L' attaque des Doms (105-109)

  • Le 25/01/2025
  • 0 commentaire

R67

 

 

             "C'est ma femme, le Corbeau, la pauvre!"

                                                    Le Corbeau

 

 

                                     105

      Paschic pénètre dans un nouveau territoire psychique… Tout y est apparemment bien ordonné : les fermes sont propres et les tas de bois agréables à regarder ! Par ailleurs, Paschic se plaît à découvrir ici et là des teintes délicates, mais subitement il est face à deux guerrières, qu’il doit suivre, parce que la reine de ce royaume veut le voir !

Paschic n’a pas le choix et les lances des guerrières sont là, pour lui indiquer que toute fuite se terminerait par un drame ! Mais on arrive au palais et Paschic se retrouve devant la reine ! « Je t’ai fait venir, car tel a été mon désir ! dit-elle.

_ Ah ?

_ Oui, tu me plais… et je ne dois pas te déplaire non plus, pas vrai ? Je peux te donner du plaisir, mais il faudra aussi le mériter, en m’obéissant !

_ Ah ?

_ Oui, j’ai beaucoup d’ambitions, pour toi comme pour moi ! Il ne faudra donc pas me décevoir ! Tu ne voudrais tout de même pas apparaître comme un perdant aux yeux des autres ? ni me faire honte auprès de mes amies ? C’est aussi pour ton bien que je dis ça ! Tu as tout à gagner de notre union… ou de notre association !

_ Ah ?

_ Oui, mais pensons aux plaisirs… Je ne voudrais pas te sembler trop sérieuse… et puis, j’ai besoin de faire l’amour, pas toi ? Il fait froid et je suis tendue, surmenée ! Allons nous détendre ! »

Ils vont dans la chambre de la reine et bientôt Paschic se sent pris par le désir, car la reine est très séduisante ! Mais elle met en garde Paschic : « Si tu es un bon amant, dit-elle, je te donnerai plein de bonnes choses ! Je serai aux petits soins pour toi ! Par exemple, tout à l’heure, tu auras droit à une part de gâteau et un verre de lait, avec une serviette bien propre ! Tu ne pourras pas dire que je ne te gâte pas ! Hi ! Hi ! »

Paschic ne s’en sort pas trop mal, mais il est à la fois là et ailleurs ! Son esprit garde une certaine réserve et il ne se livre pas à fond ! Mais comment le pourrait-il ? Il voit déjà certains défauts sur le corps de la reine, qui le frappent, malgré l’embrasement des sens ! Cela lui rappelle qu’une liaison ne dure que s’il y a des sentiments ! Ce n’est qu’en aimant la personne qu’on peut la supporter ! Mais en l’occurrence que ressent Paschic ? En faisant l’amour avec la reine, espère-t-il un enfant ? Est-il saisi par le vertige, le mystère qui touche à la survie de l’espèce ? Est-il gagné par l’infini, ce qui amplifierait sa vigueur ? Non, les corps ont soif certes, ils s’étourdissent impérieusement : c’est une ode à la force, mais Paschic reste la créature de la reine ! C’est elle qui dirige et même qui demeure une menace !  

D’ailleurs, la suite ne fait que le confirmer ! « Eh ! Eh ! fait la reine. Pas mal ! Pas mal ! Même si j’ai connu mieux ! Mais il faut le temps de nous connaître ! Allez, viens , je vais te montrer ta chambre, car pour l’instant tu es toujours à l’essai ! Hi ! Hi ! T’inquiète pas, va : tu me plais beaucoup ! Mais n’oublie pas que c’est moi qui t’ai choisi ! »

On va dans une chambre plus petite, qui a l’air d’une cellule de moine… « Voilà ton lit, tes couvertures… C’est assez sobre ici, car c’est propice au travail ! Je ne voudrais pas que tu te disperses, ni que tu t’amollisses ! Hi ! Hi ! Un homme, c’est un homme, pas vrai ! De la virilité ! Hein ? Tu vas voir, si tu fais ce que je dis, on va être parfait tous les deux ! Tu seras comblé ! Mais attention, ne me quitte pas des yeux ! C’est moi qu’il faut regarder ! C’est moi ta lumière ! Vu ?

_ Ouais, ouais..

_ Demain, huit heures, on attaque ! Une vie saine, ça commence tôt !

_ Ouais, ouais…

_ Ouais, ouais ! Dis donc, y a longtemps que tu te laisses aller, non ?

_ Hum…

_ Mais si tu veux réussir, il va falloir en mettre un coup !

_ Sûr !

_ Focus, hein ?

_ Ouais, ouais…

_ Qu’est-ce que je fais là ?

_ Tu lèves un bras…

_ Bon ! Et tu sais quoi ? Il est possible qu’on s’aime, avec le temps ! Il est possible que je craque ! J’en ai toujours rêvé !

_ Ouais, ouais... »

                                                                                                                   106

     Finalement, Paschic s’est aussi sauvé du territoire psychique de la reine et il marche dans un étrange univers de glace et de scintillement ! Où est-il ? Il est légèrement étourdi par cette luminosité et puis, il croise une jeune fille, en jupe courte, qui parle à son portable ou à son « Narcisse », avec volubilité ! Le flot de paroles n’arrête pas et Paschic se demande ce qu’on peut bien raconter comme ça ! Mais ce n’est pas le plus surprenant, car le visage de la jeune fille est celui d’une poupée ! Les lèvres et les joues sont gonflées et c’est comme si la jeune fille regardait à travers un masque !

« Qu’est-ce qui lui est arrivé ? » s’interroge Paschic, mais il n’obtient pas de réponses, puisqu’il ne va pas se renseigner auprès de la jeune fille, au risque de lui faire de la peine… D’ailleurs, elle continue sa conversation au même débit et Paschic ne peut que la regarder s’éloigner ! Il est quand même troublé, car le visage de la jeune fille a été comme torturé, par un bistouri sans doute… En tout cas, le résultat est artificiel et donne envie de pleurer, mais Paschic n’a pas le temps de s’apitoyer, car voilà une autre jeune fille, quasiment pareille à la précédente, avec la même attitude, elle aussi en grande conversation, et le visage encore « abîmé » à l’identique !

Paschic frémit, alors que maintenant il en croise des dizaines de ces créatures ! C’est une vision de cauchemar, mais on approche de la source, de l’origine de ce phénomène, et effectivement la glace se transforme en un bloc chirurgical, avec un homme en blouse bleue, qui va et vient sur une chaise roulante, devant des manettes, qu’il actionne, libérant des rayons laser, comme s’il dirigeait un spectacle sons et lumières, qui aurait pour but de donner un air de poupée aux jeunes filles !

Une musique très forte accompagne l’homme, qui s’agite au gré de son inspiration, et Paschic doit élever la voix : « Excusez-moi... » dit-il, en semblant un peu idiot, pour attirer l’attention, et tout de suite, après un sursaut, l’homme grimace comme si on lui avait présenté quelque chose de dégoûtant ! « Mais qu’est-ce que vous faites ici ? s’écrie-t-il. C’est interdit au public !

_ Mais je n’ai fait que suivre un long couloir… Ceci étant, je voulais voir le Maître ! celui qui est l’auteur de toutes ces beautés ! C’est bien vous, non ?

_ Oui, en effet, mais…

_ Quel brio ! Quel classe ! Quel talent ! Mais, dites-moi, est-ce que chaque visage vous inspire, car il ne s’agit pas d’en faire à la chaîne… ?

_ Bien entendu ! (Il baisse enfin la musique) La beauté est mon rayon ! Je veux la perfection ! que ces jeunes femmes se sentent sûres d’elles ! qu’elles avancent dans la vie, telles des impératrices !

_ Bien sûr, la séduction est leur pouvoir !

_ Exactement ! Monsieur… Monsieur...

_ Paschic !

_ Exactement, monsieur Paschic ! Ces jeunes femmes sont mon œuvre et le temps n’a plus de prises sur elles !

_ La beauté éternelle, en quelque sorte ! Mais le visage n’est-il pas le reflet de l’âme ? N’y lit-on pas les sentiments ? Or, comment les voir si tout cela n’est pas naturel ?

_ Mais le seul sentiment qui doit s’exprimer, c’est celui du triomphe, de la réussite !

_ Hélas, je crains qu’il n’y ait une relation entre le temps et le pouvoir !

_ Qu’est-ce que vous racontez là ?

_ Mais le pouvoir, n’est-ce pas la soif de vaincre, de se sentir supérieur ! avec ses mouvements: la haine, quand on rencontre un obstacle ; l’envie, devant un concurrent plus chanceux ; l’avidité, pour le moteur ; les inquiétudes, inévitables dans l’attente ! Ce sont tous ces sentiments qui dessinent le visage, qui l’enlaidissent et le vieillissent ! Ce sont tous ces combats qui fatiguent ! Le temps, lui, ne demande qu’à montrer le cœur, la paix, la liberté, une vie heureuse à force d’être simple !

_ Mais moi, je retends la peau, les muscles ! Je corrige les défauts ! Combien ne sont pas malheureux, à cause d’un trop gros nez ou d’un œil trop bas ?

_ C’est vrai, mais ces corrections sont vaines, si les sentiments, eux, ne changent pas ! Vous faites des monstres, qui ramassent des miettes de pouvoir, alors qu’il est justement leur poison !

_ Qu’est-ce que vous êtes au juste ? un Poque, qui veut que la société s’amollisse, disparaisse en s’excusant ? Vous n’aurez pas nos valeurs ! Vous ne romprez pas notre force ! Ah, çà non !

_ Vous savez ce que je crois ? Je crois qu’une bonne balafre peut justement servir à cacher la laideur de l’âme !

_ Complètement taré ! J’appelle la Sécurité ! »

                                                                                                                107

      Paschic, ce matin, s’entraîne… Il lui faut un terrain désert… Puis, il se calme, expire, regarde le ciel et soudain, en un éclair, il s’arrache de lui-même ! Ce qui fait son ego et qu’il est d’une origine Dom reste sur place, tandis que lui file dans l’air pur ! L’ego se met à crier, il souffre, panique, gémit, supplie, mais Paschic n’en a cure ! Il vole, admire le paysage, se sent enfin heureux ! Il est d’une joie qu’il ne pensait pas possible, nouvelle, qui paraît sans limites ! Il redécouvre une simplicité, un « miracle » permanent, que nous ignorons chaque jour ! Il est possible que « tout soit grâce » !

Là-bas, l’ego crie, mais Paschic ne l’entend même plus ! C’est le fruit d’un exercice quotidien, qui prouve que Paschic avance dans la bonne direction ! Mais, évidemment, cet état ne peut pas durer, car l’ego fait partie de nous-même et il continue à faire pression, ne serait-ce que parce qu’il a peur ! Et puis, il y a les autres, qui constituent le monde…, un monde aveugle, inquiet et qui harcèle, plaintif, haineux ! Tôt ou tard, il agresse et il faut s’en défendre, mais on peut toujours élargir cette distance avec l’ego et s’en « régaler » ! L’ego ou la domination sont étroitement liés à la peur et seul celui qui n’a plus peur est vraiment libre !

Paschic rejoint donc son ego, avec un large sourire : « Ah ! Te voilà ! fait l’ego. Non mais, où t’étais passé ? Y a des tas d’ trucs à faire ! Ça urge !

_ Bien sûr ! Allez, repose-toi ! T’es en train d’abîmer ta santé !

_ T’en as de bonnes, toi ! Si je veillais pas au grain, on s’ rait à la rue, à l’heure qu’il est !

_ Ah ! Ah ! Tu sais quoi ? J’ t’aime même comme ça ! T’es un amour de ridicule !

_ Mais... »

A cet instant, un coup de feu retentit, une pierre éclate et Paschic est contraint de se jeter à terre ! « Qui que tu sois, mon garçon, tu vas te lever les mains bien l’air ! fait une voix éraillée. Sinon, j’ te jure que j’ vais t’ transformer en passoire !

_ D’accord, grand-père ! Mais vous n’avez rien à craindre de moi…, alors pas d’ gestes brusques ! OK ? »

Paschic se redresse, les mains bien en l’air et il se rend compte qu’il a pénétré un autre territoire psychique ! Le vieux s’approche, le fusil pointé et il dit : « Eh bien, mon garçon, tu n’as pas l’air d’un de ces affreux Poques ! C’ pendant, j’ te garde à l’œil ! En route vers ma cabane ! »

On arrive bientôt devant une vieille bicoque poussiéreuse et très isolée ! « Bienvenue dans mon humble demeure, mon garçon, fait le vieux ! Allez, on entre ! » A l’intérieur, il fait très sombre et c’est assez sale ! Le vieux toutefois fait signe à Paschic de s’asseoir à une table et il va chercher une bouteille de whisky ! Sa surveillance s’est relâchée et il ne doit plus considérer Paschic comme un ennemi ! Mais sans doute aussi que la solitude lui pèse trop ! Un feu fume dans l’âtre et deux petits verres sont remplis, par la main maigre du vieux, qui finit par s’asseoir devant Paschic !

« A la tienne, mon garçon ! reprend-il, en sifflant son verre, avant de s’en resservir un autre ! Eh bien, mon garçon, non vraiment, tu n’as du tout l’air d’un des ces affreux Poques ! Tu m’es même sympathique !

_ Les Poques ? Vous les voyez souvent ?

_ Ils sévissent dans la région… La semaine dernière, ils ont attaqué la ferme des MacReady ! C’était pas beau à voir ! Il y avait là des Noirs, des LGBT, des gays, enfin toutes sortes de créatures ! Ils ont forcé la famille à sortir, à s’excuser pour le racisme, l’esclavage ! Ils ont même dit aux MacReady qu’ils étaient peut-être eux-mêmes gays, qu’ils ne pouvaient être sûrs de leur sexe ! Ils ont tout souillé, renversé une statue, qui représentait le patriarche ! Ils ont fait un tas avec nos valeurs, la religion nos messages les plus sacrés et ils y ont mis le feu ! Les MacReady étaient tétanisés par la peur ! Les Poques poussaient des cris d’animaux… et en même temps, ils pleuraient ! On eût dit des hyènes qui gémissaient !

_ Et vous pensez qu’ils vont venir ici aussi…

_ Sûr ! Je les attends ! Je veille jour et nuit ! Sans ordre, il n’y a pas d’ sécurité, pas vrai ? Mais où est l’ordre quand on sait plus qui est une femme ou un homme ? »

Le vieux se met à sangloter… « Tout ça, c’est à cause de leur chef Décadence ! gémit-il. Un gros type obscur ! Un visage terrible, coiffé de plumes ! Il est sans pitié, il veut notre perte ! Paraît qu’il est même pédophile ! Vous entendez ! C’est la fin du monde ! Mais, c’est quoi ce bruit ?

_ Quel bruit ?

_ Y a quelqu’un dehors ! J’en suis sûr ! »

Le vieux se précipite vers la porte et l’ouvre brusquement ! La nuit est tombée et la clarté lunaire pleut tout autour… « Je sais que vous êtes là ! crie le vieux ! Mais vous n’aurez pas ma peau ! Jusqu’au bout j’ lutterai contre l’ vice, l’ordure ! guidé par le Seigneur ! Vous, les Poques, vous irez en enfer ! Décadence, viens j’ t’ attends ! Grand lâche ! 

_ Y a personne, le vieux, fait doucement Paschic, qui est venu derrière. Allez, venez vous reposer... »

                                                                                                                  108

Paschic quitte le vieux au matin, alors que celui-ci dort encore ! « Pauvre vieux, se dit Paschic, il est rongé par la peur… et il est sans doute trop tard, pour le rassurer ! Apprendre à lutter contre sa peur demande d’abandonner sa domination, son orgueil… Si on se protège, en s’enrichissant ou en s’efforçant de s’imposer parmi les hommes, si on a à cœur sa réussite et sa vanité, alors on n’éprouve pas sa foi, on ne la connaît pas et dès que les choses nous sont contraires, c’est la peur qui ressurgit, comme si on n’avait fait que bâtir sur du sable ! »

« Nous sommes bien étranges, continue Paschic. Nous souhaitons ardemment être nous-mêmes et pourtant, la nouveauté, l’inconnu, le changement nous épouvantent ! Nous voulons la sécurité et nous ne supportons pas la routine ! »

Paschic aperçoit un nuage de fumée à l’horizon et se dirige vers lui, en se demandant d’où cela peut-il provenir… Un peu plus tard, il domine une vallée remplie de travailleurs enchaînés… et ce sont eux qui soulèvent le nuage de poussière ! L’activité est intense : partout on creuse, on déblaie, on transporte, on ordonne, avec le bruit des fers aux pieds ! « Un bagne ! se dit Paschic. Un bagne immonde ! Les malheureux ! Eh, vous, qu’est-ce qui se passe ici ? Vous êtes des prisonniers ? Vous faites quoi ici ?

_ Hein ? répond l’homme interpellé. Ce qu’on fait ici ? Mais on construit une gigantesque digue contre les Poques ! »

Paschic regarde dans la direction que lui montre l’homme et effectivement, il découvre un défilé, qu’on s’efforce de boucher ! « S’ils viennent, reprend l’homme, c’est par là ! Mais nous, on s’ ra prêt ! 

_ Alors, ce n’est pas un bagne ici ? Vous n’êtes pas prisonniers ?

_ Prisonniers ? Certes non !

_ Mais… et les chaînes ?

_ Mais c’est pour l’ordre et la sécurité ! Ordre et Sécurité, c’est notre commandant ! OS, qu’on l’appelle !

_ Et vous pensez que les Poques vont essayer d’ passer ?

_ Sûr ! On en a déjà capturés quelques uns ! »

De nouveau, l’homme désigne quelque chose et Paschic se tourne, pour tomber sur des pendus, des crucifiés, des empalés… Il ne peut réprimer un frisson d’horreur et comme il s’approche, il lit des pancartes devant chaque mort : « LGBT, LGBT, Antipatriote, Traître, Gay, Pédophile, LGBT, Trans, etc. ! » « C’est Décadence, leur chef, qui les a envoyés ! fait l’homme derrière Paschic. Vu comment on les a reçus, il va vouloir se venger ! Ah ! Ah ! »

Paschic regarde toute cette folie d’un air morne… Il donne alors un coup de pied dans les chaînes du type et celles-ci tombent sur le sol ! « En fait, vous êtes libres ! Vous n’avez pas à suer comme ça, toute la journée ! C’est votre peur qui vous fait esclaves ! »

L’homme est d’abord interloqué, puis il se met à crier : « Un espion Poque ! Alerte ! Un espion Poque ! » Quelqu’un sur un faîte sonne soudain du cor ! Toutes les têtes se tournent, menaçantes ! Le travail s’est arrêté et un grand silence s’installe ! « En réalité, vous êtes tous libres ! crie Paschic. Ordre et Sécurité vous ment ! Vous pouvez tous être heureux ! Le chef Décadence n’existe pas ! Les Poques ne sont pas vos ennemis ! Ils ne sont que des exemples de la conquête de nous-mêmes ! Plus nous nous respectons et plus nous sommes appelés à respecter la différence ! Nous sommes nés pour nous épanouir et non devenir des bourreaux ! »

Paschic voudrait continuer, mais il est renversé, saisi, battu par plusieurs et finalement, inconscient, il est jeté dans une prison ! A peine se réveille-t-il qu’on vient le chercher ! Ce sont des jeunes, dont le chef dit : « Milice OS, on vous conduit au tribunal ! » Paschic suit le groupe, qui clame « Milice OS ! Milice OS ! Ordre et Sécurité ! Ordre et Sécurité ! » et fait d’étranges saluts, comme pour se galvaniser ! Mais Paschic est bientôt devant un juge, tout vêtu de noir et portant une perruque !

Le personnage est grave et sa voix s’élève : « La patrie ! Cette chère, chère patrie, que nous chérissons tous ! Notre très sainte mère à tous est de nouveau en danger ! Le vice, venu des profondeurs noires du mal, a encore réussi à étendre ses tentacules, dans le but de nous pervertir ! Notre lutte est acharnée ! Nous ne faiblirons pas ! OS ! OS ! O toi qui nous entend, qui nous couve, nous protège, arme mon bras ! Aide-moi, dans ton infinie mansuétude, à châtier les coupables, à frapper le dragon au cœur ! La boue ne saurait salir la patrie ! 15, 20, 40 ? Combien d’années de prison, pour briser cette boursouflure ici présente ! OS ! OS ! éclaire mon jugement ! Accusé, soyez au moins utile à quelque chose… et dites-nous à quel supplice vous vous condamnez, puisque vous prenez conscience de l’énormité de votre crime ?

_ Cela fait-il longtemps que vous êtes fou ? Je vois votre peur immense, mais elle ne vous innocente pas ! L’hypocrisie et la soif de pouvoir vous rongent ! Vous ne serez pas pardonnés, pour les morts qui sont dehors !

_ Les morts que tu vas aller rejoindre, mon doux agneau ! OS ! OS ! Tu as parlé ! Tu as jugé ! OS ! OS ! que ta volonté soit faite !

_ OS ! OS ! Notre père à tous ! » enchaîne la foule.

                                                                                                                   109

      « Et si la Chose était un complot des Poques, hein ? » C’est monsieur Nuit, toujours transformé en escargot et entre deux bouchées de salade, qui vient de s’exprimer ainsi, dans le bureau de Dominator.

« La nature ? Un complot des Poques ? Vous déraisonnez, mon vieux ! répond le professeur Ratamor.

_ Pourquoi pas ? Regardez ce que je suis devenu ? Je bave, je me traîne, j’ai des antennes sur la tête et ma maison sur le dos ! Vous croyez que c’est seulement l’œuvre de la nature ? Non, il y a une force maléfique derrière la Chose ! Humph ! Grouanch ! (Il arrache un morceau de laitue !) Humph ! La Chose est éminemment Poque ! C’est la seule conclusion possible !

_ Pour ma part, enchaîne Lapsie, je ne suis pas hostile au poquisme ! L’idée que les minorités fassent valoir leurs droits, au prix de nous conduire à reconsidérer notre histoire ou notre culture, n’est pas pour me déranger ! En tant que psy d’ailleurs, je ne peux qu’approuver, puisqu’il s’agit de dire la différence, de libérer la parole des opprimés… Mais il ne faut surtout pas que les PN se sentent eux-mêmes des victimes ! Sinon, pan ! pan ! dans le pervers narcissique !

_ Il y a quand même d’autres priorités que vos instincts de guerrière…, fait Dominator.

_ Graouph, ouahc, hum, vous songez à quoi, Dominator ? demande monsieur Nuit. Groumph, groumph…

_ Comment vous croyez-vous que marche notre industrie… et comment chauffer les gens ? La Chose fait embargo, figurez-vous ? Elle nous empêche d’exporter et d’importer librement ! Il nous faut du gaz, alors que nous vendons notre pétrole ! Je vois mes tankers à travers le monde… et je ne peux m’empêcher de frémir ! Et si tout ce trafic devait s’arrêter ? Du jour au lendemain, notre économie plongerait et les Doms reviendraient à l’âge de pierre !

_ Il est vrai que nous autres, intellectuels, précise Ratamor, nous n’avons pas l’esprit à ces nécessités et ces enjeux ! Mais comment comptez-vous assurer notre approvisionnement ?

_ Mais nous devons rester la première puissance de la galaxie ! nous étendre partout, forer partout, sonder partout, exploiter la moindre parcelle ! Acheter des planètes, c’est mon dada !

_ Quel homme ! jette Lapsie admiratrice. On est loin des refoulés, avec vous !

_ A propos de refoulement… poursuit monsieur Nuit. Où en est-on avec les émigrés ? A-t-on entrepris de nous débarrasser de ces parasites ? Vous parliez tout à l’heure de préserver notre économie.. Graoumph, graoumph…

_ Mais c’est en cours, monsieur Nuit ! répond Dominator, en tirant sur son cigare. Des camions les chargent et les emmènent loin de Domopolis ! Bien sûr, cela ne se fait pas sans drame… Il y a des pleurs et des cris, mais s’il fallait écouter tout le monde, on s’y retrouverait plus !

_ Exactement ! Il faut parfois ne pas écouter son cœur… et faire preuve de fermeté !

_ Quant à moi, intervient Ratamor, j’ai conçu une nouvelle machine à domiser !

_ Quoi ? fait Dominator. Vous ne m’en avez même pas parlé !

_ C’est vrai, je voulais vous en faire la surprise !

_ Eh bien, expliquez-nous le fonctionnement de cette nouvelle machine ! Ne nous faites pas languir ! Vous savez que tout ce qui peut assurer l’hégémonie des Doms me charme ! Ah ! La sainte Domoland !

_ Eh bien, c’est une machine qui enlève toute lucidité, de sorte que l’existence des autres devient absolument abstraite ! En fait, dès qu’on essaie d’échapper à sa propre domination, crac ! on étouffe !

_ Crac, on étouffe ! Ah ! Ah ! jubile monsieur Nuit ! Ratamor, je vous aime ! Graoumph !

_ Est-ce que le pervers narcissique tremblera devant cette nouvelle machine ?

_ Euh ! C’est compliqué, vu qu’il ne pense déjà qu’à lui…, mais avec quelques réglages, pourquoi pas ?

_ Mais enfin, donnez-nous des précisions ! se lamente Dominator.

_ Eh bien, dès qu’on commence à douter de soi, en prenant conscience de l’autre, la machine réagit ! Elle repère de suite un point de vue nuancé, non issu de l’égoïsme ! J’ vous donne un exemple… Imaginons que votre cœur se serre, à l’idée que des familles d’émigrés puissent souffrir, alors qu’elles sont expulsées vers l’inconnu… Aussitôt, la machine alerte que vous devenez humain…

_ Eh, eh, le début des ennuis ! Graoumph, graoumph !

_ La fin de la virilité ! fait Lapsie, en se prenant le visage entre les mains.

_ La fin du pouvoir, vous voulez dire ! corrige Dominator.

_ Eh bien, un tentacule sort de la machine… et vous étrangle !

_ Crac ! Elle étouffe ! Graoumph, graouphm !

_ C’est parfait, je valide ! »

 

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire