RAM TOUJOURS!

  • Le 03/04/2021
  • 0 commentaire

Ram toujours

 

 

 

 

                                                                 "Dis plutôt qu'elle ne t'aime pas!"

                                                                                   Cyrano de Bergerac

 

 

    Journal de Jack Cariou, lundi 29 mars: "Bienvenue dans le monde de RAM! Il fait beau et c'est le printemps! la fête du culte de soi en vérité! Car RAM vous glorifie, vous magnifie, rend hommage à votre réussite, salue votre lumière, et parle de vous et encore de vous, ô mes étoiles!

    Qui est le modèle du jour? le phare, l'exemple? Qui va nous ensorceler par ses qualités, sa modestie, sa droiture, sa ténacité dans le travail? Qui est percutant et talentueux? Qui mérite notre admiration et notre argent? Quel est le cristal qui brille? Quel ego va nous ravir? Attention, les dés roulent sur le tapis vert des histoires, des ascensions!

    A quand la tienne, cher cœur? Tu sais que RAM est là pour toi, qu'il veille à ton bonheur où que tu sois! Tu es le miroir de RAM! Sans ta jeunesse, le royaume dépérit! C'est toi, en réalité, le pouvoir! RAM a besoin de toi! Aime RAM, comme il t'aime! C'est toi l'avenir, la fusée, le diamant de RAM! Tout est nuit dehors, tu le sais bien!

    On nous dit qu'un virus est en ville! On parle d'un confinement! Eh! Mais RAM en a vu bien d'autres! Le royaume saura se défendre! Que peut faire un virus contre les chevaliers de RAM? On vaccine déjà, dit-on! Etoile et tu retourneras étoile! C'est le secret! Voilà la clé!

    Dans l'eau sombre de l'oubli, tu gis, corps diaphane, caressé par le courant pur! Tu te réveilleras et éclatera ta force! Que ta beauté féminine ou masculine épouvante les ténèbres! RAM est ta maison ensoleillée... C'est ton berceau que tu protèges!"

    Palais de RAM, mardi 30 mars: c'est une vaste salle, avec des colonnes de porphyre. Au centre, sous un rayon qui tombe, des disques cérébraux gèrent le fonctionnement de RAM!

    L'un, celui du chef, se met à scintiller avec des sons étranges, que nous devons traduire ici: "Professeur, qu'est-ce que c'est cette histoire de virus?

    _ Malheureusement, ce n'est pas une histoire, Président! Il y a bien un virus qui se répand et qui tue!

    _ N'avons-nous pas un vaccin, car c'est bien gênant! RAM n'est pas gratuit! Il faut que le rêve rapporte! Comprenez, nous tournons dans l'espace à une certaine vitesse... Si nous sommes ralentis, une angoisse gravitationnelle va nous saisir! Cela veut dire une panique épouvantable! C'est notre mouvement qui nous fait croire à une éternité... et qui nous évite de penser! Construire sans cesse, investir, jouer les termites, râler même, manifester, tout sauf le repos, la contemplation, la réflexion, le silence, la vérité!

    _ Je comprends bien, monsieur le Président...

    _ Vous savez ce qui nous pend au nez, professeur? C'est le trou noir de l'économie! Nous avons ce monstre aux fesses... et il faut les tenir serrées!

    _ Bien sûr, Président, mais le virus nous préoccupe... Il faudrait déjà trouver le patient zéro, afin de contrôler la chaîne de contamination!

    _ Hum! Nous sommes déjà à sa recherche..., coupe le ministre de l'intérieur.

    _ Bien! fait le président. Et ça donne quoi?

    _ Hum! C'est assez compliqué! RAM, comme vous le savez, a plusieurs niveaux de lecture... Toutefois, le patient zéro ne peut que venir de l'extérieur...

    _ Concrètement, qu'est-ce que vous voulez dire?

    _ Rien que hier, on a pu noter dix bébés tués, quatorze femmes découpées, vingt meurtres... Je passe les viols, les vols, les agressions! On a des choses plus étranges... On a retrouvé dix mille canards empalés, quarante pelleteuses brûlées et une trentaine d'ados castrés! Deux fleuves encore ont été colorés en jaune!

    _ Mon Dieu, glisse le professeur!

    _ Laissez Dieu où il est! jette le Président. Ici, on est entre gens sérieux, pour un bisness sérieux! La vitrine de RAM tient le coup, c'est tout ce qui compte! Bon sang, il me faut la peau de celui qui est en train d'amplifier le merdier!

    _ Il y aurait bien une hypothèse, rajoute le professeur... Pourquoi ne pas voir du côté des antipuces? Ils vivent dans la crasse... L'un d'eux chope le virus et il entre en contact avec un pucé... et hop!

    _ Hop! C'est aussi simple que ça! Pour me causer des problèmes, c'est toujours simple! Mais, monsieur le ministre de l'intérieur, que pensez-vous de la piste du professeur?

    _ Hum! Elle est intéressante, certes! Nous allons tout mettre en œuvre pour la suivre!

    _ Bien, et pour le vaccin?

    _ On y travaille, évidemment! répond le professeur.

    _ Parfait! Qu'on nous régénère!"

    Des serviteurs longilignes, au visage impassible, s'approchent et font descendre un orgue à quartz. Des ondes cosmiques emplissent la salle, des rayonnements d'étoiles mortes, des grincements de planètes stériles, des errances de comètes, des pans de matières noires fusionnent en une nourriture verdâtre et phosphorescente, pour baigner lentement les cerveaux, qui ont des secousses, comme des soupirs d'aise!  

    Journal de Jack Cariou, mercredi 31 mars: "Julie, j'ai faim!

    _ Rien de plus facile! Ici, pour avoir du pain, il suffit de cligner des yeux devant la caisse, ce qui t'enlève un crédit!

    _ Et si j'ai des tics!

    _ Tu sors en slip! Idiot va! La volonté est prise en compte par la cellule! Mais, dans les archives de RAM, on peut lire que certains, avant de prendre leur petit déjeuner, devaient d'abord faire du feu, pétrir la pâte, avant de la faire cuire! Quel travail!

    _ C'est pourquoi je ne vois que des sourires autour!

    _ Mais oui!"

    J'entre dans une boulangerie, où je vois le pain en apesanteur, pour apparemment mieux circuler... J'hésite sur les viennoiseries qui flottent, quand je ressens une violente piqûre dans le dos! Je me retourne et je vois une grosse mouche, qui vrombit, pleine de haine à mon égard!

    "Mais qu'est-ce que...?

    _ Attention, Jack! me dit Julie. C'est une vieille RAM!

    _ Et alors, elle est folle?

    _ Elle juge que tu as pris trop de temps à choisir....!"

    La créature est maintenant au plafond et se prépare pour une nouvelle attaque! "Mais j'ai même pas compté jusqu'à cinq, depuis que j' suis entré!" je crie. Des yeux morts et des lames qui sortent de la bouche! Oh! Oh! Je me saisis d'une chaise et m'en protège, mais elle vole en éclats!

    Je prends alors un outil agraire d'une autre époque et qui sert d'ornement... Quand la petite vieille fonce à nouveau, je la frappe violemment sur le côté et elle va buter contre le comptoir. Elle est sonnée et ses ailes froissées ne battent plus que mollement! "Tu n'aurais pas dû faire ça, Jack! fait Julie. Ici, les petites vieilles sont sacrées! La police va arriver!

    _ Mais c'est qu'elle m'aurait tué, la garce!"

    Toutefois la police ne me préoccupe pas, car il y a maintenant plusieurs petites vieilles qui bourdonnent et qui tapent contre la vitrine, impatientes de me détruire! Je file par l'intérieur du magasin, sous le regard médusé des employés! Je trouve une porte et je sors dans le rue, où je suis pris par un étrange défilé!

    Des hommes avec un haut serré, un drôle de chapeau arrondi et des ballons aux hanches, m'entraînent avec eux! Puis, il s'arrêtent et se mettent à danser avec le même mouvement, tout en chantant! Je ne les quitte pas, car pour l'instant ils me protègent! Mais voici ce que j'entends!

    "Nous sommes les hommes bites! Vois not' paquet! comme il gonfle ton orbite! C'est nous les chefs, okay!"

    A ce moment, un liquide blanc gicle au-dessus de leurs têtes! sans doute grâce à une poire... Je voudrais m'échapper, mais je repère des petites vieilles mouches, qui continuent à me chercher. Finalement, moi aussi, je suis le rythme et les paroles: "Nous sommes les hommes bourses! Entre nos jambes, un poids... nous entraîne dans sa course! En dehors de nous, pouah!"

    Je dois être maladroit, ou peu convaincant, car un coup de pied aux fesses me sort du groupe et, en me tâtant le bas du dos, je regarde s'éloigner ces étranges personnages!  

    Cependant, je n'ai pas trop le temps de réfléchir, car des éclairs blancs figent soudain quelques passants non loin de là! "Qu'est-ce qui se passe? je demande à Julie.

    _ C'est un médico-rayon! Il est envoyé par une navette... Il cherche le patient zéro!

    _ Julie, j'ai bien peur que ce soit moi, le patient zéro!

    _ Par tous les octets de RAM! Ce n'est pas possible! Oh! Jack, comment as-tu pu? Et moi, est-ce que je ne risque pas quelque chose?

    _ Au lieu de pleurnicher, tu f'rais mieux de trouver une solution! Sinon toi et moi, on va passer à la casserole!

    _ Mais à vos ordres, monsieur Jack! Oh! J'y suis, les égouts! Jack! Impossible pour le rayon de t'atteindre là-bas!

    _ Bon... et comment on y va!

    _ Tu vas aimer, j'en suis sûr! Il faut sauter dans le fleuve... et rejoindre la bouche!

    _ Jamais je saurai si c'est pas une vengeance! Mais j'ai pas le choix!"

    Je fais donc un plongeon dans le fleuve d'à côté et si la température n'est pas trop éprouvante, j'ai tout de suite l'impression d'être sale, dans une eau huileuse et affreuse! Puis, je nage tout de même vers une ouverture, au ras du courant... Je m'y hisse et avance dans un conduit boueux et puant!

    Enfin, ça s'élargit et me voilà trempé dans une salle... Il faut y aller à tâtons, mais soudain une lampe s'allume, une bonne vieille lampe tempête! "Tiens, tiens, on a de la visite on dirait! fait une voix.

    _ Un pucé sans doute! dit quelqu'un d'autre, avec un visage noirâtre. Peut-être qu'il a voulu mettre fin à ses jours...

    _ Qu'est-ce qu'on fait? On le mange?

    _ Paraît pas bien ragoûtant!

    _ Il est à moi!"

    Je reconnais celui qui parle: "Friant?" "Lui-même, Cariou! Va falloir payer!"

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire