La Révolte... (23-27)
- Le 12/07/2025
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" J'étais sûr que vous viendriez!"
Une Aventure inattendue, Le Hobbit
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Paschic et « ses » Doms émeraude vont sur les routes, autour des Monts Bleus, présenter leur pièce, s’arrêtant dans les villages, où on leur fait bon accueil ! Les villageois ne comprennent pas toute la pièce, car son univers est bien trop nouveau pour eux, mais ils sentent qu’elle répond à certaines de leurs préoccupations ! Ils ont « soif » d’espoir eux aussi et voilà que ce spectacle leur donne une eau fraîche ! Les comédiens sont donc bien applaudis, même si la haine n’est jamais loin, car il y a des réactions hostiles, épidermiques ! Certains voient leur monde attaqué et même s’ils ne sont pas heureux, ils crient au scandale et lèvent le poing !
Cependant, la troupe voyage avec deux charrettes, tirées par des chevaux ; l’une servant au matériel et l’autre au logement ! Inutile de dire que l’ambiance est bonne, car l’aventure est complète et chacun est complètement engagé ! Il s’agit d’exprimer tout ce qu’on a sur le cœur et qui pourrit l’individu, si c’est muselé ! On a bien conscience de proposer un tout autre monde, que celui qui est en place et qui est malade !
Ce jour-là, on arrive dans un village étrange, abandonné… Les maisons sont vides et reprises par la végétation… et elles ont l’air d’avoir été quittées brusquement ! Le mobilier est encore là et sur les tables, il y a des assiettes, quoique recouvertes de poussière ! La troupe ne comprend pas et suppose une catastrophe, une épidémie qui aurait poussé les gens à fuir...
Soudain, il y a un fracas épouvantable à l’extérieur et chacun s’y précipite ! Que voit-on ? Un nuage de poussière qui aveugle et des roues immenses, qui pourraient broyer n’importe quoi ! La troupe se jette sur le côté, pour ne pas être écrasée et « l’engin » poursuit sa course, toujours dans le même vacarme !
On s’époussette, encore abruti, on s’étonne, mais on décide de reprendre la route et bientôt les charrettes retrouvent la paix des arbres ! Pas pour longtemps malheureusement, car voilà qu’une surprenante « rivière » arrête les voyageurs ! Elle est faite d’un métal miroitant et va très vite et il semble impossible de la traverser ! On y laisserait la vie apparemment ! Qu’est-ce que c’est ? Cela produit aussi du bruit et le débit est incessant ! Il en émane une sort ede rage ou de folie ! D’où cela peut-il provenir ?
En tout cas, la troupe doit faire demi-tour, mais dans quelle direction ? Existe-t-il un passage plus loin ? Un sentiment d’angoisse étreint soudain les cœurs, car qu’est-ce que tout cela veut dire ? Le monde est-il envahi par une espèce mutante ? Mais alors il faudrait combattre, repousser l’ennemi ! Mais peut-on déjà l’identifier ? Que voit-on à part des objets qui vont très vite et qui effraient par leur vacarme ?
La troupe est désarçonnée et ne sait quel parti prendre ! Mais elle n’a pas le temps de réfléchir : elle est surprise par un cube blanc, qui violemment écrase les arbres ! Le cube se multiplie, à mesure qu’il avance ! Il est là, puis là et déjà encore là ! A chaque fois, il secoue le sol et fait place nette ! C’est comme s’il avait une tête, qui cherchait à happer le plus d’espace possible !
La troupe essaie de calmer les chevaux, qui paniquent ! Peine perdue ! Ils s’emballent, fracassant les charrettes derrière eux ! Libres enfin, ils disparaissent et la troupe en reste médusée ! Puis, le cube vient la recouvrir, alors que les visages sont en sueur, sans points de repères !
