Dom déni!

  • Le 24/10/2020
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Dom deni

 

 

 

 

 

                                                "Les deux macs! Faudrait pas qu'on les retrouve morts, les deux macs!                                                                                                          après tout c' que t'as dit sur eux hier soir!
                                                  _ T'as pas fait ça, dis?
                                                  _ Nooon!"

                                                                            Coup de torchon

 

 

    "Dom Déni, bonjour!
    _ Bonjour!
    _ Dom Déni, un nouveau livre! Un roman, intitulé Le Grand massacre, édité chez nos amis des Editions du Boucan... Alors, c'est un livre foisonnant! On y retrouve tout un tas de personnages hauts en couleurs! Ils sont d'ailleurs facilement reconnaissables!
    _ Euh...
    _ On va y revenir! Mais j'ai envie de dire que c'est le roman de la maturité! On sent, Dom Déni, que vous avez passé un cap! que vous maîtrisez encore davantage votre plume! Dom Déni serait-il devenu un sage?
    _ Eh bien, je l'espère, figurez-vous! Je pense être d'abord un homme de convictions! La vérité ne me fait pas peur, eût-elle le goût de la mort!
    _ Hum!
    _ En tout cas, je ne suis pas hypocrite! Il faut appeler un chat un chat!
    _ Bien entendu! Allons tout suite au personnage du père, qui est truculent en diable! Il parcourt son domaine pour le détruire! Car vous avez situé le roman au dix-huitième siècle! Pourquoi ce choix, Dom Déni?
    _ J'ai supposé que placer le père, comme noble et propriétaire terrien, ferait mieux ressortir son aspect despotique!
    _ Et c'est réussi! On voit le père chevauchant par monts et par vaux! Il arrive dans une manufacture, pour quasiment repartir aussitôt chez un artisan! Il harangue la foule au port! Il donne des ordres aux marchands et il va même contrôler des charrettes de foin, Dom Déni!
    _ Oui, oui, c'est un vrai feu follet! Il est comme un aigle, qui veut recouvrir le pays de ses ailes, mais, malheureusement, celles-ci sont trop petites!
    _ Il tient sa maison de la même façon! Il paraît aimer sa femme, qui cependant garde un rôle effacé! Par contre, son autorité est indiscutable sur ses gens! Ils en ont peur même!
    _ C'est qu'il semble avoir un droit de vie et de mort sur eux! Ce n'est pas vraiment effectif, car nous sommes tout de même au dix-huitième et la civilisation est en marche, mais ce qui est sûr, c'est qu'il peut les renvoyer à tout moment! Ils sont donc absolument tributaires de ses décisions!
    _ Il va avoir une idée géniale, pour asseoir encore son pouvoir! Il va imaginer un virus! une épidémie! Pour éviter la propagation, il va imposer des fermetures, des couvre-feux, des confinements! Il brandit partout la menace de la maladie et de la mort! Il demande de respecter le personnel hospitalier, dont les moyens et les forces sont limités! Et ça marche, Dom Déni!
    _ Oui, absolument! Bon nombre prennent peur et certains ont une vraie conscience civique! On limite ou on arrête donc ses activités! On ne se déplace plus ou seulement si on ne peut pas faire autrement! Les nuits deviennent particulièrement calmes... Les fêtes, si importantes pour le peuple, sont bien entendu supprimées! C'est tout un pays qui est bouleversé!
    _ Mais Dom Déni, ainsi le père se ruine lui-même, car ce sont ses propres terres et revenus qu'il met en péril! Pourquoi agit-il ainsi, Dom Déni? Est-ce qu'il est fou?    
    _ Comme vous l'avez dit vous-même, il veut dominer toujours davantage! Il a une vision des choses, qui fait que les autres sont comme de la pâte à modeler pour lui! Le pays devient un outil au service de son ambition! C'est un dictateur intransigeant, fermé, hautain, qui méprise ceux qui se sont appelés le Tiers état!
    _ Et là Dom Déni, vous êtes emporté par votre sujet! Car on n'arrête plus votre lyrisme! Sous votre plume, pleine de fougue, le père acquiert une dimension titanesque! On lit, page 70: "Il surgissait de la nuit, tel un Zorro négatif! Il entrait dans l'auberge, suivi par son bailli et des soldats qui portaient un collier de fer! Tout le monde était saisi! "Qu'est-ce que c'est qu' ça?" criait-il. Alors on fait la fête! Et le couvre-feu?" On essayait de fuir par la fenêtre! Des chiens aboyaient, hurlaient à la mort! Des femmes pleuraient, en demandant pardon! Des ivrognes sautaient de l'étage et se cassaient une jambe!
    Puis, le dictateur passait dans la cuisine, renversait des casseroles, jetait des cuillers au visage de l'aubergiste et de son épouse; pendant que ses hommes éteignaient le feu dans l'âtre! Le chaudron, avec sa bonne soupe, se déversait sur le plancher! Les lumières étaient éteintes; le silence remplaçait les rires; l'odeur de la cendre celle des sauces! L'éteignoir du genre humain avait encore frappé! Le rabat-joie terrible avait de nouveau sévi! La chauve-souris avait bu la joie du monde! La glace avait figé le gigot! L'homme était comme ces marécages brumeux, dont nul ne revient! Il avait le sourire et l'œil ardent du loup!"

