morts le nez dans la boue!"

                                                                                   The Big Lebowsky

 

 

 

   Journal de Jack Cariou, monde de RAM, lundi 3 mai: l'aube pointait à peine quand la mère de RAM prépara son voyage et elle pleurait en remplissant son sac! Elle songeait à l'ingratitude de son fils, à sa dureté! Certes, il devait faire sa vie, mais de là à ignorer sa mère!

    La vieille femme prit son bâton et quitta la ferme, sous l'œil interrogatif des animaux! Elle marcha longtemps, s'abîmant les pieds sur les pierres, mais tout de même elle était partout chez elle et toute chose la fêtait à sa manière! Enfin, le soir tombant, elle vit les murailles de la ville!

    Elle s'approcha des gardes et expliqua qui elle était et qu'elle voulait voir son fils! Les gardes furent d'abord incrédules, mais, face à l'insistance de la vieille, ils envoyèrent un des leurs prévenir leur chef!

    Cependant, RAM était fort occupé! Chaque jour, en effet, la ville était en ébullition! On s'y battait, s'y injuriait, s'y soulevait et RAM était comme ses sujets, à cran! "Quoi? Qu'est-ce qu'il y a? cria-t-il à son ministre. Ma mère est à la porte? Bon sang! C'est bien le moment! Dites-lui qu'elle repasse plus tard! Hein? Parce que moi, j'en ai jusque-là!

    Elle paraît lasse, gémissante, suppliante? Mais, avec elle, c'est toujours pareil! Il faudrait l'écouter, se réjouir de sa présence! Comme si on n'avait qu' ça à faire! Un poison! Mon dieu, que de simagrées! Mais que croit-elle à la fin? Qu'on va donner à manger aux gens avec des fleurs et des beaux discours! On est dans une cage remplie de fauves ici!"

    On retourna donc vers la mère, pour lui dire qu'elle ne pourrait rencontrer RAM, car il avait trop de travail! Elle baissa la tête et se mit de nouveau à pleurer et même les gardes en furent émus! Puis, elle s'écria: "C'est moi, sa mère, je peux l'aider! le consoler, l'apaiser! J'ai apporté des philtres pour le soulager! Je lui chanterai ses anciennes chansons, celles qui le berçaient et l'endormaient! Il se sentira de nouveau en sécurité! Il a besoin de paix, vous savez!"

    Les gardes étaient d'accord, mais ils ne pouvaient pas désobéir et la vieille dut repartir dans la nuit; son châle se confondant dans les ténèbres! Mais ainsi RAM nie la beauté!

    Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 4 mai: il existe une machine très particulière dans le fonctionnement de RAM! Chaque jour, chaque individu y est soumis! C'est pourtant une machine invisible et elle doit agir avec des ondes sur le cerveau!

    Celui-ci est étiré dans tous les sens, réduit en des milliers de fragments, à l'instar de ceux d'un kaléidoscope! Et il faut chaque matin reconstituer le tout! C'est épuisant, comme si on commençait la journée, en se réveillant sur une grève, après avoir failli se noyer!

    C'est qu'au fond RAM est pareil à la mer! Les peurs, les inquiétudes, mais aussi les envies, les ambitions y soulèvent des vagues incessantes, puissantes, qui heurtent la coque du cerveau! C'est un festival d'incohérences, de hargnes, de bêtises effrayantes d'égoïsme, ainsi que les lames semblent rivaliser de brutalité contre un quai!

    Le repli sur soi, le sédentarisme ne sont que des tentatives maladroites, inconscientes, pour essayer de trouver un peu de paix, celle des profondeurs! Pour le penseur aguerri, qui a déjà plongé des milliers de foi, qui connaît tous les pièges de la concentration, le danger de ses mélanges, pour celui-là, il est possible de voir dans le bleu le plus dense, presque étouffant, la dorsale de RAM!

    Elle est une réalité, malgré l'agitation folle de la surface! Mais, même si on la connaît et qu'on sait qu'elle donne du sens, on perd bientôt son souvenir, car la machine de RAM est tout le temps en route et elle brise toutes les certitudes! Au mieux, on est comme un horloger affectueux devant une montre cassée! Au pire, on se laisse emporter par la furie, en essayant de mordre!

    Commissariat de RAM: "Patron, y a un Psycho-RAM qui voudrait vous voir!

    _ Bof!

    _ Y dit que c'est au sujet du virus et du patient zéro!

    _ Mais faites entrer, Miniers, faites entrer!

    _ Bonjour! fait le Psycho-RAM, qui entre par-dessus Miniers. Je me présente: Psycho-RAM, Alphonse Boucherat!

    _ Enchanté! Enchanté! Je suis le commissaire Brocart! Un peu... d' café..."

    La voix de Brocart meurt, car évidemment comment donner du café à une boule qui se déplace? "Eh! Eh! Commissaire, du surmenage sans doute!

    _ Evidemment, nos journées sont longues! Vous disiez avoir quelque information au sujet de l'épidémie, du patient zéro....

    _ Oui, figurez-vous qu'il m'est arrivé de drôles de choses ces derniers temps!

    _ Ah?

