Macramé!

  • Le 03/07/2021
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Macrame

 

 

 

                 "Ma chère, on peut trouver Wagner boursouflé ou grandiose, mais pas charmant!"

                                                                                    Le Président

 

 

 

    RAM souffre d'un mal étrange! Ses habitants ont le visage grave, fermé et sans doute leur a-t-on annoncé quelque calamité! Ils semblent détenir un lourd secret! Peut-être savent-ils que le monde est condamné à une explosion nucléaire et ils comptent ainsi les derniers instants qui leur restent à vivre! 

    Des jeunes sont là, accablés, figés, sans avenir, au bout de la plus profonde impasse! Leur sort paraît d'une cruauté impitoyable et en effet, ils voudraient qu'on reconnaisse leur malheur, qu'on les plaigne, qu'on s'attache à eux, qu'on prenne conscience de leur abîme!

    Et qu'on passe indifférent, énergique, heureux, les stupéfie... et suscite malheureusement leur haine! S'il y a une solution, un remède, pourquoi le détestent-ils? Pourquoi ne courent-ils pas après? Si on a vraiment mal et qu'il existe un baume, un calmant, ne serait-on pas prêt à tout pour se le procurer?

    Non, ils se contentent de mépriser, de vouloir détruire... et donc étrange mal qui les ronge! Ceci est surtout valable pour les hommes, car les femmes, elles, ont une autre façon de montrer  ce désespoir qui règne dans RAM! Elles s'habillent volontiers tels des clowns! A leurs vêtements disparates, outrageusement colorés et qui les rendent presque nues, il semble ne manquer que des grelots dorés ou un chapeau pointu!

    Que veulent-elles? Ecraser le regard? Pourquoi susciter le désir, au point de faire preuve de mauvais goût ou d'impudeur? Quelle peur, quel mal-être les excitent, les inquiètent autant? Hélas, la malédiction, qui mine les hommes, les agite au contraire, mais partout c'est le même poison: ombre ici, folie là-bas!

    Lourd destin que celui de RAM! Les hirondelles le savent, elles, qui toute la journée font de la voltige pour se nourrir; elles qui jusqu'aux dernières lueurs s'empressent et qui de temps en temps, en couple, s'amusent à des merveilles de figures et de vitesse!

    Car au-dessus de RAM, en effet, il y a un miracle, quelque chose d'extraordinaire! Il y a un ciel d'un bleu saphir et cristallin! avec des vagues de nuages, qui semblent des charges de cavalerie en coton! C'est que ça bouge magnifiquement là-haut aussi! Il y a des marées immenses, tachetées, sanglantes, orangées, évanescentes; ou plutôt massives, noirâtres, mauves, empêtrées dans des barbelés de lumière!  

    Mais RAM ne peut pas s'en rendre compte, car sa tête repose sur son nombril, pesante! C'est cela que regarde RAM tout le temps, son nombril! C'est sa maladie incurable, son fléau, sa damnation!

    Passe étranger! Laisse RAM à sa douleur! Respecte-la! C'est un combat de titans! un cancer aux dimensions cosmiques! Ce n'est pas pour toi, étranger au pas léger et innocent! Va te distraire, pendant que RAM la grave, la tourmentée, réfléchit à son triste exil!

    RAM ne connaît pas l'éclat des fleurs, ni les insectes infatigables qui y puisent! RAM courbe sous le poids de son égoïsme et sent toute l'amertume de sa prison!

    Monde de RAM, mercredi 30 juin... Il est des rites de RAM qui semblent dépourvus d'humanité! On prend soudain une personne âgée, car sans soute sont-elles les plus vulnérables, et la foule menaçante, excitée, la pousse vers un magasin! Là, on force la personne âgée à acheter et commence son calvaire!

    On la surveille de loin cependant, à cause des mesures sanitaires, mais elle doit faire un choix et devant elle s'étalent mille sortes de fromage et de chocolat! Les yaourts les plus fins sont aussi de la partie et voilà notre victime qui souffre, qui s'exprime d'une voix dolente, et on la comprend, car comment peut-on faire subir pareil supplice!

