La Révolte (la pièce, suite et fin)

  • Le 05/07/2025
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R88

 

 

               "Certains vomissent en transplanant!

                 _ On se demande pourquoi!"

                                           Harry Potter V

 

                  ACTE IV, SCENE IV : les mêmes, Paschic

Paschic : Bonjour, on parle de moi, on dirait !

Lapsie : On est au courant, pour toutes les horreurs que vous avez dites sur La Machine, au sujet de Tautonus !

Paschic : Mince, me voilà pris la main dans le sac !

Le duc : Exactement, vous êtes ce qu’on appelle un fils indigne !

Monsieur Nuit : Ouais, j’aimerais pas être à votre place !

Dominator : Votre père apparemment aurait dû être plus sévère ! Manquer de respect à ses parents, c’est l’une des pires choses qui soient !

Ratamor : Oui, c’est le fruit d’un bel égoïsme !

Lapsie : Ou celui du narcissisme ! Quelques tests psy et votre perversité éclaterait au grand jour !

Paschic : Eh bien, je vois que vous êtes tous d’accord ! Cela tombe bien, parce que je suis venu vous dire au revoir !

Le duc : Comment ça ?

Monsieur Nuit : Et où comptez-vous aller, par cette chaleur ?

La Machine : Encore un de ses pièges ! pour faire l’intéressant !

Dominator : Jeune homme, nous avons certes des différents, mais il faut savoir raison garder ! Vous ne pourrez même pas marcher une heure, sous ce soleil de plomb !

Ratamor : Je peux vous le confirmer, Paschic, mais peut-être songez-vous au suicide, un suicide philosophique ?

Lapsie : Cela n’existe pas ! Ne pas aimer la vie cache toujours la dépression…

Paschic : Que de sollicitudes, tout d’un coup ! Mais, rassurez-vous, j’ai trouvé une oasis verdoyante ! où je pourrais me rafraîchir et me baigner !

Le duc : Ce n’est pas possible ! Arrêtez ce fou !

Monsieur Nuit : Alors là, attention mon petit ! Car faut pas jouer avec l’espoir des grandes personnes !

Dominator : Il se moque de nous !

Ratamor : Je ne vous crois pas, Paschic ! C’est scientifiquement impossible !

Lapsie : Typique du pervers ! Manipuler les gens !

La Machine : Mon sucre, mon fils adoré ! (Elle prend les mains de Paschic.) Si tu as effectivement trouvé une oasis, ce dont je ne doute pas, car tu as toujours été très doué, il faut nous le dire, afin que chacun en profite ! C’est une question d’humanité !

Paschic : Malheureusement, de l’eau qui arrose cette oasis, tu n’en as pas voulue, ma chère mère, et tu n’en veux toujours pas ! Comme vous tous d’ailleurs ! Et c’est pourquoi elle ne vous acceptera pas, car elle ne vous reconnaîtra pas !

La Machine : Mais qu’est-ce que tu racontes, mon chéri ?

Paschic : Vous voyez le désert dehors ? C’est ma vie depuis que je suis né ! C’est le vide que vous créez tous ! Oh ! Je sais que les choses sont complexes ! Nous sommes nombreux et chacun a ses besoins ! Il ne s’agit pas de détruire ceux qui ne sont pas d’accord avec nous ! Mais que faites-vous au juste ? Vous n’avez recours qu’à votre domination !

La Machine : Comment peux-tu dire ça, mon garçon ?

Paschic : Mais il y a d’abord toi, ma chère mère ! Tu m’as vu doux, faible, d’où ton mépris ! Tu m’as utilisé comme un paillasson, pour flatter ton autorité ! Quand tu t’es aperçu de ma résistance, tu as voulu me détruire par tous les moyens ! Pourquoi ? Mais parce que ton orgueil est le seul sens de ta vie ! C’est lui qui te mène ! C’est ton pouvoir, le sentiment de ton importance qui te maintient en équilibre ! qui te garantit de la peur ! Il est donc impossible de te faire obstacle, surtout dans ta propre maison !

La Machine : Tu me juges, c’est ça ?

Paschic : Nullement, ce n’est pas mon affaire ! Mais il faut bien que tu comprennes ce que tu m’as fait subir ! Tu m’as piétiné encore et encore ! Tu m’as laminé au-delà de tout ce qu’on peut imaginer ! Tu m’as pulvérisé, jusqu’à ce que mon cerveau ne soit plus que poussière ! Le pire, c’est que plus tard, j’ai continué ton travail de destruction, puisque je croyais que j’étais mauvais ! Ce que j’ai enduré, vous n’en avez absolument aucune idée (il s’adresse à tous) et ce n’est d’ailleurs même pas racontable ! Et tout ça pourquoi, encore une fois ? Mais parce que tu as choisi (il se retourne vers La Machine) la sécurité, la notoriété, ta supériorité !

La Machine : Tu exagères, j’ai fait de mon mieux !

Paschic : Tu n’as pas cherché à t’ouvrir, à comprendre, à te rabaisser, à laisser là tes haines et ta fierté ! Au contraire, chaque pas en dehors de toi, tu l’as considéré comme une insulte, un scandale ! Tout devait te revenir ! Comme si toi seule existais ! Tout ce qui t’échappait devait être détruit ! Comme tu symbolisais pour moi l’injustice et l’hypocrisie, j’ai voulu ma liberté… et j’en ai payé le prix ! La solitude, l’angoisse, la maladie, l’incompréhension, le désespoir ont été mon lot ! Pendant ce temps-là, ma chère mère, tu continuais tes fêtes ! Tu assouvissais tes appétits ! Tu tenais ton clan et tant pis pour ceux qui éprouvaient le froid du dehors ! Aujourd’hui, c’est l’inverse : c’est toi qui ne peux pas entrer et qui est exclue ! A toi ce que ne tu n’as jamais voulu porter : la nuit et la détresse !

Dominator : Mais en quoi ça nous concerne, nous ? Indiquez-nous la direction de l’oasis, si tant est qu’il existe !

Paschic : Quand j’étais plus jeune, je ne supportais pas les voitures…

Monsieur Nuit : Ce n’est pas vrai ! Ah ! Ah !

Paschic : Si, si ! Je me plongeais dans la nature, en espérant ne plus voir la civilisation ! Pourquoi ? Mais parce que toute votre agitation et votre destruction ne sont pas légitimes ! Bien sûr, il faut travailler pour vivre… et même je serais incapable de séjourner dans les bois… Il me faut le confort de la ville, pour la nuit, etc. ! Mais, en même temps, vous ne faites pas seulement que gagner votre croûte, mais ce qui vous anime, comme La Machine, c’est dominer l’autre, pour qu’il ait les yeux braqués sur vous ! C’est vous le point de mire et non l’ensemble de la création ! Et c’est pourquoi vous n’en connaissez pas la valeur ! Et c’est pourquoi vous « bousillez », vous méprisez la beauté sans vergogne, sans limites ! Et c’est aussi valable pour vous Ratamor, le scientifique !

Ratamor : Je sens que je vais passer sur le grill !

Lapsie : Que « nous » allons passer…

Paschic : En effet, la science a cherché et cherche l’objectivité, ce qui est un gage de notre liberté ! Mais que d’idées fausses sur la beauté ! Vous l’avez traînée dans la boue, sous prétexte qu’elle vous apparaît subjective ! Vous en avez fait le fruit des névroses, une « chose » auxiliaire et somme toute vous avez rendu nos existences incompréhensibles ! Nous sommes devenus des étrangers en ce monde, alors que la beauté nous enseigne tout le contraire ! Elle seule témoigne d’un don infini, gratuit et donc elle seule peut guérir nos peurs et nous donner la sécurité, de sorte que nous ne voulons plus dominer ! Et pour quelle raison toute cette indifférence de la science, à l’égard de la beauté ? Mais parce que vous n’y êtes pas sensibles, qu’elle ne constitue pas votre champ d’étude et surtout vous ne voulez pas vous faire avoir ! Finies les croyances ! Votre orgueil, lui aussi règne en maître !

Ratamor : Nous avons été les premiers à alerter sur le réchauffement climatique !

Paschic : C’est vrai, mais avec quel effet ! Il est nécessaire d’expliquer pourquoi nous ne devons plus dominer et comment y arriver ! Mais notre fonctionnement le plus simple et le plus profond vous échappe, par manque de simplicité et même d’humilité ! Il ne s’agit pas seulement de comprendre, mais aussi d’aimer et d’admirer ! L’enfant qui est en nous ne doit pas être perdu !

Le duc : Allez, avouez-le, cette histoire d’oasis, c’est du pipeau !

