Le morse

  • Le 09/12/2017
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    Un morse déjà grisonnant et appelé Klem aimait la Terre de Feu. Les détroits coiffés d’un brouillard sombre, la végétation courbée sous le vent ou les montagnes hérissant la mer glauque apaisaient ses nerfs; même si la colonie à laquelle il appartenait s’ébattait non loin de là.

    Or, un jour qu’il avait satisfait une compagne, Klem songea avec délices à une sieste sur une vaste pierre attiédie, qu’il avait repérée dans la matinée. Il commençait à sentir la première euphorie du sommeil, quand des créatures aux couleurs criardes sortirent bruyamment des rochers. Très vite, elles cernèrent Klem et l’animal troublé se dressa sur sa masse en poussant des cris rauques, afin d’intimider ses agresseurs, mais ceux-ci se rapprochèrent encore plus et essayèrent de poser sur le corps du morse une sorte de ruban.

    En fait, c’était l’équipe du professeur Bougival du Muséum national d’histoire naturelle, qui avait quitté ses locaux parisiens pour venir ici étudier la vie des morses et qui cherchait présentement à mesurer Klem. La graisse de l’animal roula quand il voulut s’échapper, mais alors il sentit une piqûre dans son dos et bientôt il perdit connaissance.

 

    Un peu plus tard, le vent seul résonnait aux oreilles de Klem et les alentours paraissaient tout aussi sauvages qu’à l’accoutumée. Pourtant, un collier était accroché au cou du morse et il chercha à s’en débarrasser en se frottant au récif, mais en vain.

    Klem connut-il alors l’amertume, car on l’avait dérangé dans son somme et décoré d’un objet malséant ? Nous ne pouvons le dire… Toujours est-il qu’il quitta ces parages, pour aller bien plus loin, vers des rivages encore plus austères !

    De son côté, le professeur Bougival se frottait les mains : grâce à l’émetteur placé sur Klem, il était à même de suivre précisément les déplacements de l’animal et ce qu’il apprit d’abord le frappa : le morse se déplaçait apparemment beaucoup plus qu’on le supposait. Il devenait urgent de tenir une conférence !

    _ Mesdames, messieurs, dit le professeur de retour à Paris à son auditoire, j’ai pu constater, après un récent travail sur le terrain, auquel mes étudiants ont participé avec brio! que le morse couvre des distances impressionnantes et je suis conduit à pousser un cri d’alarme. En effet, quelle sera bientôt la condition de cette espèce, qui a besoin de tant d’espace, alors que l’humanité s’étend en tous sens ? Elle sera précaire, c’est moi qui vous l'dis ! Je crois qu’est venu le temps de se montrer plus mesuré et pourquoi pas plus prévenant !    

 
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