Du changement
- Le 12/01/2019
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Nous sommes sans doute à un tournant de notre histoire, car les gilets jaunes, malgré leur confusion, nous posent involontairement cette question: "Que peut-on faire de sa vie aujourd'hui?"
Pour Macron le but est clair: redonner au pays sa force, une dynamique économique, qui servirait tout le monde! De cette façon, la France serait prête notamment à jouer un véritable rôle face aux grands problèmes contemporains, comme le réchauffement climatique. Aussi, Macron est-il surpris, désorienté, abattu même qu'on ne partage pas ses vues, qu'on s'oppose à ses décisions, qu'on ne soit pas au contraire enthousiaste! Ne veut-il pas le bien? Certes, mais il montre encore par là sa naïveté et même peut-être son hypocrisie!
Nous sommes au fond dans une situation nouvelle, qui nous conduit à nous regarder en face, comme si nous étions nus! C'est sans doute une période périlleuse et climatérique, car nous voilà, sans que la plupart en prenne conscience, devant un abîme! celui de notre condition! Nous voilà libres, tout d'un coup, et nous ne nous en doutons même pas, sans doute parce que nous en serions effrayés subitement et trop terriblement!
Cependant, ce n'est pas une situation propre à la France, mais c'est celle de tous les pays industrialisés! Considérons notre passé... Nos racines animales ont donné lieu à la tribu, c'est-à-dire à un groupement d'hommes et de femmes, avec un chef et une hiérarchie! Cela devient plus tard la monarchie, où le dominant est le roi, qui est associé au clergé, car le culte n'est pas seulement né de notre peur face aux éléments ou à la mort, comme on l'entend dire parfois, mais il est aussi le reflet de nos interrogations. Ceci est capital, si nous voulons vraiment nous comprendre!
Toujours est-il que plus le temps passe et plus nous sommes nombreux... Les territoires se transforment en royaumes, puis en pays... Chacun est animé de son besoin d'être dominant, à son niveau, et pour cela il faut toutes les latitudes pour se développer... La liberté et donc le droit sont nécessaires! Tous les obstacles sont repoussés..., au besoin par la révolution! La monarchie est bientôt remplacée par la république, qui tend vers la démocratie...
Chez nous, la constitution de la Troisième république mène au désastre de quarante! Celle qui suit produit les morts d'Indochine ou la crise algérienne... Notre cinquième constitution semble donc plus équilibrée, comme un achèvement et elle garde donc toute sa valeur...
Il a fallu aussi deux guerres mondiales pour que la terre d'Europe se refroidisse, pour que les frontières se figent, que les républiques s'installent! Peu à peu, encore, les colonies sont devenues indépendantes et la carte du monde s'est éclaircie... Tout le monde ou presque connaît sa place!
Les communications et les échanges commerciaux ont eux aussi bien évolué et la planète en paraît plus "petite": c'est la "mondialisation"! Ainsi, on se réunit régulièrement à l'ONU et on se voit en face! Le jeu des alliances est extrêmement serré et il est quasiment impossible de faire cavalier seul! C'est pourquoi un nouveau conflit généralisé serait comme tirer une fusée dans une boîte à chaussures, conduirait à un risque de destruction totale et ne profiterait à personne! Celui-ci est donc peu probable, mais les hommes nous ont souvent étonnés par leur persévérance dans la bêtise... et il est vrai encore que même en 14 on pensait que l'ère de la barbarie était derrière soi!
Sur le plan intérieur, comme nous l'avons dit, notre fonctionnement est issu de l'expérience et correspond à une patiente évolution... Or, la demande des gilets jaunes et a fortiori celle de Mélenchon font fi de cette histoire et constituent somme toute un retour en arrière! On veut que le "peuple" soit plus présent, qu'il ait plus la parole et on tend ainsi vers un régime qui est d'abord davantage parlementaire. Mais justement notre constitution, mise en place par le général de Gaulle, qui, au-delà de sa haine des partis, avait vu et subi de plein fouet, comme tous les Français, les problèmes que posait un Parlement prépondérant, a voulu éviter un gouvernement affaibli par les intérêts des uns et des autres!
Il faut, malgré tout, à une démocratie un chef pour une politique forte; même s'il se trompe! Rien n'est pire que l'indécision, l'atermoiement, l'impossibilité d'agir efficacement, parce qu'on ne peut disposer d'un pouvoir suffisant!
En 40, le président du Conseil, Paul Reynaud, alors que l'armée allemande pénètre en France, est encore encombré d'un ministre de la guerre, en la personne d'Edouard Daladier, qu'il n'a pas voulu, avec lequel il ne peut collaborer, mais qu'il ne pouvait éviter sans perdre la majorité au Parlement, ce qui bien entendu l'aurait condamné à la démission!
En 54 encore, pendant qu'à l'Assemblée on s'invective, notamment parce que les communistes, tout puissants à l'époque, ne veulent pas observer une minute de silence, en hommage aux soldats tombés en Indochine, on meurt par contre héroïquement et inutilement à Diên Biên Phu, victime d'une politique incohérente plutôt que du Vietminh!
Il faut un responsable et si aujourd'hui certaines femmes gilets jaunes se réclament de celles qui menaient les foules durant la révolution, elles font une erreur; elles aussi ont une vision illusoire du passé! La foule, en 1789, est autant capable de tuer que de tomber à genoux devant les enfants de la reine! Elle n'a pas de réflexion, ni la capacité de construire! Elle va sous le joug de ses pulsions!
Quant à l'Assemblée constituante, si chère à Mélenchon, elle est surtout le théâtre d'une lutte pour le pouvoir! Les partis s'y déchirent, manœuvrent pour détruire les opposants! On se craint les uns les autres, d'autant que l'ombre de l'échafaud s'étend sur les débats! C'est la peur et le calcul! C'est l'influence qui sauve du piège! L'ami devient l'ennemi, selon le vent qui tourne! On condamne, avant d'être condamné!
Il faudra la Terreur pour que les idées de la Révolution soient appliquées, prennent toute leur dimension! C'est-à-dire qu'il faudra le pouvoir d'un seul, en l'occurrence Robespierre, pour qu'on progresse franchement! Le principe d'un chef est nécessaire à l'efficacité, bien qu'il fût à cette époque un tyran!
Les partis ne cessent d'attaquer et Robespierre lui-même tombera, de la même manière qu'il en a trompé tant d'autres! On l'empêchera de parler, grâce à une clochette qu'on fera retentir; on le proclamera hors-la-loi, sans véritable autorité, par-dessus le brouhaha, mais la formule fait déjà son chemin: le tyran est hors-la-loi, il est désacralisé!
Alors qu'on est sur le point de l'arrêter, il essaie de se suicider, mais, sans doute par peur, il ne fait que se tirer une balle dans la mâchoire. Un peu plus tard, au pied du "rasoir de la République", le bourreau lui arrache son pansement, pour qu'il pousse un cri de douleur, devant la foule, pour qu'il ne meure pas dignement!
Les hommes et les femmes de ce temps-là étaient sans pitié, comme il arrive toujours quand les digues de l'autorité sont rompues, ainsi qu'on le voit aujourd'hui chez certains groupes! La haine et la violence ne demandent qu'à se satisfaire! Qui voudrait vraiment vivre comme il y a deux siècles?
Par ailleurs, il n'est pas bon de multiplier les référendums, car la population, dont nous faisons partie, a très souvent des vues courtes et égoïstes! Prenons l'exemple du Brexit... David Cameron, dans la crainte de perdre les élections de 2015, "met sur la table" un référendum sur le Brexit! Cette démagogie sera payante, mais aujourd'hui Cameron doit être heureux d'avoir laissé "la patate chaude" à ses successeurs!
Toujours est-il que le Brexit a fait redouter un effet domino sur toute l'Europe; d'autres pays pouvant demander eux aussi leur retrait de la Communauté européenne, ce qui aurait conduit sans doute à sa fin! Ce scénario cauchemardesque n'a pas eu lieu, mais tout de même cette "affaire" ne laisse pas de fragiliser Bruxelles!
Lors des dernières présidentielles, en France, Vladimir Poutine s'est affiché aux côtés de Marine le Pen! Qu'est-ce que le président russe pouvait trouver au leader du Front national? Rien, sinon qu'elle voulait le Frexit ou la fin de l'Union européenne! Or, celle-ci est encore le seul obstacle qui empêche l'ogre russe d'atteindre le miel des pays limitrophes! Et on imagine alors leur angoisse devant le vote des Anglais, qui, eux, n'ont jamais pensé aux autres!
Mais même ce qu'on appelle l'élite se trompe sur les situations politiques et son opinion peut être surtout néfaste! Voici un autre exemple intéressant, même s'il est loin de nous... En 1774, le comte de Vergennes devient ministre des affaires étrangères de Louis XVI et trouve sur son bureau un dossier, qui concerne l'aide que pourrait apporter la France aux insurgés américains, dans le but de nous venger du traité de Paris de 1763, qui a cédé la quasi totalité de nos colonies aux Anglais!
L'idée était du duc de Choiseul et avait déjà été exposée à Louis XV... et avec le plein accord du nouveau roi, le comte de Vergennes se met au travail! On livre par exemple des armes aux Américains, notamment grâce à une entreprise factice, gérée par Beaumarchais; mais surtout on prépare, et c'est un vaste chantier, l'armée et spécialement la Marine, pour le jour J!
Car c'est bien ce qui va se passer: Rochambeau, général et envoyé outre-Atlantique, dira lui-même: "Tout est prêt pour le dernier acte!"; les Anglais rassemblés en grand nombre à Yorktown (1781); Washington convaincu par Rochambeau d'y aller se battre, abandonnant ainsi son projet de reprendre New York; l'amiral de Grasse, mouillé avec la flotte française dans la baie de Chesapeake et empêchant les renforts anglais; et cerise sur le gâteau, le jeune Lafayette bondissant, idole des insurgés, parce qu'il leur donne de l'espoir!
Quoi que puissent en penser certains Américains, sans l'aide française, ils seraient toujours sujets de la Reine (d'ailleurs, les insurgés pleureront la mort de leur bienfaiteur, Louis XVI!) Et cette vérité eût pu être une réponse au "tweet" de Trump, qui ironisait sur nos cours d'allemand, en 40! Mais c'est toujours le plus intelligent qui cède, n'est-ce pas? Et il vaut mieux apprendre à ne pas se dresser trop vite sur ses ergots, car plus on sait faire preuve de patience et moins on est vulnérable!
Mais, en juillet 1776, est publiée la déclaration d'indépendance des Etats-Unis! Ce n'est encore que du papier bien entendu; l'Anglais est toujours là, mais cette déclaration va frapper les oreilles de nos philosophes et de nos encyclopédistes, qui, dans le sillage de Voltaire, prônaient l'exemple de Londres, comme un modèle d'ouverture! Or, une liberté totale devenait soudain possible! Une vraie république était née!
Dès lors, l'Angleterre fut l'ennemi; elle retrouvait son titre de perfide Albion! Mais encore l'opinion publique, attisée par nos penseurs, se déchaîna contre la passivité du gouvernement, qui apparemment laissait les pauvres Américains gémir entre les pinces des "homards", surnom des soldats de Sa Majesté, à cause de leur tunique rouge!
Louis XVI et son ministre en souffraient, mais il ne pouvait révéler leur politique, sans créer une raison de conflit avec la Grande-Bretagne... Cependant, la France dut bientôt avoir le courage de lui déclarer la guerre, afin d'envoyer ses troupes régulières, mais cet exemple montre non seulement combien nous sommes versatiles, mais aussi et surtout que certaines stratégies ont besoin du secret pour réussir; ce qui ne plaide pas pour une participation incessante de la population dans le gouvernement!
Mais, de toute façon, ni les gilets jaunes, ni les communistes, ni Mélenchon, ne veulent vraiment plus de responsabilités civiques, plus de citoyenneté; ce qui les ennuierait plutôt; non, ce qu'ils veulent c'est que le pouvoir soit plus partagé, et il y a là une très grande nuance!
En effet, comme nous l'avons déjà dit, les pays riches connaissent sans doute une situation inédite: nous n'avons pas à nous défendre, même si le terrorisme reste une menace; nous sommes libres, dans une démocratie qui n'est pas parfaite, mais qui ne peut l'être! Qu'allons-nous faire de nos forces, d'autant qu'aucune idéologie ne nous appelle? Il y a une sorte de vide devant nous et donc apparaît notre inquiétude. Pour la pallier, nous avons recours à l'instinct, à la domination, car c'est dans le regard de l'autre que nous existons! Ainsi, plus nous montrerons notre force ou notre séduction, quitte à être agressifs et même violents, et plus nous aurons de chances de nous faire remarquer!
Sur le plan international, cela se traduit par la progression des nationalismes... Les USA, l'Italie, la Russie, ou Israël et tant d'autres, répètent un scénario éculé et qui ne peut que mener à l'affrontement!
En France, le mouvement des gilets jaunes est incohérent et connaîtra un échec; car on ne peut pas en même temps critiquer le pouvoir et le demander pour soi; même si ce désir est obscur! Pour Mélenchon, c'est encore plus simple: puisqu'il n'a pas pu entrer par la porte, il essaye par la fenêtre! Mais même Macron pèche par la domination, car ce n'est pas seulement une France forte et qui profiterait à tous qu'il veut, mais c'est aussi en être le représentant à l'ONU, devant le Congrès américain ou ailleurs! Il serait alors l'homme qui réussit et c'est pourquoi tous ceux qui semblent ralentir ce rêve, en l'occurrence les allocataires, sont considérés comme des soldats simulateurs ou de mauvaise volonté! La politique de Macron échouera, elle aussi, du moins en grande partie, car on ne peut pas non plus demander la collaboration de la population, tout en ne lui faisant pas confiance ou quand on la traite d'une manière brutale!
Il existe pourtant une autre voie... Se rendre compte que c'est la domination qui nous mène, qu'elle ne peut qu'aboutir à la tyrannie et qu'elle est incapable de nous rendre heureux, car elle nous fait vivre comme des animaux, aussi sophistiqués soient-ils; c'est entrer de plain-pied dans le monde de la sagesse!
Ce n'est pas une foi que nous proposons..., mais un raisonnement, une logique, une expérience que chacun peut éprouver et vérifier chaque jour, dans tous les comportements qu'il rencontre; à condition d'avoir les yeux ouverts, d'être averti, de posséder les bons repères, les bons paramètres!
En 14, les Français partaient à la guerre avec enthousiasme, car pour eux la paix était synonyme d'ennui! Saurons-nous faire mieux aujourd'hui?
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