Paschic : Duc, vous ne pouvez concevoir combien son eau est rafraîchissante et son ombrage reposant !

                                                      ACTE IV, SCENE V : Les mêmes, la reine Beauté

Le DTN : Là ! (Il montre la reine Beauté, qui vient d’entrer.)

Dominator : Quoi là ?

Le DTN : Mais là ! Vous ne voyez pas cette femme magnifique !

Le duc : Je ne vois rien !

Monsieur Nuit : Ce sont déjà les mirages de l’oasis ! Ah ! Ah !

Ratamor, au DTN : Vous êtes sérieux ? Vous voyez vraiment quelque chose ?

Lapsie : Il est possible que des troubles psychiques entraînent des hallucinations !

La Machine : Encore un tour de Paschic !

Paschic, au DTN : Tu vois vraiment la reine Beauté ?

DTN : Mais oui, comme je te vois !

Paschic : Alors tu peux venir avec moi !

DTN : Super !

Dominator : Attention vous deux : il fait plus de 50 ° degrés dehors !

Le duc ! Mais enfin, arrêtez vos bêtises ! Paschic, si vous avez vraiment trouvé une oasis, il est normal que vous nous y conduisiez, pour que nous quittions ce trou à rat !

Paschic : Désolé duc, mais elle est réservée à ceux qui ont vraiment travaillé !

Le duc : Co… comment ? Je vous rappelle qui je suis : le duc de l’Emploi !

Monsieur Nuit : Et moi, moi… (Il suffoque.) Trente ans de boîte ! Faites mieux, jeune homme !

Dominator : Paschic, j’ai bien des défauts, c’est entendu ! Mais gérer une ville, c’est un taf dont vous n’avez même pas idée !

Ratamor : A la limite Paschic, je vous comprends, le scientifique est aussi un marginal… Mais il en faut des efforts, pour faire aboutir une recherche !

Lapsie : Et moi, je dois écouter mes patients !

La Machine : Et moi, je me suis sacrifiée pour ma famille !

Paschic : Certes, vous avez tous donné de vous-mêmes… et effectué des choses qui vous rebutaient… et vous avez votre rétribution, dans votre retraite… Mais qu’est-ce qu’il y a de plus difficile, qu’est-ce qui engage le plus, qu’est-ce qui demande le plus de courage, le plus de fermeté ? Aller pointer, faire ses heures, cotiser… ou bien aimer, croire malgré la peur, l’insécurité, la haine, l’indifférence ? Qui ici a fait preuve de patience ? Qui ici a rentré sa colère par amour ? Qui ici a confiance, sans les chiffres, sans reconnaissance, sans étiquette sociale ? Qui ici est dévoué, fidèle ?

La reine Beauté : Bravo Paschic ! Vas-y ! Gauche droite ! Gauche droite ! (Elle mime un boxeur.)

Le DTN : Ah ! Ah ! Mais vous êtes drôle reine Beauté !

La reine Beauté : Bien sûr, qu’est-ce que tu crois ? L’humour, c’est un signe de force ! Tiens, tu peux faire tinter la cloche des rounds !

Le DTN : Chouette ! Attention : ding !

Le duc : Mais bon sang ! A qui il parle celui-là ?

Dominator : En admettant que vous ayez raison Paschic, au sujet de l’engagement et du courage, est-ce que ce vrai travail, selon vous, permet de vivre ?

La reine Beauté : Fais gaffe, Paschic ! Ça, c’est du lourd ! C’est le crochet classique ! Celui qui doit mettre KO !

Paschic : Mieux que ça , Dominator ! Car que faisons-nous dans la rue habituellement ? Nous avons tout, nous ne souffrons pas de la faim et nous bénéficions d’un confort que l’autre moitié de la planète nous envie ! Bien sûr, nous pouvons souhaiter avoir plus, mais notre système de santé est encore unique ! Nous devrions alors être heureux, nous montrer agréables les uns envers les autres, mais ce n’est pas du tout ce qui se passe !

La reine Beauté, qui semble parler dans un micro : Beau jeu de jambes de Paschic ! Belle fluidité ! Il a bien esquivé le coup fatal de Dominator !

Paschic : Au contraire, nous sommes fermés, malheureux, agressifs ! Car ce que nous recherchons, ce n’est pas de nous montrer curieux de l’autre ! Ce n’est pas de nous enchanter de la diversité du monde, de saluer la beauté en chacun de nous…

La reine Beauté : Eh ! Mais on parle de !

Paschic : Non, ce qui nous préoccupe, c’est de tirer la couverture à nous ! C’est de triompher de l’autre, de se sentir plus fort que lui… ou plus séduisant ! Nous sommes comme de petites toiles d’araignées, qui attendent une proie ! Et tout ça pour satisfaire notre petite vanité, autrement dit notre domination ! Voilà pourquoi la vie est dure, à cause de notre égoïsme ! Nous sommes incapables d’être disponibles ! de nous relâcher ! de laisser au fil de l’eau notre ego ! de plaindre même celui qui nous mord !

La reine Beauté : Quelle série de Paschic ! Dominator est dans les cordes ! Il vacille sur ses jambes ! Mais c’est la fin du round !

Le DTN : Ding !

Le duc : Mais il est taré celui-là !

La reine Beauté : Les deux champions peuvent souffler ! C’est une rencontre de haut niveau, mais il y a maintenant un net avantage pour Paschic ! Dominator va-t-il réagir ?

Monsieur Nuit : Je ne vois pas du tout quelle solution vous proposez, Paschic !

La reine beauté : C’est finalement monsieur Nuit, qui prend le relais ! Il est plus frais, quoiqu’un tantinet plus grassouillet ! Début du nouveau round !

Le DTN : Ding !

Paschic : Mais, monsieur Nuit, imaginez un individu confiant dans la Chose, dans la beauté ! éclairé sur notre fonctionnement et ne cherchant plus à dominer ! indifférent quant à la victoire de son ego ! Cet individu-là ferait en sorte qu’on vive en paix ! Il serait plein de compassion, nullement agressif ! Ses besoins seraient forcément limités, car le souci de paraître lui serait étranger ! La peur de manquer ne l’atteindrait plus ! Il laisserait tranquille la planète et réparerait à sa manière l’injustice, en donnant de l’espoir ! Il serait mille fois plus utile que tous ceux qui gagnent certes leur vie, mais qui laissent libre cours à leur haine et à leur mépris !

La reine Beauté, qui s’excite : Monsieur Nuit est au tapis ! L’arbitre commence à compter ! (Elle fait signe au DTN.)

Le DTN : Un, deux, trois, quatre…

Monsieur Nuit : Je ne vous kiffe pas, Paschic ! D’ailleurs, j’ai jamais pu vous encaisser ! Pour moi, vous bossez pas et vous profitez des autres ! Vous êtes dégoulinant de bonté ! Pouah !

Le DTN : Huit, neuf, dix !

La reine Beauté : KO !

Le duc : C’est moi… ou le débile vient de compter jusqu’à dix ?

Lapsie : C’est pas vous… Il parle bien tout seul ! Étrange !

Ratamor : Bon, pour résumer Paschic, vous avez trouvé une oasis et nul, à part vous et... votre petit copain, peut en profiter, c’est ça ?

La Machine : Il n’en a toujours fait qu’à sa tête, de toute façon ! Oh ! Je suis bien à plaindre !

Paschic : Mais Ratamor, vous pouvez tout de suite essayer… Il suffit de se tourner contre sa domination et de commencer à faire confiance… La beauté est là partout… Regardez-la et aimez-la ! Vous verrez : plus vous lâcherez votre orgueil et plus vous serez heureux ! Pour l’instant, vous en êtes tous esclaves !

Le duc : Un idéaliste, voilà ce que vous êtes ! Un affreux idéaliste !

Lapsie : C’est tout de même très patriarcal tout ça…

Ratamor : Et loin de toute objectivité !

Dominator : Paschic, si j’avais suivi vos idées, jamais je n’aurais pu gérer ma ville !

Paschic : Et on voit où ça nous a menés !

La Machine, à Paschic : Au fond, je ne comprends toujours pas ce que tu me reproches !

Paschic : Bon, en route alors ! (Il se tourne vers la reine Beauté et le DTN.)

La reine Beauté : Tu as été formidable, Paschic, comme d’habitude ! Tu es mon champion !

Paschic : Mais ils ne comprennent pas ce que je dis !

La reine Beauté : Non, ils préfèrent leur haine et leurs peurs ! C’est ce qu’ils connaissent ! Bon, oh ! On va pas s’éterniser ! Toi, mon p’tit DTN, tu ramasses les serviettes et la pharmacie !