    La peine, l'amertume, la haine se peignent sur le visage de la vieille dame! Elle éprouve le plus grand des dégoût à mesure que son panier se remplit! On doit la plaindre! Ce n'est pas le bon yaourt! Il faut un au caramel et l'autre au citron! La main tremble, l'atmosphère est plus que tendue!

    Ce fromage est un peu trop sec! Cet autre, oui, peut-être, mais c'est à regret! La commerçante ne se départit pas de son calme! Elle sait comme c'est dur, dans quel piège on a enfermé sa cliente! Elle ne désire que l'aider, afin qu'elle sorte, qu'elle échappe à l'épreuve! Et voilà justement la vieille dame qui retrouve la rue, hagarde, ivre de douleur! Comment ne pourrait-elle pas susciter la pitié? 

    D'ailleurs des migrants qui passent ne s'y trompent pas! Ils réclament la fin du rite! Ils font appel à la compassion, en mettant en avant leur histoire! Ils disent que dans leur pays d'origine ils n'ont rien et c'est pourquoi ils seraient infiniment plus civilisés! Ils soutiennent que jamais n'a existé chez eux une telle barbarie, qu'il est possible même de vivre sans ses traditions délétères et qu'on peut quasiment aller le ventre creux!

    Bien sûr, ils plongent RAM dans l'incrédulité, car ici les choses sont habituellement à foison! On s'écarte d'eux, on les prend pour des hâbleurs, des rabat-joie! On continuera de faire souffrir les anciens! Qu'ils aient l'air d'expier, même si on ne comprend plus bien pourquoi! Qu'on se réjouisse encore de notre cruauté, devant ces atermoiements que l'on voudrait gourmands! Ecoutons encore ces plaintes, si douces à l'oreille qui sait les reconnaître!

    Qu'est-ce qu'il y a de plus drôle? RAM est là dans toute sa gloire!

    Monde de RAM, jeudi premier juillet... On raconte que RAM défia les dieux! qu'il se dressa contre eux! qu'il voulut les abattre! les anéantir, les supprimer!

    Alors sa haine était sans pareille! Elle avait longtemps été accumulée et enfin elle éclatait! RAM coupa la tête des fanatiques, les creva à coups de baïonnettes, détruisit leurs maisons, leurs temples, brûla leur sol, viola leurs femmes, égorgea leurs enfants, car plus rien ne devait subsister de l'ancien monde, celui des croyances et des dieux!

    Le flot de sang semblait ne jamais vouloir s'arrêter et pendant ce temps-là, RAM édifia des lois et salua la naissance du libre-arbitre, le gouvernement de la raison! RAM devenait maître de son destin! L'esclave avait fait tomber ses fers et il respirait l'air pur, d'un ciel débarrassé de ses maîtres!

    Une vie nouvelle commença! Il suffisait d'être sans parti-pris et de faire évoluer la loi, quand c'était nécessaire! On chantait, on avait écrasé le fléau, l'abjection et on parlait de fraternité, de liberté et d'égalité! Il y eut encore quelques guerres, mais le bon sens était pris et quand on ne discuta plus des territoires, le bonheur tant espéré aurait dû être là!

    Mais on continua à se mordre les uns les autres, à se haïr, à se détester, à vouloir détruire! Où était le ciel serein? le rêve? l'idéal? la raison triomphante? Ah! Mais il y avait encore des gêneurs, des ennemis! C'est que les dieux ont la vie dure! d'autant qu'ils sont attachés aux riches, qui pullulent, qui écrasent, agissent dans l'ombre!

    RAM n'en finissait pas de se déchirer, de se mettre à feu et à sang! Que lui manquait-il? Un jour, Dieu eut pitié de lui et revint le voir et lui demanda: "Pourquoi me hais-tu?

    _ Parce que tu n'existes pas... et que je veux être libre!

    _ Mais tu m'as rejeté, fait disparaître! Me voilà sans influence, ridiculisé, balayé! Alors que crains-tu?

    _ On sait jamais! Tu pourrais revenir! Les gens sont faibles et ils ont besoin de superstitions!

