On ne croit pas!

  • Le 21/09/2019
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On ne croit pas

 

 

 

    La lecture du livre de Paul Jorion, La crise, Editions Fayard, 2008, va nous permettre de parler de l'athéisme... L'auteur est un belge de soixante-dix ans, qui est à la fois bizarrement un anthropologue, un expert en intelligence artificielle et un spécialiste de la formation des prix! On pourrait rajouter qu'il est encore essayiste, mais ça ne ferait que compliquer les choses! Bref, on ne sait trop quelle main serrer...

    Toujours est-il que Jorion a acquis une certaine réputation, puisqu'il a été le seul apparemment à prévoir la crise des Subprimes... Mais ce n'est pas tout à fait exact, car il est au fond impossible de prédire l'avenir! Nous-même avions annoncé les violences (jaunes) de 2018, mais nous pensions qu'elles viendraient des Français d'origine étrangère... Or, ils ont été coiffés sur le poteau par les "Blancs", qui sont toujours plus prompts visiblement à réclamer leur part! "Les Visages pâles ont la langue fourchue!", c'est un lieu commun!

    Mais, pareillement, si Jorion a bien vu une crise monétaire arriver, il ne considérait les Subprimes, comme il le dit lui-même, que comme un facteur parmi d'autres; ce qui ne discrédite pas sa perspicacité! Toujours est-il que le livre est très intéressant du moment qu'il parle d'économie, au point que nous avons d'abord cru à l'analyse d'un Américain, tant on pénètre profondément les événements qui ont mené à la crise! Mais le ciel se gâte définitivement, quand Jorion nous fait part de sa philosophie et de sa vision de l'avenir; là encore d'un façon si frappante que nous ne pouvons que répéter notre petite phrase: "Quand un scientifique pense, ce n'est jamais très bon!"

    Cependant, l'athéisme, puisque c'est l'attitude de Jorion, a toujours été considéré comme plus sérieux que la foi, et il y a une raison très simple à cela! En effet, il semble beaucoup plus facile d'obéir à une règle, à un dogme, plutôt que "d'affronter le vent du dehors", c'est-à-dire de devoir se faire sa propre opinion, d'être tôt ou tard la proie du doute, face aux connaissances du monde ou à l'agressivité de ceux qui sont différents!

    Un livre actuel montre bien le phénomène, c'est Inch'Allah, écrit sous la direction des journalistes Davet et Lhomme, aux Editions Fayard 2018. On y découvre qu'un département, la Seine-Saint-Denis, "s'islamise", parce que bon nombre de musulmans, se sentant rejetés par la société, veulent trouver non seulement une identité, mais surtout un refuge et ils tombent dans les bras de l'intégrisme, représenté par les salafistes!

    A priori, ce serait comme se retrouver au café, mais le dogme ou la règle provoquent très vite l'exclusion et l'hostilité! C'est là toute sa faiblesse et même sa duperie, car la vérité, elle, ne doit pas avoir peur de la différence, de la connaissance: si elle est bien ce qu'elle prétend, elle n'a rien à craindre de l'opposition, qui elle s'usera dans son mensonge! Ce n'est pas un scientifique qui va me contredire! Comme un serpent qui mue, l'humanité se débarrasse avec le temps de tout ce qui n'est pas vrai!

    Mais, dans le livre Inch'Allah, on voit malheureusement très vite la fausseté de l'islamisme, car par exemple des femmes voilées insultent celle qui se met à fumer, alors que c'est Ramadan (le mois de la charité!)! C'est la dictature de la règle, alors qu'on s'en sert d'abord comme d'un refuge! La moindre des choses serait de le reconnaître, afin de rester humble et de perdre toute agressivité; ce serait la route du courage! Toutefois, pour ce qui nous concerne, nous soupçonnons certaines femmes d'exprimer par leur voile le sentiment de leur supériorité! Ne disent-elles pas en substance aux autres: "Vous n'êtes pas du monde vrai! Vous êtes impurs et dans le brouillard! Un jour, vous disparaîtrez!"

    Cependant, ce n'est pas seulement la religion qui peut devenir une ligne Maginot, c'est toute règle et toute loi! Il en va ainsi de la laïcité! La loi qui l'impose est bonne, mais elle aussi constitue une bannière ou un préau pour une armée! L'agressivité dont font preuve certains, dès qu'ils sentent que la loi est menacée, montre combien ils sont fragiles et atteints par la peur! D'une manière générale, toute colère, toute haine révèlent un déséquilibre, une position ambiguë, un égoïsme inavoué et incontrôlé; car, encore une fois, la vérité a tout son temps: comme elle touche à l'infini, il ne manquerait plus qu'elle s'effraie d'avoir perdu ses clefs!

    Mais, pour en revenir au livre de Jorion, nous sommes d'accord avec son fil rouge, qui dit que, si les crises arrivent et en particulier celle de 2008, c'est parce que les financiers et les spéculateurs sont immatures et fraudeurs!  Avec sa connaissance de l'économie, Jorion démontre magistralement que la plupart des théories sont dans l'erreur, telle la célèbre "main invisible" d'Adam Smith, qui voudrait que le marché se régule par lui-même!

    En fait, Jorion nous explique que c'est la présence même des spéculateurs qui déséquilibre la planète financière et qui provoque non seulement des crises, mais aussi des flambées de prix, conduisant à des famines! La voracité des plus riches détruit la vie des plus pauvres et le livre aurait pu s'arrêter là, démonstration à l'appui, ce qui l'aurait rendu diablement efficace! Mais Jorion tient à nous présenter des solutions et cela passe par une définition de la conscience ou de la morale, dans le dernier quart de l'ouvrage, comme si après le poulet, on apportait du gibier!  

    Il faut bien du courage au lecteur, d'autant que jusque-là le texte est fort émaillé de termes techniques, ce qui demande une réelle attention! Mais allons-y, puisque c'était intéressant! Nous trouvons par exemple page 316, mais il faut dire que nous pataugeons déjà en plein marais et qu'il est facile d'y trouver n'importe quoi, ceci: "Les débuts de notre prise de conscience de la place qui est la nôtre au sein de ce monde furent caractérisés par notre déni de cette hostilité de la nature envers nous."

    Non, nous ne pensons pas que les premiers hommes eussent eu le luxe de pouvoir dénier l'hostilité de la nature ("Y a un mammouth dehors, qui bouche l'entrée!" "Hein?") et si la spiritualité est apparue très tôt, c'est qu'elle est bien dès le départ l'apanage de la conscience, notamment parce que la mort a posé d'emblée la question du sens de la vie! Il est difficile d'imaginer l'"éveil" de la conscience, mais Jorion montre qu'il appartient à cette lignée d'humanistes, qui ne voient que la peur à l'origine de la religion et qui, retroussant leurs manches, écartent le candide croyant, afin de bâtir enfin le monde de demain, avec une vraie truelle et non plus avec des rêves! La foi devient muette devant tant de pragmatisme!

    Cependant, c'est oublier les peintures pariétales, pour ne citer qu'elles, qui sont déjà de magnifiques œuvres d'art et qui témoignent que l'on peut croire d'abord par admiration, devant la beauté infinie de la nature; même si cette dernière reste un champ de batailles! Mais Jorion est un technicien, ce qui ne l'excuse pas, car un scientifique qui n'est pas sensible à la beauté est comme un artiste indifférent à la raison: tous deux sont de grands imbéciles!

    Toujours est-il que juste un peu plus loin, Jorion rate le bus, ce qui fait qu'il va rejoindre le centre, de la banlieue, à pied! Autrement dit, il va "ramer" et perdre son temps à démonter des siphons ou à dénouer des ballons de baudruche! Nous lisons page 318: "Il ne s'agit pas pour lui (l'homme) d'infléchir des lois naturelles, mais de subvertir les conditions dans lesquelles elles opèrent lorsqu'elles sont laissées à elles-mêmes, en l'absence de sa propre interférence." Ouf! Cette phrase déjà nous laisse comme le chat à Gaston Lagaffe, quand il a couru après sa balle en caoutchouc!

    Mais le problème, c'est bien d'infléchir en nous des lois naturelles, c'est ça le bus! C'est la domination, issue du règne animale, qui pousse les financiers à frauder et qui est donc à comprendre et à contrôler! Et bien entendu elle est en chacun de nous, ce que ne voit pas Jorion; dont l'idée essentielle est que le "mal" de la finance existe, parce qu'il n'a pas encore été rejoint et "domestiqué" par la civilisation, comme si la démocratie n'avaient pas baigné dès l'enfance les financiers eux-mêmes et qu'elle nous avait tous rendus gentils!

    Au fond, le manque de Jorion se retrouve chez la plupart des scientifiques, qui ont une vision naïve de l'homme! Un bon exemple est celui de Freud, qui considérait notre bonheur comme relevant uniquement de notre histoire individuelle, alors que plus nous sommes libres et joyeux et plus nous devenons l'objet de la haine des autres, puisque a priori nous échappons à leur domination!

    Pour connaître le cœur de l'homme, il n'y a rien de mieux que les artistes et en particulier les poètes: ils distinguent à travers les murs, ce sont des rayons X! Donc, nous avons envie de dire aux scientifiques: "Ecartez-vous, messieurs, ceci est une affaire de spécialistes! Mais si vous voulez une collaboration, voici ma carte! On reste en contact, bien entendu!

    _ Pauvre con! va!

    _ Messieurs, messieurs, où est votre flegme? la victoire de la raison sur la passion?

    _ J'aurai ta peau, sale fumier! T'as compris! T'es mort!

    _ Allez viens, Tommy, laisse cette ordure, elle n'en vaut pas la peine!"

    Bonne ambiance! Mais, pour terminer, voici un feu d'artifice au frais de Jorion! Page 322:"Le dépassement de la nature par l'homme n'a pas encore eu lieu dans la sphère économique". Autrement dit, les financiers ne disposent pas de journaux! Ils n'ont pas été informés que certains, il y a bien longtemps, par leur sacrifice, ont montré toute la folie de la haine et du pouvoir! Quelques va-nu-pieds sans doute...; comme si la religion n'avait pas invité, la première, au courage contre la férocité de la nature! On reste pantois devant les œillères de l'expert en intelligence artificielle!

    Même page: "L'homme est aujourd'hui démiurgique, créature créatrice, mais au sein même de la nature, non dans son extériorité, comme le serait au contraire un agent surnaturel." De là à dire que c'est plein de gros mots... et on pourrait continuer comme ça à chaque ligne!

    Encore une autre pour la route, au hasard... Page 326: "Un nouveau modèle, non inscrit dans la nature avant l'homme, devra cependant être découvert, car même si l'on était disposé à tolérer la manière dont le modèle prévalant régit les individus, générant, d'une part, la richesse excessive, et, de l'autre, plus tragiquement, la misère et la mort, le sort qu'il impose à la planète entière est en tout cas intolérable, etc."

    D'une manière générale, plus c'est compliqué et plus c'est suspect! Les efforts que l'on demande au lecteur, pour l'attirer dans un domaine spécifique, sont tels qu'il finit par dire: "Oui, oui, vous avez raison!", pressé qu'il est de rentrer chez lui! La vie n'est pas un Meccano!

    La conclusion du livre est la suivante: "Lorsque l'homme aura réussi dans cette tâche (celle d'avoir extirpé de son sein la sauvagerie!), il sera devenu le moyen que la nature se sera donné de créer le Dieu qui jusqu'ici lui a tant fait défaut." Et toc! Prends ça dans les parties, amigo! Eh ouais, ça fait mal; mais t'es un dur maintenant! Un euro pour l'aveugle Jorion, avant que la colère ne nous monte au nez!

    C'est dommage, car Jorion est du "bon côté"! Il dit bien que les financiers sont des margoulins et que le marché a remplacé la guerre; car il y est possible de donner libre cours à ses pulsions et de "tuer" un adversaire, de le détruire, en toute légalité, en toute impunité! Lloyd Blankfein, le patron de Goldman Sachs, n'est-il pas surnommé Blank the knife?

    Mais il n'y a pas de rupture entre le "mal" des financiers et le nôtre! Nous agissons comme eux au quotidien, même si c'est sans doute à un degré moindre, parce que nous sommes plus pusillanimes peut-être! Mais, en tout cas, c'est à chacun de changer; ce n'est pas à la marée de l'intelligence d'atteindre enfin Wall Street!

    Ceci étant, ne nous faisons aucune illusion! Nous n'entendrons jamais un financier dire: "Ah! mais c'était la domination qui nous menait... et nous allions vers une impasse! Pfff! Nous l'avons échappé belle!" Et tout le monde de rire de la méprise! "Ben tiens! reprendra notre financier, pour vous montrer notre bonne volonté, nous appellerons désormais le FMI le FDD: la fin de la domination! Hein? Qu'est-ce que vous en dites? Ce s'rait pas beau?"

    Certes, nous aurions la larme à l'œil, mais cela n'arrivera jamais! Il faudra certainement à la finance ce qui a été nécessaire pour chaque activité humaine: une réglementation stricte, un code de la route, avec des sanctions de plus en plus en fortes! Le marché y perdra l'essentiel de son intérêt et il y aura, comme aujourd'hui, beaucoup d'hostilités; mais encore quelques coups de boutoir pareils à celui de 2008 et nous nous retrouverons comme dans les ruines de l'Europe d'après-guerre, à chercher parmi les gravats un peu de nourriture; de quoi museler toutes les réticences! (L'homme, apparemment, n'apprend pas autrement!)

    Cependant, vive la Belgique, patrie de George Lemaître, mort évêque et inventeur du Big-Bang; ce qui fait de lui le vrai découvreur de l'expansion de l'Univers!

 
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