    Quel style, Dom Déni! Mais on a un peu l'impression que vous avez fini par haïr votre propre créature!
    _ C'est possible... Vous savez, la passion dépasse souvent la fiction!
    _ Ouais... Cependant, vous donnez à l'épidémie une réalité! Vous racontez comment des bourgeois se lèvent, un beau matin, avec de gros boutons rouges sur le visage! C'est la stupeur, la panique! On va quérir le médecin, on veut des remèdes! On se dit que le microbe est bien là, que le châtelain finalement n'était pas dérangé!
    _ Honnêtement, si j'ai agi ainsi, c'est pour rajouter à la confusion! Car très vite, on n'y comprend plus rien! Les cas d'infections se multiplient, mais apparemment la santé de l'ensemble reste bonne!
    _ Le soupçon revient donc... Mais comment, Dom Déni, comment ne pas reconnaître le président Macron dans votre personnage?
    _ Eh! Eh! C'est vous-même qui faites ce rapprochement! Pour ma part, je préfère laisser juge le lecteur... S'il croit voir dans mon fossoyeur le bonhomme qui s'agite à l'Elysée, il ne fera que suivre son penchant!
    _ Ouais! Admettons, mais l'analogie entre la situation actuelle et votre livre ne s'arrête pas là! D'autres individus ont un masque bien fragile!
    _ Ce qui peut être dangereux, par les temps qui courent, hi! hi!   
    _ L'oncle par exemple! Vous le brossez si grossièrement qu'il apparaît peu sympathique! On lit page 114: "Il avait une grimace éternelle! C'était un braillard né, comme si le monde entier lui devait une facture! La vérité: il s'admirait, contemplait le tribun qui était en lui et sa colère venait de l'indifférence et de l'insoumission qu'il rencontrait!" C'est bien le portrait de Mélenchon, non?
    _ Ouh, là! Vous allez vous faire des ennemis! Encore une fois, il vaut mieux laisser le lecteur libre... Il sera bien mieux en sécurité, comme ça!
    _ Bon! Bon! Mais il y a encore la belle-mère! la marâtre, comme vous l'appelez! Blonde, grinçante! Vous lui donnez une mâchoire de fer, cadeau de la chirurgie de cette époque!
    _ Oui, l'ancêtre du dentier...
    _ Inutile de se demander qui vous a inspiré pour ce cas! Mais la belle-mère et l'oncle ne se privent pas de critiquer votre dictateur et puisqu'ils sont dans l'opposition, ils ont naturellement toutes les réponses! Ils savent parfaitement ce qu'il faudrait faire face à la maladie!
    _ Mais ils n'ont peut-être pas tout à fait tort, car le danger est sans doute fictif!
    _ Il y a un autre individu, qui a un rôle curieux... C'est un journaliste, un gazetier, une véritable mitraillette à éditoriaux! Après avoir dénoncé les manques du pouvoir, il réclame à celui-ci toujours la même chose: des idées, des idées!
    _ Oui, l'absence d'un fonds chez le dictateur est patente! On a l'impression d'avoir affaire à une gestion capricieuse, improvisée, inique!
    _ Le problème, c'est que votre journaliste n'en a aucune, des idées! Somme toute, il se ne contraint nullement... Il ne se rend même pas compte du privilège qu'il a de donner son avis! Il est seulement pressé de transmettre son analyse, tellement il la trouve précieuse!
    _ Mais c'est bien son rôle, non? Le journaliste n'est pas là pour avoir un programme!
    _ Je vous remercie, vous m'enlevez un sérieux poids!
    _ C'est bizarre... Depuis quelques minutes, vous m'avez l'air hostile!
    _ Mais non! Je suis tout comme vous..., bien intégré dans le système, une belle olive dans son bocal d'huile!
    _ Ah! Je regrette! Moi, je lutte justement contre le pouvoir en place!
    _ Vous l'avouez donc!
    _ Pfff! Où est-ce qu'on est subitement?
    _ Vous êtes perdu? Pourtant la fin de votre livre est parfaitement claire! En bref, car il faut laisser le lecteur la découvrir, la révolte gronde et on rejoint évidemment la révolution de 89! On chasse le tyran et ses calembredaines! On installe une Assemblée constituante, on sépare les pouvoirs, on veille au bien-être des plus pauvres, en muselant l'égoïsme des riches!
    _ Exactement!
    _ L'aurore de la justice illumine le ciel et enfin, enfin, l'humanité peut être heureuse! Ah! Ah!
    _ Mais pourquoi vous riez?
    _ Excusez-moi, c'est nerveux; c'est plus fort que moi! Ah! Ah!
    _ Je vous trouve bien désagréable!
    _ Mais même Jaurès aurait honni les gens comme vous! Pour lui, ou on s'en sortait ensemble, ou on s'en sort pas! Les sectaires de la gauche lui paraissaient des imbéciles!  
    _ Il est toujours resté chez Jaurès une part de catholicisme naïf!
    _ Mais c'est vous qui êtes naïf, Dom Déni, et vous êtes encore un hypocrite!
    _ Ben voyons!
    _ Mais demandez-vous au moins pourquoi il y a des capitalistes! Faites au minimum cet effort, car Jaurès, lui, a bien essayé de définir l'origine du mal! Vous et vos pareils, vous êtes des paresseux, des orgueilleux, malgré votre condition ouvrière!
    _ Espèce de salopard!
    _ C'est vrai, je me dégoûte moi-même!"

 

 
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