    _ Si tu étais si sûr de toi, tu n'aurais que compassion pour eux! Tu changerais les autres en les aimant, car tu sais à présent que la violence est inefficace! N'est-ce pas plutôt que tu as besoin de ta haine? N'est-ce pas plutôt que tu es incapable de vivre en paix?

    _ Bientôt, on y arrivera! Ce n'est qu'une question de progrès, de lois, de raison! La science nous aidera!

    _ Ah bon? Mais aujourd'hui tu as tout! Mais peut-être as-tu déjà oublié ce qu'est d'être pauvre? Je pourrais t'aider, tu sais, et sans te priver de ta liberté, bien au contraire! Car, regarde-toi, tu es esclave de ta haine! Tu ne peux vivre sans te donner un ennemi, ce qui explique ta violence et ta peine! Tu as soif et je suis une aventure! Tu veux aimer et la foi te donnera le vertige! Tu veux être puissant et je te rendrai invincible parmi les hommes!

    _ Laisse-moi! Je dois travailler pour vivre! C'est la seule réalité!

    _ Non, tu veux aussi vaincre, te sentir supérieur et demain sera plein de tes larmes!"

    Station Charcot, vendredi 2 juillet... Je regarde toujours Morizur, qui tient maintenant dans la main une drôle d'arme! "Cariou, je vous présente le pistolet au rayon fracturant! Il brise tout champ psychique, produit par la domination et... wwouuf! On s'évapore!

    _ J'imagine que c'est comme ça que les deux soldats ont disparu...

    _ Exactement! Vous ne pouvez pas savoir combien j'étais impatient d'essayer ma nouvelle arme!

    _ Et Cressant, dans le réfectoire?

    _ Simple mise en scène macabre, afin de tendre un peu l'atmosphère!

    _ Somme toute, vous êtes resté un cabotin!

    _ Cariou, ce seront vos dernières paroles, car, malheureusement, vous ne serez pas du voyage de retour, vers RAM! Adieu Cariou!"

    Morizur tend son arme et je ferme les yeux, puis j'entends la voix de Godefroy dire: "Ne tirez pas Morizur, ou votre tête explose!" Le colonel s'est glissé dans la pièce et il applique maintenant son propre pistolet, contre la tempe de Morizur... Celui-ci hésite une seconde, mais il prend conscience qu'il n'a aucune chance... et il tend finalement son engin à Godefroy!

    Mais, à ma grande stupeur, Godefroy fait malgré tout feu et Morizur a une horrible grimace, avant de tomber! Il est désormais vraiment mort, puisque je vois pour la première fois de la cervelle, sur le sol! "Mais vous êtes fou, Godefroy!

    _ Cariou, les choses sont un peu plus compliquées que vous ne le croyez! Voyez-vous, RAM se perd, se désagrège, devient même la risée du monde entier! Le gouvernement permet tout et les crimes, les abus de toutes sortes, deviennent légions! Où est notre esprit, Cariou, celui qui a fait notre grandeur? Il faut reprendre les choses en main... et c'est l'armée qui agira! Maintenant que j'ai cette nouvelle arme, je serai un interlocuteur crédible!

    _ Je pense que vous ne valez pas mieux que Morizur!

    _ L'histoire jugera, Cariou! Cependant, je ne peux laisser un témoin tel que vous derrière moi...

    _ Oui, vous êtes, vous aussi, victime du devoir... C'est typique des fous! Ils ne sont jamais responsables!

    _ Adieu, Cariou!"

    Je ferme de nouveau les yeux, mais il ne se passe rien! Godefroy s'énerve, car il presse en vain la gâchette de la nouvelle arme. "Bon sang! ça ne marche pas! fait le colonel. C'est du vent!"

    A cet instant, un autre soldat entre: "Mon colonel, je..." Godefroy ne l'écoute pas et tire brusquement vers lui! L'homme nous regarde surpris, puis un effroi insoutenable gagne son visage, tandis que son corps s'éparpille en particules!

    "Mais... mais alors, pourquoi ça ne fonctionne pas sur vous?" fait le colonel. Je pourrais tenter de lui répondre, mais il va finir par comprendre qu'il peut utiliser son arme traditionnelle et je le bouscule, pour qu'il perde l'équilibre, avant de m'enfuir! C'est une habitude maintenant!

 
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