EPIGRAMME!

  • Le 24/07/2021
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Epigramme

 

 

 

                                                                "FIST! FIST!"

                                                                           FIST

 

 

 

   Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi 20 juillet... "Accusé Cariou, levez-vous! Attendu que, devant le couple ici présent, vous ne vous êtes pas prosterné à ses pieds, en demandant pardon d'exister! Attendu que vous n'avez pas reconnu que vous aviez affaire à des dieux, je vous déclare coupable, accusé Jack Cariou, et vous condamne à la géhenne pour l'éternité! Avez-vous quelque chose à rajouter?

    _ Ben, j'étais à la caisse du magasin et je finissais de payer! Je discutais poliment avec la patronne, que je connais... On échangeait des nouvelles, quand ce couple est arrivé lui aussi... et il a été frappé de stupeur que je continue comme si de rien n'était! Je l'avais repéré pourtant, mais je ne mettais pas de mauvaise volonté! C'est que c'est simplement à chacun son tour! Chacun a une existence propre!  

    _ C'est tout?

    _ Non, puisque nous en sommes aux amabilités, je rajouterais que ce couple est malade! Il faut qu'en tous lieux il domine, soit le centre d'intérêt! Il ne peut pas accepter l'indépendance des autres! On leur fait injure, si on reste soi! C'est une forme d'immaturité, comme si le monde autour restait des langes! Et combien ne sont pas malades comme ça! C'est notre époque...

    _ Suffit! Qu'on emmène l'accusé! Qu'on satisfasse sur le champ le couple victime! Des honnêtes gens!

    _ C'est bien simple! Dès que j'ai senti leur présence, près des légumes, j'ai eu envie de vomir!

    _ Gardes! Hors de ma vue!"

    Je suis emmené au-dessus d'une porte temporelle et elle s'ouvre dans la nuit, sur un brasier géant! "Eh, les gars! vous allez quand même pas m' jeter là-dedans!" On me pousse et je crie, je crie!

    Et je me réveille en sueur dans un lit d'hôpital et qui pis est j'ai les mains attachées! Bon sang, où suis-je? Je m'efforce au calme, malgré l'horreur de ma nouvelle situation et je refais le cours des événements!

    Le départ de la station Charcot s'est plutôt bien passé... Après avoir tué Godefroy, le capitaine Siclay a demandé qu'on nous récupère... Je l'ai quand même invité à détruire l'arme de Morizur, le pistolet fracturant ou PF! Mais Siclay m'a répondu que ce n'était pas de sa compétence...

    Par la suite, j'ai été conduit dans RAM chez le ministre Fauconnier, qui m'avait missionné pour ainsi dire... et c'est là dans le Bob, sur le trajet, que j'ai été apparemment endormi! Mais par qui? Dans quel but? Ne pourrait-on pas me laisser tranquille?

    "Surprise!" crie le Psycho-RAM en entrant brusquement. Sa boule vole dans la pièce, avant de reprendre: "Je vous avais dit qu'on s' retrouverait! que même j'aurais vot' peau! Les cas comme vous, on les abandonne pas! Au contraire, on les choie, on les presse, on les écrase, en écoutant pisser leur jus! comme on écrase des blattes!

    _ Tiens, mais c'est cette vieille connaissance de Psycho-RAM! On a l'air d'avoir encore mal! Voilà qui m' fait plaisir!

    _ Ah! Ah! Ris, ris, Cariou, pendant que tu as encore des dents! Tu es à moi, à ma disposition! J'ai carte blanche! On veut savoir en haut lieu pourquoi tu résistes au PF! Tu vois, les nouvelles vont vite! Tu vas tout déballer, car ici on a tous les traitements! Psychotropes, électrochocs, camisole et même cette bonne vieille douche froide!

    _ Il vaut mieux que vous cherchiez pas à savoir, pour moi et le PF...

    _ Ah bon? Qu'est-ce que tu veux dire?

    _ Si j'arrive à vous faire comprendre, vous allez y rester!

    _ Oh! Oh! Mais pour qui tu t' prends? Pour Dieu en personne? Attends, pour ce genre de malades, tout est prévu! Faut les faire atterrir, c'est tout! C'est une maladie, Jack, ça s'appelle la paranoïa! Hein? T'as le complexe du messie? Pas grave, on va t' purger!

    _ J' vous aurai prévenu... Mais est-ce que je vais rester attaché?

    _ Mais non, Jack! C'était pour t'éviter une réaction incontrôlée dès ton réveil! Mais maintenant que tu sais dans quelle nasse tu es, tu vas pouvoir aller et v'nir comme les autres malades! Bienvenue dans mon hôpital, ma garderie, Jack!"

    Monde de RAM, mercredi 21 juillet... La dépression va par les rues de RAM, le corps massif, le visage fermé et l'œil indifférent!

    Elle peut accoster n'importe qui... Elle ne parle pas beaucoup et on est toujours surpris de la voir chez soi! Mais, avant qu'on ait pu faire une objection, elle nous affirme qu'elle sera un modèle de discrétion, qu'elle ne dérangera personne, et on la laisse là où elle est!

    Au matin, elle se lève aussi tout près de nous et on se demande qui elle est vraiment... Elle ne fait pas de bruit et on hausse les épaules! Sans doute qu'on s'habituera à sa présence! Et pourtant elle gêne! C'est quasiment indéfinissable! Elle lit par exemple le journal, semble ne s'occuper que d'elle-même, mais en même temps elle pèse, préoccupe, envahit!

    Elle a une action sourde, empoisonnée, quoique douce, non violente! Elle murmure à l'oreille: "A quoi bon?", "Laisse-tomber!", "T'y arriveras pas!", "C'est pas pour toi"!, etc.! Ce sont de drôles de messages, qu'elle répète inlassablement, chaque jour, et qu'on finit par faire siens!

    Elle s'amuse encore à nous effrayer! Elle suscite des peurs idiotes, éprouve les nerfs! Elle claque des portes, crie au voleur, au feu! Elle raconte des histoires folles: la justice nous a dans le collimateur! Notre nom circule, provoquant la réprobation générale! Des ombres nous guettent, le voisin nous en veut! Elle nous rend peureux à force et nous fait même pleurer, car nous sommes à bout!

    Elle s'en moque et continue son travail de sape! On en a marre et on lui dit de partir! Elle temporise et dit que ça ne servira à rien! De nouveau son poison agit! Il faut la combattre chaque jour! C'est un bras de fer! A chaque fois, on devrait pouvoir se dire qu'on a gagné un peu, qu'on est un peu plus fort! Il faut oser, se rendre compte qu'elle nous ensevelit!

     Car elle nous enterre, nous efface, au profit de ceux qui piétinent, qui écrasent de sorte qu'ils  n'en sont pas atteints! Elle nous dit d'attendre et par derrière, elle creuse notre tombe, qu'elle fait bien douillette et dans laquelle on rentrera sans résister! Ainsi, rien ne restera de nous! Elle aura tout pris, tout engouffré, tout digéré!

    Il faut lui mettre des bâtons dans les roues! Car rien ne doit demeurer dans l'ombre! L'indignation, la colère du cœur, ses doutes, ses questions n'ont rien d'absurde, tout au contraire! Ce qui est pur, légitime, a sa place au soleil! La vérité est simple et doit s'imposer! Elle sort de nous quand elle est mûre et il suffit juste de la laisser aller!

    La vérité parle et elle veut être écoutée! Alors la dépression s'en va, vaincue!

    Journal de Jack Cariou, monde de RAM, jeudi 22 juillet... Je peux déambuler parmi les autres "pensionnaires" de l'hôpital... Certains jouent aux cartes ou aux dominos... D'autres font de la peinture, des découpages... Les plus nombreux sont devant la télé, happés par elle, alors qu'elle n'est au fond qu'un objet! On aura peut-être honte dans les couloirs du temps...

    Soudain, je me fige, car je reconnais dans une vieille personne tremblante Sarah Taylor, une collaboratrice de l'Oued que j'apprécie beaucoup! Bon sang, que lui est-il arrivé et qu'est-ce qu'elle fait ici? Je m'approche, m'assied près d'elle et je lui dis: "Sarah! C'est Jack!

    _ J...ack, Jack? Ce n'est pas possible!"

    Elle se met à pleurer: où est passée l'altière, l'inébranlable Anglaise? "Sarah, ils t'ont fait du mal?  

    _ Ouuiii... Beaucoup sont morts, tu sais! Stein (ses larmes redoublent)! Gnocka, Sato, Sovensen! Exécutés!

    _ Mais pourquoi?"

    Elle hausse les épaules. "Moi, ils me droguent, reprend-elle. Oh Jack! je ne sais plus où j'en suis! Je n'ai plus aucune force!

    _ J' vais t' sortir de là!

    _ Vous ne devriez pas gêner, madame Taylor, me fait une infirmière sèche. Les émotions, c'est pas bon pour elle!"

    Je me lève et m'éloigne et à ce moment, un soignant vient me chercher. Le Psycho-RAM m'attend dans son bureau et en y entrant, j'ai une première surprise! Un homme d'une cinquantaine d'années, les cheveux en brosse, se tient devant moi: "Ah! Cariou! fait-il. Asseyez-vous! Mettez-vous à l'aise! J'ai décidé que nos relations devaient commencer sur de nouvelles bases... et c'est pourquoi j'ai quitté ma boule, pour me présenter en chair et en os! Je pense que nous n'arriverons à rien sans une confiance mutuelle! Et j'ai fait le premier pas! J'espère que vous y serez sensible!

    _ Bien sûr, docteur! J'ai grand plaisir à vous voir aussi... simplement!

    _ Bien! Bien! En fait, si vous vous montrez coopératif, je ne verrai pas pourquoi vous ne seriez pas traité ici dans les meilleurs conditions! Disons que votre séjour parmi nous ressemblerait à une période de repos! Vous pourriez être comme un coq en pâte!

    _ Et vos sentiments revanchards disparaîtraient?

    _ Mais bien sûr! Votre collaboration les éteindrait!

    _ D'autant qu'en haut lieu on vous marquerait une réelle gratitude!

    _ Hein? Oui, évidemment! Alors, c'est conclu? Bien, entrons à présent dans le vif du sujet! Qu'est-ce qui vous fait résistant au PF?

    _ Eh bien d'abord, je dois vous poser une question..., pour que vous me compreniez! Voilà, il y a longtemps que vous êtes comme ça?

    _ Comme ça? Comment?

    _ Oui, que vous êtes fermé à la lumière, à la vérité, que votre égoïsme fait barrage! Vous avez été un enfant pourtant, plein de bonne volonté!

    _ Qu'est-ce vous racontez, je suis un scientifique et seuls m'intéressent les faits!

    _ Justement, il est tentant pour un scientifique de vouloir quitter son innocence, afin de montrer qu'il n'est pas dupe! Mais je vais vous montrer mon secret, car moi, je suis ouvert à la lumière divine! Faites l'obscurité et vous allez constater que je dégage une luminescence particulière! C'est elle qui me permet de mettre en échec le PF! En fait, docteur, ce que je vous propose, ce n'est ni plus ni moins que de réaliser le plus vieux rêve de l'homme: voir Dieu!"

    Le Psycho-RAM s'exécute, non sans hésitation, mais il est mené par la carotte de l'ambition! Nous sommes debout l'un près de l'autre et je lui dis: "Observez- bien!" Il a les yeux qui sortent des orbites et c'est à cet instant que je lui envoie de toutes mes forces un coup de pied dans les parties! A sa décharge, il ne crie pas! Il est tétanisé par la souffrance, car j'ai même senti ses testicules être broyées sur le bout de ma chaussure!

    Enfin, il s'écroule en gémissant, mais je ne perds pas mon temps: je le bâillonne et le ligote avec du scotch, puis j'enfile sa blouse et me fait un peu sa tête. Ce n'est pas très difficile, il suffit d'avoir l'air toujours excédé, comme si l'autorité se mesurait à cet énervement!

    Je repère la sortie et découvre une scène à laquelle je m'attendais: deux ambulanciers discutent mollement, adossés à leur véhicule. D'emblée, je leur braille dessus et ils se mettent quasiment au garde-à-vous! "Comment, madame Taylor, n'est pas encore là! C'est inadmissible! Allez la chercher!

    _ Mais..."

    Aucune explication ne sera donnée! Je suis supérieur, car sans traumatismes, sans névroses, sans besoin d'affection! "Vous ne m'avez pas entendu?" je crie encore, le visage plein de menaces! Ils plient bien entendu! Ils sont ductiles, poreux et ils filent! Ils ramènent Sarah dans un temps record et nul doute qu'ils ont eux-mêmes fait pression sur leurs collègues!

    Nous partons, avec l'ambulance, et je demande bientôt de nous laisser en plein centre! Là encore, aucune explication! Un léger mépris, qui doit laisser supposer aux chauffeurs qu'ils s'en tirent à bon compte! Plus tard dans la soirée, je monte sur une éminence et je regarde brasiller la ville!

    La mère du capitaine Siclay va s'occuper de Sarah! Mais puisque RAM est en dessous de tout, que sa médiocrité et sa lâcheté sont sans bornes et qu'on vient inévitablement me chercher des noises, en m'empêchant de vivre, eh bien, je vais donc combattre RAM pied à pied, jusqu'au bout! Je ne fuirai plus et je m'amuserai!

   

 
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