L'ego et la lumière

  • Le 19/08/2023
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Dom66

 

 

       "Ah! Ah! ça m' rappelle Saïgon!"

                        Piège de cristal

 

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     La lumière sort de chez elle, mais l’ego vient lui coller le canon d’une arme dans le dos ! « Pas d’ gestes brusques, la lumière ! dit l’ego. Tu montes gentiment dans cette voiture, sinon j’ t’en loge une dans la colonne et tu passeras le restant de tes jours dans un fauteuil ! Pigé ?

_ Pigé !

_ Alors monte ! »

     La voiture démarre, avec la lumière à l’arrière et toujours sous la menace de l’arme de l’ego… « Je suppose qu’il est inutile de vous demander où vous m’emmenez ? dit la lumière.

_ Tu supposes bien ! » répond l’ego.

     Le dialogue s’arrête là et la lumière voit qu’on quitte la ville. Il est encore tôt le matin et la campagne apparaît noyée sous la brume ! Puis, on prend la route de la mer et on s’arrête sur un parking non goudronné, où la voiture cahote un peu en écrasant des pierres ! « Terminus ! Tout le monde descend ! s’écrie l’ego, qui fait signe à la lumière de descendre.

_ Tant mieux, je commençais à m’ankyloser… » réplique la lumière.

     Dehors, l’air est frais, chargé de la brise marine et des mouettes planent au-dessus ! « Marche devant ! » ordonne l’ego, qui tient toujours son arme et la lumière emprunte un sentier parmi la bruyère. On arrive au sommet d’une falaise et la mer, avec sa frange d’écume, est toute petite en bas !

« Voilà la fin du voyage ! dit l’ego.

_ Tu veux que je fasse le plongeon, c’est ça ? demande la lumière.

_ Hon, hon !

_ Ben, mon vieux, tu doutes pas d’ mes capacités !

_ J’ peux donner le signal du départ, si tu veux, avec du plomb !

_ J’pense que j’ai droit à une explication... »

L’ego soupire, réfléchit, puis lance : « Écoute, je veux que tout reste comme maintenant !

_ C’est-à-dire ?

_ J’ veux qu’ les gens continuent à être égoïstes ! qu’on reste médiocre ! que la gauche hurle contre les profiteurs et que la droite enrage après les étrangers ! J’ veux que les stars caressent toujours leur nombril ! qu’elles racontent qu’elles ont eu une enfance malheureuse ! Etc. !

_ Je commence à comprendre… Rien ne doit changer ! Personne ne va s’améliorer, en se remettant en question ! On n’est pas heureux, on ne sait rien, la violence monte, le monde craque, mais les vraies solutions, on les garde aux oubliettes ! On bouge pas, on serre les dents !

_ Tout juste ! Il faut que j’ pense à mon business ! J’ai ma p’tite place au soleil… Des gens m’apprécient et j’ fais vivre ma famille ! Je paye aussi mes impôts et bref, j’suis normal ! T’entends ça, la lumière, j’suis normal !

_ J’ t’entends, l’ego, j’ t’entends… Mais je ne savais pas qu’ j’ te faisais autant d’effet, surtout que j’ai l’impression de crier dans l’ désert !

_ Oh ! Ne crois pas ça ! Mais tu m’ fais peur, la lumière, alors j’ reste sourd ! Moi, l’ matin, en buvant mon café, je me délecte des mêmes débats creux dans l’ journal ! J’adore le vide ! Il me réconforte ! L’hypocrisie, l’ignorance, ça ne me dégoûte pas du tout, tu sais ! C’est mon paysage, mon marécage, où je joue avec joie les hippopotames !

_ Que la bêtise soit reine, que nul ne fasse l’effort de comprendre l’autre, de se mettre à sa place, pour découvrir la nuance ou l’intelligence, ça ne te soûle pas ? Tu n’es jamais en proie au désespoir ? Chapeau !

_ Si, si, ça m’arrive ! Comme je te l’ai dit, j’ suis normal ! Mais toi, ce que tu voudrais, c’est que je me combatte moi-même, au lieu d’accuser les autres ! Il faudrait que je renonce, que j’ mette un pied dans la piscine froide du sublime…, que j’ change de disque ! Et tout ça au nom de la foi, d’un amour pour quelque chose d’invisible, alors que j’ai commencé à travailler à quinze ans !

_ J’ suis désolé pour toi, l’ego…, mais t’es en train de devenir un vieux con ! Et puis t’es pas heureux, t’es plein de haine et t’as peur ! Belle épitaphe !

