Les enfants Doms (troisième partie)

  • Le 18/06/2022
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Dom12 1

 

 

 

                                 TROISIEME PARTIE    

                                      LA LUMIERE

 

                                            I

 

    Sur l'île des Fous, un combat titanesque avait commencé! Madame Birkel s'acharnait sur Cariou! Elle ne supportait pas qu'il lui tînt tête! Elle était outrée, scandalisée par cette résistance, alors qu'elle avait maté tous les autres détenus, ses enfants comme elle les appelait! Elle avait donc décidé de ne plus lâcher Cariou! Elle était tout le temps sur son dos et lui imposait à chaque instant des corvées!

    Même les autres prisonniers trouvaient qu'il y avait là quelque chose de spécial! Ils ne comprenaient pas bien pourquoi, mais il était visible que la directrice était particulièrement remonté contre Cariou! Aussi, certains le méprisaient, le jugeaient bête, car pour eux il suffisait de jouer le jeu, de paraître obéir aux règles et ainsi on avait sa "petite vie", on arrivait à satisfaire quelques plaisirs! Le rapport de force avec l'autorité ne pouvait qu'être désavantageux!

    De son côté, Cariou n'agissait pas délibérément! Il aurait donné n'importe quoi pour retrouver sa tranquillité! Mais c'était plus fort que lui: tout son être se révoltait contre l'égoïsme, l'injustice de madame Birkel! Il semblait d'une autre dimension, comme s'il portait quelque chose dont il ignorait lui-même le poids, la puissance! Il s'en sentait même encombré et s'en excusait presque, ce qui avait le don de redoubler la fureur de la directrice, parce qu'elle percevait obscurément une certaine innocence!

    On était au réfectoire et un des ces jours où madame Birkel avait de l'entrain et elle voulut humilier en public Cariou! Sa sournoiserie pétillait et elle imposa le silence, avant de déclarer: "Il y a parmi vous des cochons, qui jettent leurs petits pois par terre et même leur tranche de jambon! Mais Cariou va nettoyer tout ça! Il est normal que ce soit le chef des cochons qui s'en occupe! Cariou, allez donc chercher un balai et une pelle, à la cuisine! Et on va commencer par ces petits pois que je viens d'écraser sous ma chaussure!"

    Cariou se leva et fit comme on lui avait dit! Quand il revint, avec le matériel, il ne put s'empêcher de demander tout haut: "Mais enfin, madame, de quoi avez-vous peur?" Cette question figea la directrice, de sorte que tout le monde en prit conscience! "Mais de quoi parlez-vous? s'écria madame Birkel! Peur? Vous croyez que j'ai peur de vous, Cariou? Sachez que je n'ai jamais peur et encore moins de vous que d'un autre!

    _ Madame, si vous étiez en paix avec vous-même, si vous étiez heureuse, vous n'aurez que pitié de moi, à cause de mes erreurs, de ma bêtise! Vous n'auriez nul besoin d'être agressive, voire violente!"

    Il y avait chez Cariou une sorte d'autorité dont on ne savait d'où elle venait et qui exaspérait au plus haut point la directrice! Elle explosa donc: "Mais... mais pour qui vous vous prenez? Espèce de morveux! Monsieur le donneur de leçons! Je vais vous dresser, moi!"

    Cela fut dit avec une telle rage que même les autres détenus sentirent la justesse des propos de Cariou! Il y eut une gêne générale, qui conduisit la directrice à observer les visages autour d'elle et elle frémit: comme ceux-ci étaient laids, grossiers, hostiles! Oui, elle avait peur du monde qui l'entourait! Elle en éprouvait même une crainte viscérale, une terreur et c'est pourquoi elle haïssait tant Cariou! Car elle se protégeait des autres, par la domination qu'elle exerçait sur eux, comme un dompteur contrôle ses fauves, et Cariou menaçait, enfonçait, détruisait ce pouvoir!  

 

                                                                                                       II

 

    Le duc de l'Emploi aimait à faire son tour dans RAM! Il était salué par la plupart, qui le connaissait et le craignait! Il disait bonjour lui aussi, heureux de son importance et de participer au succès de la cité! Ce jour-là l'accompagnait monsieur Nuit, le promoteur et le directeur de chantiers, celui qui rêvait d'une cité nouvelle, s'étendant sur la mer!