Le DTN, qui fait semblant : A vos ordres, m’dame !

La reine Beauté, qui tapote l’épaule de Paschic : Non, c’était un beau combat, pach… (Elle crache.) Tu mérites pleinement la ceinture ! Ah ! Le deuxième round, quant t’as paré Dominator...(Elle mime les coups et elle sort, en compagnie de Paschic et du DTN.)

                                                  ACTE IV, SCENE VI : Dominator, Lapsie, Ratamor, le duc, monsieur Nuit, La Machine

Le duc : Au fond, bon débarras !

Ratamor, songeur : Tout de même, s’il a trouvé de l’eau fraîche…

Dominator : Pensez-vous ! Qu’est-ce qu’il a pu voir qu’on n’aurait pas vu ! Cette ville, je le connais par cœur ! Enfin…, je la connaissais...

Lapsie : Moi, je pense que ce garçon souffre d’un profond trouble affectif…

La Machine : Qu’est-ce que vous insinuez, qu’il n’a pas été assez aimé ?

Lapsie : Non, évidemment…, mais je…

La Machine : Mais je quoi ? La vache, Paschic a encore réussi son coup ! (Elle tape sur la table.)

Ratamor : Qu’est-ce que vous voulez dire ?

La Machine : Mais déjà, quand il était petit, il semait la division ! C’est un sournois !

Monsieur Nuit : Et quelle arrogance ! Vous avez vu comment il m’a pris de haut ? J’ai eu l’impression d’être un enfant ! Moi, le roi du béton !

Lapsie : On ne m’enlèvera pas l’idée qu’il y a du pervers narcissique chez Paschic…

La Machine : Mais bien sûr qu’il y en a... et à foison !

Dominator : Tiens, le gamin a laissé sa plante…

Ratamor : Et il y a une lettre dessus…

Le duc : Voyons ça… (Il se saisit de la lettre.) Elle est destinée à Lapsie !

Lapsie : Donnez-la-moi !

La Machine : Qui peut encore écrire des lettres ?

Monsieur Nuit : C’est bon pour les retardés !

Lapsie, qui déchire l’enveloppe et qui déplie la lettre : C’est une lettre de Paschic !

Monsieur Nuit : Enfin le monsieur se déclare ! Remarquez, je le comprends… (Il a un regard lourd vers Lapsie.)

La Machine : Qu’est-ce qu’il dit, mon fils ? J’ parie qu’il me débine encore !

Le duc, à la Machine : Voyons, madame, c’est sans doute personnel !

Ratamor : C’est personnel, Lapsie ?

Lapsie, après un bref examen : Apparemment non… Cela concerne... le patriarcat !

Le duc : Ah ! On va encore en prendre pour notre grade !

Dominator : Hum ! S’il n’y a rien de personnel, vous pouvez peut-être nous lire cette lettre, Lapsie… Ça nous fera passer le temps !

Monsieur Nuit : Ah ! Chic ! Je suis prêt, moi !

La Machine : C’est quand même curieux que cette lettre ne me soit pas adressée !

Lapsie : Alors, je commence ?

Le duc : Mais on n’attend plus que vous, ma belle !

Ratamor : Rappelons que le sujet est le patriarcat… Hein, hum ! (Il regarde le duc.)

Le duc : Pourquoi me regardez-vous comme ça ? J’ai toujours respecté les femmes !

La Machine : Ouais, on dit ça !

Dominator, apaisant : Allez-y, Lapsie, sinon on y sera encore demain !

Lapsie : Très bien, je commence : « Chère Lapsie…

Monsieur Nuit : Eh ! Eh !

Le duc : Oh ! Oh !

La Machine : Peuh…

Ratamor : On va pas y arriver…

Lapsie : « Chère Lapsie…, vous montrez beaucoup d’intérêt au sujet du pervers narcissique et donc à ce qu’on appelle le patriarcat, car les deux choses sont forcément liées ! Laissez-moi vous dire ce que j’ai compris sur la question…

Le duc : Mais… mais c’est une sorte de conférence !

Monsieur Nuit : Il n’y a pas de sexe !

La Machine : Et je ne suis pas dedans ?

Lapsie : J’arrête alors ?

Ratamor, moqueur : Bien sûr, puisqu’il y a trois mots !

Dominator : Continuez, Lapsie, je vous en prie ! Crevons l’abcès !

Lapsie : « Tout a commencé en observant un couple de pies, que je nourrissais sur mon balcon… Le mâle mange les meilleurs morceaux et chasse la femelle, quand elle essaie de les prendre ! J’étais désolé pour elle, mais on comprend pourquoi quelques instants plus tard, car le mâle, en compagnie de la femelle, est déjà sur l’arbre voisin, à combattre une autre couple de pies concurrent ! Le mâle, pour défendre le territoire, doit donc être dans la plus grande forme possible et c’est pourquoi il se nourrit en premier et empêche la femelle d’en faire autant ! Et ainsi, Lapsie, tant que les nations ont été à construire, à travers les guerres, la domination masculine a été nécessaire ! L’homme s’est imposé pour la survie du groupe !

Par contre, quand les pies construisent leur nid, c’est la femelle qui domine, qui demande au mâle d’aller chercher des brindilles, qu’elle seule met en place ! Le rôle du mâle est alors secondaire et mettre un enfant au monde reste toujours pour la femme l’occasion d’avoir tout le pouvoir !

Ce qu’il y a de curieux, chère Lapsie, c’est que plus la civilisation avance et plus la domination masculine diminue, recule, puisque normalement les pays sont de plus en plus en paix et qu’on a de moins en moins besoin de les défendre ! On voit ainsi la femme réclamer les mêmes droits, ne plus comprendre pourquoi elle est traitée et a été traitée comme une inférieure et ce d’autant qu’elle a la même origine que l’homme, c’est-à-dire qu’elle a autant le désir de faire triompher son individualité, un égoïsme égal ! »

Le duc : Eh ! Eh !

La Machine : Le salaud !

Monsieur Nuit : Pas mal, ce Paschic ! Ah ! Ah !

Ratamor, à monsieur Nuit : C’est tout ce que vous retenez ?

Lapsie : Je reprends ! « Le problème, chère Lapsie, c’est quand l’homme ne comprend pas que les époques évoluent et qu’ils croient notamment que les textes religieux, écrits à un moment où la domination masculine était une priorité, ont énoncé des vérités définitives ! Les êtres humains, par leur raison, ont quitté la chaîne animale et le rôle de la femme est désormais peut-être unique dans tout l’Univers ! »

La Machine : C’est joliment dit ça !

Monsieur Nuit : Bof !

Lapsie : « Mais un jour on se rendra compte, chère Lapsie, que ce n’est pas le patriarcat qu’il faut combattre, mais la domination elle-même, qu’elle soit féminine ou masculine ! Sans doute faudra-t-il que le temps de la colère et de la vengeance soit révolu ! En espérant vous avoir un tant soit peu intéressée, chère Lapsie, je vous assure de mon respect et vous souhaite le meilleur… Signé Paschic. »

Le duc ; Quel phraseur !

Monsieur Nuit : Il m’a déçu somme toute !

Ratamor : Qu’en pensez-vous, Lapsie ?

Lapsie : Ça mérite réflexion !

Dominator : Certes et c’est pourquoi je vais faire un petit somme, moi !

Monsieur Nuit : Et le serpent, on le mange pas !

Dominator : Mais si, monsieur Nuit, faites comme vous l’entendez ! Gardez-moi un morceau, c’est tout !

Le duc : Pour défendre le territoire ?

Ratamor, au duc : Vous apprenez vite !

Dominator : Pour ce qui reste à défendre de Domopolis...

La Machine : Et pas un mot pour sa mère dans la lettre ! Quelle honte !

                                                                                                            RIDEAU

                                                                                            ACTE V, SCENE I : Paschic

La scène est nue, mais Paschic va décrire un sous-bois… Il est à genoux au centre la scène.

Paschic : Je suis l’enfant magique ! l’enfant enchanté, ravi ! Je suis au cœur de la reine Beauté ! Tout y est couleurs, lumières ! scintillements, merveilles ! Le ruisseau murmure doucement à mon oreille ! Le caillou poli sourit ! Dans l’écume jouent des chevelures ! Le feuillage émeraude est comme un vitrail et le fût des troncs tel un pilier ! Ici, rien n’est laid ! L’herbe est bercée, la vase ondule ! L’oiseau triomphe, l’insecte danse !