Paschic et les Doms émeraude se retrouvent dans une vaste salle refroidie et pleine de blancheurs ! Des Doms, à l’air sévère, y circulent silencieusement… La troupe ne sait que faire… Elle paraît brusquement sale et en haillons ! Elle est gênée… Un Dom émeraude, nommé Santé, car il s’inquiète souvent de la sienne, est interpellé par une Dom, de derrière un guichet : « Nom, prénom, adresse et numéro social !
_ Hein ?
_ Dépêchez-vous ! Je n’ai pas que ça à faire !
_ Mais… , mais je viens des Monts Bleus… et on a vu un cube… et...
_ Si je comprends bien, vous n’avez pas de numéro ?
_ De numéro ? Oh, eh bien, dans la troupe, si, j’ai un numéro !
_ Eh bien, donnez-le-moi !
_ Vous voulez que je fasse ma petite danse, là, devant vous ?
_ Écoutez, si vous n’avez pas de numéro, retirez-vous !
_ Mais…
_ Oh ! Et puis, ça suffit ! Ici, le guichet 4 ! Ici, le guichet 4 ! Nous sommes en face d’un individu qui n’a pas de numéro ! Ah ! Ah ! Regardez-le tous ! Il n’a pas de numéro ! Quelle honte ! »
A la grande surprise de la troupe, tout le monde se met à rire dans la salle ! Santé est montré du doigt, moqué, car il n’a pas de numéro ! Des visages haineux et méprisants se tournent vers lui et il sent ses jambes se dérober ! Il a peur devant toutes ces faces hostiles ! Puis un géant s’approche, en tenant dans la main une noix ! « Alors comme ça, tu n’as pas de numéro ? fait-il à Santé et sa main écrase la noix, qui tombe en poudre.
_ Non, m’sieur ! répond plaintivement Santé.
_ Tu te fous de not’ gueule, hein ? »
Santé transpire abondamment et il cherche quoi dire, mais il n’en pas le temps ! Une lumière s’allume, un chiffre apparaît quelque part et une trappe s’ouvre sous Santé, qui n’est plus là ! Le géant se tourne vers les gens et en particulier il parle à la troupe : « Voilà ce qui arrive quand on n’a pas de numéro ! dit-il. On n’a rien à faire ici !
_ Il faut être un peu sérieux ! » renchérit la Dom du guichet.
La troupe est interloquée et elle se demande ce qui va lui arriver !
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« Tu pourrais essayer la magie ! » fait Marié à Paschic. Marié est un Dom émeraude, qui a reçu ce nom, car il se demande chaque jour si sa vie ne serait pas plus facile, s’il était marié ! C’est un anxieux chronique ! « En effet, répète-t-il à qui veut l’entendre, si j’étais marié, je m’interrogerais moins sur ce que je dois faire ! Ma femme me dirait : « Fais ceci, fais cela ! » et je le ferais !
_ Tu as raison, Marié, lui répond-on. C’est toi qui vois ! La solitude, ce n’est peut-être pas très bon pour toi !
_ D’un autre côté, serais-je encore moi-même ? Est-ce que je ne risque pas de devenir esclave ? Eh ! Eh ! »
Marié ne sait à quoi se résoudre et ses interlocuteurs finissent par se lasser ! « De la magie, de la magie ? dit Paschic. T’en as de bonnes, toi ! On ne fait pas de la magie, comme on sort son mouchoir !
_ Mais dis donc ! La reine Beauté t’a bien enseigné la magie, oui ou non ?
_ Oui, oui, mais on ne sait même pas où on est !
_ Santé vient de disparaître dans une trappe… et ça va être notre tour ! »
Effectivement, le géant leur fait face et il a l’air menaçant ! Paschic décide donc d’avoir recours à la magie ! Il prononce une formule et ouvre subitement les bras ! Un chêne, un vieux chêne est maintenant devant le géant ! Il bâille, s’étire et ouvre des yeux encore ensommeillés ! Visiblement, il faisait une sieste quelque part… « Ouwaaa ! lâche-t-il, sous les yeux ronds du géant. C’est toi le costaud qui fait peur à mes amis ? »
L’arbre se penche, pour mieux voir à qui il a affaire, et il serre les poings, des nœuds qu’il a bout de ses branches ! Ses muscles alors se gonflent, de sorte que son écorce se dilate et c’est impressionnant ! Le géant avale difficilement sa salive : il ne fait pas le poids ! « C’est que… bafouille-t-il.
_ C’est que quoi ? demande le chêne.
_ Ben, ils n’ont pas de numéros !
_ Et alors ? hurle le chêne. »
L’arbre, qui a résisté à maintes tempêtes, vient de crier si fortement que le géant s’est recroquevillé ! « Est-ce un crime de ne pas avoir de numéro ? poursuit-il.
_ Non, non, évidemment !
_ Donc, mes amis vont pouvoir repartir tranquillement ?
_ Oui, oui !
_ Je ne serai pas obligé de te donner des baffes ?
_ Non, non !
_ Bien, l’incident est clos ! Sais-tu que j’ai un nid sur la troisième branche et que la femelle pigeon est en train de couver ses œufs ?
_ Non, non, je ne le savais pas ! répond le géant, à présent en sueur.
_ Je te préviens : si elle a eu peur, à cause du dérangement, je vais te botter les fesses avec mes racines !
_ Euh…
_ Vérifie !
_ Hein ?
_ Vérifie ! Monte doucement sur la troisième branche… et vérifie que la pigeonne est toujours là, bien tranquille !
_ Mais…
_ Vas-y ! Il t’arrivera rien ! »
Le géant, en tremblant, touche l’arbre et commence à grimper ! Il fait attention à ne pas faire de bruit ! Puis, dans le feuillage, il regarde et aperçoit la femelle pigeon bien installée sur le nid ! L’oiseau a tout de même un œil méfiant sur l’intrus ! Mais le géant est soulagé et il descend au pied du chêne ! « La femelle est toujours là ! dit-il avec un sourire.
_ Bien ! fait le chêne. Tu as découvert un spectacle charmant, n’est-ce pas ?
_ Oui, c’est beau à voir !
_ Eh ben, voilà ! Tu n’es pas un monstre après tout !
_ Non, non…
_ Tu es maintenant un nouvel homme, ouvert à tous, respectueux des autres !
_ Oui, oui !
_ Retourne donc à ton travail… et je vais pouvoir m’en aller ! »
Le géant fait demi-tour et rejoint les guichets, droit comme un i ! Le chêne a un clin d’œil pour Paschic et il disparaît ! « Bon sang ! Comme il l’a remis à sa place ! s’enthousiasme Marié. Ta magie, Paschic, elle a marché super bien !
_ Oui, mais ce n’est pas toujours le cas ! Allons, on doit sortir d’ici !
_ Et Santé ? demande Marié.
_ Il faut le récupérer…, mais on n’y arrivera pas, sans comprendre où on est ! »
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La troupe sort de la salle et découvre ce qui doit être l’extérieur, dans le cube, puisque la circulation y apparaît libre ! Mais cela ne veut pas dire qu’on voit le ciel, ni qu’on entend les oiseaux, loin s’en faut !
Les amis avancent donc, entre des cubes, prudemment, mais soudain il y a un tremblement, avec un bruit aigu ! Le mur à côté vole en éclats et un Dom en sort, muni d’une perceuse géante ! Il a un habit jaune et un casque ! Il crie, il appelle et dans le mur d’en face apparaît une scie, qui découpe en hurlant ! Puis, un autre Dom, vêtu comme le premier, devient visible quand le mur s’écroule !
Les deux Doms se sourient, se tapent dans les mains et se remettent à gesticuler ! Une pelleteuse dans les airs leur répond ! Elle arrache un cube et le dévore ! Les restes du cube veulent s’enfuir, mais ils sont ramassés par un autre engin, pour être jetés dans un camion !
La troupe est dans la poussière ! « Faut s’en aller d’ici ! dit Marié.
_ Qu’est-ce que tu dis ? crie à son tour Paschic.
_ Je dis qu’il faut s’en aller ! hurle Marié.
_ A cause du bruit ? » sourit Paschic.
Puis, les deux imitent les Doms ouvriers : Marié tient une perceuse imaginaire et tout son visage est hors de lui ! Paschic a la scie, grimace et zèbre l’air ! Les autres Doms émeraude imitent la pelleteuse ou le bulldozer, la main en crochet ou les joues gonflées ! Il y en a même un, le dos cassé, qui joue le camion ! C’est plus fort qu’eux, chez ces acteurs de théâtre : il faut qu’ils reproduisent ce qui les perturbe, pour mieux s’en distancier !
« Eh ! Vous là-bas ! crie un Dom. Vous vous moquez de ceux qui bossent ? » La troupe s’arrête immédiatement et disparaît dans le nuage de poussière !
Elle retrouve le silence, enfin pour une seconde, car un étrange Dom vient à leur rencontre ! C’est un Dom radio ! Apparemment, dans le cube, on greffe des radios sur certains individus ! Partout où ils vont, on entend leurs musiques, leurs émissions ! Si on débranche leur radio, meurent-ils ? Ont-ils déjà écouté le vent, les oiseaux ? Recherchent-ils d’autres Doms radio, pour s’accoupler ?
En tout cas, l’étrange personnage passe devant la troupe, alors qu’elle est encore sous l’effet de la poussière, et elle a l’impression de croiser une créature venue de l’espace ! Mais dans le cube, qu’est-ce qui est normal ?
« Eh ! Mais c’est ici qu’aboutit la rivière argentée ! » s’écrie Marié et en effet, le cours que n’avait pu traverser la troupe, hors du cube, montre ici de quoi il est constitué ! Jamais peut-être la troupe n’a vu spectacle aussi incroyable ! Des cubes de métal, déguisés en rois ou en reines, s’exhibent au bord de la rivière ! Ils ont cessé d’aller vite et regardent le monde d’un air hautain ! « C’est moi le plus beau ! dit un cube de métal.
_ Non, c’est moi ! C’est évident ! Je suis plus rapide, plus puissant ! fait un autre.
_ Bande de va-nu-pieds ! jette un troisième. Non, mais regardez-moi ! Ça, c’est de la finition, de la belle peinture ! Ça, c’est du moteur !
_ Hi ! Hi ! Rattrapez-moi, si vous le pouvez, s’écrie une reine. Je suis fine, rapide et élégante ! Allez, vous en mourrez d’envie ! »
La troupe croit rêver ! « Qui sont ces gens… ou ces choses ? se demande-t-elle. A quoi ça sert ? Au transport ? » La troupe se gratte la tête : elle ne voit pas ! Mais elle ne peut pas réfléchir longtemps, car voilà Marié qui bute dans une Dom allongée à même le sol ! « Oh ! Pardon ! fait-il.
_ Mais ça va pas ! s’écrie la Dom. Vous pouvez pas faire attention ?
_ Excusez-moi, répète Marié. Mais quelle idée aussi de se coucher sous le pas des gens !
_ Mais monsieur me fait la morale ! J’adoooore ! Monsieur est sans doute de droite, bien-pensant, mainstream !
_ Euh…
_ Le bourgeois parfait ! Mais j’ai pas le choix, moi ! J’ suis écrasée par le système ! sans un rond, obligée de me nourrir dans les poubelles !
_ Pouah ! fait la Dom émeraude nommée Propre, parce qu’elle ne se calme qu’en faisant le ménage.
_ Qu’est-ce qu’il y a, la princesse ? T’as jamais vu une SDF, une mendiante ? Eh ! C’est qu’ y a d’ la misère, en ce bas-monde ! »
Chacun dans la troupe commence à mesurer la détresse et l’absurdité du cube, puisque à côté des cubes métalliques, déguisés en rois, existent des gens aussi pauvres et malheureux ! « N’aurez pas une petite pièce par hasard ? demande la Dom mendiante.
_ Euh…, fait Marié qui se fouille, sans succès, ainsi que le reste de la troupe. Eh ! Mais Paschic, ta magie est là, non ? Tu peux faire apparaître de l’or, pour la dame !
_ Non, la magie ne peut pas permettre de s’enrichir ! sinon elle ne serait pas magique !
_ Hein ?
_ Cherche pas, Marié ! Y a des choses qui t’échappent, c’est tout !
_ Mais on va pas laisser cette femme comme ça, dans sa crasse !
_ Eh ! oh ! Dites donc ! fait la SDF. Droitard ! Conservateur ! Néolibéral ! »
_ Qu’est-ce qu’elle dit ? » lâche Propre.
Paschic soupire, marmonne une formule et étend les bras ! Un ruisseau vient couler aux pieds de la mendiante, dont les yeux s’éclairent, car le fond est pailleté ! « De l’or ! De l’or ! » s’écrie-t-elle et elle se met à creuser la vase frénétiquement ! « Ça va l’occuper ! dit Paschic. L’important, c’est de rêver, non ? « La troupe ne répond rien et on s’en va…
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Est-on toujours dans le nuage de poussière… ou bien la brume s’est-elle levée ? En tout cas, on marche dans un univers vaporeux, trouble, aux contours incertains ! « Là ! s’écrie Marié.
_ Quoi là ? fait Paschic.
_ Y avait une tête ! Et elle nous regardait méchamment !
_ T’as dû rêver ! Continuons !
_ Là ! s’écrie Propre.
_ Quoi là ? fait Paschic, de plus en plus nerveux.
_ Y avait une tête ! Et elle nous regardait méchamment !
_ C’est pas vrai ! Vous perdez la boule ou quoi ! »
Mais Paschic se tait brusquement, car il voit aussi une tête dans la brume, qui le fixe avec une haine mauvaise ! Maintenant, toute la troupe ne peut plus ignorer le phénomène, car autour des visages pleins de mépris, masculins ou féminins, sont de plus en plus nombreux ! « Apparemment, on nous en veut ! lâche Marié.
_ Qu’est-ce que ça veut dire ? demande Propre.
_ Je ne sais pas ! répond Paschic.
_ M’est avis que vous leur avez fait une crasse ! réplique le Dom émeraude appelé Côlon, car il souffre de là, de sorte qu’il a souvent la main sur le bas-ventre, pour calmer la douleur ou se protéger des émotions !
_ Moi ? jette Paschic. Mais j’ suis comme vous : c’est la première fois que je viens ici !
_ Chef, on ne hait pas sans raison ! rajoute sentencieusement Côlon.
_ Je t’assure que je connais pas ces gens ! Et ne m’appelle pas chef !
_ Si je le fais, c’est parce que vous avez l’air de penser plus que les autres ! Je dis bien : vous avez l’air !
_ Trop aimable, Côlon. Mais il vaut mieux s’en aller… et rester indifférent à ces êtres malveillants !
_ Bravo chef, ça, c’est parler ! »
La troupe se tient raide parmi les faces haineuses et arrive dans un conduit sale et chaud ! « Beurk ! fait Propre. Où est-ce qu’on est ?
_ L’important, c’est de sortir du cube ! lâche Marié.
_ Mais j’y pense… coupe Côlon, si le cube se développe, à mesure qu’on y progresse, comment on pourrait en sortir ?
_ Là, c’est du pur Côlon ! réplique Marié. Inquiéter, sans donner de solutions !
_ Eh, mais dis donc... »
Côlon n’a pas le temps de terminer sa phrase, car un bruit assourdissant fait sursauter tout le monde ! Puis, le bruit s’amplifie, se répète, semble pris d’une sorte de rage ! Chacun étouffe, est en sueur, au bord de la panique, tandis que Mécano, une autre Dom émeraude, reste calme et inspecte le conduit ! Profitant d’une baisse du bruit, elle déclare : « On est à l’intérieur d’un moteur !
_ Tu es sûre ? » demande Marié.
Pour toute réponse, Mécano montre ses doigts noirs et elle ajoute : « On est à l’intérieur d’un moteur… et quelqu’un s’amuse avec l’accélérateur !
_ Drôle de façon de s’amuser ! réplique Marié.
_ On dirait plutôt qu’on appuie sur la pédale avec colère ! réussit à dire Côlon. Remarque, je comprends !
_ C’est intenable ! s’écrie Propre, les mains sur les oreilles. En plus, ça pue !
_ Les gaz… explique Mécano.
_ On fout le camp ! » jette Paschic.
De nouveau la troupe fuit et bientôt le bruit n’est plus qu’une rumeur ! Toutefois, on se retrouve devant un croisement, où chaque tunnel est pareil à l’autre ! « Bon, on fait quoi maintenant ? demande Marié.
_ Chais pas ! répond Paschic.
_ Et ça se dit chef ! lâche Côlon.
_ Quelqu’un a une idée ? » se contente de répondre Paschic.
Chacun se gratte la tête et fait un signe d’impuissance ! « C’est bizarre, enchaîne Marié, j’ai l’impression de ne plus me connaître !
_ Moi aussi, j’ai cette impression ! s’écrie Propre. C’est pénible ! Et même angoissant !
_ Une seconde, une seconde ! fait Côlon. D’abord qui sommes-nous et qu’est-ce que nous faisons ici ?
_ Eh bien… Il ne faut pas perdre de vue tout de même que nous sommes des êtres humains !
_ Juste ! approuve Côlon. Mais qu’est-ce que va veut dire au fond ?
_ Zut ! lâche Propre. J’allais te répondre, mais j’ai oublié !
_ T’en pense quoi, Paschic ? demande Marié.
_ J’ pense pas, parce que ça me fatigue ! »
De son côté, Mécano a encore repéré un truc, sur le mur, et elle fait signe aux autres d’approcher ! Ils lisent sur une plaque : « Aspirateur de pensées 456 » ! « Bon sang ! Un aspirateur de pensées ! s’écrie Marié. On aurait dû y penser ! » Chacun lève la tête et découvre une bouche, par où donc s’échappent leurs pensées ! « J’ai quand même l’idée qu’il ne faut pas rester là ! » dit Paschic et la troupe se remet en mouvement, prudemment, s’efforçant de reprendre conscience d’elle-même !
« La vache ! Un sacré piège ! » lance Côlon, mais personne ne lui répond, tant on est maussade ! Cependant, une certaine obscurité se fait, tandis qu’on perçoit des voix !
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La troupe approche silencieusement et entend maintenant ce qui se dit : « Non mais attends, j’étais là avant que Lucien n’arrive ! J’ai plus d’ancienneté que lui ! lance quelqu’un.
_ Et ? réplique un autre.
_ Et c’est donc à moi de commander !
_ Minute ! fait un troisième. Michel m’a dit que tu allais être muter !
_ Hein ? Quand il t’a dit ça ?
_ J’ sais plus ! De toute façon, ils vont réformer tout le service !
_ Comment ça ?
_ Ben, déjà, tu pourras plus manger avec un seul ticket !
_ Qu’est-ce que tu racontes ? coupe un quatrième.
_ La vérité ! Il faudra maintenant deux tickets !
_ Les salauds ! fait le premier.
_ Pfffouuui ! crache le second.
_ On s’est quand même bien amusé hier soir ! dit le troisième.
_ Oh ouais ! Hi ! Hi ! approuve le quatrième. Oh ! Il était plein l’Antoine !
_ Il sort toujours avec la petite du troisième ! demande le premier.
_ Non, j’ crois qu’il a changé ! marmonne le second.
_ C’est pourtant un sacré morceau ! objecte le troisième.
_ Je lui raconterais bien une histoire cochonne à celle-là ! ajoute le quatrième.
_ Rêve pas !
_ N’empêche ! C’est moi le plus ancien, reprend le premier, et c’est moi qui devrais commander ! »
Rassurée sur ce qu’elle entend, la troupe se décide à se mettre à découvert et elle surprend quatre Doms, en tenue de travail, chacun portant des outils ! Les Doms ont le visage inquiet, puis ils deviennent hautains, jusqu’à ce que l’un d’eux demande à la troupe : « Qu’est-ce vous faites là ? C’est pas encore ouvert au public !
_ Ben, on fait qu’ passer ! répond Paschic. Mais c’est quoi ici ? Enfin, j’ veux dire, vous faites quoi ici ?
_ Mais ça se voit pas ? On bosse, nous !
_ Ça t’ défrise ? rajoute le Dom le plus petit et qui roule sa clope.
_ Hein ? Non, pas du tout ! réplique Paschic. Comme je l’ai dit, nous, on fait qu’ passer ! Je voulais juste savoir où on est, c’est tout !
_ Attends, laisse-moi deviner ! fait le plus costaud des Doms. Toi et tes p’tits copains, vous vous promenez, les mains dans les poches, pour rire du travailleur, pas vrai ?
_ Ouais, on a là une belle brochette d’allocataires ! renchérit un autre Dom.
_ Voilà où passent nos impôts ! jette le plus costaud.
_ On nourrit des fainéants !
_ Des invertis, probab !
_ Faut s’ barrer ! murmure Marié à Paschic, en lui touchant la manche. Ça va dégénérer !
_ Vous vous trompez, messieurs, coupe brusquement Côlon. Nous aussi, on bosse !
_ Seigneur ! lâche Marié.
_ Ouaf ! Ouaf ! fait le premier Dom. Montre tes mains, un peu pour voir ! »
Mécano se déplace et présente ses paumes durcies par l’installation des décors de théâtre ! La mine du Dom est déconfite. « Je propose de montrer ici même en quoi consiste notre travail ! s’écrie Propre.
_ Propre, je ne crois pas que le moment soit bien choi… tempère Paschic.
_ Propre a raison ! coupe Côlon. Montrons ce que nous savons faire !
_ C’est ça ! approuve un Dom, qui sort d’une boîte des verres et une bouteille. Que les filles dansent ! Ça nous réjouira la vue ! Pas vrai, les gars ? »
Sous les yeux ébahis de Paschic et de Marié eux-mêmes, le reste de la troupe s’assemble comme les Doms et commence à jouer : « C’est moi le plus ancien et c’est donc moi qui dois commander ! fait Propre.
_ Minute ! réplique Côlon. De toute façon, tu vas être muté !
_ T’as gagné au tiercé ? demande Mécano à un autre Dom émeraude.
_ Et tu sais pas ce qu’il m’a dit ? interroge Propre.
_ Bernard ? Bernard ? fait Côlon. Mais c’est le gars du quatrième ! Sa mère est poissonnière…
_ Il avait mis des boulons de trente, alors qu’il fallait du dix ! rajoute Mécano. J’ te dis pas le résultat !
_ Mais bon sang, qu’est-ce qui s’ passe ici ? rugit une voix inconnue, celle d’un Dom qui vient de sortir d’un cube de métal tout jaune.
_ Mais ça n’ se voit pas ? réplique Propre. Nous, on bosse !
_ Mais vous êtes qui vous, d’abord ? C’est qui ces gens, les gars ? demande indigné le nouvel arrivant aux Doms. Eh ! Mais vous n’avez pas même pas fini la petite haie ? Vous vous foutez de ma gueule ! »
Pendant ce temps-là, Marié et Paschic tire toute la petite troupe, pour la mettre hors de vue. « Doucement avec ceux qui bossent ! » murmure encore Propre.
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