    Monsieur Nuit et le duc de l'Emploi s'entendaient à merveille, car ils avaient besoin l'un de l'autre! Grâce au duc, monsieur Nuit obtenait des marchés et créait des emplois, ce qui augmentait la puissance du duc! Ils étaient dans une vaste autociel et goûtaient les joies de la vie, quoique monsieur Nuit fût moins connu, plus dans l'ombre, ce qui était nécessaire pour les affaires...

    "Mais qu'est-ce que...? s'écria le duc, qui découvrait les bulles volantes des enfants Doms.

    _ Vous ne les aviez pas remarqués? s'étonna monsieur Nuit. Ce sont des jeunes... qui ne veulent pas travailler!"

    En effet, le duc voyait que les enfants Doms ne lui accordaient aucune attention, comme s'il n'existait pas, ce qui le choquait profondément et le fâchait! Des bulles passèrent même si près et à pleine vitesse que l'autociel du duc dut virer brusquement et ses passagers perdirent l'équilibre! "Bon sang! cria le duc. Mais enfin comment vivent-ils, s'ils ne travaillent pas?" Monsieur Nuit haussa les épaules: "Parents, allocs? Allez savoir!"

    Le duc fronça les sourcils et prit un air méchant: "Il faudra bien qu'un jour ils sentent ma poigne! dit-il.

    _ Sûrement! répondit monsieur Nuit, alors qu'il avait repris une coupe de champagne.

    _ Eh bien, on va leur en faire voir tout de suite! Il vaut mieux qu'ils sachent dès maintenant qui est le maître!"

    L'autociel du duc pouvait se transformer en vaisseau de guerre et du blindage recouvrit lentement ce qui avait été la carrosserie! "J'ai là de très bonnes fusées, fit le duc, et celle que j'utilise le plus souvent porte le mot Licenciement!" Il visa la bulle d'un enfant Dom et appuya sur un bouton. La fusée partit aussitôt et alla toucher sa cible, mais il ne se passa rien!

    "C'est bizarre, lâcha le duc! D'habitude, l'effet est immédiat! Le monde s'écroule et l'individu court aux toilettes!

    _ Mais ces jeunes ne travaillent pas, expliqua monsieur Nuit, et ils sont donc indifférents au chômage!

    _ Vous avez raison! Il faut quelque chose de plus fort! Une fusée Pauvreté devrait faire l'affaire! Je n'ai encore jamais vu quelqu'un en sourire!

    _ Eh! Eh!"

    La deuxième fusée en effet fit éclater la bulle de l'enfant Dom, mais alors sa réaction fut atroce! Il se tordit de douleur, comme si on l'égorgeait! Son cri fut sinistre et glaça à la ronde! Ils furent si touchés que le duc et monsieur Nuit préférèrent disparaître sans tambour, ni trompettes!

    Le soir, le duc rentra chez lui et il habitait tout le dernier étage d'un immeuble, avec de vastes pièces autour d'une piscine! Mais il découvrit un véritable saccage! Sa femme était ligotée et avait été violentée! Il la délivra et appela les secours! Partout régnait un indescriptible désordre et on avait souillé la piscine!

    On avait notamment écrit sur un mur: "Touche pas à ma bulle!!" et pour la première fois peut-être, le duc de l'Emploi eut peur!

 

                                                                                                        III

 

    Archos était un architecte en vogue de RAM! Il avait un cabinet très moderne, un cube lumineux qui témoignait de l'esprit créatif de son auteur! Archos voyait grand et il s'arrangeait pour qu'on lui confiât les projets les plus importants! Il parlait de "l'intégration" de la matière dans l'espace, de la "réverbération" des façades, d'immeubles en quasi "lévitation" ou d'intérieurs qui n'en étaient pas, mais au final ses "barres" de béton continuaient à masquer le ciel!

    Pour l'heure, il dégustait des pistaches, en écoutant d'une oreille distraite ceux qui, tout comme lui, avaient été appelés pour un réunion informelle, dans la Tour du Pouvoir! Il y avait là Dominator bien sûr, mais aussi le duc de l'Emploi et monsieur Nuit! Le sujet, c'était ces drôles de jeunes, dans des bulles et qui ne voulaient pas travailler! Chacun avait l'air inquiet!

    "Ils ont... ils ont tout bousillé chez moi! criait presque le duc! Ils ont... ils ont terrorisé ma femme! Ils l'ont humiliée! Co... comment est-ce possible? Qui sont-ils? Qu'est-ce... qu'ils veulent? Faut bien travailler dans la vie!

    _ Certainement! concéda Dominator.

    _ Des chefs de chantier me disent qu'ils ne trouvent personne à embaucher! On va vers des problèmes sans nom! rajouta monsieur Nuit.

    _ Je veux la peau d' ces fumiers! martela le duc. Il faudra bien un jour qu'ils me supplient, s'ils veulent bouffer!

    _ Mais la société ne les intéresse pas! coupa Archos qui mâchouillait. Ils s'en tapent!

    _ Comment ça, ils s'en tapent? répliqua le duc. Faut bien vivre en société, non? Qu'est-ce qu'il y a d'autre?

    _ C' que je veux dire, c'est qu'ils ont l'impression qu'on les a trahis et qu'on vaut donc que dalle!

    _ Tu peux être plus clair?

    _ Ben, regardez comment le monde est devenu! expliqua Archos, qui reprit des pistaches. Regardez dehors comme c'est pollué! La mer charrie son plastique et le ciel nous cuit ou nous verse des seaux de glace! Pour eux, y a plus d'espoir! Alors pourquoi ils s' fouleraient!"

    Les propos d'Archos furent suivi d'un silence... "Et qu'est-ce qu'on leur propose en échange? reprit l'architecte. Rien, sinon nos appétits! Ils voient qu'on pense qu'à s'enrichir!

    _ Eh! Mais t'en croques aussi!

    _ Bien sûr! Mais ils disent que puisque les autres ne sont intéressés que par leur gueule, pourquoi n'en feraient-ils pas autant? Et ils n'ont pas tout à fait tort, rajouta Archos qui avala des pistaches! S'ils s'occupent pas d'eux, qui le fera?

    _ Mais ils sont fermés, coupés du monde!"

    Archos haussa les épaules... "Mes gars me disent que ça sent pas bon! précisa monsieur Nuit. Il paraît que les syndicats sont sur les dents et prêts à mordre! Vous savez comme moi que l'inflation est galopante, alors pas question de réformes! La situation est explosive, bien plus qu'on ne le croit!"

    Dominator ferma les yeux... "Y peut-être quelqu'un qui pourrait nous aider, lâcha-t-il. Un drôle de type... Je l'ai reçu ici même... Un certain Cariou, si mes souvenirs sont bons... Il appelait les jeunes dans leur bulle des enfants Doms! Je n'ai pas très bien compris pourquoi..., mais lui avait l'air de savoir parfaitement de quoi il retourne! Il avait d'ailleurs monté une petite organisation, pour justement combattre ces enfants Doms!

    _ Eh bien voilà! fit le duc. Qu'est-ce qu'on attend pour convoquer cet homme et lui demander ce qu'on peut faire?

    _ Je l'ai envoyé en prison!" avoua Dominator et les autres regardèrent au plafond!

 

                                                                                                             IV

 

    Le petit groupe se dispersa, mais Dominator et le duc de l'Emploi restèrent ensemble. "Je vous ai demandé de ne pas partir, expliqua Dominator au duc, car j'ai quelque chose à vous montrer! Venez avec moi!"

    Les deux hommes empruntèrent un escalier dérobé et arrivèrent dans une vaste pièce, juste sous le toit et qui était plongée dans une certaine pénombre. "Mais je croyais que c'était votre bureau le dernier étage! fit le duc.

    _ Mes baies forment un trompe-l'œil, qui donne effectivement cette impression! C'est fait exprès, pour qu'on ignore l'existence de cette pièce!

    _ Voilà bien du mystère!" répondit le duc, qui s'avança.

    Il y avait un objet étrange devant lui et il s'en rapprocha... C'était une stèle qui portait, sous un couvercle, un nuage rose et scintillant! On eût dit des éclats de mica, doués de vie! "Qu'est-ce que c'est? demanda le duc.

    _ L'ancien maire! répondit laconiquement Dominator.

    _ L'ancien mai... Hi! Hi! Mais il est mort y a plus de dix ans!

    _ Mais c'est bien lui tout de même! Il n'a plus son enveloppe corporelle évidemment, mais nous avons pu télécharger le contenu de son cerveau! Le voilà immortel!

    _ C'est une blague?

    _ Pas du tout! Nous sommes désormais capables de réaliser cela, grâce aux nanotechnologies!"

    Le duc ne disait rien, il était stupéfié! "Ecoutez, reprit Dominator, depuis toujours la technologie a évolué avec nous et il est maintenant temps de s'allier complètement avec elle! N'êtes-vous pas déçu par la vie? Ne ressentez-vous jamais l'ennui, la dépression? Ne sommes-nous pas prisonniers de nous-mêmes, de nos limites? Nous voulons vaincre, mais la mort est déjà là! Nous répétons toujours les mêmes choses!"

    Il y eut une pause, puis Dominator reprit: "Pour ma part, je suis las, fatigué! J'ai besoin d'un nouvel espoir, d'un renouveau, d'une fraîcheur à l'échelle du cosmos! Et je crois que je l'ai trouvée: elle s'appelle le posthumain!

    _ L'alliance de homme avec la machine! L'homme à moitié machine? Vous parlez de la technologie comme si elle avait une vive propre!

    _ Ecoutez, cette planète est foutue! C'est mort, ça reviendra pas comme avant! Au contraire, ça va empirer, car nous sommes toujours plus nombreux! Il faudra donc bien partir, trouver un nouveau monde, mais on ne peut pas voyager dans l'espace tel que nous sommes! La solution, c'est celle-ci!"

    Dominator désigna le nuage brillant, qui sembla s'animer! "Mais il parle? Il nous entend?" demanda le duc. A cet instant, un écran s'alluma, où le duc put lire: "Rejoignez-nous, old chap!

    _ Vous voyez, c'est bien lui! fit Dominator. Il a toujours eu ce genre d'humour!"

 

                                                                                                                 V

 

    L'enfant Dom était de nouveau au bord du ruisseau, assis à coté du Magicien. "Vous savez, lui dit-il, je me demande si je suis assez bien, si je ne pourrais pas en faire plus! Je me sens sale, inutile! Je suis inquiet à vrai dire! Comment savoir si on donne le meilleur?" Le Magicien ne répondit pas, mais soudain le paysage changea! L'enfant Dom était sur une plage et une vague vint mouiller son pantalon par en dessous!

    "Mais qu'est-ce c'est?" s'écria l'enfant Dom et il se releva promptement, en constatant les dégâts "Bon sang, elle est bien froide! Encore un de vos tours!" fit-il au Magicien, qui lui était resté au sec!

    "Mais où on est ici?" se demanda l'enfant Dom, qui regarda autour et qui finit par s'approcher de l'eau. Les vagues étaient d'un vert translucide et elles charriaient des brins noirs de goémon! Elles rangeaient aussi des laminaires, comme si elles les poussaient de la bouche et les grandes algues rutilaient!

    L'enfant Dom respira, car il y avait là une impression de fraîcheur intense et un parfum d'iode lui remplit les narines! A côté, quand la mer se retirait, de petits oiseaux pépiaient et picoraient nerveusement le sable humide! Ils étaient attendrissants et magnifiquement agiles, car ils évitaient chaque vague avant de se reposer! C'était une masse grouillante, pleine de vie!

    Le vent forcit davantage et le ciel était maintenant comme du plomb! Du sable d'une blancheur extraordinaire était emporté et formaient comme des chevelures qui couraient sur la plage! "On dirait que le temps s' gâte!" cria l'enfant Dom, mais c'est tout ce qu'il put dire! Ses joues étaient la proie de milliers de piqûres et le vent retentissait maintenant à ses oreilles, telle une tôle qu'on froisse!

    C'était un aboiement qui rendait sourd et l'enfant Dom dut se retourner, dos au vent, car il ne pouvait même plus respirer! Mais alors le souffle le poussa, ainsi qu'il ne serait pas allé assez vite! On le pressait et il n'était plus le maître, c'était les éléments!

    L'enfant Dom s'efforça tout de même de rester debout, car il voulait contempler le spectacle ahurissant qu'il avait devant lui! La mer était devenue folle! Elle avait l'air de ne plus savoir où donner de la tête! Elle noyait rageusement des galets, donnait des coups de hache avec ses rouleaux ou encore entrait en ébullition, mais surtout elle explosait au contact des rochers et sa gerbe qui étincelait révélait toute sa colère!

    Il y avait là une force inouïe, qui semblait inépuisable, qui saoulait, qui hébétait! Au-dessus, des goélands planaient, comme ancrés dans le vent et on eût dit qu'ils étaient plongés dans un rêve! L'enfant Dom, face à une telle violence, une telle démesure, ne put s'empêcher de rire!

    "Dire que je me tracasse! lança-t-il au magicien. C'est incroyable!" Il était plein de vigueur, de jeunesse et il avait oublié ses soucis!

 

                                                                                                              VI

 

    Andrea Fiala vivait toujours dans la clandestinité et continuait à écrire... C'était son travail et elle se pencha sur le manque de cohésion de RAM! En effet, de plus en plus nombreux étaient ceux qui pensaient être les victimes de complots, de vastes machinations et qui de ce fait niaient la vérité la plus évidente, les faits les plus probants, persuadés qu'ils étaient qu'on voulait les tromper! Il était impossible de les ramener à la raison, malgré les preuves, et cela donnait une société haineuse, imprévisible, violente, toujours au bord de la rupture! Comment expliquer une telle obstination dans l'erreur?

    "Il existe deux aspects du problème, écrivit Andrea, le premier, c'est que les gouvernements n'ont plus d'idées et qu'ils paraissent agir au jour le jour! Ils semblent dépourvus de lignes directrices et ils prêtent donc le flanc à la suspicion, au doute et même au mépris! On voit volontiers l'autorité comme incapable, travaillant seulement pour ses intérêts et formant un monde clos, organisé, constitué de profiteurs! Le pouvoir est désincarné: il n'est pas fait d'hommes qui espèrent ou qui souffrent, mais il est le "mal" à l'œuvre, ce qui est extérieur, hostile!

    On l'a déjà dit, mais la liberté effraie et le premier réflexe est de se fermer, de renforcer ses certitudes et donc sa domination! Ce que l'on croit doit prévaloir et ainsi le monde tourne autour de nous! C'est le sentiment de notre supériorité qui nous guérit de l'angoisse! Mais c'est pourquoi aussi nous ne cherchons pas à connaître, de peur de devoir nous remettre en question! Nous n'avons aucune souplesse pour cela! Au contraire, nous sommes si anxieux que la moindre contrainte nous conduit à l'agressivité! 

    Nous créons par conséquent des bulles, nous ne nous ouvrons pas et nous ramenons tout à nous-mêmes! Ce qui ne va pas dans notre sens est forcément mauvais! Nous combattons des fantômes, des créatures de cauchemars! Nous inventons des actions souterraines, car nous sommes incapables d'accepter la réalité telle qu'elle est! La simplicité, la clarté nous sont odieuses! Car elles nous obligent à regarder hors de notre bulle, alors que nous sommes contractés par la peur!

    L'idée d'un complot, d'une menace somme toute nous protège! D'imaginer un monde commandé par le mal nourrit notre crainte et nous évite l'effort de la surmonter! Nous préférons rester immatures plutôt que de nous offrir, en toute confiance! Nous ne quittons pas notre chambre d'enfant! Nous voulons des monstres sous notre lit, car nous avons horreur du vide, comme du silence!

    Nous ne voyons pas que c'est vain! Nous nous obstinons tel le bébé! Nous gardons nos haines, notre tristesse, notre nuit! Nous refusons le bonheur! Nous ne voulons rien lâcher et c'est ce que nous nommons courage! Nous mourons pleins de désespoir, craintifs ou dégoûtés! Nous ne voulons pas aimer! Nous nous aimons trop pour cela!

    Il existe pourtant un bon indicateur de la vérité! Car elle n'a pas peur, sinon elle ne serait pas la vérité! Elle est donc sereine! Au contraire, le mensonge se trahit par son énervement, son irritation, sa violence et sa haine! C'est sa peur qui le pousse!"

 
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