RAMEUR!

  • Le 05/06/2021
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Rameur

 

 

 

 

                                   "Elle dit que la jungle fait disparaître les hommes!"

                                                                                          Predator

 

 

 

    "A l'assassin! A l'assassin!" cria-t-on cette nuit-là dans RAM! On s'éveilla en sursaut, on alluma des torches et on courut vers la source du bruit! Des hommes en armes étaient déjà là et leur armure luisait sous les flammes! Il y avait bien un mort et c'était un commerçant du quartier, mais sa tête avait été coupée!

    On se mit à la recherche de l'assassin, qui ne devait pas être loin, et on le cerna à l'aube! Il ne voulut pas se rendre et chargea, ce qui fit qu'on dut le tuer! Une épée le transperça et on put alors voir qui c'était! Mais son origine étrangère ne faisait aucun doute et on ne le connaissait pas!  

    Or, ce n'était pas le premier crime produit par ces gens venus d'ailleurs et la colère gagna la ville! On ferma les portes, on chercha les étrangers et des milices, avec des chiens féroces, arrêtaient le moindre suspect! Puis, on découvrit le cadavre d'une femme et la haine fut à son comble!

    Mais le mari était le coupable et on finit par le pendre! Une patrouille fut attaquée dans le bas de la ville; des chariots et des carrosses brûlèrent et il y eut des pillages, des viols, des querelles avec des coups de dagues et des suicides chez les soldats! Chaque jour on était dans la stupeur et il semblait qu'une nuit sans fin recouvrât RAM!

    Au palais, les ministres s'invectivaient, se traitaient d'incapables et on prenait de nouvelles mesures, toujours plus restrictives, plus autoritaires! On ne comprenait pas, on suait, on appréhendait, on grimaçait! Quelle était la source du mal? On n'en savait rien! On n'avait aucune vision d'ensemble!

    De loin, RAM avait l'air d'un dragon dans sa grotte, qui crachait du feu sur lui-même!

    Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mardi premier mai: c'était une vieille folle! Elle ne comprenait rien et n'en faisait qu'à sa guise! Elle voulait tout le temps qu'on parle d'elle! Elle boudait dès qu'on quittait le sujet!

    Certains jours, elle avait l'air morne et se plaignait! On ne lui donnait pas assez! Les autres avaient une conduite odieuse! On se moquait du monde! Elle se courbait, prenait l'expression d'une victime, si bien qu'on eût dit quelque pauvresse, quelque souillon!

    D'autres fois, elle était fière et triomphait! Elle trouvait sa chance et les hommages mérités! Elle brillait comme un soleil! Où était sa peine de naguère, ses plaintes, ses cauchemars? Envolés! Disparus, comme par enchantement!

    Elle avait mille tours dans son sac! Elle se déguisait en homme, gonflait son pénis et jaugeait la virilité des autres, en scrutant leurs fesses! Et sa tête, à quoi elle servait? Mais à rien visiblement et pourtant elle était là!

    Quand elle était femme, attention! Tenue impeccable, lignes pures! Le regard admirait, soupirait et c'était bien normal! Elle était la maîtresse et on devait lui obéir au doigt et l'œil! Et le cœur? Quoi, le cœur? Les sentiments, le sens de la vie, les autres! Quoi? Quoi? Mais il n'y a avait qu'elle! Bien sûr, il faut aider les pauvres! C'est complexe et il y a la dette de RAM! Mais, mais, il y a d'abord moi!

    Qui était cette folle, qui était comme chez elle dans la ville, qui n'apprenait rien, qui n'évoluait pas, qui fatiguait tout le monde, qui ne faisait aucun effort, sauf pour sa comédie et ses intérêts? Qui était ce monstre qu'on devait supporter chaque jour?

    Mais c'était et c'est la conscience de soi! le papier buvard du quotidien! le tombeau de nos espérances! la girouette de nos bises! C'est le courant alternatif de notre chaise électrique! "Madame a bien dormi? Monsieur veut-il un peu plus de sauce? Le sel? Où j'ai mis le sel? Madame s'impatiente? Mais madame est merveilleuse, extraordinaire, éternelle même!" La crise? Quelle crise?

    Journal de Jack Cariou, monde de RAM, mercredi 2 mai: à quoi fait penser RAM, sinon à une éponge? En effet, la ville est pleine de trous, qui ressemblent à celui du fourmilion! Si on tombe dedans, on est écrasé, dépecé, avalé! Chacun veut dominer, que le monde tourne autour de lui! Comment la vie dans RAM serait-elle possible?

    "Qui êtes-vous?

    _ Euh...

    _ Vous travaillez?

    _ Non... C'est-à-dire si!

    _ Expliquez-vous...

    _ Voilà quand je regarde les gens, je les vois vraiment... Je les comprends... Ils sont pour moi une parfaite réalité! Je n'essaie pas de leur marcher dessus... Je m'efforce de leur donner le plus d'espace possible, afin qu'il se développe! Je suis disponible et c'est pourquoi je vous dis que je travaille!

    _ J' pige pas!

    _ Cela ne m'étonne pas! La plupart des gens que je croise m'agresse tout de suite! Il me place d'emblée dans un rapport de force! Les hommes veulent me supplanter et les femmes me séduire! Je suis contraint de résister, pour préserver ma propre liberté, bien entendu! Mais ces attitudes obéissent à la même logique: on domine pour se sentir exister, d'autant que la peur, l'angoisse est derrière! Plus celle-ci est forte et plus l'envie de dominer l'est également!

    _ Hum!

    _ Oui, je vous présente un monde nouveau, mais il est facile de comprendre que la domination est une forme de tyrannie et que là où il y a de la tyrannie, la vie est asphyxiante, insupportable! Imaginez des hommes et des femmes qui ne chercheraient pas à dominer, qui n'auraient pas peur, qui voudraient encourager l'autre, lui faire sentir qu'il est aimé, qu'il a droit au respect, quel qu'il soit! Imaginez qu'au lieu de prendre, on donnerait! qu'au lieu d'attirer vers soi, on serait plutôt dirigé vers l'extérieur, telle une source! Imaginez qu'on ne soit pas exsangue, mais riche!

    _ Vous n'êtes pas de RAM, c'est sûr!"

    Journal de Jack Cariou, monde de RAM, jeudi 3 mai: RAM avait un "pote" un peu louche, nommé La Com! "'Lut, La Com!

    _ Lut, RAM!

    _ Alors?

    _ Ben, on est prêt!

    _ Ah ouais? On raconte de drôles de trucs sur toi et ta bande de satellites!

    _ On raconte quoi?

    _ On dit qu' tu pourrais bien t'appeler La Noosphère!

    _ Pfff! Qu'est-ce que c'est qu' ça? Une eau d' toilette?

    _ C'est qu' j'ai besoin d'être sûr de mes gars, tu comprends?

    _ Puisque j' te dis qu'on est prêt!

    _ Vrai? Parce que La Noosphère, ce s'rait cette couche de la pensée, répandue par les communications et qui f'rait que la planète deviendrait comme un tout sensible!

    _ Tant qu' t'es au manettes, j' s'rai méchant RAM!

    _ Bien, Bien! Pas d'amollissement donc!

    _ La haine, comme tu veux, où tu veux!"

    Cariou ailleurs... Je me réveille à l'hôpital, comme au premier jour dans RAM! Il y a tout de même un changement, car est assis dans la pièce le commissaire Brocart! "Bonjour, Cariou, comment allez-vous?

    _ J'ai l'impression d'avoir été concassé!

    _ Oui, on vous a bien travaillé! Une idée sur vos agresseurs?

    _ Des grands gars costauds, au visage fermé!

    _ Ah! Ah! Dites, vous pouvez vous lever? J'aimerais vous faire rencontrer quelqu'un!"

    Je m'habille en grimaçant et nous prenons un Bob feutré! Puis, c'est une vaste demeure et de longs couloirs... Enfin, une sorte d'huissier nous ouvre une large porte et nous sommes devant un pupitre que surmonte un disque irisé, étrangement libre dans un liquide verdâtre!

    " Je suis le ministre Fauconnier! fait le disque. Ne soyez pas trop surpris par mon apparence, monsieur Cariou, mais l'immortalité a quand même un coût!

    _ Mais à quoi bon l'immortalité pour les pauvres?

    _ Ah! Ah! On m'avait dit que vous aviez un esprit caustique! Mais vous venez de la station Charcot, je crois? Bien, je vous prie de regarder ces images..."

    Je me tourne vers un écran, où je reconnais... le professeur Morizur! "Les morts se réveillent! fait-il. Tremble RAM, car notre vengeance sera terrible! Nous avons été abandonnés! Mais l'au-delà a eu pitié de nous! Il nous a rendus à la vie, pour la justice! Nous arrivons, RAM, nous arrivons, indestructibles, puisque nous sommes de la peur!"

    "C'est une mauvais plaisanterie, je fais, quand l'écran s'éteint. Morizur a été tué et je ne crois pas aux revenants!

    _ Moi non plus! répond le ministre. Comme vous le voyez, notre corps est voué à la disparition! Mais nous venons de recevoir ce message et il est vrai que l'évacuation de la station, sous la menace du virus, a été pour le moins... bâclée!

    _ J'en sais quelque chose... Mais qu'est-ce que vous attendez de moi?

    _ Que vous retourniez là-bas, pour faire la lumière sur cette soi-disant résurrection! Moyennant quoi, nous abandonnerons toute poursuite contre vous!"

    Je me gratte le menton et cela veut dire que ça m'intéresse... Je pourrais  dire que c'est plutôt à moi de me plaindre, mais il y a des moments où il est inutile de discuter, tant la vérité est absente à mesure que la domination est forte! Et puis, comment mieux lutter contre RAM qu'en y étant tranquille?

    J'accepte donc et je suis laissé en compagnie de Brocart, pour les préparatifs... "C'est étrange, mais le ministre ne m'a pas parlé du vaccin, je dis!

    _ Non, je lui ai fait croire que c'était Friant, la formule sur pattes!

    _ Ah bon?"

    Nous entrons dans une petite pièce, où nous attend un militaire... "Voici le colonel Godefroy! dit Brocart. Avec ses hommes, il va vous accompagner jusqu'à Charcot!" Je suis face à une silhouette droite, surmonté d'un visage massif, quoique volontaire!

    Le colonel a l'air d'un lion apaisé et j'en éprouve quelque gêne! L'œil jaune de ma névrose se rouvre et les chauves-souris de mes complexes quittent leur grotte! Mais j'adore ça dans le fond: être chatouillé par mes peurs, pour sentir combien j'ai évolué!

    Sous les vieilles toiles d'araignées brille l'or de la lampe!

    Mais, pour l'instant, les soldats sont à la fête, chez eux, dans cet hélicoptère branlant, qui nous emporte vers la glace!

 
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