Je suis l’enfant ravi ! L’enfant confiant ! L’enfant heureux ! Je suis chez moi ! dans le sein de la reine Beauté ! Je suis l’enfant patient, qui écoute ! qui aime ! Je suis l’enfant simple, qui croit, qui a confiance ! Je suis l’enfant doux, sans haine, sans ressentiments, en paix ! Je suis enchanté par tant de merveilles ! Et je ne comprends pas les Doms !

Ici, je me sens aimé, car tout y est don ! Tout y est lumière, scintillements, couleurs, majesté !

                                                                                ACTE V, SCENE II : Paschic et les autres

Les Doms arrivent à la queue-leu-leu… et ils viennent devant Paschic, qu’on ne voit plus. Ils chantent d’abord ensemble le refrain, puis chacun à leur tour.

Les Doms : Nous sommes les Doms ! Dom, dom, dom ! C’est tout pour not’ pomme ! Ou c’est tout comme ! Dom, dom, dom !Nous voulons dominer, miner, miner ! triompher de la fée, fée, fée !Nous sommes sérieux et vieux ! Nous sommes sévères, loin du vert ! Nous bombons le torse, c’est là not’ morse ! Eh ! Là-bas le rieur, nous sommes supérieurs !

Nous sommes les Doms ! Dom, dom, dom ! C’est tout pour not’ pomme ! Ou c’est tout comme ! Dom, dom, dom !

Le duc, qui est en tête : L’emploi, c’est la loi ! Cotise, mais bon sang cotise ! Que veux-tu que je te dise ? La retraite, si t’arrêtes, c’est l’arête !

Monsieur Nuit : J’ bétonne et ça tonne ! Et ça t’étonne ? J’ fais du bruit ! Tout j’ détruis ! Tout est gris, tout aigrit ! Le silence, c’est d’ la mort la lance ! J’ bétonne et ça tonne ! Et ça t’étonne ? Perceuse, à mon secours ! Le ciel bleu veut me donner un cours !

Dominator : La ville s’étend tel un serpent ! Nécessité, nécessité ! Je ne suis pas ambitieux, ni vicieux ! La ville s’étend tel un serpent ! Pan ! Pan ! Je mords, sans remords ! Nécessité, nécessité ! Je t’aveugle de mon poison, te voilà en zonzon !

Lapsie : J’ suis la sœur Pouvoir ! Mais chut ! Défense d’y voir ! Objective, très active ! Rose devant la névrose ! Pleine de fiel, pleine de miel ! Objective, très active ! Je tue, c’est l’actu ! C’est moi, Lapsie ! C’est moi qui scie !

Ratamor : Sombre avec mes calculs ! Mais jamais je ne recule ! La vérité, c’est ma tasse de thé ! Je me dresse, dieu logique ! Ceci progresse, ceci j’explique ! J’ suis pas divin, juste vain ! Eh ! Mais notoire qu’ j’veux pas d’histoires ! J’ fais qu’ passer ! C’est mon courage ressassé !

La Machine ! Qu’est-ce que je fais ici ? J’ dévore ! Qu’est-ce que tu fais ici ? T’es pas mort ? Groumph, groumph ! (Elle mange.) A moi, tout ça ! A moi ! Quoi ? On existe ? J’existe, nuance ! Pas d’autres panses ! J’écrase, j’ piétine ! J’ suis La Machine ! J’ai tous les droits ! C’est moi qui broie !

Les Doms : Nous sommes les Doms, dom, dom, dom… (suite du refrain).


                                                                         ACTE V, SCENE III, les mêmes, la reine Beauté

La reine beauté apparaît dans tout son éclat, ce qui fait reculer tous les Doms !

La reine Beauté : Je suis la reine Beauté, je suis le mystère ! Car je suis amour ! Je suis la foi, la confiance ! A travers moi, tu vois comme je t’aime ! Car je suis infinie ! Tu ne pourras jamais faire le tour de mes merveilles et de mes sortilèges ! Je suis le marchepied de la confiance, le don sans limites, la force aussi inouïe que paisible !

Viens mon enfant ! Viens m’admirer ! Viens te réjouir ! Je t’enseignerai et tu sécheras tes larmes ! Je t’expliquerai le Dom, je te montrerai le vrai travail et ta valeur ! Je te dévoilerai la vraie richesse, qui est patience et paix ! Tu aimeras pour toujours ! Tu riras du Dom ! Tu danseras dans ma lumière ! Tu seras d’un espoir sans bornes ! Tu éclaireras le monde !

                                                                                                  RIDEAU ET FIN

 
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