    _ Oui, j'ai d'abord secouru un va-nu-pieds, un cuistre, un nommé Jack Cariou! Il avait un coup de blues et j'ai essayé de lui apporter des solutions! Peine perdue! Le bonhomme savait tout! prenait chacun de haut! J'ai tout de suite flairé le paranoïaque, souffrant d'un complexe du père! Ces individus sont les plus sournois, les plus paresseux, la vraie lie, si vous voyez ce que je veux dire?

    _ Euh! Pas tout à fait! Mais quel rapport avec ce qui nous préoccupe?

    _ J'y viens, commissaire, j'y viens! Vous savez que grâce à RAM nous pouvons déchiffrer le passé, voir les images de l'enfance! Manifestement, ce Jack Cariou n'était pas d'ici... Il semblait détenir un secret!

    _ Hum!

    _ Ne vous impatientez pas, commissaire, car c'est ici que les choses se corsent! Quelques jours plus tard, j'ai recueilli un autre individu, un nommé Friant! Il délirait et on l'avait trouvé à demi-noyé dans les égouts!

    _ Dans les égouts? Tiens!

    _ Oui! Il disait qu'il n'était pas le patient zéro et que Jack Cariou mentait! Il pleurait encore la mort d'une certaine Sophie! Le pauvre homme était bien tourmenté et choqué! Mais je l'ai remis d'aplomb! Je lui ai demandé si à cinquante ans il avait droit à la retraite et il a ouvert des yeux effarés! Je lui ai montré l'abîme qui l'attendait! A partir de là, il fut aussi doux qu'un agneau! Il devrait être possible de le retrouver, car à l'heure qu'il est il doit courir après une embauche! Ah! Ah!

    _ Mais voilà des renseignements fort intéressants, monsieur... Boucherat! Nous allons effectivement nous mettre à la recherche de ce Friant!

    _ J'en étais sûr! J'aimerais cependant formuler une requête!

    _ Je vous écoute...

    _ Quand vous aurez fini avec Cariou, je voudrais l'interner!

    _ Ah?

    _ Oui, j'ai envie de l'entendre gémir et me supplier! Ce s'rait pour moi très doux!

    _ Et parfaitement déontologique! Mais je ne peux rien vous promettre! On verra, comme disait la truie!

    _ On verra... comme disait la truie? Ah! Ah! Commissaire, je sens qu'entre bons vivants on va pouvoir s'entendre! Ce n'est pas la peine de me raccompagner!"

    Le Psycho-RAM s'envole et quitte la pièce... "Nous les tenons, Miniers! Allez en route!

    _ Vous oubliez, patron, ces femmes assassinées! Elles sont six maintenant!

    _ Très juste, Miniers! Je vous charge de l'enquête... et je m'occupe de Friant!"

    Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 5 mai: une voix retentit dans la rue: "Bienvenue dans notre nouveau jeu, monsieur Cariou!

    _ Tu entends ça, Julie? Comment savent-ils mon nom?

    _ Tu as dû passer devant une borne qui reconnaît les puces! Il y en a un peu partout!

    _ Et si je refuse de jouer! je crie moi aussi.

    _ Nous nous fâcherons!

    _ Je vois! Alors de quoi s'agit-il?

    _ C'est très simple! Comme vous le savez, les conducteurs sont toujours désireux de rendre service... et ils ralentissent pour laisser passer le piéton! Le but du jeu, c'est de ne pas les décevoir! A chaque fois qu'un "Bob" veut vous obliger, vous devez traverser!

    _ Même devant ceux qui arrivent à fond?

    _ A vous de juger, Cariou! N'en peinez aucun, c'est tout! Attention, top départ! Ouais, c'est bien! Premier passage réussi! Allons du nerf! Ouais, deuxième bon également!

    _ J'en ai marre de courir, Julie!

    _ Normal, avec toutes les cochonneries qu' tu manges!

    _ Il faut que je salue aussi?

    _ Mais oui, tu remercies! Tu ne vas pas faire comme certains, afficher un visage hautain! 

    _ Eh! Eh! Cariou, c'est le rond-point! Et des Bobs bienveillants, il en vient de tous les côtés! On tourne, ouais, c'est ça! Ah! Ah!

    _ Y s' fout d' ma gueule! Bon, je vais m'enfuir, Julie!

    _ Mais tu es de moins en moins ridicule!"

    Je me mets à courir tout de bon, loin de la voix, mais mes jambes sont soudain molles! Je vacille et j'ai l'impression d'être englué! Je lutte pourtant, je force, mais c'est inexorable! C'est comme si on me pompait toute mon énergie!

    "Il se passe quelque chose d'anormal, Julie! Je n'arrive plus à avancer!

    _ Je crois savoir! RAM aurait mis au point un rayon, qui ne serait qu'un concentré de haine! Celle-ci te dévore en quelque sorte!

    _ J' sens que j' vais m'écrouler!"

    Effectivement, je glisse contre un mur et sombre dans l'inconscience! A mon réveil, j'ai une drôle de surprise: la tête de Friant est penchée sur la mienne! "Friant? comment se fait-il?

    _ Tout doux, Cariou... Voilà un bon moment que vous délirez!"

    Je regarde autour de moi et brusquement je suis sujet à la panique! "Friant, bon sang! Où sommes-nous?

    _ Mais quelle question! A la station Charcot!"   

 
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