Du bla-bla

  • Le 16/02/2019
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Du blabla

 

 

 

    Comme chaque année, des philosophes, des psychologues, des écrivains, des penseurs essaient de donner un sens à leur vie, avec une formule  ou ce qui ressemble à une recette, et c'est plus ou moins futile, loufoque ou désespéré! En effet, il est vain de vouloir se diriger selon un principe ou un mot d'ordre, car ils ne sauraient résister aux faits, aux épreuves! D'ailleurs, si ces même personnalités approchaient de la vérité, elles n'auraient aucune voix au chapitre, car c'est bien la vérité qui est insupportable!

    Mais, naguère et comme un naufragé s'accrochant à une bouée, un psychiatre  proposait dans les médias de suivre les pas de Proust... Cela n'était pas très clair, on s'en doute, mais on pouvait comprendre qu'une sorte d'immortalité ou d'éternité était possible, à force de restituer ses souvenirs... Le temps de la mémoire remplaçant le quotidien, la mort et les angoisses seraient vaincues... Mais qu'est devenu ce psychiatre, puisque qu'on ne l'entend apparemment plus? Continue-t-il, déguisé en madeleine, à essayer de convaincre quelques passants, pour rentrer chez lui le soir, épuisé et amer, comme si on l'avait trahi?

    Cependant, aujourd'hui, un autre a lui aussi son idée: l'année 2019 sera placée sous le signe de la légèreté! A bas donc tous ces gens sérieux qui s'agitent, comme une mare de pétrole visqueuse! Que rien ne vienne altérer l'esprit aérien et immaculé de l'auteur, qui réclame le droit d'être primesautier, sautillant, génial!

    Cette façon de faire n'est pas nouvelle... Sacha Guitry, dans sa prison, alors qu'on se demandait s'il ne fallait pas le fusiller, pour sa collaboration durant la guerre, lui aussi prônait la légèreté, comme une qualité fondamentale et même fatale, pour dénigrer la gravité de ses accusateurs... Mais la justice, elle, prenait en compte tous ceux qui étaient morts, certains dans les plus grandes souffrances, afin de libérer leur pays et que le plus grand nombre, à l'instar du dramaturge, pût lui aussi imiter les oiseaux!

    Cependant, on ne devient pas ceci ou cela, parce qu'on le décide! En ce qui concerne la légèreté, voisine de l'insouciance, elle ne peut que provenir de la force et de la confiance, qui elles-mêmes sont impossibles sans être en paix avec soi! C'est d'autant plus vrai que se moquer de l'hypocrisie, ne pas partager les tristesses affectées, suscitent inévitablement la haine de ceux dont l'orgueil est piqué et qu'on peut alors, devant la violence de la réaction, douter, se demander si on la bonne attitude, ce qui laisserait la place à d'anciens sentiments de culpabilité, comme si on revenait dans le temps! Autrement dit, pour une légèreté durable, voire inaltérable, on se doit de construire sur le roc, être sûr de son fait, revenu de toutes les tempêtes, grâce à la boussole de la vérité, qui montre toujours le nord dans son écrin!

    Comme on le voit, on est loin ici de taper du pied, tel un enfant capricieux! On est au contraire tellement profond que la différence des autres et leurs critiques sont compréhensibles, puisqu'elles correspondent à un degré moindre d'évolution... Il n'y a pas de rejet, de parti pris, ni même de lutte! Seul triomphe l'enthousiasme, car il est vrai et se nourrit de lui -même! La vérité n'a pas besoin de suffrages, mais elle est une victoire! Celui qui la détient, ou qui l'aime, est gagné par la joie! Il est à la fois grave et léger, soucieux et indifférent, chaleureux et distant en même temps! C'est cela la force, être consterné par le mensonge, avant d'être capable d'en rire! C'est l'enfant dans le maître!

    Mais de quelle vérité parlons-nous justement et pourquoi disons-nous qu'elle est insupportable? Pascal, qui imaginait déjà les distances sidérales, s'interrogeait sur l'inconscience des hommes... Comment pouvions-nous ne pas être épouvantés par notre petitesse? L'auteur des Provinciales voyait là une preuve de Dieu, comme si une gaine invisible nous protégeait!

    Rilke, lui, nous comparait à un homme s'éveillant brusquement en haut d'une montagne et qui serait forcé de se mentir à lui-même, pour ne pas être écrasé par son sentiment de solitude!

    Plus simplement, aujourd'hui, nous pouvons dire que si nous gardons notre équilibre, malgré notre isolement dans l'espace et notre mort, c'est à cause de notre origine animale! En effet, nous sommes issus d'un règne qui ne se soucie aucunement du sens de la vie, car il ne connaît que ses instincts! De plus, nous savons que tant que nous voulons satisfaire notre domination, nous affirmer comme les meilleurs, nous ne faisons que donner libre cours à l'animal qui est en nous, même s'il mange avec une fourchette et n'essaie pas d'épouiller son voisin!

    Ainsi, il n'est pas étonnant que notre quotidien semble éternel, comme si la Terre ne tournait pas à toute vitesse autour du soleil, comme si les cimetières ne se remplissaient plus! Ce qui masque le caractère étrange et même effrayant de notre situation, c'est bien le rayonnement de notre individualité, son pouvoir; ce sont les victoires de notre amour-propre, ses projets, ses stratégies... Plus notre animal triomphe et moins nous sommes inquiets! Plus nous sommes dominants et plus nous sommes ivres de nous-mêmes... Peu importe que l'univers soit infini, s'il se résume à notre nombril!

    Certes, tout cela n'est pas aussi catégorique, aussi fermé! Malgré notre réussite, nous sentons parfois le froid de l'abîme... Nous entendons murmurer ses eaux souterraines... La mort notamment reste pour nous un mystère. Quand nous songeons à nos proches décédés, nous en gardons un souvenir assez net et qui nous habite, mais brusquement nous nous rappelons qu'ils ne sont plus que des squelettes et la tristesse nous étreint... N'est-ce pas comme si une partie de nous était également absente, voire irréelle?

    De tout temps, les hommes ont essayé de comprendre les choses; nos cosmogonies en témoignent... et nous sommes aussi sensibles à la souffrance des autres, de sorte que nous avons nos monstres, comme Hitler ou Ben Laden; tous ceux qui pour le pouvoir sont capables de détruire, sans respect pour la vie humaine... Mais cette sensibilité-là a des degrés variables et justement celle qui fait le sage ou le prophète, n'est-elle pas particulièrement développée, tel le muscle d'un sportif d'exception!

    Si le sage paraît à l'écart, se tient en marge; s'il ne participe pas à l'effervescence de l'ensemble, s'il n'accepte pas d'être un chef ou d'assumer des responsabilités, ce n'est pas par impuissance, par gêne, parce qu'il serait névrosé, comme certains le soutiennent, mais c'est bien plutôt à cause de sa clairvoyance... Quand les autres ne voient que leurs intérêts et que leurs personnalités se satisfont, le sage, lui, ne perd pas de vue l'égoïsme de chacun et donc une étroitesse, qui n'est pas sans blesser, ni faire de victimes! 

    Le plus grand nombre ne se départit pas de sa vie animale et c'est ce que constate le sage... Comment pourrait-il alors s'aveugler, se leurrer, au point de rejoindre la mêlée des autres, de partager les propos et les sentiments issus de leurs tribulations! Le sage a l'air ainsi hautain ou indifférent et c'est l'une des raisons qui explique qu'on ne l'aime pas! Pourtant, c'est bien là la moindre!

    Jésus disait: "Vous m'accepteriez, si j'étais du monde... Mais je ne suis pas du monde!" Quelles paroles étranges et qui pourraient refléter une extrême arrogance, ou la folie! Mais de quel monde parle Jésus, si ce n'est celui de la vie animale? En effet, ceux qui ne visent que leur domination, leur supériorité, suivent, obéissent à une logique commune, où les autres sont soit des adversaires, soit des alliés; où ils sont soit au-dessus, soit au-dessous; où le sage paraît une énigme, voire une menace!

    Certes, chacun a son égoïsme, même Jésus, mais celui qui trouve sa valeur, dans la compréhension de la sagesse, celui-là n'a plus besoin du pouvoir, ni de goûter le sentiment de sa réussite! Son bonheur n'est pas dans sa supériorité, mais dans celle de la sagesse! Jésus s'exclame: "Je te loue, mon père, d'avoir laissé la vérité aux enfants et de la rendre invisible aux savants!" Voilà la joie du prophète, le triomphe du sage: c'est sentir l'infini, c'est goûter la liberté absolue! Ici, l'enfant connaît la vérité, mais ne peut l'exprimer; le savant, au contraire, a les moyens de la décrire, mais il ne la voit plus! Ainsi, elle reste fraîche et pure; aux antipodes du pouvoir et de l'envie!

    Le Sanhédrin, constitué par les docteurs de la loi, demande encore à Jésus: "Tu te dis Fils de Dieu..., mais qui pourra témoigner pour toi?" Notez que nous assistons là à la naissance de la science, car les savants de cette époque étaient les prêtres, qui connaissaient les cosmogonies, le pourquoi et la fin des choses, mais également, si un autre homme peut venir approuver  Jésus, alors la parole de ce dernier prend de la valeur... C'est la base de l'expérience scientifique d'aujourd'hui, qui doit donner les mêmes résultats pour au moins deux personnes la pratiquant... Sinon, nous restons dans la subjectivité...

    Cependant, Jésus a une réponse aussi simple que sublime! Il dit:" Si vous connaissiez Dieu, vous me connaîtriez aussi!" On ne peut pas être plus juste et plus laconique en même temps! En effet, de quoi s'agit-il, sinon que nous nous reconnaissons par le regard! Le cœur pur salue le cœur pur! Et même le mauvais sait la différence, quoiqu'il ne l'avoue pas! A travers le regard, nos âmes, notre feu intérieur apparaît un instant... C'est une leur fugitive, qui est plus ou moins claire, plus ou moins intense... Mais quel scandale, quelle gifle! Comment oser dire à des ministres du culte que justement ils sont ignorants de leur religion ou de leur dieu, ce qui signifie au fond qu'ils ne l'aiment pas! La rage et la haine se jettent sur Jésus!

    Car c'est un fait récurrent, cet homme, qui ne parle que de paix et de pardon, suscite les plus violentes haines sur son passage et notamment on manque de le lapider dans son village natal! Pourquoi est-ce ainsi?

    D'abord, il faut bien comprendre qu'actuellement nous ne pouvons plus parler de péchés ou du diable, qui ne sont que des inventions de la Genèse, mais notre vision de la société ne peut pas non plus être très différente de celle de Jésus, qui voyait le plus grand nombre se livrer au mal, d'autant qu'on avait du pouvoir, même si c'était essentiellement par ignorance! En effet, la société "animale", que nous décrivons dans ces chroniques, a les mêmes caractéristiques, le même aveuglement et les mêmes comportements injustes, bien que les lois aient évolué, car nous ne changeons pas radicalement et nous allons essayer d'en donner la cause...   

    Mais la parole du sage ou du prophète sera donc toujours scandaleuse! Elle remet brusquement tout en question; elle balaie d'un coup toutes les certitudes; elle anéantit tous les orgueils; elle relativise toutes les ambitions; elle ouvre un abîme; elle fait saillir toutes les failles et ressurgir toutes les inquiétudes! Imaginez la bombe que la "société animale" peut produire!

    Tous ceux qui ont du pouvoir, un poste important, qui sont considérés, qui estiment avoir réussi, voient avec raison qu'ils bénéficient du fruit de leur travail, car ils ne ménagent pas leur peine, contrairement à d'autres, qui n'hésitent pourtant pas à les critiquer! Mais il n'en demeure pas moins qu'ils satisfont également leur égoïsme, qu'ils cherchent à dominer, qu'ils doivent éprouver le sentiment de leur supériorité  et que c'est la condition sine qua non de leur équilibre et donc de leur écoute et de leur bonté!

    Le résultat est un parcours semé de victimes, car il a bien fallu des dominés, où le mal est aussi fort que le bien, sinon plus... Même s'il n'est pas question de juger, le regard du sage suffit à provoquer le rejet et bien que les cris et la condamnation du Sanhédrin ne soient plus de mise, sa haine, sa virulence, elles, sont toujours présentes et le plus profond mépris apparaît, comme pour se persuader qu'on n'a rien entendu!

    C'est une protection et d'une manière générale, plus on réagit violemment et plus on montre la fragilité de ses convictions! Pour ce qui nous concerne personnellement, nous sommes ouvert à toutes les idées et notamment aux découvertes de la science... Ce que nous ne connaissons pas devient pour nous un enrichissement et ne saurait être une menace! A priori rien ne devrait troubler notre paix, car ce que nous savons est bien réel, a été dûment éprouvé! Le fait que, s'ils visent la satisfaction de leur amour-propre, les hommes continuent la vie animale est une vérité!  

    De même que dans ces conditions leur perception et leur équilibre n'ont pas de bases solides... Cela peut être vérifié chaque jour au regard de l'agressivité des comportements et de la souffrance générale! Nous ne sommes pas heureux et nous ne voulons pas l'être, si cela demande de l'humilité et de la patience! L'animal considère qu'il a trop à perdre!

    Mais seuls les forts sont contents d'être surpris et nous préférons donc notre monde de rêves, notre quotidien factice et irréel! Gare à celui qui nous inquiète, qui n'est pas comme nous! Mais place aux faux sages et aux faux prophètes, qui nous rassurent, nous endorment et même nous flattent, car ils nous font croire que sommes bien dans un bouillonnement culturel, bien vivants!

    Ainsi, donc, chers amis, nous déclarons l'année 2019 ouverte et placée sous le signe de la légèreté!

    Curieusement, le sage est un terroriste à sa manière; il a sa bombe lui aussi!

 
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