Les Enfants Dom (XXII-XXVII)

  • Le 09/04/2022
  • 0 commentaire

Dom 4

 

 

 

 

 

                                                XXII

   

    Madame Abominable n'est jamais contente! Elle grimace comme si elle était handicapée! Pourtant, elle est très riche! Elle possède une maison qui ressemble à un château, ce qui est très rare dans RAM, et elle loue des appartements!

    Mais madame Abominable n'en a jamais assez! Elle parle constamment d'elle! C'est le seul sujet qui l'intéresse! Et c'est pour se plaindre ou se mettre en valeur! Quand l'objet de la discussion lui est étranger, elle jette encore un ou deux mots, pour montrer qu'elle connaît, comme si elle disait: "Ne m'oubliez pas! Je suis toujours là!"

    Le soir, elle s'occupe de sa fille! Elle s'en fait la complice et l'entretient pendant des heures! Elle verse dans cette jeune tête toutes ses haines, ses rancœurs, ses doléances, et elle ressemble alors à une araignée, qui suce les cerveaux!

    Monsieur Tourbillon est employé dans un magasin! On ne voit que lui! Il est partout! Il sait tout! Il tend l'oreille, jette un œil! Rien ne lui échappe! Il gère les stocks, passe les commandes, négocie les rachats, conseille ses collègues, accueille les représentants, plaisante avec les fidèles!

    Il est devenu indispensable et paraît le patron! Il connaît mieux d'ailleurs l'histoire du magasin que ses employeurs! Il leur raconte des anecdotes qui les font paraître étrangers! Il est au zénith, dans un rêve d'action et de pouvoir! Il est le maître absolu et croit qu'il est là pour l'éternité!

    Mais il gêne maintenant... Les vrais propriétaires se sentent à l'étroit, se voient même comme des employés et ils décident de reprendre la main, de se débarrasser de monsieur Tourbillon, en le mettant brusquement à la retraite! Le monde s'écroule! C'est le soleil qui est fusillé!

    Voilà monsieur Tourbillon dans la rue ivre de rage! La haine lui donne un air terrifiant! Il maudit tout haut! Il rêve de cogner, d'étriper, mais il doit pourtant se calmer, rentrer sa fureur, car du monde passe! Il avance abattu, il n'est plus rien, tout est fini! Il rejoint tous ceux qui ont été limogés, alors qu'il rayonnait! Il aurait dû être plus prudent, mais il ne voyait que lui!

    Madame Triste tient une échoppe, mais les affaires sont dures! Le client est rare, toutefois en voilà un! Il demande ce qu'il veut et lit une pancarte qui dit: "S'il vous plaît, aidez le petit commerce!" C'est bien ce qu'il est en train de faire, mais soudain madame Triste s'enquiert: "Vous travaillez? Hein? C'est important! Vous faites quoi? Vous gagnez bien votre vie?"

    Le client interloqué prend son achat et s'enfuit! Il ne reviendra jamais! Madame Triste renifle, maussade... Elle n'a jamais eu de chances! Et pourtant elle ne ménage pas sa peine! C'est elle la chef des commerçants du quartier! C'est elle qui commande! qui met de l'animation! Elle n'est pas n'importe qui! Faut bien, car on ne peut compter sur personne! Snif! Fait froid!

    Monsieur Lourd a beaucoup de problèmes! Il se gratte la barbe! On lui demande s'il est au courant pour les escargots: grâce à leurs antennes, ils vont enfin pouvoir recevoir la télévision! Monsieur Lourd a un pâle sourire! Il explique qu'on ne l'a pas consulté, lui, le spécialiste; que c'est dommage, parce qu'il est un acteur sur la place et qu'il a des choses à dire! Sa voix est traînante et pleine d'amertume!

    Soudain, monsieur Lourd demande qui a bougé la pièce 111 qui est sur son bureau! Il peste! On ne lui dit rien! Si on bouge quelque chose, il faut qu'il le sache! Il est chez lui ici! Il y en a d'autres qui travaillent à côté, d'accord, mais c'est monsieur Lourd qui est responsable, qui est le plus important! On voudrait le soulager? Ouais, mais pas sans lui! C'est lui qui commande! Il est indispensable!  

    Monsieur Lourd a une rude tâche! Le travail ne manque pas! Le voilà expliquant quelque chose... Que raconte-t-il? Il dit, toujours de sa voix monotone, que dans certaines grottes des pays froids il existe des clauses de contrat, qui stipulent etc., etc.! Et l'on regarde monsieur Lourd qui sur sa montagne s'écoute, s'admire, s'enivre!  

 

                                                                                                         XXIII

 

    "Dis grand-père, qu'est-ce que c'est la folie? demanda le petit garçon.

    _ La folie, c'est de dire toujours la même chose, de ne pas regarder autour de soi! C'est d'être avec soi-même comme en prison!

    _ Mais les fous, on les conduit à l'hôpital! dit la petite sœur.

    _ C'est vrai, mais il y a plusieurs folies! Beaucoup sont fous sans le savoir et ils ont l'air tout à fait normaux! Et pourtant, si on les écoute, ils sont comme des disques rayés! et il est impossible de les changer! Cette folie-là est compliquée, car elle est en rapport avec notre façon de voir la réalité!

    _ Qu'est-ce que tu veux dire, grand-père?

    _ Vous voyez le nuage qui passe là-haut? Bon, comment le trouvez-vous?

    _ On dirait un gros chou-fleur! Hi! Hi!

    _ Oui et il est magnifique, rajouta la petite sœur, car il a la blancheur de la neige!

    _ Et comme il est calme et immense, n'est-ce pas? On dirait que rien ne peut le déranger et maintenant observez-le encore...

    _ Oh! On dirait une chevalier qui fonce!

    _ Non, c'est plutôt une vieille dame en colère! Elle a l'air d'une marmite! Hi! Hi!

    _ Vous riez maintenant, fit encore le grand-père, rien qu'à regarder ce nuage! Mais alors pourquoi les gens dans la rue ont l'air si pressés, si inquiets et si tristes?

    _ C'est parce qu'ils ne regardent pas les nuages...

    _ Mais oui, ils sont comme en prison! Maintenant, les enfants allez vous amuser! Grand-père a du travail!

    _ Au revoir grand-père!

    _ A bientôt les enfants!"

    Le grand-père sortit un papier de sa poche et il se mit à relire le poème qu'il venait d'écrire... C'était lui le poète du vieux cimetière et dans beaucoup de lieux de RAM, il avait laissé des vers, pour ceux qui auraient des yeux et qui chercheraient une vérité, un réconfort!

    Mais le grand-père ne se faisait guère d'illusions, comme le montrait son nouveau poème, que voici:

 

        LES FOUS

Ils sont aussi perdus

Qu'ils sont odieux et vides!

Et la peur est leur dû,

Sous leur masque et leurs rides!

 

C'est le trafic haineux,

Le m'as-tu-vu du riche

Et de l'orgueil les nœuds!

Car on pleure et on triche!

 

La bête a plus de prix

Et le ciel et ses îles

Font qu'ici-bas on crie:

"Allez, tous à l'asile!"

 

                                                                                               XXIV

 

    Cariou était chez lui et lisait tranquillement, quand son attention fut captée par une silhouette à l'extérieur! Il regarda par la fenêtre, vit une personne qui semblait attendre et il se replongea dans son livre!

    Mais quelque chose le gênait... Il était soudain incapable de se concentrer sur sa lecture, comme si l'individu dehors continuait à exercer une pression! Cariou dut le regarder encore, puis il essaya de nouveau de retrouver le sens de sa page, mais il n'y avait rien à faire: l'autre effectivement prenait sa conscience!

    Alors, Cariou changea ses yeux... Ils devinrent d'un vert scintillant et la silhouette disparut! Il fallait tout de même tout le temps se battre, songea Cariou, même chez soi!  

    Andrea Fiala était de nouveau à l'OED et elle écrivait: "Beaucoup de femmes se demandent d'où vient le patriarcat et s'en indignent, comme s'il était une totale imposture! Mais la domination masculine, qui est une expression plus exacte pour le patriarcat, vient simplement de la nature!

    En effet, chez beaucoup d'animaux, le mâle peut sembler se comporter d'une manière odieuse, puisque, par exemple, il va manger en premier les meilleurs morceaux, quand la femelle devra se contenter des restes! Mais, comme les animaux ne font qu'obéir à leurs instincts, on comprend très vite que le mâle agit ainsi par nécessité et on le voit soudain attaquer un rival, pour défendre le territoire qui permet nourriture, sécurité et reproduction!

    Aujourd'hui, s'il y avait un nouveau conflit entre les hommes, les femmes instinctivement les feraient manger d'abord et leur serviraient ce qu'il y a de mieux, afin qu'ils soient les plus combattifs possibles! Tant que les frontières n'ont pas été sûres, la domination masculine a prévalu et il est normal que les premiers textes, qui ont essayé d'expliquer le monde, comme les écrits religieux, s'en soient inspirés!

    Le problème apparaît quand on ne veut pas prendre conscience que les choses évoluent et que les considérations d'hier sont elles-mêmes appelées à changer! Car la civilisation a ceci de particulier, c'est que plus elle progresse et plus le rôle primordial de l'homme diminue! Il ne saurait en être autrement, puisqu'une société développée n'a pas normalement à défendre la sécurité de son territoire! Autrement dit, plus nous évoluons et moins la domination masculine  est nécessaire et se justifie!

    Place alors à la domination féminine, car les deux sexes ont la même origine, le même moule! La femme, comme l'homme, veut se développer et donc satisfaire d'abord son égoïsme! La domination animale est aussi présente chez elle, ce qui fait qu'elle n'a jamais cessé d'essayer de supplanter l'homme! Son horizon s'élargit avec la civilisation (l'homme cédant malgré lui la place) et c'est pourquoi on dit que la société se féminise! La femme y apporte toute sa sensibilité et on voit des lois contre le harcèlement ou l'homophobie! Les minorités sont défendues, la faiblesse s'en trouve protégée!

    Mais la domination féminine n'est pas meilleure que la masculine et elle commet les mêmes excès! Elle devient aussi exclusive et montre tout son mépris à l'égard des hommes! Elle se venge, en cherchant à prendre toute son ampleur! C'est inévitable, d'autant que la domination masculine, inquiète de perdre son pouvoir, a des sursauts de violence qui peuvent conduire au meurtre! Mais il faudra un jour qu'on comprenne que c'est la domination elle-même qu'il faut combattre, et non la masculine ou la féminine, car c'est bien elle qui empêche que les deux sexes soient égaux et parfaitement complémentaires!"  

 

                                                                                              XXV

 

    Monsieur Mur a une vie obscure et il habite d'ailleurs un appartement sombre, avec ses chats! Monsieur Mur soupire souvent, son quotidien est lourd, tendu, fait essentiellement de tracas, d'une souffrance secrète, d'une blessure profonde, quasiment irréparable!

    Pourtant, monsieur Mur n'a a priori rien d'extraordinaire, bien au contraire! On ne le remarque même pas dans la rue, il passe inaperçu avec sa taille moyenne, son regard de myope, ses vêtements quelconques, son air soumis! D'ailleurs, monsieur Mur ne semble même pas se soucier de cet anonymat... Il va de son petit pas égal, entre les commerces et chez lui et il prépare sans entrain son manger, ainsi que celui de ses chats!

    Après s'être sustenté, Monsieur Mur toutefois s'anime un peu! Il n'est pas rare de le voir un livre à la main et sa bibliothèque est son seul meuble vraiment imposant! Que lit monsieur Mur? Mais de tout, car il est extrêmement curieux! De temps en temps, il frappe son livre en s'écriant: "Je le savais! J'en étais sûr! Ah! Les fumiers! Les ordures! Les salauds!"

    D'autres fois, il ricane ou il glousse! Puis, il se met à rêver... Que va-t-il dire? Comment il va amener les choses? De grands desseins, des plans compliqués, des démonstrations magistrales et écrasantes, des procès vertigineux, des réquisitoires foudroyants germent, se dressent alors dans l'esprit de monsieur Mur! A cet instant, il est grand, formidable, terrible! il est unique dans l'univers!

    Puis, monsieur Mur fait craquer ses doigts, a des airs de maestro qui s'échauffe et s'installe à son ordinateur, comme devant un orgue! L'écran s'allume, le rideau se lève et le spectacle commence, car monsieur Mur travaille essentiellement sur les réseaux sociaux: c'est sa passion, sa raison d'être! Vite, il tape ses messages, ses commentaires et ce sont des modèles d'insinuations, de sournoiseries, de véritables poisons, destinés à miner les consciences, à provoquer le chaos, à détruire l'ordre!

    Ainsi, les lectures de monsieur Mur lui profitent! Il utilise tous les arguments qu'il a retenus et qui viennent d'auteurs, de gens comme monsieur Mur! Qu'ont-ils tous en commun, y compris monsieur Mur? Eh bien, ils se sentent les victimes d'une pensée générale, ambiante, qui serait dirigiste, oppressante même! Celle-ci leur dirait ce qui est bien ou mal et pour la combattre, ils en prennent automatiquement le contrepied! Notamment, si la science trouve un remède qui pourrait les soigner, ils contestent ses résultats, émettent des théories contraires, quitte à rester malades!

    C'est un travail acharné, de fourmis! Il faut nier et encore nier! se réprimer! paraître le plus sensé, le plus exact, le plus rigoureux! ne pas cesser de laminer, mais avec un ton doux! ou bien s'indigner fougueusement, fustiger, pour ouvrir des abîmes pleins d'horreurs! se faire moraliste, alors que l'on condamne toute leçon! Il faut être élastique, pour rejeter tous les coups! faire fi de ses propres contradictions! ne jamais avoir honte! ne jamais reconnaître sa haine, car on n'est que le témoin du désastre, de l'injustice, de l'infamie! 

     Tout ce qui menace RAM est bon! Tout ce qui vient de RAM est mauvais! Mais pourquoi ignorer la nuance, la compréhension, la profondeur, la compassion? Pourquoi cette idée fixe, ce rejet constant, cette œuvre de chaos et d'égoïsme? Pourquoi ne pas essayer d'être heureux soi-même, d'aimer les choses telles qu'elles sont, d'admirer la vie? Mais parce qu'il s'agit de ne pas se fondre dans l'anonymat!  

    Accepter le monde, pour monsieur Mur, c'est s'y noyer, s'y diluer, y disparaître! Accueillir la différence, ce serait se diminuer! Ainsi, monsieur Mur et ceux qui lui ressemblent sont-ils comme les récifs qui subissent la mer, ce qui est épuisant pour un être humain! et le soir, quand monsieur Mur enlève ses lunettes bleutées, pour se frotter les yeux, il a l'air d'un mort!

 

                                                                                                          XXVI

 

    Œil d'or s'impatientait! Il avait donné rendez-vous à Stan Harris et maintenant il le regrettait! Mais le "morveux" lui avait assuré que ce qu'il avait à lui apprendre ne pouvait se dire au téléphone! Il fallait absolument une rencontre et ils avaient convenus de se retrouver dans un ancien abattoir, qui devait être transformé en habitations!

    Les lieux étaient sinistres, sous le ciel gris, et ils rappelaient quel triste sort avaient subi les animaux ici pendant très longtemps! On frissonnait en constatant l'épaisseur de certaines portes et l'imagination s'assombrissait devant des rigoles! C'était comme si les murs retentissaient encore de l'écho des cris!

    Une minute, Œil d'or déchiffra un quatrain inscrit sur le béton:

 

            "LE LABYRINTHE

Il est fait de mes craintes

Et dans son noir réseau,

Je m'abîme et m'éreinte!

Car en moi crie l'oiseau!"

 

    "Pff! fit Œil d'or. Qu'est-ce qu'on peut voir comme conneries! Y en a qui n'ont vraiment rien à faire!

    _ Vous êtes là? dit la voix de Stan Harris dans son dos.

    _ Ouais! répondit Œil d'or en se retournant, et j'espère que ce que tu as me dire est important! Sinon je te botterai les fesses!

    _ Vous pouvez m'en croire! Ce que j'ai vécu n'est pas banal! C'est même une surprise totale!

    _ Alors vas-y, accouche!

    _ Ben, y a quelques jours, j'étais dans un "Tube"... Normal, j'ai pas le permis! Et... d'habitude, j' domine tout le monde à l'intérieur! jeunes, vieux, mères de famille..., quoique celles-ci ne m'intéressent pas, comme les handicapés! Trop faibles! Ce sont pas des proies intéressantes! Il est évident que je suis plus puissant qu'elles! J'cherche plutôt des hommes mûrs... ou des gars comme moi! Et là, j' les fait plier! C'est moi l' maître! Y en a pas un qui m' résiste!

    _ J' te crois! T'es assez crapule pour ça! Et alors?

    _ J'ai vu un type monter... peut-être la cinquantaine! J' me suis dit:" Toi, mon mignon, tu vas passer à la casserole... et même que je te veux comme esclave sexuel!" Car moi, j'adore la soumission et qu'on me fasse des gâteries sexuelles!

    _ C'est de ton âge..., mais épargne-moi les détails, tu veux! 

    _ J' me suis concentré sur mon siège, l'air de rien, avec mon Narcisse! J'ai envoyé tout ce que j'avais! Une vraie pile électrique! Mon cerveau disait: "C'est moi le plus fort, le maître! Vous êtes tous mes esclaves! Je contrôle tout!" Eh ben, le type a résisté! Il a senti mon pouvoir... J'en suis certain, car il a réagi! J'ai même cru que j'allais l'avoir! J' mettais le paquet, j' vous dis! J' voyais déjà le bonhomme à genoux devant moi! Mais il m'a opposé un mur! J'avais jamais vu ça!

    _ Tu peux préciser...

    _ C'est difficile à décrire! Attendez je ferme les yeux... J' me suis senti tout p'tit d'un seul coup! même insignifiant! J'ai remis la dose! J'allais pas m' laisser faire comme ça! J'ai de nouveau transmis que j'étais le maître... et de nouveau j'ai été repoussé comme si j'étais rien! Incroyable, le gars! Y avait rien à faire! Un moment j'ai cru voir un arbre... blanc, avec des pétales! J' me suis demandé si je rêvais pas... ou si c'était pas une plaisanterie! Mais faut que je vous avoue un truc...

    _ J' t'écoute...

    _ A partir de là, j'étais vraiment mal à l'aise! C'est moi qui avais peur! J'avais les mains moites sur mon Narcisse! J'avais même du mal à respirer! Ce type était d'une puissance! J'ai bien été content de voir mon arrêt arriver! Je me suis levé comme si j'avais cent ans! Les copains ne m'auraient pas reconnu! J'étais tout tremblant en descendant du Tube! Et le type m'a suivi des yeux! Il comprenait parfaitement la situation! Maintenant je me rends compte que je le hais de toutes mes forces! Si je pouvais le détruire, je le ferais sans hésitations!   

    _ Je suppose que tu as les images..."

    Harris tendit son Narcisse et Œil d'or enregistra ce qu'il voulait. "Euh, dites, reprit Harris, j'crois qu' ça mérite une p'tite récompense!

    _ Hum...

    _ Moi et mes potes, on a dégotté un fusil... et on voudrait dégommer quelques chats! Hein? Rien ne vaut une bonne petite psychose dans l' quartier! Tout le monde va avoir peur et s' demander qui est derrière tout ça!

    _ D'accord, mais pas plus d'une dizaine de chats! Après j'interviens!

    _ Chic!"

 

                                                                                                        XXVII

 

    Madame Müller entra dans un magasin bien connu de RAM. "Madame Müller! s'écria monsieur Mertens, le propriétaire du magasin. C'est toujours un plaisir que de recevoir votre visite!

    _ Bonjour, monsieur Mertens. Je viens acheter des chocolats!

    _ Mais parfaitement, madame Müller! Me permettez-vous, cependant, de vous demander des nouvelles de monsieur Müller?

    _ Il va bien, ma foi, mais il est encore très pris par son travail! Avec toutes ses affaires, il n'a pas une minute à lui!

    _ J'imagine!

    _ Pourtant, je lui répète souvent: "René, tu vas y laisser ta peau!" Mais il ne m'écoute pas!

    _ Tss! Tss!

    _ Remarquez, c'est un peu de ma faute! J'ai voulu rénover complètement l'appartement! Mon rêve, c'est qu'il se mette à tourner, de sorte qu'il soit toujours en face des éclaircies! Vous savez combien il est devenu rare d'avoir un peu de chaleur, de nos jours! 

    _ A qui le dites-vous! La météo ne cesse de se dégrader!

    _ Mais alors, faire tourner l'appartement dans l'immeuble présente, selon René, des difficultés insurmontables! Je veux bien le croire, mais quand il s'agit de ses plaisirs, René ne regarde pas non plus à la dépense! Enfin, j'ai dit que ça serait un excellent cadeau pour nos noces de diamant, hi! hi!

    _ Ah! Ah! Excellente idée! On passe au chocolat?"

    Monsieur Mertens montra soudain un étal rempli de produits... "Oh! Mais je croyais... s'étonna madame Müller.

    _ Que la montée des eaux nous avait contraints à la pauvreté? Non, Dieu merci! Certaines régions ont été épargnées et continuent de récolter du cacao, que nous faisons venir ici spécialement par bateau! Alors que désirez-vous? du fruité, du parfumé? du fort, pour monsieur Müller?

    _ Je ne sais pas... Que me conseillez-vous?

    _ Nous avons là un excellent cru! avec une délicate touche de noisette! suave dès l'attaque! long en bouche! avec une note de grillé qui persiste! très agréable l'après-midi!  

    _ Et pour accompagner une liqueur?

    _ On peut se tourner vers un chocolat plus profond! un terroir plus sombre! une amertume légèrement plus prononcée, car il faut faire face à l'alcool, bien entendu! Cependant, celui-ci pourra vous convenir... S'il est plus âpre, il garde en lui la fraîcheur des hauts plateaux où sa graine est cultivée!

    _ Ah! Très bien! Je vais prendre un peu des deux, mais il m'en faudrait un troisième pour ma fille, plus exotique... Vous savez comment sont les jeunes!

    _ Ma propre fille ne trouve rien à se mettre! Elle dit qu'on étouffe ici! Je pense que la nature pousse en elle! Hi! Hi!

    _ Mais votre fille a raison! Quel marasme! La crise est permanente! Evidemment, il y a des gens qui ont des difficultés, mais le vrai, c'est qu'on s'ennuie! On ne peut plus rien dire et il n'y a jamais rien qui se passe! J'ai tendance à croire que nos existences deviennent de plus en plus mornes!

    _ Comme je vous approuve, madame Müller! Nous devons faire face à des situations! Mais j'ai ici un chocolat orangé, avec un arôme de banane et de vanille! Il pétille presque sous le palais, comme un quartier d'orange! Il réveille les sens et donne un coup de fouet! De quoi plaire à la jeunesse! Hi! Hi!   

     _ Vous êtes mon sauveur, monsieur Müller! Une sœur de René, que je ne connaissais pas bien, vient de mourir et bien entendu nous marquons le coup! Ah! Nous ne sommes pas épargnés!

    _ Non, on dirait même que le sort s'acharne sur nous! Vous avez vu tous ces émigrés qui arrivent en bateau et qui n'ont rien! Ils prennent notre ville pour un Eldorado, mais c'est que nous aussi nous avons nos problèmes! Je ne vous cache pas que j'ai dû licencier un de mes vendeurs! Dame, c'était un salaire de trop!

    _ Bien sûr! Mais on ne peut pas de toute façon aider tout le monde tout le temps!

    _ Je vous fais un paquet cadeau pour votre fille?"

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire