RAMURE!

  • Le 12/06/2021
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Ramure

 

 

 

 

                                          "T'as qu'à prendre le train de minuit! Hi! Hi!"

                                                                                  Midnight Express

 

 

 

    Comment va RAM? Des piétons traversent comme si la rue leur appartenait! Des conducteurs fulminent parce que leur Bob ne prend pas toute la chaussée! On dit bonjour pour mépriser! On devient fou furieux quand on est rappelé à l'ordre! Au fond, l'existence de l'autre nous est insupportable et tels les enfants, nous ne voulons le monde que suivant nos goûts!

    Peu à peu, RAM découvre son affreux petit visage!

    Mais à quoi encore comparerais-je RAM? A un sultan parmi ses coussins et qui s'ennuie! Il est repu, entouré d'or et il se plaint! Il ne se passe jamais rien de son côté et le mépris rafraîchit sa bouche!

   Il est une créature de RAM très particulière! Elle est comme un morceau de scotch! On ne peut s'en débarrasser! Ou plutôt il n'existe qu'une manière d'en être libéré, c'est de lui laisser le dernier mot! C'est d'accepter qu'elle vous quitte avec le sentiment qu'elle a raison, qu'elle vous est supérieure!

    Tant qu'on renchérit pour se défendre, pour faire valoir son avis, elle continue de répondre, même absurdement, car c'est une maladie! C'est plus fort qu'elle! Elle ne peut se résoudre au silence! Elle est incapable de s'arrêter, de renoncer, de se plier, d'être intelligente pour deux, de travailler pour la paix!

    Car c'est son monde qui doit s'imposer! Sans lui, elle est perdue! Elle le tient à bout de bras, toujours, où qu'elle soit! C'est un chemin de granit! une bulle! un espace clos! dont la créature est la gardienne, tel un chien féroce! Même les courants d'air sont menaçants! La moindre fissure peut provoquer une catastrophe!

    C'est l'une des conséquences de RAM! Ce sont des veines de domination qui se fossilisent! C'est un défi animal dans une société d'hommes! une agressivité qui empêche tout dialogue! C'est une misère morale! une rengaine asséchante! qui témoigne que RAM ne donne pas d'eau!

    Heureux celui qui peut se taire! qui subit l'injustice! qui comprend, qui accepte de se plier, qui ne cherche pas à mordre! Celui-là prépare en lui la place pour son trésor! Par le vide qu'il accepte, on lui donnera beaucoup! Plus il sera serein et plus il chantera! Plus sa foi sera grande et plus il sera heureux!

    Heureux celui qui ne craint pas l'appauvrissement! l'attente! Heureux celui qui se sait aimé, malgré la haine, l'indifférence et le chaos! Car il recevra le soleil! Heureux celui qui travaille pour la paix! Heureux l'enfant de l'esprit!

    Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 9 juin: "RAM! RAM! Réveillez-vous, bon sang!

    _ Hein? Quoi? Qu'est-ce que c'est?

    _ C'est encore la chaudière! répond le ministre. Elle chauffe!

    _ C'est pas possible! Y a pas moyens d'avoir la paix! On peut compter sur personne! On l'a bien fait réparer y a peu, non?"

    Le ministre hausse les épaules, pendant que RAM se rhabille! Puis, les deux hommes descendent au sous-sol et devant eux se dresse une énorme machine! "Pff! Quel merdier! fait RAM. Bon, là, c'est l'inflation... Mince, elle est dans le rouge! D'où est-ce que ça peut v'nir? Ici, c'est le niveau des prix... L'import... L'emploi... "Tirez vers le bas, pour baisser les minima sociaux..." J' comprends pas... "Tirez vers le bas, pour..." Et là? "Pression de la TVA"!

    _ Qu'est-ce que vous avez RAM? Vous êtes tout pâle!

    _ Y a qu' j'en ai marre! Mais marre! Y sont jamais contents! On a tout, vous comprenez tout! Et ils gémissent comme des chiots!

    _ Oh là! Restez avec nous! Oh là, quelqu'un! RAM est parti dans le cirage! Vite un médecin!"

    Un peu plus tard... "Bon, vous allez l'air d'aller mieux...

    _ Qu'est-ce qui s'est passé?

    _ Vous avez eu un évanouissement! Le surmenage sans doute... et on vous a conduit dans votre lit...

    _ Et vous, vous êtes...?

    _ Le docteur Ego! Ecoutez, je pourrais vous prescrire des médicaments, mais je préfère vous donner un bon conseil! Choyez-vous! Ne vous lâchez pas! Adorez-vous! Car à quel moment le ferez-vous? Quand je viendrai vous dire que c'est fini? Mais alors il s'ra trop tard! De toute façon, qui pensera à vous, si vous-même ne le faites pas?

    _ Vous avez raison!

    _ Mais oui, une belle bagnole, pour épater! Un coffre-fort taillé comme un diamant! Quelque chose de bien, ruisselant de richesse! Ecrasez les autres! Mettez-vous encore en terrasse! Vissez-vous sur une chaise! Trônez, méprisez! Soyez salace! un royal désabusé! Ennuyez-vous à mort!

    _ Ah! Ah!

    _ Vous voyez, vous allez déjà mieux! J'ai envie de vous dire d'être médiocre, mais vous en êtes incapable, n'est-ce pas! Et puis n'hésitez pas à vous plaindre! Même si ça va, même si vous en avez plein la gueule! Ne paraissez jamais satisfait! C'est naïf! Epongez tout ce qu'il y a! Sinon votre anxiété va revenir! Hein? J'ai une formule: "Réveillez l'animal qui est en vous!"

    _ Euh...

    _ Vous êtes perdu? Mais mordez, haïssez, soyez vicieux! Faites sentir votre supériorité! Y a qu' vous dans les étoiles! Et votre conscience, que faisons-nous de cette chose encombrante? Hein? Ah! Ah! Ecoutez, mettez-la dans un petit bateau et regardez-la partir au fil de l'eau!

    _ Merci, doc!

    _ Soyez vain! Paresseux! Ne faites pas le moindre effort qui pourrait contrarier votre égoïsme! Travaillez, mais pour l'argent, la puissance! Je compte sur vous!"

    Dans la pièce d'à côté, deux sœurs jumelles pleurent: c'est Fatigue et Doute! "Tu crois qu'ils vont faire la guerre? demande Fatigue.

    _ Ils en seraient capables, tellement ils sont perdus et agressifs!

    _ Ils ne veulent pas du vrai remède!

    _ Tu les connais, ils auraient l'impression de perdre quelque chose!

    _ S'ils savaient comme on peut se libérer! danser dans l'infini bonté de Dieu! être comme une étoile vibrante à jamais! comme un coq de feu plein de bonté! comme une lame de lumière, rayonnante! S'ils savaient comme c'est riche! C'est une cascade chaque jour!

    _ Mais ils vivent comme des limaces, à s' gratter le nombril... Ils limitent leur espace à un tiroir et ils haïssent tout ce qui est plus grand! Ils s'énervent! Ils s'énervent et j'ai peur!

    _ Oui, ils auront tôt ou tard recours à la violence! Il leur faudra des coupables! Tout plutôt que se remettre en question! Tout plutôt que chercher! Ils ont le cœur plus sec que les pierres... et ils en crèvent!

    _ Ils sont aveugles!

    _ Oui, la nuit s'avance!"

    Journal de Jack Cariou, monde de RAM, jeudi 10 juin... Ils sont là les enfants de la nuit, de monsieur Nuit! Ils sont là les enfants de RAM, ceux de la domination!

    Ils tuent père, mère, copain ou copine! Ils tuent dans le nuage de leur égoïsme et ils se filment sur les réseaux sociaux, ou se dénoncent à leurs parents ou à la police, comme si cela justifiait leur crime!

    Ils ne connaissent que leur bulle! Ils ne se sentent pas coupables: ils se sont seulement débarrassés d'un obstacle! RAM, par son mensonge, son hypocrisie, sa naïveté, a été incapable de les éduquer! Ils sont là les monstres et chaque jour ils nous plongent dans la stupeur!

     Mais plus l'angoisse s'étend, plus la domination devient féroce et plus les incivilités se multiplient! Il est maintenant impossible de faire confiance! Si on respecte les règles, rien ne dit que l'autre le fera! Cela produit une tension permanente, car chacun doit rester sur le qui-vive!

    Le matin, encore sonnés et dans nos rues de plus en plus sales, nous nous regardons comme des étrangers... Mais que va-t-il nous arriver? Beaucoup croient encore que le salut est dans la force, l'argent et la supériorité et c'est ce qui nous conduit à la tragédie, car il en faudra une, une de plus, pour nous abattre et nous rendre humains!

    Cariou ailleurs... L'hélicoptère nous laisse non loin de la station Charcot! A côté de notre équipement, le colonel Godefroy dirige ses six hommes et nous sommes donc huit en tout! Puis, nous allons au pas de course, vers le bâtiment, au milieu du blizzard!

    Là, premier ennui, la porte est soudée! Mais d'un sac quelqu'un tire un chalumeau et nous observons tous la flamme bleue, comme si elle devait nous réchauffer! Puis, enfin, nous pouvons entrer!

    Ce qui frappe d'emblée, c'est l'air abandonné du lieu! On voit bien que personne n'est venu ici depuis longtemps! Les motos neige semblent mortes et au-delà, c'est un vide qui se perd dans les ténèbres! Seule nous parvient la plainte du vent!

    Je regarde Godefroy, tandis que derrière nous ses hommes déposent le matériel. Il devine ma pensée et dit:" Je vous assure, Cariou, que le message venait bien de la station! Nous avons vérifié!" Nous sommes parés pour l'exploration, en formant deux groupes, et nos lampes se mettent à fouiller l'obscurité!

    A mesure que j'avance, des fantômes viennent me visiter! Je revois Nizou et Covillon perdant la tête et s'échappant vers la mort! Douguet me fait de nouveau face, prêt à combattre, mais c'est son corps sans vie sur son lit qui m'a le plus impressionné!

    J'ai de nouveau des larmes aux yeux, au souvenir de Gestin, torturé avant d'être noyé dans sa baignoire! Un homme si doux, si intelligent! Soudain, la belle Sophie Prémel rayonne tout près! Sa bouche corail me murmure une nouvelle fois des mots qui sont comme des braises! L'altière, la magnifique Sophie Prémel, avec ses formes ensorcelantes, mais aussi sa haine féroce et son destin tragique!

    Puis, des âmes plus noires s'invitent encore dans ma mémoire... Ce fou de Cressant, ce monstre à lunettes, ce professeur méthodique et sans pitié! Morizur le suit bien entendu, d'autant qu'il est la cause de notre arrivée... Morizur, l'aristo si je puis dire! L'assassin avec des manières, comme tuant de sa caste!

    Ma lampe maintenant éclaire mon ancienne chambre... On ne peut parler ici de poussière et pourtant tous les objets sont comme figés, sous une "pellicule de temps"! Tout est un peu gris et me désole! Dehors, le vent continue à mugir, rappelant l'hostilité des éléments et rendant encore plus fragiles sans doute toutes les traces de mon ancienne occupation!

    Le talkie du chef de notre groupe se déclenche: nous devons nous rassembler dans le réfectoire! Là, sous la clarté lunaire des hublots, il y a effectivement une anomalie: c'est Cressant, gelé, assis devant les restes de quelque repas!

 
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