_ Peut-être, mais j’aime pas qu’on m’ dérange ! Le monde est égoïste et tu vas pas l’ changer ! Moi, l’ego, j’ veux pas disparaître ! Bon, c’est l’heure de ta prière… T’es en terrain connu, là…

_ Bah, tes enfants sont déjà rattrapés par la gravité ! Ils voient dans quel merdier tu les a mis, toi et ta chère normalité !

_ T’as le choix ! Ou tu pars comme un ange, ou lesté ! »

     Mais la lumière n’a pas attendu et elle a sauté sur une arête couverte d’ajoncs ! Les balles sifflent, mais les buissons protègent la lumière. Là-haut, la voiture redémarre et la lumière pense que c’est une drôle de journée qui commence !

                                                                                                   32

     Les egos vivent dans une décharge, qu’ils alimentent eux-mêmes chaque jour ! Soit ils répandent leurs détritus, pour s’amuser et choquer, soit ils les abandonnent dans un coin, en se disant que d’autres s’en chargeront ! Ils laissent encore leurs poubelles ouvertes, ainsi qu’elles seraient des œuvres d’art ou des mangeoires pour les oiseaux ! Dès qu’ils achètent quelque chose, ils s’empressent de déposer sur le trottoir leur ancien matériel et leur nouvel emballage, car ils n’ont pas le temps de s’en occuper et ils remontent chez eux, pressés de jouir de l’objet de leur rêve ! Leurs villes sont de véritables porcheries, où ils se dressent les uns sur le dos des autres, afin de savoir qui est le plus intéressant !

     A la campagne, ce n’est guère mieux ! Il y a d’abord sur les routes des engins qui vont à toute vitesse et qui sont conduits par des aveugles, des gens qui ne savent ni où ils sont, ni ce qu’ils font, ni où ils vont ! Ils sont pied au plancher et leurs véhicules essaient d’arracher l’asphalte ! Ils n’ont pas une minute à perdre et on les entend arriver comme des bombes ! Les arbres en frissonnent, d’autant que certaines fois ils sont pris pour cible, quand les conducteurs ratent un des leurs ! On pourrait penser la faune à l’abri dans les champs, mais des tracteurs monstrueux lui donnent la chasse ! Il s’agit de cultiver et de récolter, comme si nous étions en guerre ! Il n’est plus question de regarder, d’admirer le fruit ou la graine, mais on est en plein rendement, avec des bruits de ferraille, dans un nuage de poussière ! Si les pigeons pouvaient téléphoner, ils appelleraient l’hôpital psychiatrique !

     Comment tout ça se tient ? Mon Dieu, les égos ont leur tête de Turc, leur coupable ! S’ils souffrent, s’ils ont le sentiment de ne pas en avoir assez, c’est bien entendu la faute du gouvernement ! C’est lui l’incapable, qui nie les évidences ! On lui braille dessus, on le méprise, on le combat pied à pied, car il est corrompu, injuste, antidémocratique et remplace Satan ! Les egos n’en peuvent plus, puisqu’ils ont toutes les solutions et on ne les applique pas ! Ils ne voient pas que les politiques se succèdent et qu’ils en sont toujours mécontents, mais ils croient naïvement à ce qu’on pourrait appeler « le gouvernement baguette magique », autrement dit, dès qu’ils seront au pouvoir, ils construiront un décor de ciel bleu, avec un arc-en-ciel dans des fleurs ! Sans leur bouc-émissaire, les égos s’entre-tueraient probablement, sous l’œil effrayé des moineaux !

      Donc, au fond, la société se plaît dans sa fange, bien qu’elle y râle et qu’elle y soit sous le joug de la peur, ce qui la conduit à la haine et à la violence ! On ne la voit pas lasse de sa sinistre ritournelle, malgré l’horizon menaçant, du moment qu’elle accuse ! Ce n’est pas le programme de la lumière ! Celle-ci propose d’abord un émerveillement ! L’ego est invité à découvrir la beauté, qui n’est pas un accessoire, un ornement, mais qui constitue au contraire la base de nos vies conscientes ! Les animaux la perçoivent déjà à leur manière, liée à leur bien-être et au sentiment de leur force, mais il appartient à l’homme de lui donner toute sa place et surtout de comprendre son message !

     Car, si on sait la regarder, la beauté nous dit que nous sommes aimés infiniment, puisqu’elle est elle-même sans limites ! Pour le cœur simple et aimant, nous sommes ici, sur Terre, chez nous et nous pouvons avoir la confiance de l’enfant, à l’égard de ce que nous appelons Dieu ! C’est cette innocence, cette foi qui nous permet de nous délivrer de l’ego, comme un insecte mue en devenant une imago ! La beauté est la clé de l’amour de Dieu, qui lui-même est la grande découverte de la conscience ! Minimiser la beauté, la mépriser, l’ignorer maintient dans le chemin de souffrance de l’ego ! C’est elle qui donne confiance, nullement la religion, hélas !

     Il est normal que l’homme cherche à diffuser les messages de sagesse divine, mais il élabore alors des règles, des rites, des dogmes, qui empêchent la liberté et le développement des individus ! La religion est donc normalement combattue et son influence réduite à néant et il n’y aura pas de retour en arrière ! La foi ne doit pas s’appuyer sur un fonctionnement, mais elle est un amour libre et heureux, ce qui exclut toute haine ! On ne peut pas aimer et blesser en même temps ! Le témoignage de Jésus, par exemple, n’est compréhensible que si on est déjà soi-même confiant, que si la beauté du monde nous fait enfant ! Il ne s’agit pas de se réclamer d’une religion comme d’un parti ! Seul l’amour est ici à considérer, avec tout ce qu’il a d’étrange et de vertigineux !

     Évidemment, il existe une relation entre la beauté et l’ego ! On comprend bien que le seul fait d’admirer réduit l’ego, ne serait-ce que parce c’est faire preuve de patience, alors que l’ego est inquiet, avide et souffrant ! La beauté procure l’apaisement et la compréhension ! Car la foi ne rejette pas la raison, bien au contraire ! Chaque marche, chaque étape n’est possible que si l’esprit est éclairé d’une façon supplémentaire ! Ainsi, on se débarrasse de l’ego, quand sa prison devient visible, de même qu’on se sépare de l’alcool, en voyant qu’il ruine notre santé ! Mais la foi reste un amour qui nous grandit et on n’y perd donc rien ! Ce n’est pas un refoulement de l’ego destructeur ! C’est un chemin vers la joie et si elle n’est pas au bout de la route, c’est qu’on s’est trompé ! On a cultivé son ego, sous l’étiquette de la religion !

     Admirer la beauté, avoir confiance mène à la paix, il ne saurait en être autrement ! Il y a un stade où Dieu ou l’infini se déploie sous nos yeux, où son temps nous apparaît ! Il n’est ni lent, ni rapide ! Il est juste, car sa puissance est incomparable ! Celui qui le perçoit chante en son cœur, car la tranquillité l’envahit ! Le voilà fort pour aimer l’ego et faire du bien autour de lui, ainsi qu’une onde se propage !

                                                                                                     33

      L’ego est dans la rue ! Il est sorti de chez lui et que fait-il ? Il déambule, vaste troupeau ! Il erre, fait du lèche-vitrines, des achats, avec une tête fâchée, car ça ne va pas assez vite ! Parfois, il fonce, méprise pour une raison inconnue ! Est-ce que tout cela a un sens ? Mais oui, nous sommes là en représentation ! L’ego se nourrit des regards, comme la vache broute et se repose, d’où cette foule passive, amorphe, sans but ! Si l’homme ressemble à un animal, alors tout paraît normal et peu importe le réchauffement, les guerres, la violence ou la souffrance !

     A la vérité, l’ego s’ennuie et il voudrait la lumière ! Il voudrait s’enflammer, sentir mille fois plus, voler, être présent, vivre enfin, mais il n’ose pas ! Il a peur du ridicule ou de perdre quelque chose ! L’inconnu le guette et l’effraie, d’autant qu’il y a des gendarmes, sans uniforme s’entend ! Il y a des censeurs, des egos haineux, dès qu’une oreille dépasse ! Ceux-là veulent contrôler le monde et surveillent leur troupeau ! Alors, on s’ennuie, on déambule, apathique, sans véritable désir ! On traîne, on soupire ! Où est le feu, la flamme ?

      Où est l’esprit dans notre boîte à chaussures, nos magasin gris et qui sentent le renfermé ? Les partis politiques profitent de l’été, pour se préparer à un année chargée, disent-ils ! Mon Dieu, les imbéciles vont encore nous soûler ! Que se mettent-ils à chanter et à fêter la vie ? L’ego est un piège à loups ! Que n’apprennent-ils la splendeur du ciel, sa paix, la majesté de son temps ? Que n’ont-ils les doigts du magicien, qui créent de la vie, qui sont pleins de feu ? Ainsi nourrit l’esprit, ainsi donne la foi ! Mais l’ego s’ennuie, avec ses chansons tristes, où il pleure sur lui-même ! Do, do, l’enfant do !

      L’ego est paresseux ! Il aime son vide et surtout il s’écoute parler ! C’est là son occupation favorite ! Il adore dire qu’il n’y a pas de solutions, rien que pour entendre le son de sa voix ! Il se contemple face au mur de la fatalité ! Il est paresseux et baigne dans son jus ! Pourtant, un défi cosmique l’attend ! Pourtant, il lui est proposé un amour sans bornes et qui lui fera demander grâce, qui le fera rire et qui le comblera ! L’homme contemple l’Univers et son imagination va encore plus loin, aussi vite que la lumière ! Qu’a-t-il là à marcher comme un troupeau de vaches ? Qu’a-t-il à traîner son ennui ? L’ego voudrait le feu, il voudrait vivre, mais il n’ose pas !

      L’ego est un coq ou une poule ! Voilà ! L’ego mâle siffle et joue les caïds ! L’ego femelle se rengorge et montre ses belles cuisses ! Que croyons-nous ? Qu’on pourra y arriver comme ça, sans trop de casse ? Que l’argent nous protège ? Que le problème, c’est la constitution ou l’Europe ? Quelle naïveté ! Quel aveuglement ! Nous avons notre liberté, nous sommes en démocratie, nous n’avons pas faim, nous ne subissons pas la guerre et nous ne savons pas vivre ! Nous détruisons la planète et nos sociétés sont en plein chaos ! Nous ne savons pas vivre et alors il nous faudrait changer ! Mais que croyons-nous, que voulons-nous ? Apparemment que les choses restent ainsi, avec nos petits désirs et nos illusions, c’est-à-dire nos coupables !

      L’eau va devenir rare, mais il existe une autre eau, celle de l’amour divin, qui peut jaillir à tout moment ! C’est la grande vie de l’esprit, enfin ! Nous avons conquis notre individualité, donnons-lui toute son extension ! A quoi sert notre esprit, si nous n’aimons pas ? A quoi sert notre esprit, s’il reste animal ? A quoi sert notre esprit, s’il est figé dans sa haine (haine des riches, des étrangers, du gouvernement, etc.!) A quoi sert notre esprit s’il n’a pas une dimension infinie ? Qu’est-ce qui peut étendre notre esprit au-delà de toute imagination, sinon l’amour ou la foi ?

      Comme nous sommes petits et ridicules dans nos querelles ! Que n’avons-nous du courage, au lieu de la haine ? Aimer « l’invisible », un idéal ouvre tout de suite le champ vertigineux des possibles ! Pensez, on nous blesse et il nous faudrait comprendre, alors que l’animal est déjà en train de riposter, voire de tuer ! S’offrir, avoir confiance, gagner l’éternité par amour, voilà le destin de l’homme, à la mesure de son esprit, des capacités de sa conscience ! On est loin là des équations d’Einstein ou de toutes nos considérations sur l’économie ! On est loin là de tous nos combats sociaux haineux et mesquins ! Nos droits ! Nos droits ! Ma cassette ! Ma cassette ! Notre ego chéri ! Au vrai, nous n’avons rien dans le pantalon !

     La femme maintenant tape sur la table, à la bonne heure ! Qu’elle devienne aimante, comme elle seule sait le faire ! Qu’elle laisse tomber ses courses et son nombril ! Qu’elle soit protégée de l’agression masculine, c’est nécessaire, car elle a droit à toute liberté, à son plein accomplissement ! Mais que toute sa passion n’aille pas pour un homme ou pour elle-même ! Qu’elle couve le monde comme une mère ! Que son don la dépasse et la transfigure ! Qu’elle se moque de sa vanité et de son rang social ! Qu’elle soit le sourire de l’Univers, son soleil !

                                                                                                    34

      Le maire du coin et le directeur de la chaîne hôtelière Pax se tiennent au bord de l’eau… Ils regardent la mer, qui est ici comme un miroir, et ses rochers découverts ! C’est le soir et le ciel s’assombrit dans une symphonie de bleus, mouchetés de nuages ! A leurs pieds, des reflets émeraude s’éteignent entre des touffes d’algues mordorées ! « C’est somptueux ! s’écrie le directeur.

_ Hon, hon…

_ Bon, alors tu vois, mon hôtel s’ra juste là, derrière, avec une vue imprenable sur tout ça !

_ Les écolos vont tiquer !

_ J’ te garantis à terme une quarantaine d’emplois ! C’est pas mal pour ton bourg, sans compter que les entreprises de la région seront prioritaires dans la construction !

_ J’ pense que ça passera ! On prendra de l’ampleur !

_ Ah ! La vache ! J’ me vois déjà peinard à contempler ça ! avec mon nom lumineux sur l’hôtel ! Mais qu’est-ce qu’on entend ?

_ Des jeunes sans doute… Ils font la fête… Y pas beaucoup de distractions dans l’ coin !

_ Et si on allait les rejoindre ! Question de s’amuser un peu ! Il est bon de savoir comment va la jeunesse !

_ Si tu veux ! fait le maire en haussant les épaules.

_ Faudra quand même rehausser la plage ! rajoute le directeur qui se retourne. Dame, on aura besoin d’un accès direct ! »

      Les deux egos se retrouvent bientôt entourés de bruits de casseroles, de musique plein pot et de jeunes déguisés grossièrement, qui se pavanent une canette à la main ! Ils ont l’air de s’amuser, mais il y a quelque chose de forcé, de quasi sinistre ! Leur principale occupation est de danser autour d’une prisonnière et en effet, la reine beauté est attachée à un poteau et on se moque d’elle ! Elle est une victime du culte de l’ego !

      Pourtant, même ainsi, elle semble impassible, comme si elle espérait qu’on allait la détacher et l’aimer, en devenant meilleur ! Mais les visages autour sont laids, déformés par l’alcool et le vide, car c’est surtout l’ennui qui règne ici ! Au bout d’une table, la lumière est assise et se demande ce qu’elle fait là ! « Alors, la lumière, toujours pareille, tu t’amuses pas ! jette un jeune.

_ C’est vrai ! fait un autre. La lumière a toujours été vieille ! L’indérangeable lumière !

_ La triste lumière ! renchérit une fille. La peureuse lumière ! »

      La lumière fixe la fille, qui baisse la tête… « Elle m’en veut ! se dit la lumière, car je ne l’ai pas regardée ! » Toutes les femmes veulent plaire à la lumière, même celles qui ne sont pas libres, quitte à fâcher leurs compagnons ! C’est plus fort qu’elles, mais c’est leur ego qui a soif et qui veut de l’admiration ! Ça n’a plus grand-chose à voir avec la beauté et la lumière s’en détourne ! On boit sur le cœur qui s’assèche ! C’est encore l’ego en représentation !

« Tu nous trouves moches, hein, la lumière ! Tu nous juges ! lance un garçon.

_ Bof ! répond la lumière. Les jeunes animaux s’essaient à la vie ! Ils miment les adultes pour devenir comme eux et avoir les bons réflexes ! C’est ce que vous êtes en train de faire : vous vous exhibez à la recherche de votre personnalité ! Le problème, c’est que vous ne vous vous respectez même pas vous-mêmes !

_ Amen !

_ Qu’est-ce que tu veux dire ? demande une fille inquiète.

_ Elle veut dire qu’elle va dégager ! Car elle nous emmerde ! coupe quelqu’un.

_ Non, moi, j’ai envie de l’entendre, hips ! reprend la fille.

_ Tu vas pas t’embêter avec cette vieille baderne ! Donne-moi plutôt un baiser ! » réplique son mec. 

      La jeune fille ne sait quelle attitude prendre… Elle a peur de se démarquer du groupe et pourtant elle est attirée par la lumière, qu’elle sait sans mensonges ! Cela fait longtemps qu’elle traîne avec ces egos et que cela lui paraît stérile ! Elle voudrait tellement plus et elle voit de l’espoir dans la lumière, mais son mec, déjà jaloux, lui impose quasiment un baiser, auquel elle ne peut se dérober sans créer d’incidents !

« Bon, dit la lumière, je m’en vais ! Mais j’emporte avec moi la reine beauté !

_ C’est ça ! Foutez le camp toutes les deux ! »

     La lumière délivre la reine beauté et elles s’en vont sous les huées, tandis que certains se plongent dans une danse effrénée ! « Ah ! Ces jeunes sont sans pitié ! » fait le directeur de la chaîne Pax au maire. Ils sont maintenant attablés devant une bière et ils regardent partir la lumière, qui soutient la reine beauté.

      Celles-ci retournent au bord de l’eau, dont elles n’auraient jamais dû bouger… La reine beauté se déploie à nouveau sur la mer et dans le ciel, sous les yeux de la lumière ! Des bleus presque noirs trouent encore la nuit et plus loin un phare s’allume, tel un diamant !

                                                                                                  35

      L’ego dit à la lumière : « Dieu sonde les cœurs ! Il voit ton mensonge et ta méchanceté !

_ C’est pas vrai !

_ Bien sûr que si ! Il sait que tu es un menteur et combien tu es un méchant ! On ne peut rien lui cacher ! Et il viendra me dire ce que tu fais et il te punira !

_ C’est pas vrai !

_ Si, il voit tout !

_ C’est pas vrai, je suis pas un menteur ! Et je suis pas méchant, non plus !

_ Ah ! Ah ! Garde tes histoires pour d’autres ! Nous ne sommes pas dupes ! De la graine de voyou, voilà ce que tu es !

_ Je ne fais pas le mal !

_ Mais tout le monde est pécheur ! Tu es la proie du diable… et tu sais ce qui va t’arriver ? On te jettera dans le feu et tu disparaîtras dans les flammes !

_ Non, j’irai pas en enfer !

_ Est-ce que tu fais tes prières au moins ? On va les compter, tu sais ? Dieu me dira : « Voilà, il manque des prières, parce que la lumière est une menteuse ! Elle est méchante et elle doit être condamnée !

_ Non, c’est pas vrai ! Tu cherches à m’ faire peur !

_ Mais c’est pour ton bien, pour que tu t’ tiennes à carreau !

_ La vérité, c’est toi qui es méchant !

_ Quoi ? Tu oses me répondre ! J’ vais t’ dresser, moi, tu vas voir ! Tiens, prends déjà cette baffe ! »

     Bien des années plus tard, l’ego dit à la lumière : « Or, donc, vous avez été castré par vos parents et vous êtes devenue incapable de satisfaire vos besoin sexuels ! Cela s’est transformé en un manque d’affection, que vous avez reporté sur un substitut, à savoir Dieu, d’où votre foi, votre mysticisme, etc ! Autre question ?

_ Je suis donc encore coupable ?

_ Pourquoi vous dites ça ? Au contraire, je vous décharge de votre sentiment de culpabilité, en vous en montrant la raison ! De là, vous pourrez vous reconstruire !

_ Vous me dites tout de même que je me trompe, que je suis victime d’une illusion ! C’est toujours vous le maître et vous continuez à me castrer !

_ Du tout, la science est objective et elle offre une voie de guérison !

_ Ainsi j’échapperai à l’enfer ! Et la reine Beauté ?

_ Quoi la reine Beauté ?

_ La merveille du monde !

_ Pff ! La même chose que pour la foi ! Substitut, illusion, castration ! Cigare ?

_ Non merci ! Et qu’est-ce qui vous tient, vous ?

_ La raison ! La simple logique, l’entendement ! C’est comme ça qu’on avance !

_ Ah ! Ah !

_ Quoi ? Qu’est-ce qui vous fait rire ?

_ Vous aimez la raison comme moi, la beauté ! Substitut, illusion, castration, etc. ! Cigare ?

_ Vous êtes quand même un sacré connard !

_ Je sais, j’ fous en rogne les gens ! Vous allez m’ dresser ? 

_ C’est pas l’envie qui m’en manque ! »

     La lumière part sur les routes, en compagnie de la reine Beauté, et elle retrouve sa chanson ! Elle chante : « Je ne suis pas méchant ! Je ne suis pas menteur ! J’aime le Seigneur et il m’aime aussi ! Et il m’fera justice ! Parce que je l’aime  et qu’il m’aime ! C’est mon amour et j’suis pas méchant, ni menteur ! J’aime et c’est tout ! J’aime et c’est doux ! »

     Et les oiseaux chantent aussi leur chanson, autour de la lumière ! Et les papillons passent en dansant près de la lumière ! Et les arbres ondoient, comme s’ils saluaient son passage ! C’est la vieille chanson de la lumière ! La chanson de son cœur et elle est pure, car c’est d’ l’amour !

      « Ils n’aiment pas ! chante encore la lumière. Ils ont des yeux comme de la glace et leur visage est un cloaque ! Ils iront en enfer, sûr ! » et la lumière rit, elle peut se le permettre, car elle aime ! Elle rit ! Elle est légère comme l’enfant !

 
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